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     Histoire courte d'une longue époque

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    Carrie

    Carrie

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    MessageSujet: Histoire courte d'une longue époque Histoire courte d'une longue époque EmptyMar 22 Déc - 9:24

    Première partie


    Carrie fixa l’agent Spencer durant de longues secondes. Sous le choc de la nouvelle qu’il venait de lui apprendre, elle blêmit et s’assit sur son fauteuil de bureau. C’est le moment que choisit Howard pour les rejoindre, après avoir salué Cole et ses enfants dans le salon.  Il comprit immédiatement que le sujet était grave.

    Howard : Carrie ? Que se passe t-il ? Spencer ?

    L’agent hésita à répéter cette information. Mais à sa connaissance, Murray était le principal homme de main de Carrie, et il devait être au courant de tout ce qui tournait autour de ses « activités ». Carrie restait silencieuse, comme perdue dans ses souvenirs.

    Spencer : l’une de nos bases à Varsovie a été piraté.

    Howard l’observa, surpris.

    Howard : et en quoi cela concerne t-il Carrie ?

    Spencer reposa ses yeux noirs sur la jeune femme.

    Spencer : nos caméras filment les allées et venues 24 heures sur 24. L’un des ... hommes ayant pénétré dans la base a été identifié.

    Devant son silence, Howard perdit un instant son éternelle patience, agacé.

    Howard : bon Dieu Spencer, vous allez cracher le morceau ?

    L’homme restait focalisé sur Carrie, comme s’il attendait quelque chose d’elle.

    Spencer : il s’agit d’une entité spirituelle maléfique. Plus communément appelée archidémon.

    Howard haussa les sourcils et sourit.

    Howard : un archidémon ? Je croyais qu’ils avaient tous disparu ?

    Spencer : sur Terre, nous n’en avons détecté que deux sur plusieurs dizaines d’années de recherche. Malgré nos technologies de plus en plus avancées, ils n’ont aucun mal à se fondre dans la population sans être repérés. A notre connaissance, jusqu’ici il n’y avait que Carrie, et son père Samael.

    Howard se tourna vivement vers elle, alors qu’elle redressait lentement les épaules, toujours silencieuse.

    Howard : archidémon ? Je croyais que tu étais pour moitié elfe et démon.

    Spencer : c’est le cas. Les archidémons sont simplement des créatures supérieures en puissance et bien plus anciennes que les démons... disons... classiques. Nous avons depuis un moment reclassifié les elfes dans la catégorie démons, car ils ont de nombreuses similitudes.

    Surprenant le regard froid de Carrie, il se reprit.

    Spencer : Carrie n’aime pas cette façon de répertorier les espèces, mais le gouvernement a depuis de nombreuses années comprit le besoin de classer les entités, quelles soient bénéfiques ou maléfiques dans des groupes afin d’estimer leur dangerosité pour les humains. Certaines ont du être ... éloignées, voir éradiquées afin de ne pas représenter de menaces pour les terriens.

    Howard : je peux le comprendre. Mais je ne comprends pas pourquoi Carrie est encore un démon malgré la tentative de Lee de la délivrer.

    Spencer : je ne sais pas à quoi a servi cette expérience, Monsieur Murray, mais certainement pas pour la « délivrer », comme vous dites. Une entité comme Carrie, aussi ancienne et puissante, s’est complétement implantée dans le corps qui l'a nourri. L’âme de Carrie et le démon ont fusionné depuis si longtemps qu’il est impossible d’y remédier. Elle avait surement déjà à la naissance des gênes qui la prédisposaient à devenir ce qu’elle est. Samael devait le savoir, s’il l’a conçu avec une sorcière c’est qu’il avait déjà en tête cette mutation. Il n’avait par contre pas envisagé que les sorcières trouveraient un moyen de limiter les dégâts.

    Howard : je sais tout cela. Mais quel rapport avec l’autre archidémon alors? Est-ce que vous le connaissez tous les deux ?

    Spencer prit la mallette qui était posée à ses pieds et la déposa sur le bureau de Carrie avant de l’ouvrir. Il en sortit un imposant grimoire, très ancien, emballé soigneusement dans une étoffe. Avec beaucoup de précaution, il libéra le manuel de son écrin et fit signe à Howard de s’approcher. Caroline ne quittait pas l’objet des yeux. Lentement, elle avança la main et le toucha du bout des doigts.

    Carrie, chuchotant comme pour elle-même : je me souviens de ce livre.

    Elle tourna les trois premières pages puis suivit avec son index les longues et fines lettres. Le manuscrit était rédigé dans un mélange de plusieurs langues.

    Toute à sa contemplation, elle ne dit plus rien durant quelques longues secondes, avant de demander :

    Carrie : Où l’as-tu trouvé ?

    Spencer : dans la plus vieille bibliothèque de Varsovie. La seule qui n’a pas été trop endommagée, assez miraculeusement d’ailleurs, par les guerres successives. Le plus bizarre, c’est que notre archidémon a piraté nos systèmes justement pour nous en indiquer l’emplacement.

    Carrie : ce n’est pas bizarre. C’est un cadeau.

    Howard : pour qui ?

    Carrie : pour moi.

    Les deux hommes s’observèrent un instant, avant de regarder ensemble la démone.

    Howard : pourquoi cette entité t’offrirait ce livre ? Et pourquoi ne pas te l’offrir en main propre ?

    Elle sourit.

    Carrie : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué. Il voulait qu’on sache qu’il était encore là, et qu’il connait nos activités.

    Voyant que son ami ne comprenait pas, elle leur fit signe de s’asseoir.

    Carrie : j’espère que vous avez du temps devant vous, c’est une très longue histoire..
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    MessageSujet: Re: Histoire courte d'une longue époque Histoire courte d'une longue époque EmptyJeu 31 Déc - 14:09

    Deuxième partie

    Alors qu’elle fermait les yeux, des images s’imposèrent à elle, étirant sur ses lèvres un sourire. Instantanément, l’atmosphère se réchauffa. Spenser et Howard se calèrent dans leurs sièges et Carrie replia ses genoux sur sa poitrine, les entourant de ses bras. Sa voix s’était adoucie et son visage s’anima, signes que son souvenir lui était agréable.

    C’était il y a longtemps. Je débarquais sur la Terre, blessée, humiliée par l’exil qu’on m’imposait après la trahison de mon père, Samael, qui venait d’assassiner le père d’Almanndiur, Roi des Vertes Vallées. Et pour couronner le tout, j’étais poursuivie par une horde de Wallecks, ces monstres sans âmes qui répandent la mort en dehors des murs du royaume. Quand j’ai franchi la porte des mondes, j’ai laissé toute ma vie, du moins tout ce que j’en connaissais là-bas. Mes pensées étaient confuses, je ne savais pas où aller, je ne savais même pas où j’étais ! J’ai continué à avancer... je me souviens qu’il faisait de plus en plus froid, je perdais beaucoup de sang, et j’ignore pourquoi, mais je n’arrivais pas à me régénérer. J’ai compris plus tard que les armes des Wallecks étaient empoisonnées, et que ce poison ralentissait considérablement mon pouvoir de guérison. J’ai du marcher longtemps avant de trouver un abri, mais je l’atteignais à temps pour éviter la tempête qui s’annonçaient. C’était un vieux manoir qui avait l’air abandonné. A peine entrée je me suis effondrée sur un tapis hors d’âge.

    Quand je me suis réveillée, j’étais allongée sur un divan confortable, un feu crépitait dans l’âtre. Quelqu’un avait pansé mes plaies et m’avait recouvert d’une épaisse peau de bête. J’avais un peu moins mal, et un peu moins froid. Mais à peine avais-je ouvert les yeux que tous mes souvenirs refluaient. L’indignation, la colère, et toute une foule de sentiments me terrassaient. J’observais les flammes qui dansaient en me demandant si je ne ferais pas mieux de me jeter dedans, bien que à priori, cela n’aurait certainement pas suffit à mettre fin à mes jours. Avec le recul, je me dis que c’était la première fois que je songeais à disparaître, mais pas la dernière. J’avais conscience d’être une source d’ennuis, une présence indésirable pour mon peuple que j’aimais, et pour les êtres qui m’étaient chers. Je me posais les questions que tout réfugié se pose : qu’allais-je devenir ? Où aller ? Comment continuer à vivre ? Et puis soudain j’ai entendu sa voix. Pas comme vous entendez la mienne non. Dans mon esprit, elle résonnait, douce et à la fois intransigeante. Posée, rassurante. Je la sentais sincère et calme. Tout ce dont j’avais besoin en cet instant.

    Ne t’inquiète pas. Tout va bien se passer.

    Je ne sais pas si on peut tomber amoureux d’une voix, mais j’ai aimé la sienne à la seconde où je l’ai entendu. Et je peux vous dire que je ne serais pas assise ici s’il n’avait pas tant fait pour moi.

    Captivée par sa voix, je fermais les yeux et guettais une autre intervention de sa part, mais rien ne vint. J’ai basculé dans un sommeil réparateur. J’ignore combien de temps j’ai dormi. Par moment, je sentais une présence, et mes blessures me faisaient souffrir, mais je me rendormais, comme si quelque chose me maintenait volontairement dans cet état de semi conscience. Si j’ai vu une silhouette à mes côtés, elle était floue et disparaissait rapidement. J’entendais cette voix murmurer quelques paroles que je ne comprenais pas, j’essayais de réfléchir à quel dialecte elles pourraient appartenir, mais mon esprit s’embrouillait et je tombais à nouveau dans le sommeil, comme on plonge dans l’obscurité. Quelques temps plus tard, j’ai repris conscience. Je souffrais beaucoup moins. Mes blessures n’étaient plus que superficielle. Je me levais pour m’assurer que je n’étais pas une nouvelle fois prisonnière, et que mes muscles n’avaient pas trop soufferts. On m’avait changé mes vêtements, et je regardais cette drôle de robe blanche sur moi, parce que c’était la première fois que je portais autre chose qu’une armure. J’étais un peu gênée d’être ainsi vêtue, et je cherchais des yeux mes anciens vêtements. Maintenant que j’allais mieux, il me fallait reprendre mon chemin, mais je devais d’abord remercier mon bienfaiteur. C’est lui qui se présenta à moi. Je trouvais ses vêtements à lui aussi assez étrange, il sourit en passant la main sur le col de sa chemise à jabot et me dit :

    - Et encore, tu n’as pas vu les pantalons bouffants du siècle dernier !

    Je me demandais de quoi il pouvait bien me parler. Il s’avança vers moi, mais voyant que je reculais d’un pas, il resta où il se trouvait.

    - Je m’appelle James. Du moins c’est le nom que l’on m’a donné ici.

    Je fus tout de suite intriguée par ce « on » qui signifiait que d’autres personnes avaient connaissance de son existence. Que savaient-elles de lui ? Étions-nous seuls dans ce manoir ?

    - En effet, nous sommes seuls ici. Bien que cela ne soit pas très convenable à cette époque dans la bonne société anglaise. Je crains d’être obligé de te demander en mariage, si d’aventure tu devais être vue dans ce domaine en ma compagnie.

    - Ce serait vraiment trop te demander d’arrêter de lire dans mes pensées ?

    Son sourcil droit se haussa, surpris par ma remarque, et en même temps gêné.

    - Excuse moi, je suis tellement excité de rencontrer à nouveau quelqu’un comme moi que j’en perds l’usage des bonnes manières. Comment t’appelles-tu ?

    - Calliel.

    Il avança un peu la tête, comme s’il attendait une suite.

    - Et ?

    - Calliel.

    - Calliel. Et tu es originaire des Montagnes du Nord...

    Elle le fusilla du regard, pensant qu’il s’était encore introduit dans ses pensées. Elle se concentra pour lui fermer son esprit.

    - Oh non, ne t’en fais pas, j’ai compris le message. Plus d’intrusion dans ton cerveau, c’est promis. Je l’ai su en voyant la couleur de ta peau.

    Elle jeta un œil sur ses bras.

    - Non, ta couleur... originelle.

    Tandis qu’elle relevait la tête, elle pouvait voir ses yeux passer d’un bleu clair assez commun à un bleu électrique plus surnaturel.

    - Depuis combien de temps suis-je là ?

    - A peu près deux semaines. Tu étais sérieusement blessée et ton corps a eu beaucoup de mal à récupérer. J’ai enlevé des fragments de métal  et nettoyé tes plaies comme j’ai pu, mais cela ne suffisait pas. Finalement j’ai pris la liberté de faire des prélèvements et des analyses et j’ai fini par trouver un remède. Je ne me doutais pas que des tribus telles que les Wallecks étaient assez évoluées pour utiliser les plantes comme poison. C’est plutôt l’apanage des elfes, ou des sorcières. Ou les deux à la fois.

    Le regard de Calliel se durcit. Elle n’allait pas lui avouer qu’elle s’était fait tirer dessus par son propre peuple et par les Wallecks.

    - si c’était l’œuvre de mes sœurs, je ne serais pas là à t’écouter parler.

    Il eut une petite moue dubitative.

    - Probablement.

    Elle hésita un instant.

    - Est-ce que tu as gardé ces prélèvements ? J’aimerais les voir avant de partir.

    Il ne parut étonné par sa demande et l’invita à le suivre.

    - Bien sur.

    Il s’avança dans un long couloir et elle dut accélérer le pas pour pouvoir le suivre. Une douleur à la jambe commença à se faire sentir. Malgré le fait qu’il ne la regarda pas, il ralentit l’allure et se montra très prévenant jusqu’au laboratoire.

    - James, car c’était son nom dans ce monde, passait tout son temps à faire des recherches sur nous. Quand je dis nous, je parle bien entendu des entités que les humains nomment démons. Puisqu’il faut bien « classifier » les espèces, comme Spencer aime à le faire.

    - Hey !

    - Je n’ai, jusqu’à ce jour, pas rencontré quelqu’un d’aussi impliqué dans notre cause et aussi bien informé, surtout qu’à l’époque il n’y avait quasiment pas de moyens de communication. Mais James n’avait pas besoin de cela. Grâce à sa télépathie et à ses dons de voyance, il lui suffisait d’être à proximité de toutes créatures pour en connaître les moindres secrets. Il gérait parfaitement son camouflage, personne ne le démasquait jamais. Malgré son aspect très jeune, il était parmi les plus anciens d’entre nous, et sans aucun doute l’un des plus puissants. Quand je l’ai connu, il venait de faire plusieurs découvertes majeures, comme le fait que nous sommes tous mortels, à la condition d’être exposé à une certaine substance qui nous est toxique.

    - Comme Superman et la Kryptonite ?

    - Quelque chose dans ce style, mais ça ne fait pas que provoquer un état de faiblesse, cela nous est fatal, et les souffrances sont atroces.

    - Qu’a-t-il appris d’autre ? demanda Spencer.

    - James a découvert que ceux qui ne mourraient pas de façon accidentelle,  pouvaient vivre durant plusieurs siècles avant de s’éteindre. Il m’a raconté qu’il avait repris conscience dans les années qui ont suivi le premier millénaire, mais que dans le lieu où il s’est réveillé, il a trouvé des preuves que son existence était bien plus ancienne, mais il n’en avait plus que de brefs souvenirs, si bien qu’il ne pouvait pas les dater. Il pensait que les plus âgés d’entre nous se retiraient en quelque sorte de leur existence. Comme s’ils se mettaient en veille et attendaient que quelqu’un, ou quelque chose, les ranime. L’adoration que les mortels nous portaient jadis pourrait être à l’origine du réveil de nos aïeux. Au fil des siècles, il avait effectué plusieurs expéditions afin de retrouver certains d’entre eux, mais malgré ses tentatives, aucun n’a pu être ranimé. Il me montra toutes ses recherches, heureux de trouver en moi une écoute attentive. Je trouvais cela passionnant. Moi qui n’avais vécu jusque-là que pour servir les intérêts de mon père, puis ceux du père d’Almanndiur, qui me considéraient comme une paria, ou une arme destructrice, je rencontrais enfin quelqu’un qui n’attendait rien de moi. Je me souviens qu’il m’a proposé de rester encore un peu, le temps que je sois totalement rétablie.

    - Et alors, qu’as-tu fait ?

    - je suis restée. Nous avons vécu ensemble pendant un peu plus de trois cents ans, sans qu’aucun nuage noir de vienne troubler notre harmonie.

    Spencer et Howard restèrent sans voix. Puis ce dernier lui demanda :

    - Pourquoi ne m’en as-tu jamais parlé ?

    - Je n’ai jamais mentionné son prénom, mais l’ensemble de mes recherches scientifiques et des sociétés que je dirige portent ses initiales. S.J.M .: Sir James McNeal. Lorsque je dois financer un projet, c’est aussi en son nom que j’investis des fonds. Cela me permet de garder l’anonymat.

    - Je connais cette société, mais elle n’est pas impliquée que dans la recherche… j’ai cru lire quelque part qu’elle avait considérablement investi dans les moyens de communication via internet, et également dans la défense.

    Carrie sourit à Spencer.

    - Nous sommes des pionniers dans bien des domaines, mais cela n’a rien d’étonnant. James a eu de nombreuses visions durant son existence, et il a eu la générosité de m’en confier les moindres détails. Ma fortune ne doit rien au hasard. Mais l’argent n’a jamais été l’objectif.  

    - Je ne crois pas que la CIA ait connaissance de tes recherches parallèles.

    Carrie plongea son regard dans celui de Spencer.

    - Je ne travaille pas pour la CIA, Spencer. Il m’arrive de troquer quelques informations contre d’autres, mais il n’a jamais été question d’une coopération. De toute manière je sais comment fonctionnent vos système de renseignements, et je ne traite jamais avec les intermédiaires.

    Spencer parut vexé par sa réponse, mais il ne répondit rien, conscient de la justesse de sa logique.

    - les travaux de James ont considérablement amélioré nos conditions de vie, et notre intégration dans le monde des humains. Pour ceux qui comme moi, étaient convaincus de la nature apocalyptique de leur existence, James a ouvert de nouvelles perspectives. Très peu d’entre nous sommes véritablement destinés à entrer en conflit avec le monde. C’est comme des chromosomes qui détermineraient l’issue de notre existence. Ce qui est troublant, c’est que nous ne sommes pas d’origine terrestre. Nous avons été créé ailleurs qu’ici, probablement dans l’un des mondes parallèles. Je suis persuadée, grâce notamment aux visions de James, que notre vocation première n’est pas la destruction totale. Mais placés entre de mauvaises mains, comme celles de mon père, nous sommes de redoutables machines de guerre.

    - En d’autres termes, tu cherches un moyen de vous affranchir de toute manipulation extérieure.

    - Précisément.

    Et elle se mit à rire.

    - Je poursuis également ce que nous avions commencé avec James au sein de notre centre.

    Cette fois Howard tomba des nues.

    - La Garde est un centre d’entraînement pour démons ?

    - Il n’y a pas que des démons, d’autres créatures s’y retrouvent. Disons que c’est un lieu d’accueil pour tous ceux qui ne trouvent pas leur place dans ce monde. Chez nous ils ne sont pas jugés, classifiés ou exterminés. Nous les prenons comme ils sont, pour peu qu’ils souhaitent vivre en paix avec l’humanité. Tout comme James l’a fait pour moi.

    Spencer reprit la parole.

    - McNeal m’a l’air plutôt pacifique, à première vue. Mais ce n’est pas lui qui t’a apporté le manuscrit.

    - Non. C’est Voss McBain qui me l’a fait parvenir. Nous l’avons rédigé tous les trois. Voss était notre ami.

    - Ami … dans quel sens ?

    Carrie plongea les yeux dans les siens, et s’il avait pu rougir, il serait devenu écarlate, la démone ne cachant pas ses liens avec le dénommé Voss et son ex compagnon McNeal.

    - Un ami très intime. Nous avons vécu quelques années ensemble. Tous les trois.

    - J’imagine qu’à l’époque, cela a du provoquer un petit scandale.

    - Pas du tout. Comme James et moi, Voss avait la capacité de lire et de manipuler les pensées des humains. Il suffisait de laisser entendre que Voss était un cousin venu nous rendre visite et tout était réglé. Et puis nous recevions très peu d’invités, nous étions trop occupés avec nos recherches, et d’autres divertissements plus… excitants.

    Howard et Spencer s’agitèrent dans leurs sièges en se raclant la gorge.

    - Quels sont les intentions de Voss, à ton avis ?

    - Je n’en sais rien, mais j’imagine qu’il ne repartira pas sans venir me parler. Du moins je l’espère.

    - J’espère que l’enragé qui te sert de compagnon actuellement ne déclenchera pas la troisième guerre mondiale.

    - Il y a peu de chance qu’ils se croisent, si Voss vous a échappé aussi longtemps ce n’est pas pour se faire attraper par un vampire, aussi puissant soit-il. Il me trouvera.

    - En même temps, tu passes ton temps entre ces murs, n’importe qui sait où te trouver.

    - C’est bien là le but. Mes semblables doivent savoir où aller, et s’y sentir chez eux.

    Howard se leva et ferma sa veste, prêt à partir.

    - Et bien, en y réfléchissant je ne peux pas dire que je suis vraiment surpris, mais je suis un peu déçu que tu ne m’aies pas confié tes plans, et je n’aime pas l’idée que tes amis puissent lire dans ma tête comme dans un livre ouvert.

    - Mes amis sont des êtres fragilisés et pour beaucoup, au bord du gouffre. Je pense que tes pensées sont le cadet de leurs soucis, la plupart se préoccupant bien plus de ne pas provoquer le chaos en éternuant.

    Devant les yeux circonspects de son ami, Carrie minimisa ses propos.

    - Ce n’est qu’une image bien sur.

    Elle se leva en même temps que Spencer, et les raccompagna jusqu’à la porte du bureau.

    - Spencer, peux-tu m’accorder une faveur ?

    Il haussa un sourcil interrogateur.

    - Si tu décides pour une quelconque raison d’intervenir, contacte moi et laisse-moi lui parler. Tu n’obtiendras rien de lui si je ne suis pas là, il n’accorde sa confiance à personne.

    - il te l’a bien accordé, ainsi qu’à McNeal.

    - C’était il y a longtemps, et James n’est plus.  

    - Par n’est plus, tu entends n’est plus là, n’est-ce pas ?

    - C’est une autre histoire, et il est bien tard déjà.

    - Je reviendrai !

    Elle lui sourit, et le poussa gentiment vers la sortie. Les deux hommes quittèrent le bâtiment désert laissant la jeune femme à ses souvenirs.
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