Lee se tenait les mains jointes dans son dos, debout face au ciel étoilé, lorsque Carrie le rejoignit sur la terrasse qui surplombait l'immense forêt. Son visage était lisse et fermé. La jeune femme vint se poster à ses côtés. Il tourna la tête vers elle en souriant.

- Depuis quand le sais tu?

- Depuis la naissance de Lalwendë. D'une part sans notre lignée royale elle n'aurait pas pu être une elfe de Lumière, descendante des Hauts Elfes. Je doute d'ailleurs qu'un ange puisse engendrer une descendance, quelle qu'elle soit. Et puis... le sourire que tu as lorsqu'elle est dans tes bras... je le reconnaîtrais entre mille. C'est le même que lorsque tu t'adresses à tes fils. Avant, j'ai eu quelques doutes, mais je me disais que c'était impossible. Que personne de notre monde ne viendrait me chercher ici... et surtout pas toi. Pas après ce qui s'est passé.

- Tu veux dire après que tu te sois enfuie à quelques jours de nos noces, me laissant seul dans l'incompréhension? Pas un mot, pas une explication...

Elle se retourna brusquement pour lui faire face.

- Tu sais très bien pourquoi je suis partie! On venait de dévoiler la trahison de mon père et son horrible complot. Dans le meilleur des cas, j'aurais été bannie, comme ma mère et lui pendant des siècles, voir des millénaires. La meilleure solution était de partir avec le peu de dignité qu'il me restait. La Terre a été mon exil,  cela n'a pas été facile, mais je me suis habituée à vivre ici, j'ai quelques amis, et ma vie est loin d'être désagréable. Plus de guerre, plus de massacre. Plus de responsabilité non plus d'ailleurs.

- Peu importe que la fuite soit agréable ou non, elle n'en reste pas moins une fuite. Tu devras rentrer avec moi bientôt. Je ne peux laisser mes affaires en suspens trop longtemps. Et ton peuple a besoin de te savoir en vie.

Elle plissa les yeux, suspicieuse.

- Je croyais qu'il ne restait plus que quelques braves, que tu avais recueilli après l'attaque de mon royaume?

- Tu ne m'as jamais demandé de préciser ce que j'entendais par "quelques braves". Sans doute cela t'arrangeait-il de croire qu'il y avait peu de survivants.

Il pencha légèrement la tête.

- Tu y as vu un moyen d'alléger le fardeau qu'était ton héritage... le trône du Royaume des Montagnes. La Terre la plus hostile de l'Autre Monde, peuplée par des créatures indomptables et sombres. Personne, pas même ton père, ne pensait que tu parviendrais à mener tes hommes au combat. Et pourtant je n'ai jamais vu de soldats aussi loyaux, mis à part les miens. Ils donneraient leurs vies pour toi. Comme ton frère.

Elle se risqua à lui poser la question qui lui brûlait les lèvres.

- Comment va-t-il?

- Il est en mission. Avec mon premier fils.

- Le Prince Aldaron?

- ça te surprend?

- Un peu... je n'imagine pas tes fils comme des aventuriers en fait.

- Aldaron est majeur maintenant. Cela fait longtemps qu'il ne m'obéit que parce que je suis son roi. Tout comme son frère, même si ce dernier est encore un enfant.

- Tes fils t'admirent beaucoup et te respectent. Je suis certaine que tu exagères.

Il baissa la tête en guise d'assentiment puis fixa de nouveau les étoiles. Elle s'appuya nonchalamment contre un mur.

- Pourquoi t'être fait passer pour un ange?

- Pour t'attirer. D'abord cela m'a pris des centaines d'années pour te retrouver ici. Après je t'ai observé dans ce monde. J'ai manqué d'intervenir mille fois mais je n'avais aucune idée de l'accueil que tu me réservais. J'ai attendu que tu sois prête. Et c'est toi qui est venue me chercher finalement. Je n'ai même pas eu besoin de faire pression sur toi...

- Je ne l'aurais pas accepté!

- Tu n'aurais rien perçu. Je suis bien plus âgé que toi, et plus sage aussi. La plupart du temps les créatures ignorent même que je sonde et manipule leur esprit. Sauf bien sur lorsqu'il s'agit d'un prisonnier.

Carrie se remémora un épisode où elle avait vu Almanndiur - Lee - utiliser ses pouvoirs pour extirper des informations à un walleck (une sorte d'orque cornu vivant dans son royaume). Après avoir subi cette torture mentale, le monstre s'était lui-même tranché la gorge avant de se jeter dans les flammes. Ceux qui survivaient sombraient dans la folie et disparaissaient dans la forêt, où ils survivaient comme des ombres. Elle chassa ses pensées et revint au sujet de la conversation.

- Et toi, depuis quand sais tu que je suis au courant?

La question le fit sourire, ou plutôt la réponse qu'il s’apprêtait à lui donner.

- Et bien, tu ne t'en rends pas compte, mais depuis quelques temps il t'arrive parfois d'incliner la tête en prenant congé. De façon très subtile, tu n'as jamais supporté le protocole, plus par rébellion que par conviction personnelle d'ailleurs.

- Je m'incline devant toi?

Elle se mit à rire franchement, mais au lieu de se vexer il sourit.

- Tu vois? Tu n'as pas changé... Tu peux bien paraître civilisée, t'habiller comme une bourgeoise et fréquenter le gratin de cette planète, tu n'en restes pas moins Calliel la Guerrière, celle qui a décimé une tribu de solums avec une simple dague, celle qui a détruit nombres de tavernes après avoir vidé  leurs amphores, celle qui ferait se damner n'importe quel elfe avec ses formes voluptueuses, indécentes...

Il s'approcha d'elle et posa ses deux mains de chaque côté de sa tête, la dominant de toute sa hauteur.

- Tu es mienne depuis bien longtemps et pourtant tu t'es toujours obstinée à me repousser. Etre Lee a été divinement reposant, je crains fort que tu reprennes tes mauvaises habitudes maintenant que tu as eu confirmation.

- Si j'étais celle de tes souvenirs, j'aurais profité de ta désinvolture pour t'envoyer mon genou là où je pense et tu te prosternerais à mes pieds, que tu sois mon Roi n'aurait rien changé.

Son sourire se fit un peu plus espiègle.

- Mais à quoi bon se battre quand on peut obtenir le même résultat avec un regard, une caresse...

Elle joignit le geste à la parole en glissant sa main le long de son torse et descendant jusqu'à son entrejambe. Il recula d'un grand pas pour ne pas se laisser distraire.

- Tu cherches à faire diversion?

- Possible.

- Dans quel but?

- Gagner du temps. J'ai encore des choses à faire ici. Et tu sais comme moi que lorsque je franchirai les portes entre les Mondes avec toi, il n'y aura pas de retour possible. J'ai encore une mission à accomplir, ensuite nous rentrerons.

- La franchise maintenant ?

Elle lui sourit généreusement.

- Pourquoi pas? N'ai je pas juré devant Dieu fidélité, solidarité, sincérité et bien d'autres choses encore?

- Ce Dieu n'a pas de valeur à mes yeux. Quand tu jureras sur nos Terres, devant nos peuples réunis, alors ce sacrement sera authentique.

- Tu veux dire que jusque là, nous ne sommes pas mariés?

Il souleva son menton du bout des doigts et plongea son regard dans le sien.

- Ne déforme pas mes propos, sorcière! Un serment d'Elfe est indéfectible. Même la mort ne serait pas assez folle pour nous séparer.

Un sourire insolent s'étire sur les lèvres de la belle brune.

- Elle a bien essayé pourtant, mais sans succès.

En évoquant cet épisode dramatique, Lee la prit par la taille et la serra contre lui en lui embrassant d'abord le front, puis les lèvres.

- Je ne te laisserai plus partir Calliel, ni dans cette vie ni dans une autre.

- Laisse moi te voir.

Elle parlait de son apparence elfique bien entendu. Elle savait qu'il serait encore un peu plus grand, que ses yeux seraient plus clairs, et que ses cheveux s'allongeraient jusqu'à sa taille, d'une blancheur égalant celle de la lune. Et ce qu'elle vit lorsqu'il lui fit cette faveur alla bien au-delà de ses souvenirs.

- Tu es magnifique.

- Et en plus tu essayes de me corrompre en flattant mon égo....

- Plutôt mourir!

- Je me disais aussi, c'était trop beau pour être vrai! Il faut rentrer, Lalwendë ne va pas tarder à s'éveiller.

- Moi qui pensais profiter de ce répit pour...

Il haussa un sourcil et reprit son apparence humaine, avant de la pousser à l'intérieur.

- et bien tu devras patienter au moins quelques heures. Pour l'instant, c'est l'heure du dîner!

Lee fut le premier dans la chambre du nourrisson et la prit dans ses grands bras avec mille précautions. La petite le regardait avec de grands yeux bleus verts en poussant de petits gémissements et en faisant quelques mimiques qui les firent fondre.

- crois tu qu'elle va se développer aussi vite qu'Andréas et Eden?

- je ne pense pas. Son intelligence et son habilité seront précoces, mais il lui faudra environ une cinquantaine d'années pour atteindre l'âge de la puberté, ensuite elle sera capable de choisir sa destinée. Mais pour en être certains il faudra consulter Filvert, notre sorcier dès que nous serons de retour. D'habitude les elfes sont conçus sur une durée de presque un an. L'arrivée de Lalwendë après seulement quelques semaines est surprenant, il y a sûrement une raison particulière. Peut être les herbes que tu utilises pour tes tisanes...

- peut être. Viens, je vais la nourrir au salon, les enfants adorent la regarder boire.

- Ils ne sont pas les seuls.

Lee referma la porte de la chambre doucement derrière eux. Il ne vit pas le petit dragon se poser sur le rebord de la fenêtre de sa fille. D'à peine une dizaine de centimètres de haut, la petite créature s'étira puis s'allongea en boule afin de se reposer.

La caméra filme une salle de sport précaire, sombre et humide. Le sol est partiellement recouvert de tapis usés jusqu’à la corde, le reste n’est que béton tout aussi ancien.

Au centre, on peut voir le corps de Carrie, à genoux, pliées en deux, reprenant son souffle. Son rythme cardiaque semble particulièrement élevé, elle respire fort, puis elle fait quelques étirements au sol, lentement, en se concentrant sur sa respiration. La silhouette d’un homme de petite taille s’éloigne tranquillement vers la sortie. C’est dans son apparence elfique que Lee apparait soudainement dans le champ de vision. La jolie brune lève immédiatement les yeux vers lui et le regarde anxieusement, avant de se reprendre et d’incliner légèrement la tête.

- Alors ?

- il va bien. Enfin, il est vivant, c’est déjà ça. Edward a eu beaucoup de chance, une bête affamée comme celle-ci aurait pu le tuer.

- il va s’en sortir alors ?

- bien sur. Cet humain a une grande force de caractère. Tout comme toi. Rien d’étonnant à ce que vous vous soyez trouvés et que vous soyez devenus amis. Je dirais même que c’est le seul qui soit aussi inconscient que toi ! Vous voyez un danger, et au lieu d’écouter tous les signaux d’alerte qui vous invitent à la plus grande prudence, vous bombez le torse et foncez dans la bataille !

- est ce un reproche ?

- bien entendu… nous serons bientôt de retour là-bas, et je sens que tu vas agir à nouveau de façon insensée ! N’as-tu donc rien retenu des leçons du maître ?

- bien sur que si. Cela fait des semaines que j’écoute ses conseils. Je crois avoir fait beaucoup de progrès. Mais j’ignore encore si je serais en mesure de les appliquer le moment venu. Ma colère prendra-t-elle le pas sur la sagesse ? Me laisserai-je aveugler par la haine que m’inspire certains de mes collègues ? Je ne le saurai que lorsque j’aurais remis les pieds là bas. Lorsque mon regard croisera le sien… alors je saurai si tout ceci a été vain ou profitable.  

- j’ai confiance en toi, tu maîtriseras tes émotions pour accomplir ta mission.   Et si tu t’éloignes du chemin, je saurais te ramener à la raison.

Un petit sourire arrogant se dessina sur ses lèvres. Elle rit.

- comme lorsque tu m’as empêché de tuer Arzog ?

- Arzog n’était qu’un messager. Tu avais la fâcheuse tendance de couper toutes les têtes de Wallecks passant à portée de lames avant que je ne t’apprenne l’art de la guerre.

- il me semble t’avoir appris quelques petits trucs moi aussi.

Lee écarta un peu les jambes pour prendre appui en cas d’attaque. Il ne connaissait que trop bien ce regard de défi. Elle se releva lentement et son épée apparut dans ses mains, exactement au même instant que celle de son mari.

- ne t’es tu pas suffisamment entraînée aujourd’hui ?

- combattre avec toi est plus qu’un entrainement. C’est un honneur.

Elle inclina le buste vers lui, en révérence. Alors qu’il s’en amusait, il ne vit pas la jeune femme partir sur sa gauche et le contourner. Il esquiva in extremis le coup porté dans son dos en se penchant de l’autre côté puis attrapa son bras pour la projeter de l’autre côté de la pièce. Carrie atterrit contre le mur, mais se releva, le sourire aux lèvres. S’en suivit un combat à l’épée fait de mouvements gracieux et rapides, dans lequel chacun démontra son habilité. Si les lames effleuraient parfois leur peau, les éraflures se refermaient immédiatement sans laisser la moindre cicatrice.

- tu as gagné en endurance, les coups ne semblent plus avoir d’impact sur toi.

- Le démon était un fardeau de ce point de vue là. Dès que j’étais blessée, je cicatrisais très lentement. Sans lui, je récupère presque instantanément. Il me faut de longs enchainements pour m’essouffler.

- tu étais essoufflée lorsque je suis arrivé.

- je m’entraîne depuis l’aube.

Lee haussa un sourcil. Cela faisait donc presque 5 heures. Même si son corps luisait de sueur, elle conservait un capital d’énergie suffisant pour venir à bout d’une garnison de ses plus féroces ennemis dans l’Autre Monde. Et son rythme cardiaque avait déjà retrouvé une allure des plus normales. Légèrement plus élevée qu’en son absence, nota-t-il avec un petit sourire narquois.

Elle le désigna du bout de sa lame.

- qu’es tu en train de penser encore ?

- je pense que tu passes plus de temps à t’entraîner qu’à t’occuper de ton Roi, Calliel la rebelle…

- arrête de m’appeler ainsi, je ne suis plus une enfant.

Il rangea sa lame et l’attira à lui.

- je ne t’ai jamais considéré comme telle.

Alors qu’il se penchait pour l’embrasser, il sentit la pointe de sa dague contre sa gorge.

- ton audace te perdra un jour… si j’avais voulu, tu serais mort.

Elle sentit la pointe de la sienne contre son foie.

- alors je ne serai pas parti seul.

Cette fois il l’embrassa avec ardeur en l’enlaçant d’un bras, puis s’éloigna de quelques pas. Il savait qu’elle détestait qu’il agisse ainsi. Et effectivement, Carrie n’apprécia pas, mais elle ne dit rien et rangea son arme avant de récupérer son sac de sport. Elle enfila une veste et une écharpe avant de rabattre la capuche par-dessus sa tête. Si le désir était toujours présent dans son regard, la colère s’y trouvait également, ce qui le fit sourire.

Il reprit son apparence humaine avant de quitter le bâtiment désaffecté qui servait de gymnase. Ils marchèrent côte à côte en silence sur le sentier qui les ramenait à leur bungalow. Carrie était déjà repartie dans ses pensées sombres.

- cesse de t’inquiéter pour Edward, Darkside est surement sous surveillance à l’heure actuelle.

- je le connais trop pour savoir que cela ne va pas le dissuader.

- Edward n’est pas sa cible principale, c’est un … dommage collatéral. D’autres suivront jusqu’à ce qu’il dévoile son plan.

- son plan ? Je le connais son plan. Semer le trouble dans les esprits. Nous faire plonger dans la terreur, dans l’effroi. Il ne vit et ne respire que pour cela. Darkside n’a pas d’autre quête, pas d’autre objectif, pas même après avoir obtenu l’opportunité d’être le challenger au titre hardcore. Il n’existe que pour nuire et répandre ses idées apocalyptiques, comme un gourou sectaire.

- j’ai peine à croire que tu aies suivi un tel homme dans ses projets.

- ce n’est pas l’idéologie que j’ai suivi, mais la récompense. Récompense que je n’ai jamais reçu d’ailleurs, Darkside me doit un service. Un serment est un serment.

- je pense que tu peux t’asseoir dessus. Darkside est un homme malfaisant, sans foi ni loi. C’est un fou à lier aussi. Que tu le crois ou non, il est simplement un habile manipulateur, il vous a tous berné, toi la première. Jamais il n’a eu l’intention de s’emparer du sanctuaire, d’en prendre les commandes, et de vous placer chacun sur un titre comme on installe ses pièces sur un échiquier. Il n’en avait même pas les capacités. Comment cela aurait il pu se passer une deuxième fois d’abord ? Le bestiaire version 2 n’était qu’une pale copie du premier. De la poudre aux yeux, voilà ce qu’a été son soit disant règne. Il est peut être capable de monter une petite rébellion, mais ce n’est pas suffisant pour retourner une fédération de lutte. Imagine alors s’il était réellement le Dieu de l’enfer qu’il proclame… ses pairs s’amuseraient de lui… échouer sur une quête aussi misérable, c’est un coup sérieux à l’honneur, il y a de quoi perdre la raison.

- nos égos parlaient à l’unisson, nous regardions dans le même sens. Lui voulait dominer le monde, et moi je ne rêvais que de revanche ! Mais la voie était sans issue ! Je me suis bien vite aperçue que je progresserai plus vite sans lui. Il ne pouvait rien m’apporter, et il le savait depuis le début. Il n’avait aucun pouvoir, aucune influence sur l’avenir. Moi aussi je le savais mais je l’ai tout de même suivi. De toute façon, je n’avais rien de plus intéressant à faire ! Rafael était transparent, silencieux, obsédé par la carrière d’un Charlie Green lisse et sans conviction. Edward était mon seul espoir. Mais lui aussi était convaincu d’être sur le seul chemin de la rédemption.

- qu’est ce qui a provoqué ton départ du clan ?

- tu vas rire, mais c’est la moralité qui m’a ouvert les yeux. Lorsque Darkside a lui-même avoué qu’il ne pouvait pas m’obtenir un shot au titre intercontinental, qu’il fallait que j’aille le chercher moi-même, et lorsqu’il m’a empêché d’obtenir cette opportunité en intervenant alors que Prime le lui avait formellement interdit, j’ai compris qu’il serait toujours un frein pour moi. Darkside ne vit que pour l’unité du bestiaire. C’est une idéologie de groupes, ne faire qu’un seul homme, une seule âme. Mais au final, cela signifie surtout qu’aucune vie extérieure n’est possible dans et en dehors du clan. C’est comme si nous n’avions qu’une bouteille d’oxygène pour 10 personnes, au fur et à mesure, il aurait fallu se séparer les uns des autres jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’un seul : lui. Et le pire dans tout cela, c’est que chacun d’eux aurait été capable de se sacrifier pour lui.

- mais pas toi. Tu n’as jamais été une suiveuse.

Il dit cela en souriant et elle lui rendit son sourire.

- oh tu serais surpris ! Je suis capable de suivre des ordres si cela s’avère nécessaire, mais je ne peux pas obéir à quelqu’un que je ne respecte pas. A partir du moment où on me déçoit, je retire ma confiance et ne la rend jamais. Mais cela n’est pas dans ma nature de me plier à une volonté qui n’est pas la mienne. Je suis trop indépendante pour ça.

- je me suis toujours demandé, si le destin n’avait pas été comme celui que nous avons connu, si j’avais choisi de déclarer la guerre à une contrée voisine, m’aurais tu suivie sans chercher à savoir si la quête était juste ou bien aurais tu étudié la cause et les conséquences ?

Le visage de Carrie se ferma instantanément, comme si le souvenir lui était tellement insupportable qu’elle refusait d’y penser.

- nous ne le saurons jamais. Je suis partie. Tu es devenu roi. Et 1500 ans plus tard tu m’as retrouvé et nous sommes ensemble.  

Le regard bouleversé qu’il lui lança faillit la faire fondre, mais elle résista.

- Autrefois j’ai cherché des réponses à ce genre de questions. Cela m’aurait tué si je n’avais pas trouvé autre chose sur quoi me focaliser. Grâce à Hadès j’ai trouvé un moyen de m’extirper de cette folie, j’ai survécu. Samael a réussi à me faire croire que tout cela n’avait jamais existé. Au fil des centenaires, c’est devenu un vieux souvenir, de plus en plus lointain. Comme un songe qui revient de temps en temps puis disparait de nouveau.

Elle prit un temps avant de poursuivre.

- et pourtant, quand je t’ai revu, c’est comme si nous ne nous étions jamais quitté. Plus rien d’autre que toi n’existais. Je ne savais pas que c’était toi, Almanndiur, mais je sentais que toi seul avait jamais compté, plus qu’aucun autre.

Lee n’avait aucunement envie d’entendre parler des autres hommes qui avaient partagé sa vie durant ces 1500 ans. Il voulait juste entendre qu’il était l’unique détenteur de son cœur. Mais venant de Carrie, plus que d’aucune autre femme, il ne fallait attendre que peu de confidences. Avec le temps, à force de confiance et d’affection, tout ce qu’elle a manqué jusque maintenant, elle se donnerait complétement, sans aucune réserve.

Debout dans le salon, Carrie arpente la moquette de long en large. Elle porte une petite robe courte moulante qui met parfaitement en valeur sa taille fine et athlétique. Tenue très chic contrastée par l'absence de talons hauts ... en réalité, elle est pieds nus et se tord les doigts en regardant la télévision qui diffuse les dernières news de la SOW.  Lee l'observe du coin de l'oeil, amusé, allongé sur le canapé à lire le journal.

Carrie: je le déteste, je le déteste!

Lee: qui?

Carrie: Prime! Et Sylvain aussi!

Lee baisse son journal et fronce les sourcils.

Lee: pour quelle raison cette fois?

Carrie: parce qu'on vient juste de rentrer, et que jusqu'ici je n'avais aucun retard concernant les actualités. Et là en une soirée, ils nous polluent les ondes avec leurs subites interventions! Merde!

Elle évite de justesse le journal qu'il vient de lui lancer en plein visage et le pointe du doigt en signe d'avertissement.

Lee: tu as dit que tu ne jurais plus. Ne te laisse pas influencer par le vieux dragon.

Carrie: dragon? plutôt un grizzly! J'ai pas envie d'écouter le ramassis de bêtises qu'il va sortir... blablabla je suis le meilleur blablabla j'ai le meilleur palmarès blablabla si c'est pas moi de toute façon c'est mon fils blablabla quand je sais plus quoi dire ou bien que mes adversaires ont raison c'est tout ce que  je trouve à dire! Parler avec Prime ne sert à rien. Et l'écouter encore moins. Il était déjà imbuvable en tant que GM, alors en tant que champion Omega je préfère ne pas imaginer ça, et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que cela ne se réalise jamais!

Lee: en quoi est ce que ça te concerne? On vient juste de rentrer! On a des projets, souviens toi, et tu as fait une promesse. J'admets que tu n'as jamais été douée pour les tenir, mais cette fois c'est différent.

Carrie : je sais ce que je t'ai promis et je tiendrai parole. Sur ce point je ne t'ai jamais trahi.

Lee: pas sur celui là non.

Ils se défient du regard un moment, et on imagine qu'ils font référence à un très très vieux souvenir commun. Brusquement, il tend la main et le journal revient dans celle ci, il reprend sa lecture comme si de rien n'était. Carrie retourne à son visionnage.

Carrie: Peu importe ce que tu dis cela me concerne. ça concerne toute la sow! Prime a pris des décisions arbitraires qui auraient pu mener l'avenir de la fédération à sa perte. Je déteste Pétale, mais lui je le hais plus encore. Il n'a pas d'honneur, pas de parole. Tout ce qu'il fait n'est destiné qu'à le mettre personnellement en valeur. Son égoïsme n'a pas de limite, quitte à écraser son propre enfant. Malheureusement celui-ci se laisse piétiner et copie même les vices de son père, c'est pathétique. Donner des conseils à ses adversaires, alors que l'on est incapable de se les appliquer à soi même... Si je me souviens bien, Primeau a eu un des premiers titres ici en trichant... enfin tricher... ce n'est qu'un point de vue. Personnellement j'estime que seul le résultat compte dans un match. Si pour cela il faut employer des moyens controversés, je n'y vois rien à redire. Et si d'autres les emploient à leur tour contre nous, alors nous aurons juste à réajuster le tir. Cette famille a tellement l'habitude de tout posséder, qu'ils se croient dotés d'un rôle de protecteur bienveillant envers leurs sujets. Tu ne trouves pas ? On dirait de braves seigneurs qui écrasent leurs peuples sous les taxes et qui viennent leur distribuer quelques pièces à la sortie du sermon. Effroyable manipulation médiatique.

Lee: est ce que tu ne peux pas simplement imaginer qu'ils tentent d'enseigner quelque chose à Yan? La persévérance, la patience, l'humilité? Ces mêmes choses qui toi même tu as finalement réussi à comprendre et à appliquer?

Carrie: avant de pouvoir enseigner ces idéologies il faut d'abord en être profondément convaincu et l'appliquer à sa vie de façon permanente, et pas seulement quand ça nous arrange. Je n'irais jamais faire la leçon a quelqu'un qui userait d'un coup illégal pour me vaincre, je ne pleurerai pas parce qu'on m'a trahi alors que juste avant j'aurais planté mon glaive dans le dos de mon frère. Je ne vanterai pas les louanges de quelqu'un que j'ai dénigré pas plus tard qu'un mois avant. La sow est remplie de faux culs et d'ingrats, de vantards et d'hypocrites. J'aurais peut être du poursuivre la quête de Darkside jusqu'au bout et nettoyer par la violence les bas fonds. Le sang par le sang. Le sang pour le sang.

Lee: alors tu ne vaudrais pas mieux que lui. Darkside n'est plus lui-même de toute façon. Regarde ce pauvre Brujah qui tente de façon presque fanatique d'attirer son attention. Il voudrait qu'il le regarde, qu'il lui parle, comme une groupie devant le poster de son chanteur favori. Il voudrait être entendu, être redouté de cet ex Dieu de l'enfer. Mais l'ombre a remplacé la lumière. Si Darkside a été un jour un lutteur redoutable et performant, il est aujourd'hui un fou dangereux. Simplement un homme qui a perdu la raison, et quand ce vampire s'en rendra compte, il ne trouvera que frustration, déception. L'enjeu devrait être cette ceinture hardcore. Pour quelle raison préfère-t-il se consacrer à une quête illusoire, à savoir vaincre une menace qui n'en est plus une, alors que de l'autre côté, il pourrait véritablement affirmer sa brutalité, sa dangerosité, en se mesurant à un champion à peu près en forme?

Carrie se raidit légèrement. Aborder Rafael avec son mari est toujours délicat.

Carrie: pourquoi "à peu près"?

Lee: il souffre encore, c'est évident. Tu lui manques. Peut être qu'Eden lui manque aussi. Pas un mot, pas une lettre et pourtant je suis persuadé qu'il y pense jour et nuit. Chaque minute, chaque seconde loin de vous doit être une horrible infamie. Et personne pour le distraire de sa souffrance! Le 24/7 était ce qui aurait pu sauver sa misérable vie sur Terre, mais personne ne vient troubler son silence. Les heures s'écoulent toutes d'une redoutable conformité, monotones et assassines. Mais il n'y a plus rien à assassiner, le bourreau est mort avec votre relation. Tu l'as tué.

Il la regarde avec un léger sourire, comme s'il prenait plaisir à lui rappeler ce souvenir et à tester sa réaction. Carrie tourne la tête vers l'extérieur mais ne répond pas.

Lee: au final, la division hardcore est la plus morbide de toutes. Il n'y a plus que des fantômes, des ex légendes qui ne savent même plus ce qu'est un match extrême! Et la jeunesse qui voudrait prendre le relais n'a que ses yeux pour pleurer. Quel exemple peuvent ils suivre? Un vampire qui se morfond sur une histoire sentimentale qu'il a lui même massacré? Un autre vampire qui préfère satisfaire son égo en tentant de prouver qu'il est plus fort qu'un échappé d'asile? Ou bien ce fou lui même, qui parle aux murs taggés d'un hopital et envoie des colis piégés à ses anciens alliés au lieu de venir les affronter en face?

Carrie lui sourit lentement.

Carrie: Tu oublies Drash, même s'il n'est pas vraiment un obstacle. Il a toujours été un suiveur, seul il est incapable d'avancer. J'en déduis que la division hardcore ne t'intéresse pas plus que moi.

Lee: le hardcore c'est pour les barbares. Laissons les se taper dessus sans classe, sans objectif. Ou plutôt si, faire saigner, torturer. Ces méthodes de tyran sont là pour exalter un public assoiffé de violence et d'exhibition. J'ai le souci de la perfection, de la prise parfaitement réalisée, ajustée au millimètre. Du timing, de la synchronisation. Mais je n'oublie pas que nous ne sommes pas dans l'autre monde. Ici personne ne me connait, personne ne sait de quoi je suis capable.

Le sourire de Carrie s'élargit.

Carrie: la surprise n'en sera que plus grande. Je suis persuadée que nous allons changer le cours de l'histoire dans les semaines à venir. Exit les nouvelles recrues qui se prennent pour des légendes et les lutteurs qui se contentent d'échanger des politesses par blogs interposés. Le challenge ne se trouve pas sur les réseaux sociaux mais dans l'arène, il serait temps que Sarah fasse passer le mot. La sow, c'est la guerre, et la guerre se passe sur le ring!

Il lui sourit en retour.

Lee: la guerre est un bien grand mot. Il ne s'agit que de bagarres, de combats réglementés, au pire quelques irrégularités viendront entachées certains. Pas de quoi trembler, pas de quoi se cacher ou fuir!

Carrie: tu as raison. Ce n'est pas une guerre, pas même une bataille. C'est juste un ring avec des adversaires. Il me tarde de remettre les pieds là bas, j'ai encore quelques comptes à régler, et à présent que tu es avec moi, c'est encore plus intéressant.

Lee bondit du canapé et vient la rejoindre. Il la porte contre lui et elle entoure sa taille de ses jambes. Sa bouche capture ses lèvres dans un baiser enivrant. Il tourne sur lui même puis vient la déposer sur le canapé avant de s'allonger sur elle.  

Lee: avant toute chose, je tiens à vérifier si tu es vraiment apte à lutter.

Carrie se met à rire.

Carrie: encore? N'as tu pas déjà vérifié deux fois aujourd'hui?

Lee: je ne suis pas certain d'avoir tout parcouru.

Sa bouche glissant de son cou à sa poitrine réchauffa son corps immédiatement, elle attrapa sa tête entre ses mains.

Carrie : comment penses tu que je vais pouvoir me concentrer si tu passes ton temps à m'embrasser comme ça?

Lee: rassure toi, sur le terrain je saurai garder mes distances. Mais pas trop, histoire de bien rappeler à certains que désormais tu es à moi, et à moi seul.

Le regard glaçant qu'il lui lança lui rappela son avertissement. Lee n'était pas le genre d'hommes à partager.

Assis de façon très décontractée sur ce qui semble être un trône ancien, Lee apparaît sous ses traits d'elfes, un demi sourire aux lèvres. Il est vêtu de sa tenue royale, et porte une couronne d'argent dans laquelle est incrustée une pierre blanche d'une luminosité intense et rare. Cet accoutrement ainsi que le faible éclairage renforce l'impression de pâleur de son visage ainsi que l'éclat surnaturel de ses yeux bleus clairs. On ne distingue rien d'autre autour de lui pour l'instant.

Lee: hier un frère, aujourd'hui un bâtard. Et demain peut être à nouveau ton frère? Brujah... tu avais habitué ton public à tes contradictions journalières mais tout de même... Tu t'adresses à un homme qui a tout remporté ici comme s'il s'agissait d'une ouvrière dans une fourmilière. Jadis c'était Darkside que tu voyais tantôt comme un adversaire digne de ce nom. Puis il devint subitement indigne. Pourquoi? Parce qu'il était champion. Tu as une curieuse vision de la gloire, Brujah, et je ne peux m'empêcher de penser que Rafael n'est pas loin de la réalité. Tu te contentes de ce qui te parait accessible. Tu fais l'économie du challenge. Lorsque Darkside était le champion ultime tu l'as méprisé. A présent qu'il te parait une proie plus facile tu reviens à la charge. Tout comme tu le fais en ce moment avec le champion Hardcore. Pourtant cette ceinture tu la veux, tu la veux si fort. Mais pas des mains de son champion. Et pas d'une façon litigieuse. Tu veux un vrai sâcre, avec les honneurs, comme un héro. Le 24/7 n'est pas assez prestigieux, il te donne l'impression de "voler" le titre, alors que le gagner dans un match officiel, un match sans disqualification, serait plus glorieux. Tu sembles oublier deux ou trois choses dans ton défi. Tu n'as jamais réussi à vaincre Darkside seul à seul sur un ring. Qu'est ce qui te fait croire qu'une fois champion ce sera plus aisé? Ton ennemi t'ignore et te méprise. Il en sera de même sur le ring. Ce championnat digne du match de l'année dans ton esprit sera pour toi la pire frustration de ta carrière. Darkside n'y prêtera pas plus d'attention que les précédents. Par contre le titre est pour lui une manière de revenir officiellement à un niveau supérieur. S'il réussit à battre Rafael lundi, tu ne toucheras jamais à la ceinture hardcore. Pas plus que Drash d'ailleurs, car il s'en suivra une lutte entre lui et Rafael qui durera des semaines voir des mois. Si par un pur hasard tu finissais par faire le tombé, elle t'échappera à nouveau. Et ce phénomène, c'est toi qui l'a déclenché. Ou plutôt non. C'est une petite fille de 8 ans qui l'a déclenché. Une petite fille qui pousse son père à aller vers le combat, vers la vie.

Tu vois Brujah, ta pire erreur a été d'attaquer un homme sur son honneur de père. Oh pardon, j'emploie là un mot que tu ne connais pas. L'honneur. Pour moi il n'y a rien de plus sacré pour une créature quelle qu'elle soit. Les soldats combattent pour l'honneur, pour des valeurs. Mais ils se battent aussi par amour. L'amour d'un peuple, l'amour d'un Dieu, l'amour d'une femme... l'amour de sa famille, de ses enfants. Les enfants sont notre feu sacré, notre raison de vivre. Ils sont la preuve de notre passage dans l'humanité. Ils sont la preuve de notre existence et l'assurance de la pérénité de notre civilisation. Toutes ces choses qui n'ont plus aucun intérêt pour toi. Pourtant jadis tu as été humain toi aussi. Tu as eu un père et une mère, des grands parents, des ancêtres. Peut être que certains ont été obligés de se battre pour leur liberté, pour leurs terres, pour leur survie. Tout cela s'est arrêté avec ta mort d'humain. D'autres que toi aurait utilisé cette nouvelle vie pour construire quelque chose, pour servir une cause. Mais toi, tu as choisi simplement de lutter à la SOW. Rien d'exceptionnel dans tes objectifs non, juste combattre Darkside et peut être que si la chance est avec toi, de remporter le titre hardcore. Voilà donc l'ultime quête de ta vie. Je parle bien d'une quête oui, parce que jusqu'ici tes projets sont tous tombés dans les oubliettes, comme la mort du bestiaire... J'ai revu cette fameuse rencontre vampirique dans un cimetière par une belle nuit étoilée. Que c'était touchant.... tous ses vampires ainsi réunis en famille, tout le monde était là, souriants, détendus! Tous les plus grands... prédateurs de ce monde, mettant de côté leurs conflits et leurs rancunes pour évoquer le phénomène Bestiaire et creuser sa tombe! Tout ça pour quoi au final? Qui donc avez vous enterré? Personne. Dans vos prédictions, vous avez oublié que les soldats les plus efficaces étaient ceux qui connaissaient le sens du mot honneur, et ceux là n'étaient pas dans votre cimetière. Ceux là n'ont même pas eu besoin d'attendre que vous vous décidiez à attaquer pour agir et se libérer du bestiaire pour en détruire les fondements même. Même accompagnés des créatures les plus titrées et les plus féroces, tu es impuissant à nuire à Darkside, alors seul ! Ce n'est pas avec tes connaissances rudimentaires sur le cinéma que tu parviendras à mettre un terme à sa carrière. Tu devrais d'ailleurs cesser d'y faire référence, ta culture littéraire et cinématographique sont bien trop basiques par rapport à tes adversaires, tu passes pour le bouffon de service et cela ne joue pas en ta faveur. C'est juste un conseil, tu en fais ce que tu en veux !

Passons donc sur ta pathétique et ultime menace de détruire le soit disant Dieu de l'Enfer et parlons un peu de la joyeuse bande des Last Wolves. Les derniers loups, équipe composée de la prometteuse Harper et de son mentor Luther Kay. Voilà qui promet des combats d'une grande qualité et je me réjouis de les affronter à l'avenir. Je ne suis pas fan des matchs hardcore mais j'avoue qu'une bonne bagarre avec des armes est parfois plus divertissante qu'un match classique. Nous sommes à l'aube d'une nouvelle division par équipe aux multiples facettes. Les Lucky Losers ont surpris tout le monde en conservant les ceintures aussi longtemps, peut être se sont-ils surpris eux-mêmes. Mais le pouvoir, l'adulation sont des choses qui peuvent vite faire tourner la tête des hommes, ils ne tarderont pas à faire des erreurs et à perdre ce titre. Mais qui pour les remplacer? Les Loups? Les ... mince comment se nomment ils déjà? Creep show... nom de scène tout aussi improbable que cette équipe imposée par la charmante Sarah Filmore. J'aurais tendance à penser que cette équipe volera en éclat assez rapidement, vu le manque de cohérence d'Elicie et son instabilité, et vu le comportement ingrat de l'ancien champion. Mais il ne faut pas oublier qu'il l'a été sans tricherie et sans artifice. Booya est un adversaire sérieux qui pourrait bien apprendre à cette jeune illuminée les rudiments du métier. J'ai toujours trouvé cette division tag team fascinante et amusante...

Soudain son regard est attiré par quelque chose. Le décor change subitement. Il est toujours assis, mais cette fois sur l'élégant canapé blanc en cuir du salon. Carrie le rejoint soudain avec leur petite Lalwendë dans les bras.

Carrie: je n'arrive pas à comprendre ce qu'elle a, elle souriait il y a dix minutes et là elle est grognon, elle a l'air en colère!

Lee tend les bras et prend le bébé dans ses bras, mais rien n'y fait. Il regarde ensuite sa femme.

Lee: où sont les deux autres?

Carrie est soudain prise d'un doute, leurs regards se tournent en même temps vers la baie vitrée. Carrie court à l'extérieur et ouvre la porte pour sortir. Elle s'élance dans le jardin et découvre Eden et Andréas qui s'amusent à jeter des cailloux sur une chose par terre. Prise d'un mauvais pressentiment elle les rappelle près d'elle. Ils obéissent immédiatement, mais ils ont l'air d'avoir fait une grosse bêtise.

Carrie: rentrez immédiatement dans votre chambre et réfléchissez bien à ce que vous allez dire pour votre défense.

Les enfants rentrent têtes baissées, Lee les suit des yeux puis sort à son tour après avoir emballé sa fille dans une couverture. Ils s'approchent de Carrie lentement alors que celle-ci s'accroupit pour prendre une chose dans ses bras.

Lee: qu'est ce que c'est?

Carrie: sincèrement? L'apocalypse.

Lee: quoi?!

La petite Lalwendë se met à s'agiter dans ses bras et à gazouiller. La chose s'échappe des mains de Carrie et vient se poser sur l'épaule de Lee, déployant ses larges ailes rouge et or. Le Roi est à la fois surpris, émerveillé et ému de voir cette créature magnifique se poser sur lui. Lalwendë tend une petite main vers le petit dragon et celui ci penche sa tête avec beaucoup de tendresse vers elle pour se laisser toucher.

Carrie: il l'a choisi.

Lee: je crois qu'il va falloir expliquer quelques petites choses à tes enfants.

Carrie: comment as-tu expliqué ça aux tiens?

Lee: chez nous cette légende n'en est pas une. Nous avons tous notre dragon en tant qu'héritiers royaux. Mes fils étaient un peu plus âgés qu'elle mais ils ont eux aussi reçu la bénédiction de ces créatures. C'est un excellent présage.

Carrie lui sourit et s'approche. Le dragon fait battre un peu ses ailes mais ne manifeste pas d'agressivité.

Carrie: c'est extraordinaire, magique!

Lee: je croyais que c'était moi qui était magique.

Nouveau sourire, elle se met sur la pointe des pieds pour embrasser sa fille dans ses bras puis les entraîne avec elle à l'intérieur.

Carrie: rentrons, nous avons une longue histoire à leur raconter. Et ils vont devoir se faire pardonner! Les idées de punitions éclatent déjà comme du pop corn dans ma tête!

Lee: ne soit pas trop dure, ils ne savaient pas.

Carrie : j'ai formellement interdit qu'on s'en prenne aux animaux et aux humains !

Lee: précisément. Les dragons n'entrent pas dans cette catégorie. Ils ont peut être pensé qu'il s'agissait d'une attaque d'un ennemi, ou d'un sort. Ecoutons les d'abord, nous aviserons ensuite.

Carrie: ça m'écorche de le dire... mais tu as raison. Tu es un excellent père, Almanndiur.

Lee: tu répéteras ça à mes fils quand nous les retrouverons très prochainement.

Carrie: ohhhh

Lee: la fête des étoiles sacrées ne peut se passer de notre présence, et mon peuple veut voir sa reine. Nous en profiterons pour nous unir officiellement là-bas. Ensuite tu recevras le talisman sacré, et alors tu pourras te déplacer à travers le temps et l'espace comme je le fais moi-même.

Carrie: tu es sur que...

Lee: que tu en es digne? Tu l'as toujours été. Je n'ai aucun doute sur ta loyauté. Ce qui se passe ici sur Terre n'est qu'un jeu, un entraînement. Là-bas tu devras me seconder, comme tu le faisais à l'époque.

Carrie: mais mon père...

Lee: je n'ai aucune envie de parler de ton père maintenant Carrie. Notre fille vient de recevoir le don sacré. Fêtons cette nouvelle et laissons le passé où il est. Viens!

La réplique était sans appel. Carrie le suivit à l'intérieur et referma la porte derrière eux.

Camera on.

Le lieu est morbide, une vieille crypte humide et froide, avec au milieu un vieux cercueil miteux. Carrie s'avance vers lui en tenue de guerrière, épée au fourreau. Elle a posé une main sur le pommeau et l'autre se pose sur le bois pourri.

Carrie: pas très original n'est ce pas Darkside. Une vieille crypte, un vieux cercueil pourri, rongé par les vers... ça me rappelle mes débuts dans le métier. Quand j'affrontais des petits rookies comme moi à l'académie. C'est vieux tout ça... C'est loin. Si loin... l'eau a coulé sous les ponts depuis ce temps, j'ai grimpé les échelons, je suis devenue quelqu'un dans ce monde du divertissement.

Elle prend quelques secondes avant de reprendre.

Carrie: divertissement... Voilà un mot qui t'échappe mon vieil ennemi. Tu es là depuis si longtemps, rongé par ta folie que tu ne sais plus pourquoi tu es arrivé ici, si ce n'est pour tout détruire. Ta vision de la Sow et du Monde est erronée. Ton projet, tes ambitions étaient vouées à l'échec, parce que basés sur des fondations en ruine, des idées d'apocalypse dépassées, revues, étudiées et corrigées par les plus grands salopards de l'histoire de l'humanité.

Nouveau blanc. Cette fois elle se tourne vers la caméra et son regard se fixe dessus.

Carrie: oui, j'ai anéanti ton rêve de gloire. J'ai détruit tout espoir de réussite, le bestiaire est mort assassiné par Carrie, comme la Gran Slam Factory avant lui. Et tu veux sans doute savoir pourquoi?

Elle se penche en avant pour chuchoter.

Carrie: parce que c'était une quête perdue, ET parce que tu ne m'as pas payé. Tu me dois quelque chose Darkside! Un pacte est un pacte, tu as eu mes services mais tu ne m'as rien donné en échange. Même pas une petite opportunité au titre IC, il a fallu que je pactise avec Prime pour obtenir une chance d'y accéder.

Une moue de dégoût s'est dessinée sur ses lèvres.

Carrie: il a fallu que je feinte d'être ce que je ne suis pas, que j'assure de ma loyauté... MA LOYAUTE! A prime ? AHAH! Plutôt crever! Ce titre ne m'a pas fait changer. Personne ne change vraiment.

Son regard est attiré par quelque chose qui rôde autour. Elle sourit soudain.

Carrie: on évolue, on devient meilleur. Ou pire. Tu t'enfonces dans la folie alors que moi je m'épanouis dans la lumière, et cela te fait horreur. Tu brûles de te venger parce que ta vie ne tournait qu'autour du bestiaire et que je l'ai détruite, tu n'as plus RIEN!

Elle contourne le cercueil et sort sa lame de son fourreau, avant de l'introduire dans la fente du cercueil. Puis elle donne un coup de botte dessus et le couvercle part en morceaux. Le squelette poussiéreux est couvert de bois poisseux. Un pieux est planté dans sa poitrine.

Carrie: tu sais ce qui me fait horreur à moi Darkside? Le travail inachevé.

Elle lève sa lame et coupe net la tête du squelette avant de la prendre et de l'envoyer rouler plus loin dans la crypte. Le restant du squelette part en poussière.

Carrie: j'aurais du savoir que détruire le bestiaire ne serait pas suffisant, qu'il fallait couper la tête de son fondateur. Mais je n'imaginais pas à l'époque que sa haine se retournerait contre moi. A présent que tu m'as désigné comme coupable, Darkside, tu t'es toi même mis en danger. Si tes lois humaines sont impuissantes face à toi, ma justice elle est implacable, et j'ai rendu mon verdict. Tu es coupable toi aussi. Ta folie t'a conduit à nous traquer et à nous attaquer séparément, voyons comment tu vas t'en sortir face à nous tous réunis. Tu as cru un instant que les officiels ne me prendraient pas au sérieux, que l'impunité dont tu as bénéficié jusque là se poursuivrait, mais tu t'es trompé. Lundi tu vas devoir faire face à ceux que tu as tenté de briser ou d'effrayer en vain. Tu as perdu d'avance ce match, c'est acté, vendu, paramétré. La seule énigme de ce combat c'est ... comment allons nous nous y prendre pour te faire gueuler comme une truie qu'on égorge?! A quel moment tomberas tu à genoux devant moi et imploreras tu mon pardon? Quand déciderons nous d'arrêter les sévices ?

Elle se penche à nouveau en avant et ramasse la tête du squelette avec la pointe de son épée.

Carrie: ce vampire, ou plutôt ce qu'il en reste, était comme toi quand je l'ai connu. Il était fou, il avait de grands projets. Malheureusement pour lui, si au début de notre relation je l'ai trouvé amusant, intéressant, il a vite cessé de l'être. Alors je l'ai quitté. Je ne sais pas ce qui lui est passé par la tête un jour, il a essayé de me faire payer cette rupture... et aussi le fait que je l'ai balancé du dixième étage, attaché à un siège enflammé par mon nouvel amant. Il n'a guère apprécié, et quelques années après il a tenté de se venger. Bien sur, je n'ai eu aucun mal à le localiser. Et puis j'ai joué quelques heures avec lui, histoire de ne pas perdre complètement mon temps. Lorsque je lui ai planté ce pieux dans le coeur ...

Elle sort le pieux du cercueil.

.... il m'a regardé avec incompréhension. Comme si tout cela n'était qu'un jeu destiné à me ramener à lui. Il n'a pas compris que lorsque j'ai décidé que la fête est finie, elle l'est véritablement, et que je ne pardonne... JAMAIS.

Carrie sort de la crypte, la tête du vampire toujours au bout de son épée, le soleil l'éblouie légèrement, elle plisse les yeux. Le crâne s'enflamme puis part en lambeaux, avant d'atterrir sur le sol en poussière.

Carrie: Darkside, tes ambitions étaient médiocres à la base, aujourd'hui tout ce qui te reste c'est cette utopie de vengeance. Tu ne reculeras devant rien pour cela, mais crois moi, la vengeance est une affaire de femmes, et plus elles sont puissantes, plus leur vengeance est cruelle. Ne commets pas l'erreur de me sous estimer.

Lee la rejoint par derrière et lui décoche un petit sourire nonchalant.

Lee: vous avez une mauvaise manie à la SOW avec vos monologues.

Elle lui rend son sourire.

Carrie: c'est vrai. Une vieille habitude.

Lee désigne l'entrée de la crypte.

Lee: qu'est ce qu'il y avait là dedans.

Elle passe son pied sur le tas de cendres et l'étale.

Carrie: de vieux souvenirs poussiéreux, rien d'intéressant. Et toi, que fais tu là?

Lee s'approche d'elle et penche la tête pour l'embrasser.

Lee: je me languissais de toi.

Carrie accueille son baiser avec gourmandise et se colle contre lui. Quand elle se détache de lui, leurs yeux brillent et leurs joues sont colorées malgré le froid glacial qui règne dehors. Lorsqu'il parle, sa voix est rauque, troublée.

Lee: on devrait rentrer.

Carrie: ou alors on pourrait ...

Elle se jette dans ses bras et enroule ses jambes autour de sa taille. Lee reprend ses lèvres et passe ses mains sous ses fesses avant de venir appuyer le dos de sa femme contre le mur de la crypte en pierre. Tout autour d'eux, le calme règne, le cimetière est désert, et les quelques corbeaux qui traînaient dans les allées s'envolent.

Lee est en train de manier une longue épée elfique en se déplaçant lentement mais surement dans une grande bibliothèque. Les rayons sont gorgés de livres et une musique douce accompagne ses gestes précis et calmes. Alors que Carrie l'a rejoint, il continue ses gestes tout en parlant.

Lee: tu en as mis du temps. Qu'est ce qui te retenait ?

Carrie comprend qu'il n'a pas jugé bon d'ajouter "loin de moi" à la fin de sa question mais que cela va de soi.

Carrie: j'avais prévu de rendre visite à Yan. Sa nonchalance sera sa perte, il prend tout cela bien trop à la légère.

Lee: et toi bien trop au sérieux. Ce n'est que Darkside. Un humain qui se prend pour un Dieu mais qui n'a aucune influence sur le monde qui l'entoure.

Carrie: à la SOW peut être pas, mais il en a suffisamment sur les tarés qui partageaient sa cellule à l'asile. Ensemble ils sont dangereux, je ne veux pas qu'ils s'en prennent à notre famille.

Lee: tu aurais sans doute du penser à cela avant de t'allier à lui, et de le trahir. Ton ennemi ne pense pas comme nous. C'est tout juste s'il pense d'ailleurs. Plus tu t'agites en tout sens auprès de ce qui te tiens à coeur, et plus tu attires son attention sur eux.

Carrie: tu voudrais que je reste là à rien faire, pendant qu'il attaque nos proches, nos enfants?

Lee range brusquement son arme dans son fourreau et vient se planter devant elle, la dominant de plus d'une tête et demi.

Lee: je n'ai jamais dit une chose pareille. Notre famille est en sécurité, j'y ai veillé. Tout comme Edward, Howard et même Yan. Mes hommes agissent dans l'ombre, à l'abri des médias. Je n'ai pas besoin de te rappeler leur efficacité.

Carrie: tu as fait venir du renfort?

Lee: une poignée d'elfes qui se sont fondus dans la foule sans aucune difficulté. Tu ne les as même pas remarqué.

Il sort ensuite de la pièce tandis qu'elle reste bouche bée. Elle finit par le suivre en hâtant le pas.

Lee: tu as bien d'autres choses à faire au lieu de t'inquiéter de ton ex amant et de sa soeur. Ou bien est ce sa proie. Ou encore son amante. Qui sait, avec ces vampires. Ils sont si... vulgaires. Mais ils sont occupés ailleurs. Alors laisse temporairement reposer ta colère envers Darkside et ses nouveaux amis et occupe toi de nos futurs adversaires. J'ai entendu leur petite discussion dans ce pub irlandais. Elena a dit que tu étais une ancienne connaissance, et Luther semble en savoir beaucoup sur toi. Est ce un autre amant?

Il posa la question sans même se retourner, tout en remplissant son verre d'eau, puis lui lance un regard interrogatif. Carrie ne semble pas apprécier l'interrogatoire et fait claquer sa langue dans sa bouche avant de répondre.

Carrie: non.

La réponse n'est pas ce qu'espérait son mari. Autant certaines femmes partent en monologues, en cris et en pleurs, Carrie, elle, se mure dans le silence et foudroie les gens avec son regard sombre. D'ailleurs le temps se gâte à l'extérieur, l'orage se met à gronder.

Lee: non? C'est tout.

Carrie: c'est tout ce qu'il y a à dire sur Luther. Nos routes se sont déjà croisées, il y a longtemps, sur les rings d'une autre fédération. C'est un adversaire qui comme d'autres croient me connaître, tout en reconnaissant qu'il ne peut pas se fier à ce que je dévoile.

Lee: ça a au moins le mérite d'inquiéter la petite Harper. Elle soulève un point intéressant. Pourquoi as-tu subitement besoin de ces ceintures, toi qui a toujours prétendu ne pas en avoir besoin?

Carrie: je n'en ai pas besoin. J'en ai eu quelques unes durant ma carrière. Le plus souvent en équipe d'ailleurs. Je ne les ai jamais apprécié. Mais c'est dans le challenge pour ces titres que la compétition est intéressante. Et puis les récompenses font parties du jeu. Dans notre monde, nous combattons pour défendre nos terres, notre honneur, nos vies. Ici, nous nous battons pour des ceintures, des noms gravés en lettres d'or sur des cadres. Des avantages, des passe droits. Luther et sa partenaire peuvent bien essayer de comprendre ou juger mes paroles. Cela ne changera pas que nous sommes sans aucun doute les adversaires les plus dangereux de cette division.

Lee a un petit sourire narquois.

Lee: oh je suis sur qu'il a un avis différent sur la question. Je ne suis apparemment pas suffisamment expérimenté à son goût.

Carrie: Luther c'est un peu comme Prime. Dans la catégorie grande gueule, il estime lui aussi avoir tout connu et tout remporté. La violence? tombé dedans lorsqu'il était bébé. Le sarcasme? C'est inné chez les Kay! Prime exhibe son compte en banque et ses acquisitions, équipes de hochey, gagdets en tout genre. Luther lui exhibe ses anciens partenaires, ceux qui sont encore en vie du moins, et sa batte. Je ne vois pas de différence entre eux: arrogance, mépris des autres, égos surdimensionnés. Est ce qu'il va nous sortir un "j'm'en calisse en tabarnak" en version irlandaise? Probablement. Tout ce qu'il a trouvé contre nous c'est que tu n'as pas suffisamment d'expérience dans le milieu et que j'aime m'entourer de mystère et d'illusions. J'ai failli en tomber de ma chaise tellement ces révélations m'ont surprises!

Lee: il y a beaucoup de similitude entre eux en effet. Mais Luther a au moins une raison d'être sur de lui. Sur le ring, il connaît son métier.

Carrie: nous aussi. Il a tort de te sous estimer.

Lee: laisse le faire. Il comprendra vite à qui il a à faire. Je n'éprouve pas le besoin de vanter mes mérites, les actes sont plus éloquents que les grandes phrases.

Elle lui sourit.

Carrie: oh, quelle tristesse. Pas de "victoires ou défaites quelle importance? Nous nous battons juste parce que nous aimons saigner et faire saigner, mais absolument pas pour l'argent ou la gloire, etc, etc..;"

Il lui rend son sourire.

Lee: les elfes ne parlent pas comme ça. Encore moins leur Roi.

Carrie: je sais.

Lee: que vas tu lui répondre alors?

Carrie: qu'importe que le vent hurle, la montagne elle jamais ne ploie. Je n'ai pas à justifier ma vie auprès de Luther Kay, encore moins auprès d'Harper. Qu'il balaye devant sa porte avant de critiquer ma vie. Il est loin d'avoir un passé irréprochable. Je suis ce que je suis, et si son cerveau n'a pas réussi à tout enregistrer, tant pis pour lui. Je préfère vivre avec passion que de ne pas vivre du tout.

Lee: les passions sont les vents qui enflent les voiles du navire, elles les submergent quelquefois, mais sans elles il ne pourrait voguer.

Carrie s'approche de lui et lui prend la main. Lee vient poser son front sur le sien.

Carrie: c'est très beau. Et cela résume tout à fait mon passé.

Lee: tu es une femme passionnée, tu l'as toujours été. Tu agis et tu résonnes avec passion.

Carrie: y a-t-il une autre manière?

Lee: la sagesse! Mais j'ai bon espoir, tu as déjà fait beaucoup de progrès.

Carrie: toi tu es un homme sage, moi je suis la flamme qui embrase la forêt par un été aride!

Il se met à rire.

Lee: voilà une image qui colle parfaitement à ta personnalité! Voyons un peu ça.

Il l'embrasse avec une telle avidité en la faisant reculer jusqu'au mur qu'elle en rougit.

Lee: et alors? Qui embrase l'autre maintenant?

Glissant sa main derrière sa nuque il l'attire à nouveau à lui.

Carrie est allongée nonchalemment sur le canapé et lit à haute voix les notes inscrites sur une feuille de papier.

Carrie: Lee, viens voir, Andréas et Eden nous ont préparé une petite fiche sur nos adversaires de Road To Glory!

Lee entre dans le salon, seulement vêtu d'un pantalon ample, pieds nus. Il porte une serviette autour du cou et termine d'essuyer son visage, sortant visiblement de la douche.

Carrie: Zero: peureux, manque de confiance en lui. Il part perdant avant même d'avoir combattu. Il reste courageux néanmoins et il est intelligent. A besoin d'être motivé pour réussir. Wan: absence de pudeur, schizophrénie, délires, mais il n'est pas dangereux, sauf quand il est pris de  délires sur un ring lorsqu'il lutte seul. Il est à l'opposé de son coéquipier niveau motivation.

Lee: ils ont du tomber sur le magazine de la Sow qui traînait sur la table basse tout à l'heure.

Elle lui sourit.

Carrie : attends, c'est pas fini: tous deux étaient des champions indétrônables, mais pas dans le sens habituel: leur spécialité, c'étaient les défaites en solo, avant de se rencontrer, là encore par hazard. Et c'est sur un panel d'une victoire sur un combat qu'ils ont été recrutés. Depuis, ils ont réussi avec beaucoup de chance à s'adapter au monde cruel de la Sow et sont devenus champions TT en l'emportant de façon surprenante lors de Rage in Cage. Un accident qui va leur permettre de réaliser le plus gros coup médiatique de leur carrière. Lors de Christmas Sabbath, ils profitent de la diversion provoquée par Luther Kay pour faire abandonner Elicie en lui appliquant une prise de soumission opportuniste. Mais la motivation était-elle vraiment de conserver les ceintures, ou bien de rendre sa liberté à Mathilde, une machette ? Enfin, à New Year's Redemption, c'est à nouveau par chance qu'ils l'emportent par un Roll up sur Harper.

Elle jette un oeil au verso et voit un dessin représentant elle et Lee levant les ceintures Tag Team en l'air. Elle sourit tendrement.

Carrie: ils terminent en écrivant ceci: "si les lucky sont bien chanceux, ils ne peuvent plus prétendre être des perdants. Leur honneur est en jeu, soit ils perdent, soit ils doivent changer de noms!"

Lee se met à rire et vient s'asseoir à côté d'elle.

Lee: c'est très pertinent. Même si je pense qu'au fond d'eux les Lucky Losers sont les victimes malheureuses de leurs rêves les plus fous, les prisonniers de cette condition de champions. Avant, ils étaient tranquilles, ils avaient des objectifs simples à réaliser. Juste combattre, et qui sait, peut être gagner un combat de temps en temps. Ils ont été les premiers surpris, gagnants contre leur propre volonté. Ils n'ont pas désiré ces titres, ils les ont subi. Le tapage médiatique, les combats de plus en plus techniques contre des adversaires de plus en plus déterminés. Il n'y a jamais de répit pour des champions. 24H/24, 7J/7 il faut être aux aguets, éviter les blessures, s’entraîner sans relâche. Pour supporter tout ça et soulager leurs frêles épaules, ils se sont mis en tête qu'ils étaient les défenseurs des titres. Mais c'est absurde. Tout le monde respecte ces ceintures. La division tag team est celle de la solidarité, du partage. Les équipes sont généralement volontaires et unies dans le même objectif. Etre les nouveaux champions. Gagner et défendre des valeurs communes. Relever de nouveaux défis.

Il semble vraiment ravi de ce nouveau challenge et se lève avant de faire quelques pas et de se retourner vers elle, enthousiaste. Sa détermination la fait rire.

Carrie: tu sembles presque plus excité qu'avant une grande bataille.

Lee: dans une bataille nous avons des vies à perdre. Ici, il ne s'agit que de combats réglementés, parfois violents, parfois sanglants, comme celui que nous avons remporté lundi contre les Last Wolfes. Je gage qu'ils crieront vengeance, et nous accepterons leur défi, car ils sont de valeureux adversaires. Mais d'abord, nous avons un objectif à atteindre. Vaincre les Lucky Losers et devenir les nouveaux champions tag team! Il nous faudra nous méfier de leur opportunisme, mais nous ne sommes pas mauvais dans ce domaine non plus.

Carrie : tu leur fais trop d'honneur. Les Lucky sont avant tout de grands losers, il ne faut pas l'oublier. Ils ont eu beaucoup de chance et ils ont su tirer partie de quelques erreurs de leurs adversaires. Mais pas contre nous. Ils n'ont jamais affronté l'équipe des Elfes et ils vont très vite comprendre ce qu'est un vrai combat, avec de vrais guerriers. J'entends et je vois beaucoup de mes collègues qui se prétendent des caïds du monde de la lutte. Mais il y en a bien peu qui sont à la hauteur de leurs paroles. Ce sont pour la plupart des grandes gueules qui aboient plus qu'ils ne mordent. Les Lucky Losers ne font pas exception à cette règle. D'abord timides et modestes, ils ont très vite été gagné par l'arrogance et le nombrilisme. Le discours est devenu stéréotypé, monocorde. Pour ne pas dire monotone. Il n'y a plus de surprise dans leurs victoires, ils sont en panne d'inspiration. Et la déception n'est pas loin. Comment continuer à être admirés, à faire rire son public si l'on est plus que l'ombre de soi-même, si l'on ne peut plus innover? Les Losers n'ont plus rien à tirer d'une victoire, mais leur défaite leur rendra leur honneur. Ils redeviendront de gentils guignols qui ratent tout ce qu'ils entreprennent et reprendront le chemin de l'autodérision. La crédibilité des Lucky Losers, c'est d'être fidèles à eux-mêmes, à leur vraie nature de perdants. Réussir n'est pas leur destinée. Mais leur défaite ne sera pas le fruit du hasard. Ils perdront parce qu'ils auront affronté notre équipe. J'espère pour eux qu'ils se sont préparés convenablement au combat qui les attend, car nous venons chercher ce qui nous appartient.

Lee: tu as déjà porté plusieurs fois les ceintures tag team. N'es tu pas un peu blasée?

Elle se lève et vient l'enlacer.

Carrie: combattre à tes côtés est un grand honneur. Je serai fière de remporter cette victoire avec toi, et de partager ce trophée.

Lee se penche pour l'embrasser sur les lèvres, lentement, très lentement, si bien que la jeune femme se lève sur la pointe des pieds pour anticiper son baiser. Cela a l'air de l'amuser puisqu'il a un petit sourire taquin.

Lee: cela ne répond pas à ma question.

Carrie: la réponse est non. Je n'aime pas particulièrement les titres. Mais ils font partie du challenge et le TT est celui que je déteste le moins. Comme tu l'as dit, tout lutteur qui obtient un titre devient une cible et se retrouve isolé des autres. Et plus il conserve longtemps le titre, plus il devient son prisonnier. Certains d'entre eux en deviennent fous. Paranos, hystériques, mégalomanes. Il y en a de toute sorte. L'avantage du TT c'est qu'on obtient ce titre à deux. L'unité prévaut à l'égoïsme. Le travail d'équipe rapproche les êtres, dynamise les corps et les esprits, renforce les âmes. J'aime cette division car on s'y ennuie rarement. Aujourd'hui, je suis fière d'en faire partie, et tu peux chercher dans les archives si le coeur t'en dit, mais je n'ai pas toujours dit ça. Nous allons accomplir de grandes choses toi et moi, comme...

Lee comprend qu'elle n'ose pas parler de leur passé. Il relève son menton avec le bout de son index.

Lee: un jour, nous prendrons le temps de parler de ce lointain souvenir. Mais aujourd'hui, nous devons rester concentré sur le présent et l'avenir. Profitons de ces temps de paix et de joie. Amusons nous un peu.

Elle acquiesce d'un signe de tête. Les enfants entrent dans la pièce en courant.

Eden: Lalwendë est réveillée! Lalwendë est réveillée!

Lee prend la petite fille dans ses bras et ébouriffe les cheveux d'Andréas en passant à côté de lui.

Lee: je vais la chercher. Elle n'aime pas rester dans son berceau quand elle est éveillée.

Andréas: je sais. Je sais aussi qu'elle aimerait déjà savoir marcher, et que son dragon s'appellera Seth Coeur d'Or !

Lee: Seth Coeur d'Or? Elle est encore un peu jeune pour choisir son nom, tu ne crois pas?

Andréas: je l'ai lu dans ses pensées. Elle est intelligente ! Sais tu que les enfants elfes grandissent moins vite qu'Eden et moi, mais leur cerveau se développe beaucoup plus vite! Je n'ai pas encore trouvé le moyen de calculer quand elle aura atteint notre âge.

Lee: vous serez, ta soeur et toi, d'excellents professeurs pour Lalwendë.

Il leur sourit sincérement et prit la main qu'Andréas lui tendait pour se diriger jusqu'à la chambre de la petite fille. Carrie les regarda partir en souriant. Lee se retourna vers elle.

Lee: tu ne viens pas?

Carrie: oh! Si bien sur.

Elle passa près de sa veste et glissa le petit morceau de papier dans sa poche intérieure, puis alla les rejoindre autour du bébé. La petite se mit à gazouiller de joie en voyant sa famille autour d'elle et tendit les bras vers son père.

Carrie est installée sur un coussin dans son salon, face à baie vitrée. Dehors, l'orage gronde. Rien d'étonnant à cette période de l'année. Le feu crépite dans la cheminée design, le silence n'est troublé que par la musique. L'expression de son visage est détendue, sereine. Elle sirote lentement une infusion dans un mug tout aussi blanc que les murs du salon et le sol. D'ailleurs, sa tenue aussi est blanche. Elle observe la nature au dehors. Les animaux qui viennent se nourrir dans son jardin. Le mouvement de l'herbe sous l'impulsion du vent et de la pluie. Une silhouette se dessine dans les sous bois, faisant apparaître un sourire sur ses lèvres. Une jeune biche s'approche doucement, timide, fragile. Elle n'ose pas avancer. Puis fait un pas dans sa direction, relève la tête d'un mouvement vif. Carrie ferme les yeux un instant. Ses lèvres bougent mais aucun son n'en sort. La biche semble apaisée et s'avance pour brouter un peu plus près.

La jeune femme s'exprime désormais en chuchotant.

Carrie : la peur est une chose naturelle. C'est notre conscience qui nous envoie un message, nous tient en alerte face à un danger. Mais quel danger ? Devons nous craindre l'inconnu ou bien au contraire ce qui nous est familier ? Les deux peut être ? Ou bien le danger est il justement de ne craindre rien ni personne, de se croire invincible, si puissant que personne ne peut nous atteindre, du moins psychologiquement ? Nous le déclarons tous chaque semaine. « Je suis le champion ! », « je suis le meilleur ! », « je suis la légende ! Plus que ça, la légende de toutes les légendes ! ». « Je suis aimé et respecté de tous ! », ou bien au contraire, « je suis détesté, mais je suis tellement important et riche que ça n'a pas d'importance pour moi ! ». « Je suis le prédateur », « je suis le conquérant ». « Je suis l'Alpha et l'Omega, le Yin et le Yang », « The king of the king », « le roi de la montagne ». « je suis le défenseur des opprimés, le sauveur de l'humanité ». « je suis un solitaire, je n'ai besoin de personne ». « je suis tellement dangereux que je me fais sursauter en voyant mon reflet dans le miroir ».

Elle sourit.

« je suis un connard arrogant, et fier de l'être ! ». «  Je suis votre pire cauchemar ». « Je suis le danger ».

Elle boit une gorgée de son infusion puis machinalement tourne la cuillère dans le mug.

Quel ramassis de conneries. La seule chose qui soit vraie, c'est que tous ces gens, tous ces lutteurs que la foule acclame chaque semaine leur mentent. Chacun maquille, arrange ça à sa sauce. On déguise, on enrobe, on enfume. Et la foule aime ça. Elle en redemande. Elle n'est pas rancunière, la foule. Bientôt tout le monde aura oublié le pire, le meilleur aussi. Alors à quoi bon ? A quoi bon faire semblant d'être un autre, puisque quoiqu'il arrive, tout sera effacé ? Booya est le parfait exemple de l'hypocrisie de l'humanité. Hier tout, demain rien. Elevé au rang de champion suprême, il a déçu tout le monde, trahit les fans et la société. Tiré un trait sur des années de loyauté, d'altruisme. Tout ça pour quoi ? Au final, tout ce qu'on retiendra dans quelques mois, c'est le brave gars qui s'est excusé, a demandé et obtenu le pardon de la bouche de ses victimes. Les fans l'aimeront pour ça. Parce qu'il leur aura donné ce qu'ils voulaient. Il mentira, encore, et encore, et encore. Et ils le croiront! Il plaindra sa pauvre Elicie, la soutiendra, lui trouvera des excuses. Il se servira d'elle pour attendrir le public: "'j'ai aidé une débile, je suis un gentil!"Elicie n'est qu'un faire valoir. Il l'a compris dès qu'il l'a vu. Elle est naïve, incontrôlable certes, mais elle a tellement besoin de quelqu'un comme lui! Quelqu'un qui peut lui apprendre les choses de la vie, ces choses que personne n'a pu lui enseigner sous peine de se faire étriper par le déséquilibré qui lui servait de géniteur. Elle est prête à s'offrir au premier venu, l'ingénu Azrael, le repenti Booya. Peu importe, du moment qu'il s'occupe un peu d'elle. Il sera tout pour elle. Elle sera le signe de la rédemption pour lui. Sa dernière chance. Et pour cela, il pourra bien retrousser ses manches quelques temps si besoin, lui apprendre à parler ou à lutter, mais il ne pourra pas faire d'elle ce qu'elle n'est pas. Et elle ne pourra pas faire de lui ce qu'il ne sera jamais. Ce n'est pas bien compliqué à comprendre. Booya a passé des années à courir après la gloire, et le jour où il l'a tenu entre ses mains, il a craché au visage de ceux qui l'idolatraient. A présent qu'il est devenu le lutteur le plus méprisable de la Sow, celui qui n'apparait même plus dans les PPV tellement son nom est une insulte à la fédération qui a fait de lui un champion, il essaye de se racheter en démontrant à quel point il n'est pas si détestable. Mais tout ce qu'il fait est calculé, orchestré. Le coup de la visite surprise à Sex Bomb, ses excuses bidons. Sa façon de prendre Elicie en équipe. Mais il n'y a pas une once de sincérité là dedans, comme il n'y en avait pas avant qu'il ne montre son vrai visage. Lundi ce n'est pas le gentil booya de l'époque de Booya junior et des farces de couloir que je vais affronter. C'est un homme averti, conscient de sa période de sursis, qui va tenter de marquer le coup pour gagner des points. C'est un connard pas plus humble qu'avant qui viendra essayer de prouver qu'il est capable d'encore quelques coups fumants. Mais je ne suis pas dupe, pas autant que le public qui l'applaudira. Je sais ce qu'il cherche, ce qu'il attend avec ardeur. Une chance, une seule chance de redevenir l'homme de l'année, l'incontournable, l'unique champion suprême. Ces TT ce n'est rien d'autre qu'une période de transition, en attendant de se refaire une réputation. Croit-il que je vais le laisser faire sans rien dire? Sans rien faire? Qu'il créve!

Carrie touille son thé à nouveau avec sa cuillère et boit une gorgée en fermant les yeux. Calme et détendue.

Il n'a aucune chance de réussir. Pas parce qu'il serait moins fort, ou moins expérimenté. Mais il est certainement moins déterminé, et moins accroché à ses ambitions que moi. Ce titre, je ne le veux pas pour moi. Il est pour lui. C'est le trophée que je lui offre, une preuve de ma loyauté, de ma dévotion. La défendre à ses côtés est un honneur et ...

Elle s'interrompt soudain, regardant vers l'intérieur de la maison, cependant aucun bruit et aucun mouvement n'est visible.

Elicie n'est qu'une marionnette, elle est fragile, plus fragile qu'elle n'en a l'air, comme le sont toutes les femmes qui ont manqué d'amour. Elle s'agite, elle s'émerveille, elle découvre et s'extasie devant chaque instant passé à ses côtés. En ignorant tout de la vie, en ignorant tout de son égoïsme. Elle donnera tout, le meilleur comme le pire pour le rendre fier. Mais il ne la verra même pas. Tout ce qu'il verra, c'est sa bouée de sauvetage, la chance de renaître et de reconstruire son image. Elle n'est rien. Et sans elle il n'est rien non plus à cette heure.

Son sourire s'élargit.

Et moi pendant ce temps, je savoure cet instant de paix et de réjouissance. Nous sommes ensemble, champions par équipe, et nous sommes à l'aube d'une grande ..

Lee: d'une grande quoi? Bataille? Quête? Démonstration de force? Ou bien tu le vois comme moi comme une façon d'apprendre à connaître ses adversaires, de simples compétitions qui détermineront les aptitudes de chacun.

Carrie le regarde de façon incrédule et se relève lentement avant de se placer devant lui.

Carrie: tu prends vraiment ça pour une simple compétition.

Lee pose son journal sur la table du salon et se redresse de toute sa hauteur devant elle.

Lee: ça l'est. Un simple combat avec une petite récompense à la clef. Et la fierté d'avoir donné le meilleur de soi. Ton animosité n'est pas justifiée.

Carrie: avec toi, mon animosité n'est jamais justifiée!

Lee: parfois oui, mais là tu fais erreur. Booya a fait une erreur, et il essaye de la réparer. Elicie veut se faire un nom et des amis. Darkside est fou et doit recevoir des soins. Pétale est une charmante collègue que tu devrais écouter un peu plus souvent, et Rafael, lui, tu peux écouter ton instinct et le haïr tant que tu veux.

Elle fronce les sourcils et vient poser sa tasse dans l'évier, avant de tourner les talons vers la porte en silence.

Lee: Carrie, si tu essayes ne serait-ce qu'une seule fois de le revoir en mon absence...

Il ne finit pas sa phrase mais le ton est implacable. Carrie, qui s'est arrêtée pour l'écouter, penche la tête dans sa direction quelques instants plus tard en signe d'acceptation, puis s'éloigne en serrant les dents.

Carrie: comme si j'en avais envie. Allez tous au diable!

Lee: laisse ton père où il est!

Le rire de Lee résonne dans le salon tandis qu'elle sort sous la pluie.

La caméra donne sur Carrie en train de frapper dans un sac. La salle d’entraînement est plongée dans l’obscurité, seule une petite fenêtre au fond de la pièce laisse entrevoir la silhouette de la jeune femme. Les coups sont puissants et parfaitement enchaînés. Elle se déplace rapidement, frappe, esquive. Lee observe sa femme à distance, silencieux. Il s’écoule de longues minutes avant qu’il ne prenne la parole, la sortant de sa concentration.

Lee : je pense que tu t’es suffisamment entraînée pour aujourd’hui. Garde des forces pour ce soir, tu en auras besoin.

Carrie donne un coup de genou dans le sac puis arrête le retour avec ses mains d’un mouvement sec.

Carrie : pas encore. J’ai besoin de me défouler encore un peu, tu permets ?

Le ton est mordant et volontairement provocateur, ce qui fait sourire l’homme dont la silhouette se détache de l’ombre pour se poster devant elle.

Lee : toujours fâchée ?

Carrie se met à rire, mais Lee n’est pas dupe, son rire sonne faux et ses yeux sont perçants comme des couteaux.

Carrie : fâchée ? Non… Je devrais peut être ? Ce n’est pas comme si j’avais une raison de l’être après tout. Comme tu l’as dit, ce n’est qu’un jeu. Le jeu des faux semblants, des mesquineries, des …

Elle n’a pas le temps de finir qu’il soupire et enlève sa veste, qu’il jette négligemment par terre.

Lee : allez, vas y, défoule toi au lieu de balancer tes conneries habituelles. Je sens que je ne vais pas tarder à m’endormir…

Lui non plus n’a pas le temps de finir qu’elle s’est ruée sur lui et tente de le frapper, mais Lee esquive chacune de ses attaques, comme s’il lisait dans ses pensées. Au bout de plusieurs longues minutes elle finit par l’atteindre et lui donner un grand coup de pied au visage, le faisant reculer. Un filet de sang s’écoule de sa narine droite. Il porte sa main vers le liquide et la regarde un instant surpris, puis dans ses mains apparait une lance. Carrie reprend son souffle un instant, puis une lance se matérialise également entre ses mains. La bataille prend une toute autre forme, plus tendue et dangereuse qu’auparavant. Malgré son agilité elle ne parvient pas à éviter un coup de bâton dans les côtes qui lui coupe le souffle. Elle se traîne à quelques mètres pour échapper à d’autres attaques le temps de récupérer, mais elle se relève lorsqu’il décrit un cercle autour d’elle. Elle connaît bien cette tactique, ils ont appris à se battre ensemble durant de longues semaines jadis. Elle prend une profonde inspiration et fait le vide dans son esprit. A son sourire, elle comprend qu’il ne peut plus y accéder, la bataille sera plus équilibrée. Elle attaque à nouveau en se glissant sur le sol, passant entre ses jambes puis fait un demi tour et saute sur ses jambes, le frappant par derrière. Lee se retourne et riposte férocement. Le bruit des deux armes qui s’entrechoquent raisonne dans la salle tandis que les deux adversaires rivalisent d’adresse, d’agilité et de puissance. Puis Carrie parvient à le désarmer et à le faire tomber au sol, plaçant la lame de sa lance sur sa carotide.

Carrie : il suffirait d’un seul mouvement…

Le souffle court, Lee ne quitte pas le regard de sa femme durant quelques secondes. Puis il envoie son pied frapper le poignet de la jeune femme, récupère au vol la lance et la menace avec celle-ci.

Lee : no contest ?

Un petit sourire en coin se dessine sur les lèvres de la brune puis elle recule lentement.

Carrie : la bataille n’est pas finie.

A nouveau elle se jette sur lui, et le combat reprend. Le temps s’écoule sur plusieurs heures avant que les effets de la fatigue et de la faim ne se fassent sentir. Alors qu’ils sont tous les deux au sol, emmêlés dans une prise de soumission, Lee laisse reposer tout son poids sur elle et lui emprisonne les mains dans les siennes.

Lee : ça suffit maintenant.

Carrie : jamais !

Lee : je crois pouvoir te faire changer d’avis.

Il se penche pour l’embrasser, mais s’arrête à quelques centimètres de ses lèvres, plongeant ses yeux dans les siens.

Lee : tôt ou tard il faudra bien que tu te soumettes. Je ne pourrais pas te laisser contester mon autorité devant mes serviteurs ni même devant mes propres enfants. Tu sais comme moi que c’est la porte ouverte à l’insurrection.

Carrie : je saurai me tenir quand cela sera nécessaire. Le reste du temps, tu sais à quoi t’attendre. Tu l’as toujours su. Tu ne feras pas de moi une deuxième Isabel.

Un éclair de tristesse passe dans ses yeux à cet instant. Lee la relâche et se relève d’un bond avant de s’éloigner.

Carrie sentant qu’elle a commis une grave erreur se relève aussi et le suit.

Carrie : Almanndiur attend ! Je t’en prie, ce n’est pas ce que je voulais dire…

Lee : je sais parfaitement ce que tu voulais dire.

Carrie : pourquoi refuses tu d’en parler ? J’essaie depuis longtemps d’évoquer le sujet mais tu évites à chaque fois cette conversation !

Lee lui tourne toujours le dos lorsqu’il baisse la tête.

Lee : quand ce moment sera venu, des révélations te seront faites. Sur ton passé, ton avenir… notre avenir. Tu devras alors faire un choix extrêmement difficile, et tu n’es pas encore prête.

Carrie : je suis prête !

Il se retourna et plongea ses yeux dans les siens.

Lee : crois-moi. Tu ne l’es pas, et lorsque tu seras face à la vérité, tu préféreras ne jamais l’avoir été. Continue à profiter de cet instant de paix qui nous est offert, savoure les moments de gloire comme les moments de peine. Bientôt, ils seront plus rares encore. Rejoins moi en haut tout à l’heure, nous allons avoir de la visite.

Son visage grave s'adoucit lentement d’un sourire.

Lee : Howard arrive avec une montagne de cadeaux pour les enfants.

Carrie lui rend son sourire et le regarde s’éloigner. Elle met un moment à remettre de l’ordre dans la salle puis se douche rapidement avant de rejoindre tout le monde en haut.

Lee est occupé dans la cuisine alors que Carrie fait les cent pas dans le salon. Il ne porte plus de trace de l’agression dont il a été victime, et surtout, son calme tranche franchement avec l’excitation qui anime sa femme.

Lee : tu veux bien arrêter de bouger une minute s’il te plait, tu me donnes le tournis.

Carrie : je n’arrive pas à comprendre comment tu peux rester aussi calme ! Rafael a dépassé les bornes, déjà en t’agressant comme un lâche dans un couloir et ensuite en m’embrassant ! Putain mais il se croit où ? C’est quoi la prochaine étape ? Il va te torturer et mettre ton cœur dans un frigo ?

Lee a un petit sourire ironique, ce qui n’est pas le cas de sa femme qui fronce les sourcils encore plus.

Lee : j’aimerais bien voir ça… Il a dépassé les bornes depuis si longtemps. Dans l’Autre Monde je l’aurais volontiers mis au cachot pour le reste de sa misérable vie. Mais ici on ne fait pas régner nos lois. Ici il bénéficie d’une présomption d’innocence et continue à agir en toute impunité. Tout comme Darkside, Pétale et toutes les autres créatures qui violent les lois et crachent sur le système judiciaire humain. Et je ne leur donne pas tort. Le seul sort qu’ils réclament à cor et à cri c’est la mort pour achever leurs existences et leurs tourments. Mais personne n’a le courage de la leur donner. Alors ils errent comme des bêtes sauvages dans ce monde qui ne veut pas d’eux, mais qui ne les condamnent pas pour autant. Ils sont comme les esprits des défunts, prisonniers entre deux mondes dont aucun ne leur est accessible.

Carrie le pointe d’un doigt accusateur : ne fais pas d’eux des martyres ! Ils ont accepté leur condition de vampire et s’en accommode ! Quand cela les arrange, ils en tirent les bénéfices et se pavanent avec arrogance ! Quand Rafael a condamné Hadès il l’a fait pour satisfaire son égo démesuré et sa soif de vengeance. Il pensait que cela me ferait plaisir ! Tu t’imagines à quel point il faut être fou pour penser que tuer le père de mon fils me rendrait heureuse ? Que je serai fière de lui, que cela m’inciterait à revenir avec lui ?! Et que t’agresser toi ne changera pas la donne non plus ? ça ne fait que raviver ma colère et l’amplifier ! Chaque fois qu’il commet ces choses je n’ai qu’une envie : lui trancher la tête et le regarder se vider de ce sang qui ne lui appartient pas ! Le seul jugement pour ses crimes et la mort et il le sait, il veut que je le tue ! Mais je ne lui ferai pas ce plaisir, je lutte chaque jour contre cette rage pour lui ôter ce plaisir. Je ne tuerai pas le père de ma fille, parce que si je fais cela je ne vaudrai pas mieux que lui !

Lee : loin de moi l’idée de les plaindre, les vampires sont les créatures les plus instables et les plus sournoises qui furent créées, et c’est pour cela qu’elles sont bannies à jamais de l’Autre Monde. Toute personne qui aiderait un vampire à y pénétrer ou s’y associerait serait immédiatement jugé pour haute trahison. Pour faire un lien avec la vie humaine, ils sont traités chez nous comme des terroristes ici.

Jusque-là je le trouvais simplement pitoyable dans son impudeur, à présent je le trouve pathétique, à tourner comme un lion en cage, n’ouvrant la bouche que pour pleurer sur une histoire d’amour qu’il a lui-même saccagé. Alors oui il fut un temps où il aurait pu être un adversaire redoutable, mais aujourd’hui il n’est plus que l’ombre de lui-même. Un vampire qui se cache pour attaquer un rival, comme s’il savait que sans effet de surprise son geste serait suicidaire. Qu’il me lance un défi s’il veut m’affronter, mais je doute que ce soit le cas. Il n’y a plus que dans la lutte hardcore qu’il puisse tenter la supercherie de faire croire aux fans qu’il vaut encore le billet qu’ils achètent pour le voir. Ses derniers adversaires n’avaient déjà plus de respect pour lui, même Black Lotus préférait s’abstenir de répondre à ses messages. Ignoré par tout le roster. Qui parle encore de Rafael dans ses promos, si ce n’est toi, moi et Pétale ? Personne. Nous parce qu’il nous attaque, Pétale parce qu’elle se croit liée d’un amour fraternel avec une créature qui lui ressemble un peu.

Carrie : fort bien ! Quand il aura enfin compris que je ne veux plus ni le voir ni lui parler, que tout espoir ou tout illusion d’une nouvelle idylle entre nous est inenvisageable, voire obscène, peut-être qu’il ira s’intéresser de plus près à sa famille à elle. Peut-être qu’il décidera que Bomb est un obstacle à leur fraternité, pas assez digne du vampire qu’elle est, et qu’il mettra son cœur dans une boite à biscuit. Elle comprendra alors ce que j’ai ressenti. Mais je ne lui en demande pas tant, je veux juste qu’elle s’occupe de son cul et de ses affaires de cul. Y a déjà grandement à faire dans ce domaine. Si madame pense me connaître elle se fout le doigt dans l’œil, ou où elle veut je m’en contrefous. Comme on voit les autres on est soi-même. Je ne m’occupe pas de ses délires de gamine capricieuse avec Bomby, qu’elle ne vienne pas juger mon comportement auprès de Rafael, ni même notre histoire !

Lee : je dois reconnaître qu’elle y a été un petit peu fort. Cela dit Pétale n’a pas tort sur un point : ta réputation te précède, tout le monde peut penser que tu te lasseras de moi, ou bien que l’histoire d’Hadès va se répéter.

Devant le regard haineux de sa femme, il s’approchae d’elle et place sa tête entre ses mains et l’oblige à le regarder dans les yeux.

Lee : Caroline, je ne suis pas Hadès. Et Rafael n’est pas intouchable. Ces actes ne montrent qu’une seule chose : il t’a perdu, et il le sait. Et si Pétale s’en prend à toi de cette façon, c’est parce que malgré tout ce qu’elle peut lui dire il refuse de voir les choses en face et se laisse dépérir.

Elle tente de s’extraire car le souvenir du supplice d’Hadès lui est insupportable, mais il la contraint à rester par la force.

Lee : Réfléchis ! Toi, tu as continué à vivre, tu as refait ta vie avec moi, avec nos enfants. Tu continues à travailler ici sans plus te soucier de lui, tu as retrouvé ta liberté ! Alors que lui, que lui reste-t-il ? La solitude ! Ton absence ! Il te voit chaque jour à mes côtés, tu es magnifique, intelligente, forte et courageuse, et bien que beaucoup pense le contraire, loyale envers ceux que tu aimes. Loyale envers moi, depuis le jour où tu es entrée dans ma vie. Autrefois les devoirs et les événements nous ont séparé mais aujourd’hui, nous sommes heureux ensemble, plus que nous ne l’avons jamais été ! Il sait très bien qu’il ne pourra jamais t’apporter ce bonheur, et tout ce qu’il pourra faire ou dire est condamné d’avance, parce que tu ne lui pardonneras jamais ce qu’il a fait à Hadès. C’est ancré dans ton cœur pour toujours, et la souffrance ressurgit à chaque fois que tu croises le regard de ton fils, Andréas. Jamais tu n’oublieras qu’il lui a volé son père. Jamais tu ne pardonneras son égoïsme et sa cruauté. Alors cesse de t’inquiéter, tu ne ressentiras jamais plus le moindre sentiment de dépendance envers lui. Parce que c’est cela que tu crains le plus. Tu n’as peur ni de moi ni de quiconque, la seule personne qui t’effraie vraiment, c’est toi-même.

A ces mots, Carrie le regarde, incrédule.

Carrie : comment tu sais que…

Lee : je sais que tu n’as pas peur pour moi. Tu sais que je suis capable de tuer cette bête d’un seul coup de lame, et à dire vrai ce n’est pas l’envie qui m’e manque. Mais si je faisais cela, je ne pourrais plus jamais regarder Eden dans les yeux. J’ai une conscience, contrairement à lui. Tu as peur de toi-même, tu as peur que cette haine soit en réalité une façon de réprimer un désir qui vous a réuni autrefois. Mais plus le temps passe et plus tu t’aperçois que ce qui se cache derrière cette haine ce n’est pas la passion, mais la pitié. Il y a eu un temps où tu as cherché à lui trouver des excuses, ou tu as essayé de l’aider, même encore récemment, mais à chaque fois il t’a montré son vrai visage, et tu as refusé de le voir ainsi. Tu as rejeté la vérité. Tu aimais ce qu’il était jadis, mais tu hais ce qu’il est devenu. Regarde-moi Carrie….

Il relève sa tête pour plonger son regard dans le sien :

Lee : crois-tu l’aimer encore ? Crois-tu qu’il mérite encore que tu l’aimes ?

Carrie pose ses mains sur les siennes.

Carrie : si je l’aime ? Tu mériterais que je te tue pour me poser une telle question ! Va au diable toi et tous ceux qui ne comprennent pas à quel point je déteste cet homme !

Elle le repousse violemment et s’éloigne de lui.

Carrie : vous devriez comprendre que si j’avais eu encore le moindre sentiment pour lui j’aurais tout fait pour sauver notre couple. Mais ce qu’il a fait, je ne lui pardonnerai jamais ! Je ne peux pas ! Si je l’ai aimé un jour c’était il y a bien longtemps maintenant, et j’ai bien de la peine à m’en souvenir, la simple pensée qu’il ait pu poser ses mains sur moi m’horrifie, et toi tu penses que je pourrais encore l’aimer ?!

Elle se retourne et le regarde droit dans les yeux.

Carrie : lorsque je l’ai quitté je me suis jurée que plus jamais aucun homme n’entrerait dans ma vie, jamais plus personne ne s’approcherait de moi ni de mes enfants. J’étais loin de penser que tu reviendrais vers moi, remettant tout en question.

Le ton n’est guère amical mais soudain ses yeux se troublent et sa voix s’adoucit.

Carrie : si vous saviez à quel point vous vous trompez sur moi. L’amour que je te porte depuis notre premier regard est pur. Pas basé sur une simple attirance physique ou une amitié durable. Il y a quelque chose d’inaltérable, des ondes qui nous enveloppent et nous poussent l’un vers l’autre. Une vibration qui fait battre nos cœurs à l’unisson. Cette magie qui fait que deux êtres que tout oppose se rejoignent et ne forment plus qu’une seule âme. Je donnerai ma vie pour toi. Mes yeux et ma bouche savent mentir mais mon cœur lui ne peut pas, pas plus que mon âme. Lis en moi, et tu verras si je te mens.

Lee est profondément surpris par sa requête, Carrie n’aurait jamais autorisé son mari à lire en elle, sachant qu’il n’y a aucune limite à cette intrusion. Mais même s’il se refusa à lui avouer que c’était chose faite depuis longtemps et qu’il n’avait aucun doute sur sa fidélité, il s’avança vers elle et l’enlaça.

Lee : je ne mets pas en doute ta loyauté. Pardonne-moi, si je t’ai offensé, oublions tout ceci et viens avec moi, j’aimerais te montrer quelque chose.

Il l’entraîna avec lui à l’extérieur.

La colline est dégagée, un petit brouillard se forme lentement, comme si la nature cherchait à envelopper les hommes qui s’agitent dans un silence de recueillement. Des soldats en armure ramassent les corps ensanglantés et les chargent dans des chariots avec délicatesse. Ils ne les entassent pas, ils les déposent deux par deux, l’un à côté de l’autre, et aussitôt le convoi s’éloigne pour regagner le palais. A leur arrivée aux portes du Royaume, le convoi est méticuleusement inspecté, les corps contrôlés, afin de ne laisser passer aucun terroriste. La tâche est presque inutile, tous les soldats sans exception sont solidaires, et les noms des traitres ont été publiquement dévoilés à la population. Leurs familles ont préféré s’exiler et ont quitté le palais, à présent livrées à un destin incertain. La menace est réelle à l’extérieur, notamment dans les territoires qui ne sont pas régis par la communauté des Elfes. Des créatures féroces, sanguinaires, survivent en s’attaquant aux malheureux qui osent voyager sans escorte du Roi. Ces familles n’ont aucune chance de s’en sortir, mais le déshonneur est plus lourd à porter que la peur de la mort.

Le Roi observe avec émotion le ballet des transporteurs. Il a revêtu lui aussi son armure de combat et partage la peine de son peuple. Ce n’est que lorsque tous les corps ont été rapatriés au sein du Royaume qu’il regagne son palais et se rend sur un grand balcon, duquel il s’adresse à ses gens. Il n’a pas besoin de feindre sa tristesse, elle est visible de tous.

« Peuple de Verte Vallée,

Ce jour est marqué par la mort, cruelle et tragique de nos frères, assassinés lâchement par un groupe de traitres, corrompu par un humain, lui-même corrompu par le vice, par la barbarie. Il porte le visage du Mal, le visage de la mort. Ses chiens, comme ils les appellent, ont été vos frères, vos voisins. Ils ont trahi votre confiance, ils ont trahi leur peuple. Aucun pardon ne peut leur être accordé, aucune rédemption, ni pour eux, ni pour leur famille exilée. Quant à leur chef, ce n’est qu’une question de temps pour que nous l’attrapions. Contrairement à ce qu’il pense, une troupe de cent hommes est loin de passer inaperçue, et il n’y a pas une parcelle, pas une seule cachette qui nous soient inconnues. Les guerriers que j’ai lancé à ses trousses sont les plus redoutables du Royaume. Ils ont fait et défaits les guerres ancestrales de l’Autre Monde. Ils ont participé à l’élévation de notre peuple. Grâce à eux, nous avons survécu des millénaires, alors que d’autres civilisations se sont éteintes. Croyez en eux. Priez pour eux. Ils sont nos serviteurs et nos sauveurs, ils se battront jusqu’à la mort avec honneur, pour notre liberté, pour la paix. »

Après le discours du Roi, chacun d’entre eux rejoignit sa maison, ou se rendit auprès du corps de son défunt. Le Roi regagna la salle d’arme et on lui ôta son armure. C’est ce moment que choisit Carrie pour entrer dans la pièce. Sans dire un mot, elle chassa d’un geste de la main le serviteur qui aidait le Roi et prit le relais. Elle passa sa main très tendrement sur sa joue, puis retira le reste de l’armure avant de la ranger à sa place.

Carrie : j’ai localisé le premier traitre. J’attends ton verdict.

Almanndiur (Lee) : il n’y en a qu’un seul. Pour tous, sans exception.

Elle pencha le buste et prit congé d’un pas rapide. Un autre elfe pénétra dans la pièce. Sa ressemblance avec le Roi était frappante. Son premier fils, Aldaron, d’un âge adulte, s’avança vers lui.

Aldaron : Nous avons suivi leurs traces sur quelques kilomètres mais ensuite plus rien. Il nous faudrait l’intervention de Calliel, elle saura interroger les élèments et nous guider.

Almandiur : Calliel a déjà une mission. Dès que celle-ci sera achevée, elle viendra vous rejoindre.

Sur un ton beaucoup plus enjoué, il poursuivit :

Aldaron : où sont ses enfants, et ma petite sœur ?

Le Roi lui sourit : avec ton frère dans la nurserie. Viens je t’accompagne.

Les deux hommes s’éloignèrent.

Quelque part sur Terre, dans un lieu tenu secret et bien gardé, une très belle femme prénommée Ambre est assise derrière un bureau très ancien. Elle étudie des manuscrits et les retranscrit méticuleusement. Elle est seule dans une vaste pièce, à peine éclairée par des néons hors d’âge. Autour d’elle, d’immenses bibliothèques et quelques bureaux semblables au sien, sur lequel sont disposés des ordinateurs récents. Elle referme doucement le précieux livre et se dirige vers l’endroit où celui-ci était rangé pour le reposer. Cet endroit est sombre, la température fraiche, idéale pour la conservation des documents anciens la fait frissonner. Elle resserre autour d’elle son chandail et glisse le livre avec précaution. C’est alors que son regard est attiré par un mouvement non loin de là. Immédiatement sur ses gardes, elle glisse lentement sa main vers sa ceinture pour attraper sa dague, mais il est trop tard déjà. Elle sent une lame se poser contre sa gorge. La voix de son agresseur la dissuade de déclencher l’alerte.

Carrie : ne crois pas que je ne m’en suis pas déjà occupée. Tu es seule, à ma merci, pendant au moins deux bonnes heures. Mais ne t’en fais pas, nous allons bien nous amuser toutes les deux. Ton amant est passé maître dans l’art de la torture sur Terre, mais je ne suis pas en retard sur ce point dans notre Monde. Ce monde que tu as trahi et qui va obtenir vengeance. Tu seras la première à en payer le prix !

D’un geste sec elle lui tranche la gorge et la pousse au sol, en l’observant avec mépris ramper au sol. La plaie se referme lentement mais surement.

Carrie : ce qui est drôle, c’est que tes plaies vont se refermer, pour l’instant. Je vais pouvoir jouer avec toi un petit moment, avant de mettre fin à ta misérable existence.

Ambre : tu ne peux pas me tuer ! Seul le Roi en a le pouvoir ! Jamais Almanndiur n’autoriserait qu’on tue l’un de ses ambassadeurs !

Carrie se met à rire.

Carrie : tu n’es plus rien. Tu connaissais déjà la loi qui interdisait de transmettre des informations sur notre Royaume à tout être qui en était banni. Malgré cela, tu as révélé notre histoire, le fondement de notre civilisation à un ennemi. Tu l’as renseigné sur la façon d’y entrer et sur nos faiblesses. Par ta faute, des centaines de nos frères ont été massacrés ! Simplement parce qu’Ambre, l’ambassadrice de l’Autre Monde, a eu pitié d’un monstre au visage humain. Tu as trahi ton peuple !

Ambre : je n’ai trahi personne ! J’ai tenté de calmer son tourment en lui apportant les réponses que tu ne lui as jamais donné. Tu aurais pu sauver cet homme mille fois mais tu as préféré préserver ton secret en le tenant éloigné.

Carrie : à voir le résultat actuel j’ai agi pour le bien de tous. C’est toi et toi seule qu’il faut blâmer. Si nous préservons notre monde de ces bêtes c’est justement pour éviter que de tels massacres ne se produisent. La seule chose qui me rassure c’est qu’il ne tardera pas à tomber lui aussi. Mais il ne mourra pas de mes mains, ni de celle de Notre Roi. Je le réserve pour mon fils, pour qu’il l’offre en offrande à la mémoire de son père, et par cet acte il sera reconnu comme un fils d’Almanndiur. Eden assistera à la scène, car même s’il est son géniteur, il n’est pas ce qu’on peut nommer un père. Elle aura le choix de prendre part à sa mort ou simplement d’y assister, et par cet acte, elle aussi sera reconnue fille d’Almanndiur. Alors Rafael ne sera plus qu’un cadavre que personne ne pleurera. Elle l’oubliera à jamais.

Ambre : tu ne peux pas contrôler l’amour d’une fille pour son père !

Carrie a un sourire mauvais.

Carrie : tu aimerais t’en convaincre n’est ce pas ? La vérité c’est que ce sera plus facile que de lui faire croire au Pére Noel. Qui aurait envie d’être la fille d’un monstre ? Crois tu qu’il ne vaut pas mieux qu’elle croit qu’il n’ait jamais existé ? Tout sera effacé.

Ambre : si tu effaces la mémoire d’Eden tu  devras effacer celle de son jumeau, et ainsi Hadès aussi disparaitra !

Carrie : c’est malheureusement le prix à payer, et Hadès est prêt à l’assumer. Il a aimé ces enfants plus que lui-même, et dans l’au-delà il espère les voir grandir et vivre en paix.

Ambre : il est trop tard pour la paix ! La guerre vient juste de commencer ! Le premier chapitre aura lieu sur Terre simultanément à la bataille que Rafael mène sur tes terres ! Il vous tuera tous !

En un seul mouvement fluide et précis Carrie projeta une longue lance d’argent dans la poitrine de l’autre femme, qui fut elle-même projetée contre un mur. Ses pieds ne touchaient pas terre, et plus elle se débattait, plus elle souffrait le martyre.

Carrie : tu es tellement naïve. Je suis persuadée que dans ton for intérieur tu crois qu’il t’aime et qu’il reviendra vers toi ?

Elle sourit à sa victime, qui commençait à perdre beaucoup de sang. Cette fois la plaie ne se referma pas.

Carrie : la vérité c’est que tu lui as donné les informations qu’il voulait pour nous atteindre, et que maintenant tu ne lui es plus d’aucune utilité. As-tu vu sa charmante marquise ces derniers temps ? Bien sur que non. Elle aussi ne lui sert plus à rien. Tu n’as été qu’un pion et tu le sais. Maintenant il ne te reste qu’à mourir lentement, dans d’horribles souffrances. Pendant ce temps, tu méditeras sur la mort de tes frères, ceux que tu as trahi. Regarde moi dans les yeux pendant que ta vie te quitte.

A cet instant, Carrie posa sa main sur la poignée de sa lance et son regard s’obscurcit.

Carrie : n’essaie pas de te débattre, tout ce que tu sais je le saurais aussi. Ton âme est mienne désormais.

La belle elfe se débattit une dernière fois en hurlant atrocement, tandis que le visage de Carrie s’assombrit jusqu’à en devenir presque noir.

Ambre : tu ne…. Peux pas me tuer… tu n’es pas…….. assez puissante…

Une onde puissante fit trembler les murs et tomber les livres des étagères. La peau du visage de l’ambassadrice se détacha en petits lambeaux. Ses muscles se contractèrent dans des soubresauts ridicules.

Carrie : REGARDE MOI !

Soudain ses yeux furent baignés de noir et Ambre vit son propre reflet. Elle se mit à hurler lorsque la deuxième onde pulvérisa son corps et l’ensemble de la pièce.

Restée au centre, Carrie resta un moment tête baissée. Puis elle ramassa sa lance et sortit avant que les gardes n'arrivent.

Carrie entre dans la pièce du palais où l’attend son mari. Il porte sa tenue de souverain, et son visage ne respire pas la gaité. Lorsqu’il s’adresse à elle, son ton est rude.

Almanndiur (Lee) : tu savais n’est ce pas ?

Carrie : hum ?

Almanndiur : est ce que tu savais qu’Ambre n’avait rien à voir avec tout ça !

Elle retient un sourire mesquin.

Carrie : à ton avis ? Quelle importance ! Tout ce que Rafael touche est souillé par sa perversité. J’ai fait mon devoir, peu importe la manière j’ai exécuté la sentence, tu sais que j’ai eu raison d’achever sa misérable vie. Nous n’avons pas besoin d’ambassadeur, tout comme nous n’avons pas besoin de mon père. Il est le suivant sur ma liste. Ensuite, je traquerai cette infâme saloperie jusque dans sa tanière et je le tuerai. Et ainsi de suite avec tous les fils de chiens qui l’ont suivi.

Almanndiur : ton fils est en sécurité, tout comme Eden. Ils ne risquent rien ici.

Carrie : je sais. Je n’ai aucun doute là-dessus, les menaces de Rafael me laissent indifférentes, tout comme celles de Pétale. S’il avait pu lui faire du mal, il avait tout loisir de le faire pendant mes absences, alors que seul Howard veillait sur eux. Rafael est spécialiste des paroles en l’air, son petit numéro ne m’effraie pas. Plus il tue mes frères, plus il s’enfonce dans la médiocrité que dénonce sa sœur chérie. C’est assez drôle quand on y pense… cette façon qu’elle a de parler de lui, comme si elle l’aimait au plus profond de son cœur, alors que lui n’en a strictement rien à foutre, préférant mourir dans un monde inconnu juste pour nous emmerder, alors qu’elle le supplie depuis des lustres de tourner la page et de m’oublier. Cette femme aime parler dans le vide … Ce que ça doit être frustrant de voir les deux lutteurs qu’elle aime et déteste à la fois, Rafael et Darkside, se détourner d’elle juste pour s’occuper de son ennemi, la rendant complétement transparente à leurs yeux ! J’ai changé le cours de la vie de ses deux hommes, alors qu’elle n’a fait que marcher à côté d’eux. Je la vois s’agiter, gémir et tortiller son gros derrière, tentant en vain d’attirer leur attention. Ce n’est peut être pas la peur finalement qui fait fuir ses challengers, mais plutôt l’ennui, la lassitude de voir toujours le même visage, toujours les mêmes rengaines. C’est un peu comme une vieille publicité démodée qui passe en boucle et qui vous saoule.

Amanndiur : Pétale est l’âme de la Sow et tu le sais.

Carrie : justement, d’âme elle n’en a pas d’abord, et quand on est plus qu’une âme, une légende, on a appelle aussi ça un vieux souvenir, on est censé être mort.

Almanndiur : la Sow a besoin d’elle peu importe qu’on l’aime ou qu’on la déteste. Elle exerce son métier avec talent depuis des années, bien peu de lutteurs ont une longévité pareille.

Carrie : Tu ne trouves pas ça bizarre, que tout le monde va et vienne et que seule Pétale traverse le temps ? C’est comme si un maléfice planait sur elle, pour qu’à part elle rien ne dure jamais ? A part la SOW toutes les fédérations de lutte tombent en disgrâce. Et comme par hasard, elle a travaillé pour chacune d’elle, ou y a fait quelques passages. Et à part la SOW, aucune d’elle ne lui a apporté autant de titres et de récompenses. Cette fédération est le centre de son univers. Si on veut terrasser la SOW, il faut terrasser Pétale Orientale. Nous étions proches du but avec le Bestiaire… j’aurais aimé voir ses larmes lorsque son père adoré lui aurait enfin dit clairement qu’elle n’est qu’un pion comme un autre. « Pourquoi ? pourquoi tu m’aimes pas papa ? » Cela aurait été tellement divertissant, pathétique !
Almanndiur : pourquoi ne pas avoir été jusqu’au bout alors ? Tu n’avais rien à perdre !

Carrie a un petit sourire en coin.

Carrie : oh non… pas comme ça. Je veux que ça fasse tilt dans sa petite tête, je veux qu’elle se rende compte par elle-même que sa petite famille imaginaire l’a laissé toute seule. Tout ce qui lui reste c’est Bomby. En ce moment, il est au top de sa carrière, mais rien ne dure jamais. Qu’est ce qu’il adviendra de leur mariage lorsqu’elle sera toujours au top, alors que lui sera sur le déclin ? Est-ce qu’elle pourra lui dire « tes matchs sont merdiques il est temps d’arrêter… mais moi j’continue, parce que j’suis immortelle, et que ma fed peut pas se passer de moi. » Peut être qu’elle prendra sa retraite aussi… et quelques mois plus tard elle reviendra, seule, parce qu’elle ne peut pas s’en passer. La lutte, le succès, c’est une drogue qui coule dans ses veines. C’est difficile d’arrêter ce métier. C’est une vocation, un destin. Redevenir anonyme, tourner la page, ne plus faire référence à ses exploits d’hier pour enfin se concentrer sur l’essentiel. Oui elle sait que Bomb est avec sa fille les deux êtres les plus chers à son cœur, mais elle ne sera pas capable de tout sacrifier pour eux.

Almanndiur : et toi le pourrais tu ? Si je te demandais de tout arrêter, de rester ici avec moi jusqu’à ce que nos vies s’éteignent, resterais tu ?

Carrie : je l’ai déjà fait.

Almanndiur : de manière temporaire, parce que tu savais que tu en avais besoin. Mais si aujourd’hui, alors que toi aussi tu vis un moment clef de ta carrière, et qu’Edward fait son retour à la SOW, est ce que tu m’écouterais ?

Carrie le regarde droit dans les yeux en souriant.

Carrie : je croyais que ton pouvoir c’était de pouvoir lire et manipuler l’esprit des gens … Tu sais parfaitement ce que je suis capable de faire. J’imagine que si tu ne me le demandes pas c’est parce que toi aussi tu y trouves ton compte.

Almanndiur : à vrai dire c’est plus par curiosité, en ce qui concerne la SOW et l’industrie du divertissement. J’imagine qu’au début tout le monde éprouve de l’excitation et la satisfaction à combattre ainsi pour un public tout aussi fébrile. Mais je trouve cela en même temps vraiment puéril et égocentrique. Cet encensement est malsain, rapide et éphémère, il pervertit les âmes les plus nobles.

Carrie s’approche de lui de sa démarche féline et l’enlace. Elle penche la tête en arrière pour lui parler.

Carrie : il y a peu d’âmes nobles à la SOW. Quelques jeunes peuvent encore s’en sortir mais il faudra pour ça qu’ils se fassent une place parmi les Monstres du sanctuaire. Tiens en parlant de monstre, Green fait un retour éclatant ! Miss Filmore va adorer sa dernière promo ! La faible femme de Syd Filmore ! Voilà une attaque qui résume de façon bien succincte sa jeune carrière de lutteuse et de Général Manageuse. Ça ne m’étonne pas de lui, il a toujours eu l’esprit un peu étriqué, mais mépriser à ce point son supérieur hiérarchique alors qu’il n’a rien foutu depuis des mois, c’est se tirer une balle dans le pied.

Alors qu’il a passé ses bras autour de sa taille pour la serrer contre lui, il penche lui aussi la tête pour l’embrasser, puis lui répond :

Almanndiur : Edward aussi s’en est pris à Sarah dans sa première déclaration depuis des mois.

Carrie : peut être, mais il l’a fait avec plus de classe, et plus de logique. Green est un blaireau, et il s’est fait avoir comme un blaireau du temps de la Gran Slam Factory. Il n’a jamais remarqué que Verdu se servait de lui, et il n’a pas non plus vu venir la chaise qui l’a terrassée. Et pourtant l’alarme rousse n’arrête pas de le rabâcher à qui veut l’entendre…

Almanndiur : que tu trahis tous tes alliés ?

Carrie : que je gère mes affaires seule. Enfin, maintenant, plus vraiment seule. Confier sa carrière à quelqu’un c’est déjà délicat, mais quand tu mets ta vie entre les mains de quelqu’un comme Rafael, c’est purement du suicide. Je ne le laisserai même pas en compagnie d’un animal de compagnie. Alors lui obéir au doigt et à l’œil, c’est d’une part passer pour un con en avouant qu’on est pas capable de se gérer tout seul, et d’autre part, c’est faire confiance à un être en qui personne n’a confiance. Même pas sa sœur, malgré ce qu’elle dit. Le simple fait de le mettre en garde de ce qui pourrait lui arriver s’il s’attaquait à ses proches, c’est admettre qu’on a pensé qu’il puisse s’en prendre à eux. Je n’irai pas mettre en garde Edward ou Howard, qui sont mes plus proches après mes enfants et toi, de ce que je pourrais leur faire s’ils nous attaquaient, tout simplement parce qu’il est complètement impensable qu’ils puissent s’en prendre à eux !

Almanndiur : mais venant de lui, c’est presque une invitation.

Carrie : une proposition de vengeance et de souffrance, c’est tentant. S’il n’était pas aussi fou à lier en ce moment il verrait qu’elle sort une de ses plus belles cartes pour l’attirer à nouveau à elle. Mais une nouvelle fois elle va parler dans le vide. Il veut seulement mourir dans la merde et le sang, tout comme il le dit.

Almanndiur : qu’il considère que son vœu va bientôt s’exaucer. Après ça je le ferai reconduire sur Terre et je déposerai ses cendres devant la porte de la seule famille qui lui reste, pour qu’elle puisse faire son deuil et tourner la page.

Carrie : il n’a pas de famille.

Il lève les yeux au ciel en soupirant.

Carrie : ah oui, celle-là ! Si ça t'amuse... ce sera sans doute la seule à le pleurer. Hum pendant que je suis là, il faudrait qu’on revoie deux ou trois choses concernant nos adversaires de lundi. Ça va vraiment être très hardcore, et il vaudrait mieux avoir un plan avec Gaillard et Murray.

Almanndiur : tu as déjà été championne hardcore non ?

Carrie : pas hardcore, bloody. Mais c’est très semblable, seul le nom est différent. J’ai quelques idées qui pourraient bien t’intéresser….

Almanndiur : je ne suis pas convaincu par leur implication, ils sont plutôt discrets et niveau combat, ça reste très basique.

Carrie : peut-être, mais ils sont comme deux éléments qui assemblés forment une arme plutôt efficace. On l’a vu avec les creep show, parfois deux êtres que tout oppose peuvent s’allier pour vaincre. Et crois moi, les lutteurs de la FGB sont peut être un peu exubérants ou originaux au premier abord, mais niveau efficacité, tu pourrais bien être surpris. Regarde Riggs !

Almanndiur se met enfin sourire.

Almanndiur : je veux bien te croire sur parole. Allons régler les derniers détails de ce match et profitons-en pour passer voir les enfants, je n’ai pas encore eu le temps de te présenter mes fils…

Sur le coup la jeune femme se raidit.

Carrie : oh, je suis désolée… c’est vrai que je n’ai pas eu le temps de ..

Il prit son visage entre ses mains et l’embrassa.

Almanndiur : chut ! Pas d’excuse, je sais que tu avais une mission importante, et peu importe comme tu l’as rempli, je préfère que celle-ci n’occupe plus ton esprit et que tu sois complétement avec nous lorsque tu les rencontreras.

Il prit sa main et l’entraina avec lui dans un des très nombreux couloirs du Palais.

Carrie : c’est fou les conneries qu’elle peut raconter celle-là. Quand on ne sait pas de quoi on parle, on devrait fermer sa gueule. Ça vaut aussi pour Bomb et Prime, qui s’amuse à faire des suppositions sur l’avenir, des pronostics débiles qui n’intéressent personne. A l’heure actuelle, la seule question que tout le monde se pose c’est « quand est ce que quelqu’un d’autre va tenter sa chance au titre omega », éradiquant par là même les espoirs fous de Prime et la belle assurance de Bomb. Oh God j’aimerais voir ça avant de partir. J’aimerai voir un mec sortir de nulle part et brandir son droit au challenge ! Juste pour qu’ils retombent de leur piédestal et qu’ils se rappellent d’où ils viennent.

Le plan qui ne permettait pas de voir où se situe la scène s’agrandit. Ils sont dans une pièce où leurs enfants s’amusent. Le visage du Roi est serein, le contraire de sa femme qui parait tendue.

Lee : laisse les s’agiter, bientôt tout cela n’aura plus aucune importance. Cela n’en a jamais eu d’ailleurs. Si Rafael n’avait pas fait irruption dans notre monde, et causé des centaines de morts, les allégations de Pétale et sa morale ne feraient même pas l’objet de notre conversation.

Son regard se reporte sur les enfants qui jouent. Avec Eden et Andréas, il y a un petit garçon qui semble avoir à peu près le même âge qu’eux, mais son visage ressemble beaucoup à celui de son père.

Carrie : c’est vrai. Mais il me reste quelques comptes à régler et elle en fait partie. Je ne me souviens pas avoir déjà mis en doute ses méthodes éducatives auprès de sa fille, contrairement à Booya, Pétale devrait garder ses commentaires pour elle. J’ai sans doute eu une vie animée mais en ce qui me concerne la liste de mes amants n’est pas longue comme la route panaméricaine, hommes/femmes compris, et je ne passe pas mon temps à retourner ma veste.

Le regard que Lee lui lance est plutôt drôle à ce moment-là, clairement il met en doute cette dernière affirmation.

Carrie : Charlie était et est toujours un connard fini. La GSF était sur la voie du déclin, une voie que je n’ai pas choisi, ce n’était même pas une équipe. Juste une association temporaire de lutteurs que Rafael croyait pouvoir manipuler à sa guise, les propulser au sommet pour en récolter les avantages. Pas de chance, ça ne s’est pas passé tout à fait comme prévu. Les misérables prestations de Green et le racolage médiatique de Rafael me dégoutaient, quel aurait été mon avenir si cela avait perduré ? Je serai restée dans leurs ombres et je me serai lassée. Une fois partie, que restait-il à la GSF ? Ahhhhhhhhhh l’arrivée de Pétale Orientale ! Attends je vais te citer les premiers mots de Rafael à son égard, lors de son retour à la SOW, je trouve cela terriblement drôle venant de celui qu’elle chérie aujourd’hui plus que tout. « El Verdugo: Douce Pétale, misérable Pétale, tu fais pitié à voir. Si j’avais la moindre considération pour toi j’aurai pitié moi-même. Si tu avais la moindre considération de ta propre personne, tu aurais pitié de toi. Te revoilà donc! Oui tu es là, affirmant que tu n’es jamais partie. Tu es toujours là mais tu n’as plus de place. La grande Pétale, la Crazy Bitch, n’est plus qu’une pétasse lambda, la misérable pute remisée au fond d’une rue sombre. »

La pauvre, quand j’y pense je trouve ça pathétique, de s’accrocher à quelqu’un qui se fout de sa gueule à longueur d’années. Peut-être de siècles, qui sait ! Quelqu’un qui montre si peu de respect pour les personnes qu’il jure aimer plus que sa vie. Quand on voit ce qu’il fait de la sienne, à courir après la mort dans un monde qui n’est pas le sien et où il n’est personne, on se dit que cela ne vaut finalement pas grand-chose comme promesse ! Elle croit vraiment qu’Eden mérite un père comme lui ? Elle croit peut être qu’Eden l’aime ? Si elle savait… Rafael a passé plus de temps avec Laurence qu’avec sa propre fille, et cela depuis qu’elle est née. Elle le connait à peine, et les quelques lettres qu’il a reçu, nous les avons écrites ensemble. Le seul moment de sincérité qu’il a eu envers elle c’était dans ce monastère, et c’est tout juste s’il se rappelait de son prénom ! Alors qu’on ne me dise pas qui est le meilleur parent de nous deux, elle n’en a jamais eu qu’un seul !

Lee comprend que la colère de sa femme est plus profonde qu’il n’y parait. Manifestement, le conflit entre Pétale Orientale et Carrie ne date pas d’hier, et Rafael en est le fondateur. Il repose le carnet sur lequel il était en train de dessiner une très belle esquisse et vient la prendre dans ses bras.

Lee : quand il sera mort, la page sera tournée. Pétale souffrira, mais elle sera la seule à le regretter. Les monstres restent des monstres, le vampirisme n’a fait qu’accroître son sadisme. J’ai bien du mal à voir dans cet homme ce qui a pu t’attirer autrefois, mais je sais que toi aussi tu ne lui trouves plus aucun charme et que ta haine envers lui n’a d’égal que l’amour qu’il croit te porter. Il lui reste peu de temps. Nos enfants sont à l’abri désormais, et jamais il ne pourra revoir Eden ni l’entraîner dans sa folie meurtrière. Tout comme l’autre fou, qui ressurgit de son asile alors qu’on le croyait disparu. Il promet une vengeance, mais il ne l’applique que sur ses cobayes plus ou moins

Carrie : Darkside ? Des menaces, des allégations, là encore rien d’inquiétant. Il a soif de vengeance parce que j’ai décrédibilisé son idéologie. Le Bestiaire est mort, j’en suis la responsable, je le dis haut et fort, j’assume mes actes, je n’ai pas peur de lui. Ses manigances, ses scénarios dignes d’une série pour ados n’effraient plus personne. Elles n’amusent plus personne, mais elles inspirent les simples d’esprits ainsi que les âmes troubles comme Black Lotus, feu Mantis, Drash, Moc et ses greluches, Synster, et probablement d’autres anonymes. C’est tout ce qu’il peut désormais rêver d’entraîner avec lui dans sa quête. Il est pathétique ! Autrefois il suffisait de dire son nom pour annoncer un grand match, mais aujourd’hui, il est dans l’ombre de Pétale et Rafael. Comme s’ils avaient eu pitié de lui. Heureusement, il est tellement à l’ouest qu’il ne se rend même pas compte, mais s’il voyait la vérité en face, il aurait honte et mettrait un terme à sa carrière.

Lee : alors laisse-le tomber dans l’oubli, et tourne toi vers l’avenir. C’est valable aussi pour les autres. Ne te préoccupe plus de Pétale ni de Rafael. Laisse-moi m’occuper de tout cela et consacre toi enfin au plus important.

Devant son regard interrogateur, il prend son plus beau sourire et dit :

Lee : moi !

Puis ils se mettent à rire. Carrie reprend son sérieux et l’enlace.

Carrie : je crois que je vais en surprendre plus d’un, à commencer par toi. J’ai de plus en plus envie de rester ici, avec toi et les enfants, et de faire autre chose de ma vie. Ces querelles futiles et ces combats sans conviction m’exaspèrent. Howard a entamé les négociations avec la direction de la Sow, mais je ne suis pas certaine d’avoir envie de continuer. Si je suis encore là aujourd’hui c’est avant tout pour les fans qui me soutiennent depuis si longtemps, et pour Howard et Edward qui me manqueront terriblement.

Lee : ils pourront venir nous voir, et rien ne nous empêche de leur rendre visite également.

Carrie : mais ça ne sera plus pareil, tu le sais, et je le sais également.

Lee : réfléchis encore un peu. Ce n’est pas une décision à prendre à la légère, mais tu sais ce que tu souhaites au fond de toi.

Il la serre dans ses bras et lui prend la main, avant de l’entraîner vers les enfants. Eden et Andréas lui sautent au cou alors que Lee soulève son fils à bout de bras en riant.