Une file de journalistes, triés sur le volet par un service d'ordre, attend à l'entrée d'un gymnase de Tampa, en Floride. Sous ce soleil éclatant, il règne une chaleur de plomb ; mais les journalistes en ont vu d'autres, et l'enjeu est de taille. C'est à l'intérieur de ce gymnase que le Reverend Horton Heat doit tenir sa première conférence de presse, qui confirmera si oui ou non, l'homme a signé avec la SOW et compte effectuer son grand retour sur le ring.

Le jeune Pete, 17 ans, stagiaire chez WS-Webzine, a toutefois bien du mal à prendre son mal en patience. D'une, le retour du Reverend l'intéresse véritablement - lorsque ce dernier avait quitté le monde de la lutte, Pete ne la suivait pas encore - et de deux, il sent déjà de grosses gouttes de sueur dégouliner sur son front et le long de ses aisselles. Il sait qu'il doit sûrement puer la mort, et c'est déjà le cas de son entourage. Une vieille odeur de sueur et de fast-food règne dans la file d'attente.

Pete : Bon, il va nous faire poireauter encore combien de temps, le cureton ?

Journaliste : S'il est aussi ponctuel que l'étaient les shows de la UCW, ne t'attends pas à ce qu'il soit à l'heure.

Pete : Ça commence à me faire chier, moi ! Qu'est-ce qu'on s'en fout de ce type. Quand je pense que le reste de l'équipe est parti en Europe pour couvrir l'incident avec Syd Filmore... y'en a qu'ont de la chance. C'est toujours moi qui me tape les plans moisis.

Journaliste : Bah t'es stagiaire, bonhomme. Et plains-toi pas, si on était pas bloqués dans cette putain de file d'attente, je t'enverrais me chercher un café.

Les deux hommes se taisent, puisqu'une berline vient d'arriver. Deux hommes descendent du véhicule, vêtus de costumes noirs et se donnant un air important. Avec la bienveillance du service d'ordre, les deux se dirigent vers l'entrée, entre les barrières qui retiennent le flot de journalistes.

Pete : C'est ça, le Reverend Horton Heat ? Il a pas l'air bien impressionnant.

Journaliste : Non, le Reverend c'est l'autre. Celui que tu me montres, c'est Ross McBurgh, son avocat.

Pete : Sans déconner ? Même son avocat ressemble plus à un lutteur. Il tiendra jamais deux semaines. Bon, si on dégageait de là ? En se pressant un peu on peut chopper un avion et attraper Syd Filmore pour une interview exclusive.

Journaliste : Mon petit gars, je me suis pas farci vingt ans de métier pour recevoir des ordres d'un petit con de stagiaire qui se la raconte avec sa tronche de calculette. On reste ici et on couvre la conférence de presse.

Lorsqu'au bout d'une attente interminable les portes du gymnase sont enfin ouvertes aux médias, la salle se remplit peu à peu. Apparaît enfin le Reverend Horton Heat sur le ring aménagé au centre de la salle. Il s'avance vers un pupitre sur-lequel se trouve un micro. Il allume celui-ci, provoquant un bruit suraigu qui assourdit toute la salle.

Reverend : Nom d'un petit bonhomme, je ne m'habituerais jamais à ces gadgets stupides. Oh, ça fonctionne là ? Donc tous ces imbéciles de gratte-papiers m'entendent ? Bien. On va commencer.

Mesdames et messieurs, j'ai organisé cette conférence de presse pour faire la lumière sur un certain nombre de choses. Il y a quelques jours, une information a fuité concernant ma signature à la SOW. Je souhaitais attendre le bon moment pour révéler la nouvelle à la presse, mais puisque nous sommes aujourd'hui dans la culture de l'urgence, où les médias s'empressent de révéler leurs scoops avant même de prendre le temps de les vérifier...

Néanmoins, je confirme cette information. J'ai signé à la SOW pour plusieurs mois. Il s'agit d'un retour à plein temps sur le ring, non en tant que manager, mais bien en tant que lutteur. J'ai pris cette décision après en avoir parlé avec mon médecin et mon avocat. J'ai aujourd'hui 35 ans et il me reste suffisamment de force et de volonté, avec l'aide de Dieu, pour mener à son terme une brillante carrière. Ce n'est pas ma première signature à la SOW, même si l'essentiel de mes accomplissements connus s'est fait dans d'autres fédérations. Néanmoins, cette fois-ci, le contrat que j'ai signé avec la SOW m'engage de manière exclusive. Je n'apparaîtrais dans aucune fédération concurrente et n'aurait aucune autre activité en lien, de près ou de loin, avec la lutte.

Journaliste : Reverend Horton Heat, Alex Washburn, du magazine d'investigation Closer. J'aimerais revenir sur l'affaire de mœurs dans-laquelle vous étiez visé il y a un an...

Reverend (agacé) : J'ai été blanchi dans cette affaire, et cette conférence de presse ne concerne rien d'autre que mon retour sur le ring. Je ne répondrais à aucune question hors sujet.

Journaliste : Justement, mon Reverend, je voulais faire le lien... attendiez-vous que le tribunal prononce le non-lieu avant de revenir dans le business de la lutte ? Et pensez-vous que cette affaire puisse entacher votre réputation et gâcher votre retour ? Après tout, il est difficile d'exercer un métier qui vous met en scène devant un public, lorsque votre nom est associé à un tel scandale...

Reverend : Vous commencez doucement à m'enquiquiner, espèce de petit paltoquet ! Je vous dis que cette conférence de presse n'est ni le lieu ni le moment pour évoquer cette affaire. Maintenant rasseyez-vous et taisez-vous ! Je suis sûr que certains de vos confrères ont des questions plus pertinentes.

Journaliste 2 : Oui, Reverend Horton Heat, bonjour. Paul Lockley, du magazine Femme Actuelle. Que répondez-vous aux accusations de misogynie qui pèsent contre vous ? Certaines associations féministes ont appelé à boycotter la SOW si la rumeur de votre signature se révélait fondée. Le collectif Femen envisage même d'organiser une manifestation au prochain show...

Le Reverend tape du poing sur le pupitre. Le son, répercuté par le micro, fait sursauter toute la salle, réveillant notamment les journalistes endormis.

Reverend : Bon, bon, j'ai compris. Vous vous fichez éperdument de mon retour sur le ring. Je ne figure pas au rang de vos préoccupations, en-dehors des petites affaires annexes qui intéressent la presse people. Je ne suis pas fâché. Cela ne me surprend pas, en vérité. Vous avez toujours préféré aborder les sujets faciles, qui intéressent les individus primaires.

Un silence envahit la salle. Le regard du Reverend passe sur l'ensemble des individus assis au premier rang, lesquels détournent les yeux aussitôt qu'ils le croisent, comme s'ils se sentaient jugés.

Reverend : Les prochaines semaines me donneront l'occasion de démontrer l'étendue de votre erreur. Ma signature à la SOW n'intéresse peut-être personne, mais elle est en réalité l'événement le plus important qui soit survenu dans cette fédération ces dernières années... car les choses vont changer, mesdames et messieurs. Une ère s'achève, une autre commence. Le laisser-aller qui régnait ici va se terminer. Je vais rétablir l'ordre, la morale et les bonnes mœurs dans cette fédération de dépravés. La jeunesse aura enfin un exemple à suivre. Elle cessera d'aduler des hommes et des femmes qui ne méritent que le mépris, car ils la pervertissent.

Oui, la SOW est corrompue telle Sodome et Gomorrhe. Mais la Foi sauvera la SOW. Et contre la dépravation qui règne, je m'érigerais en tant que premier et dernier rempart, afin qu'un jour, la jeunesse puisse enfin regarder ce sport à travers les Yeux de la Foi !

Sans un mot de plus, le Reverend quitte la salle, accompagné de son avocat et de son service d'ordre. Les dernières questions des journalistes résonnent dans le vide, car l'homme de Dieu les ignore.

Pete : J'ai rien compris de tout ce qu'il a dit.

Journaliste : Y'avait juste une chose à comprendre, fiston. Le Reverend Horton Heat est encore plus allumé qu'avant.

La vidéo montre le Reverend Horton Heat assis paisiblement sur un banc de pierre, reclus dans un paisible jardin. On entend couler l'eau d'une fontaine. Entre ses mains, il tient une fleur à laquelle il entreprend de retirer toutes les pétales...

RHH : Elle m'aime un peu, beaucoup, passionnément, à la folie... pas du tout ?! Je le savais. La gourgandine...

Semblant se rendre compte qu'il est filmé, l'homme de Foi lève sa tête blonde vers l'objectif, qu'il fixe d'un regard profond.

RHH : Soyons honnêtes. Le SOW Universe, et même tout le bizness de la lutte, tout le monde croyait le Reverend Horton Heat mort et enterré depuis longtemps. On m'imaginait, au mieux, reclus dans un coin perdu, à prendre une retraite miteuse loin des rings et des caméras. Loin de la lumière. Et ce n'était pas si loin de la vérité...

Dieu m'a rappelé. Il n'en avait pas terminé avec moi. Et moi-même, je n'en avais pas terminé avec vous. Je vais vous imposer ma présence, SOW. Je vais vous forcer à me subir. Vous verrez le Reverend Horton Heat chaque semaine grignoter un peu plus de spotlight. Et vous finirez par aimer ça. Vous ne m'aimerez pas moi, non, car ce n'est pas ce que je cherche ; mais vous aimerez me voir rabaisser show après show la vermine qui s'est emparée des titres et des honneurs. Le Hall of Fame de la SOW est infesté de bizarreries. Des vampires et des elfes, disent-ils. Autant de mythes et de légendes païennes dont notre culture devrait faire table rase. Mais je vais nettoyer le Sanctuaire.

Soyons honnêtes. Qui s'attendait à ce que, à peine arrivé, je jette mon dévolu sur le titre Hardcore ? La raison est pourtant simple. Parce que cette ceinture est probablement la plus représentative de ce qui ne va pas à la SOW. Cette fédération cultive un goût malsain pour tout ce qui est extrême, tout ce qui est brutal, tout ce qui est sanglant. Le sang coule, parfois, mais cela doit avoir une raison. Les hommes comme Brujah n'ont pas de raison, ils ne savent pas ce que c'est. Ce sont des brutes, à peine plus instruites que des animaux. Je préférerais confier ma vie entre les mains du cochon de cet imbécile de Booya plutôt qu'entre celles d'un être aussi infect que Brujah.

La division Hardcore n'a plus sa place à la SOW. Elle disparaîtra, j'en fais le serment. La ceinture, entre mes mains, changera à jamais. Elle rayonnera dans la lumière du Christ, et le Hardcore Championship deviendra Heaven's Championship.

Mais pour changer cette division, je dois d'abord en prendre la tête. Combattre le feu par le feu, pourrait-on dire. Oui, c'est ainsi que j'entends procéder. Je battrais Brujah avec ses propres armes. Sur son propre terrain. Le sang pour le sang. Je n'ai pas bâti ma réputation sur le Hardcore, mais n'en suis pas étranger pour autant. Je suis même le créateur d'un concept révolutionnaire. Je l'ai mis en oeuvre une fois, lors d'un pay-per-view de la UCW, Awakening 2010, où j'ai triomphé de Danny Thompson dans le seul et unique Haunted Church Match de l'histoire. Un combat extrême dans une église, avec nul autre arbitre que le Seigneur lui-même. Peut-être, un jour, combattrais-je à nouveau dans un match comme celui-ci. Si Dieu trouvait pour moi un adversaire suffisamment digne...

Trouve la paix au fond de ton âme, Brujah. Car c'est moi qui t'apporterait la guerre.

Confortablement installé dans une chaise longue, une bouteille d'eau à la main, le Reverend Horton Heat donne une interview dans sa résidence de Tampa.

Interviewer : Bonjour mon Reverend, et merci de m'accorder cette interview. Avant de commencer, je vous poserais une question toute simple : comment allez-vous ?

Le Reverend se redresse légèrement, fronçant les sourcils.

RHH : Ce n'est pas une question si simple, mon garçon. Un être peut paraître bien-portant tout en dissimulant de vilaines blessures intérieures. "Aller bien" est une expression tout à fait relative. Et d'autant plus vide de sens que la plupart des gens la posent machinalement, sans se soucier de la réponse. D'ailleurs, si vous connaissiez l'origine de cette expression, vous...

Interviewer : Visiblement, vous vous portez bien. Parlons un peu de vos récentes interventions télévisées. Votre retour, apparemment, semble réussi, puisque, non content d'avoir remporté votre premier match de retour lors du plus important show de l'année, vous semblez avoir marqué un point lundi dernier face au champion Hardcore que vous avez récemment défié, le redoutable Brujah.

RHH : Il est vrai que je n'ai pas fait les choses à moitié. Je n'en tire aucune fierté personnelle, bien évidemment ; je ne dois ma force qu'à la Foi inébranlable qui m'anime. C'est la Foi qui insuffle cette énergie que je dépense sur le ring. C'est la Foi qui me confère cette combativité. Il n'y a rien de surnaturel là-dedans, je tiens à le préciser avant que ces propos ne soient déformés par mes détracteurs ; je ne suis pas un être supérieur, non. Je crois en l'amour du Christ, et je lui dois mes victoires. Il n'y a rien de plus à dire.

Interviewer : Il semble, néanmoins, que vous deviez aussi votre dernière victoire à votre partenaire d'un soir, Pétale Orientale. Je rappelle pour une partie des spectateurs que ce n'était pas la première fois que Pétale et vous étiez associés. Il y a quelques années, vous formiez un duo au sein de la fédération FWE, connu sous le nom de "Honesty From Madness". Avez-vous l'intention de reformer cette alliance ? Elle semble fonctionner.

Le Reverend hoche négativement la tête.

RHH : Ce duo était une erreur du passé. Pétale... ce n'est pas une bonne personne. J'ai fais de mauvais choix dans ma vie, comme nombre d'entre nous. Je ne suis pas parfait. J'ai ma part de périodes sombres, et il m'est également arrivé de me détourner de Dieu. Mais Dieu m'a offert la Rédemption, et je ne me détournerais jamais plus de lui. Aussi, ma réponse sera on ne peut plus claire : Pétale et moi-même ne sommes pas associés, et nous ne le serons jamais. Nous avons fait équipe lundi dernier, certes, mais cela nous fut imposé par la direction de la SOW. Un choix purement motivé par le marketing, j'imagine.

Interviewer : Vous sembliez pourtant vous entendre, tous les deux... vous avez bien coopéré, et on vous a vu particulièrement proche d'elle après le match. N'y a-t-il jamais rien eu d'autre que du... hum, professionnel, entre vous ?

Le visage du Reverend commence à s'empourprer, sans que l'on sache si c'est de honte ou de colère.

RHH : Comment osez-vous proférer pareilles calembredaines ? C'est ridicule ! Pétale est... vous savez ce qu'elle est. J'ai peut-être commis des erreurs dans ma vie, mais je n'aurais jamais été jusque-là.

Interviewer : Mais vous...

RHH : Suffit, mon garçon. Ne parlez plus d'elle, ou cette interview s'arrêtera là.

Interviewer : Bien, comme vous le souhaitez, mon Reverend. Parlons donc de celui que vous avez défié, le récent champion Hardcore de la SOW, l'homme qui défit Luther Kay, le terrible Brujah. Vous affirmiez récemment dans une vidéo promotionnelle que votre objectif était moins de devenir champion Hardcore que de mettre fin à la division Hardcore.

RHH : Tout à fait. Les matchs Hardcore sont une piètre excuse pour diffuser une avalanche de violence sur nos écrans. Violence qui abrutit la jeunesse ; vous savez bien que les parents ne contrôlent plus ce que leurs enfants regardent, aujourd'hui. Tout est aisément accessible, tant à la télévision que sur internet. La violence et la pornographie pervertissent les jeunes. Je ne peux malheureusement lutter que contre la violence, car il n'y a pas de championnat Porno à la SOW. Encore heureux.

Interviewer : Tiens, ça aurait été une idée intéressante.

RHH : Ne riez pas, mon garçon. Ne riez pas.

Interviewer : Désolé. Donc votre objectif est de récupérer cette ceinture, et ensuite ? Plus jamais de matchs Hardcore à la SOW ?

RHH : Exactement, fiston. Je ferais en sorte que ce titre soit désactivé, ou qu'il change de nature. Je songeais à le rebaptiser "Heaven's Championship". Je ferais une demande officielle à la direction, une fois que j'aurais vaincu Brujah.

Interviewer : Vous semblez confiant sur vos chances de victoire, alors même que vous n'avez pas été, à ce jour, officialisé comme challenger pour Brujah. Pensez-vous que la direction de la SOW vous prenne au sérieux ? Pensez-vous que Brujah lui-même vous prenne au sérieux ?

RHH : Depuis lundi, l'un et l'autre sont bien obligés de me prendre au sérieux. J'ai à mon actif une victoire sur le champion Hardcore. Le tombé a certes été réalisé par Pétale, mais Brujah a subi mon redoutable Stunner From Heaven. Et il en goûtera à nouveau. De toute manière, j'ai déjà remarqué que Brujah me montrait du respect depuis sa cuisante défaite : si vous regardez son dernier article sur son blog, vous verrez qu'il s'adresse à la plupart de ses rivaux. Or, il tutoie tout le monde, sauf moi. Il me vouvoie, et m'appelle "Répurgateur". Un tel signe de respect est la preuve qu'il s'attend au pire. Il sait qu'il est en faute, et il se dégage une porte de sortie. Il est déjà en train de chercher la Rédemption. Et, naturellement, Dieu l'accueillera à bras ouverts s'il décide de se repentir, comme il le fit pour moi.

Interviewer : Hum... d'accord. Je n'avais pas remarqué cela, mais maintenant que vous le dites, c'est vrai que...

RHH : Bien sûr que c'est vrai. Il consulte sa montre. Je vais devoir écourter cette discussion, mon garçon. Je dois me rendre à l'Eglise.

Interviewer : Je vous en prie, mon Reverend. Une dernière question avant de partir : vous n'avez pas de match programmé lundi prochain lors d'Injection. Avez-vous tout de même l'intention d'être présent à Houston ?

RHH : Qui vivra verra.

Et le Reverend quitte la chaise longue, plantant là l'interviewer et son équipe technique.

Installé dans un fauteuil de cuir, le Reverend fait face à une caméra, le regard fixe.

RHH : Brujah...

Un esprit faible comme le tien ne connaît rien aux voies du Seigneur. N'essaye pas de m'expliquer ce que tu ne comprends pas. N'essaies même pas de réfléchir ; tu es dénué de l'intelligence nécessaire.

N'en sois pas vexé. Les gens comme toi sont utiles, après tout. Dieu a créé les penseurs, mais il a aussi créé les simplets, car il faut bien que certains se consacrent aux travaux manuels et aux activités insignifiantes pendant que les élites traitent des questions essentielles. Tu n'es pas né pour réfléchir, Brujah. Et tu ne t'es pas beaucoup entraîné à cela.

Alors, détruis des églises autant que tu le voudras. Le Seigneur ne t'en empêchera point ; sache qu'il laisse à chacun d'entre nous son libre-arbitre. Le Seigneur n'intervient pas, il n'intervient jamais. Mais il juge. Il nous juge tous. Nous sommes tous responsables de nos actes, et c'est lui qui prononce la sentence.

Méfie-toi, Brujah, car tu seras le premier à souffrir de tes propres transgressions.

Ta pénitence commencera à Ground Zero.

Nous sommes à Tampa, en Floride, devant la maison du Reverend Horton Heat. Cullen Wade, journaliste de son état, tente tant bien que mal d'obtenir une interview du malchanceux challenger au SOW Hardcore Championship de Ground Zero. Mais l'avocat du Reverend, l'impitoyable Ross McBurgh, lui bloque l'entrée.

L'avocat, plein de dignitié, explique avec sa langue de bois coutumière que le lutteur n'est pas en état de recevoir :

McBurgh : Mais y'en a ras le cul ! Faut vous le dire en quelle langue, abruti ? Il ne veut voir personne !

Wade : Euh... pardon, Maître McBurgh, mais je n'ai qu'une ou deux petites questions... j'arrive directement de New York rien que pour le voir, vous savez...

McBurgh : Vous pourriez venir du fin-fonds de mon cul que j'en aurais rien à carrer. Déguerpissez !

RHH : Votre langage, Ross. Votre langage.

La voix tranchante du Reverend coupe net la discussion. Ce dernier vient d'apparaître sur le pas de la porte ; l'air las, morose, mais en bonne santé malgré tout, il se tient droit et considère le journaliste avec son habituel regard d'homme instruit.

RHH :Je n'écouterais pas vos questions, jeune homme. Je ne me soumettrais pas au jeu des médias qui cherchent encore et toujours à m'abattre. Mon combat est plus intéressant que vos futiles préoccupations terrestres.

La route est longue. J'ai cru pouvoir accomplir quelque chose hier soir. J'ai échoué. Non pas que Brujah ait été meilleur, non, il a seulement eu de la chance. J'ai péché par orgueil, et il doit son insolente victoire à mes erreurs.

Mais je n'en ai pas terminé. Ni avec Brujah, ni avec personne d'autre. Vous me reverrez bientôt, et vous allez même me voir longtemps. Attendez-vous à subir ma présence chaque semaine. Le Reverend Horton Heat n'oublie pas ; le Reverend Horton Heat se souvient. Et vous aussi, vous vous souviendrez de moi.

Wade : Eh bien, c'est vrai que vous parlez beaucoup, vous. Comptez-vous toujours prendre le titre à Brujah ?

RHH : Lorsque le moment sera venu. Pour l'heure, il peut compter sur un court moment de répit. Affronter Black Lotus ou Azrael ne représente guère un challenge périlleux lorsque l'on a su se soustraire à la colère de Dieu. Mais la colère de Dieu le frappera un jour ou l'autre, et plus la vengeance sera tardive, plus la sanction sera lourde. Un jour, Brujah implorera devant moi la pitié de Dieu. Mais je serais moi-même impuissant à calmer la colère du Seigneur. On ne se moque pas impunément du Tout-Puissant.

Wade : Dieu est-il aussi colérique que vous le dites ? Je croyais qu'il pardonnait tout.

RHH : Ça, mon garçon, c'est le Père Noël. Ne mélange pas tout.

Le Reverend Horton Heat, apparemment assez remonté, fait face à la caméra. La salle est sombre, la lumière de mauvaise qualité. Mais bon, on s'en fout, tant qu'on entend ce qu'il dit.

RHH : Assez. Tu as gagné, Chuck Striker. Tu as eu ce que tu voulais. J'aurais voulu pouvoir rester sourd à tes signaux, mais cette situation ne peut plus durer. Alors je vais perdre un peu de mon temps pour toi.

Je connais les hommes dans ton genre. Ils sont les pires. Des penseurs. Des intellectuels à l'ego surdimensionné. Tu penses pouvoir tout expliquer par la logique. Tu penses que l'Homme se grandit par la connaissance. Tu penses que la science est un progrès pour l'humanité.

Et tu prêches l'éducation. Mais qu'enseignes-tu à tes ouailles, fou que tu es ? Des absurdités. Des théories absurdes voulant que l'homme descende de je-ne-sais-quel primate, des hypothèses farfelues sur la création de l'univers, qui serait due au Gang Bang ou à je ne sais plus trop quoi... foutaises que tout cela. Mais je ne perdrais pas mon temps à te raisonner, Striker. Comme je l'ai dit, je connais les hommes dans ton genre. Ils sont obtus, car ils se croient instruits. Et lorsque l'on passe le plus clair de son temps à instruire les autres, on n'est pas enclin à se laisser faire la leçon. En cela, nous avons un point commun.

C'est amusant. Nous ne sommes pas si différents, toi et moi. Tout nous oppose, à tel point que la symétrie entre nous est parfaite. Nous sommes le yin et le yang. Les deux faces opposées d'une même pièce. La seule chose qui change, c'est que nous serons, fatalement, amenés à nous rencontrer. Et que nous ne pourrons éternellement cohabiter. Tôt ou tard, l'un de nous devra détruire l'autre.

La SOW est trop petite pour nous deux, Chuck Striker.

Le Reverend s'apprête à éteindre la caméra. On voit l'image bouger un peu, mais il arrête son mouvement.

RHH : Oh, j'oubliais. Une dernière chose. Tu ne battras pas Brujah. Mais ça, tu le sais déjà. Un homme aussi éclairé que toi sait que la science ne lui laissera pas la moindre chance. On ne combat pas la montagne de muscles qu'est Brujah avec un bonnet d'âne. Il n'y a rien de plus naturel que la loi du plus fort, et fort, tu ne l'es pas.

Tu n'es pas le muscle. Je t'apprendrais bientôt que tu n'es pas non plus le cerveau.