Les fils du Destin se croisent à nouveau.
Parfois. Spontanément. Ou volontairement.

Pourquoi est-il ici ? Pourquoi maintenant après un aussi long silence ? Il sait, tout simplement.
Il sait que je le recherche. Que je veux des réponses et qu'il en détient la clé.
Il sait que je le traque. Que je le piste inlassablement. Que j'étudie chaque indice qu'il laisse sur son passage.

Pourtant, jusqu'à présent, il s'était fait discret. Trop par rapport à son statut et sa place dans le monde. Pas de Une des journaux, pas de frasques, pas d'OPA en grande pompe, ni d'apparitions publiques.
Et là, tout d'un coup, il se dévoile. Et le fait au sein d'une grande fédération de lutte.
Coïncidence ? Signe ? Non. Je le connais, je me doute que cette apparition fait partie d'un plan plus large concocté dans le but de me manipuler. De jouer avec mes nerfs, mon esprit, ma raison. Il est en position de force, il sait que je ferai tout pour atteindre mon but.

Vrombissement de moteur puissant, une musique agréable à mon oreille lorsque je conduis ma fidèle Mustang au travers des routes nord-américaines. Piloter ce bolide m'aide à vider l'esprit des souvenirs que je préfère oublier, des questions incessantes qui me taraudent. Qui suis-je vraiment ? Quel est mon véritable nom ? Que m'arrivera-t-il lorsque je découvrirai la vérité ? Autant d'interrogations qui ne doivent pas embrumer mon raisonnement et ma détermination.

Montréal, Québec, Canada. Le siège de la Sanctuary of Wrestling et son arène m'attendent. Après avoir acquis un appartement modeste à louer non loin du bâtiment et y déposer mes affaires, je me rends sur les lieux de mon nouveau travail. Un environnement familier, autant du point de vue de la profession que de l'architecture de l'arena. Un retour aux sources, là où tout à commencé. Pas le même lieu, mais la même situation, un homme au passé perdu en quête de son identité, se retrouvant à lutter pour trouver des réponses à ses questions. Et confronter cet homme disséminant des petits cailloux pour que je le suive où il le souhaite.

Gekko. Desmond Gekko.

Lui, toujours lui, au sourire carnassier, grande masse à l'esprit retors. Toujours le même point, la même situation. A une exception près.
Alicia n'est plus, et son secret envolé avec les cendres de son corps. Et une partie de mon âme, perdue à jamais, une fois encore.
Ce secret, une des clés de mon identité, de ce qui a causé cette foutue amnésie.

A peine entré dans le hall, une caméra braque son objectif sur moi, un micro tendu vers mon visage. Une des choses qui ne me manquaient pas dans ce travail. Mais une obligation cruciale dans l'exposition qui doit être le mien.

Alpha : Ok.

J'attrape le micro, non sans lâcher un soupir d'exaspération. Et je regarde cet objectif, droit vers la lentille.

Alpha : Durant ma carrière, j'ai toujours fait face aux épreuves qui se présentaient à moi. Sans détour. Sans tricherie, ni manipulations. Je n'en ai pas eu besoin pour continuer mon chemin et gravir les échelons. Simplement à la sueur de mon front et la force de mon poing. Il en a été ainsi à la FWE. Egalement à la SoW lors de mon dernier passage. Mais plus que les titres, mon objectif a toujours été le même : retrouver ma mémoire, ma véritable identité. Les piste qui m'étaient données de suivre m'ont toujours amené dans les fédérations de lutte. Cela a toujours été ainsi, et je ne me détournerai pas de mon chemin.

Et ce but, ces réponses, un homme les détient : Gekko. Desmond Gekko. Son destin et le mien sont liés, il détient la clé de ma libération. Et personne, je dis bien PERSONNE ne m'empêchera de l'atteindre. Pas même toi, Gekko, et au fond de toi, je suis sur que tu le sais. Que c'est ce que tu recherches. Une raison de t'exprimer, de t'élever. Quoi de mieux que faire revivre une rivalité qui n'a jamais trouvé de dénouement ? Tu peux être heureux, Gekko : me voici, en personne. J'ai suivi ton fil d'Ariane et me trouve désormais au centre du Labyrinthe qu'est le Sanctuaire pour me confronter au Minotaure que tu es. Et l'abattre s'il le faut pour qu'enfin, ENFIN, je puisse vraiment exister.

Tu peux mettre tous les obstacles que tu veux, tous les sous-fiffres que tu engages pour me barrer la route, ils ne sont rien de moins qu'une porte à briser d'un coup de pied. Must ou Black Sun, ils ne sont rien, il ne valent rien à mes yeux, car tu es la seule personne qui importe, Gekko. La seule personne qui a quelque chose qui m'appartient. Je suis venu le récupérer, et je ferai tout pour l'obtenir. TOUT ! Et battre un à un tous les lutteurs menaçant de m'écarter de mon chemin. Must, Black Sun, vous êtes les premiers sur la liste, vous avez signé pour faire barrage. Je vous briserez jusqu'à ce que vous ne vous puissiez plus vous relever. Sylvain Primeau subira la même chose, et peu importe son palmarès ou son talent ici-même. Lui non plus n'est absolument rien à mes yeux qu'une porte à fracasser pour accéder à l'objet de mon obsession, le but de mon existence actuelle : toi, Gekko ! Ils tomberont tous lors de mon passage, subiront tous le même sort : POINT BLANK !

Vous avez un choix très simple : aidez-moi, ou dégagez de mon chemin !

Le message est passé, tous savent désormais que je ne suis pas ici pour faire de la figuration. J'ai un but, et je remuerai ciel et terre pour l'atteindre.
Rien ni personne ne pourra m'arrêter.

Voici la fin.
Fin du voyage, fin de la piste. Une fois encore, l'objet de ma quête a disparu, de même que ses acolytes. Une fois encore, je me retrouve sans réponses, à demeurer un homme au faux nom, au passé oublié.

Qui suis-je ? Cette question revient sans cesse. Non, je ne suis pas Allan Philip Harmore. Je ne suis qu'une lettre grecque dans un sanctuaire. Une lettre sans signification dans ce bas monde.

Alors que me reste-t-il vraiment ? Seulement des questions qui nécessitent des réponses. Des réponses cachées, ou impossibles à dénicher. Des énigmes à résoudre ne trouvant aucune solution.

Cette lettre, lentement, s'étiole, se voile sous le couvert de l'anonymat. Je n'étais qu'un pseudonyme fugace qui n'a pas trouvé ce qu'il cherchait.
Alors, quel est mon but ? Que dois-je vraiment faire ? Je reste dans le trouble, j'ignore ce qu'il adviendra de mes prochains pas, de la prochaine étape de ma vie.
Une vie. Je ne sais pas si je vis, en fin de compte, car je n'existe pas vraiment. Mon identité a été dérobée de ma mémoire, ne me laissant qu'un nom d'emprunt.

Que faire ? Vivre une nouvelle vie ? S'acharner à retrouver mon passé ? Reprendre le cours de mon destin, comme si de rien n'était ? Le flou m'envahit à nouveau, le doute s'empare de moi. Je revois alors les visages de ceux qui ont marqué mon chemin vers une vérité qui se joue de moi. Elle, toujours elle, amante et ennemie, disparaissant dans les flammes. Je regarde en arrière, vers ce court passé. J'y vois alors beaucoup de points noirs, des déceptions comme s'il en pleuvait. Et pourtant, parmi ce maelström déprimant ressortent ces moments merveilleux, trop rares. Et ces moments de gloire, ces fans scandant son nom. Et ce titre, ce fameux titre obtenu au prix du sang et de la sueur. Titre appartenant à un lointain passé, volontairement oublié par le sanctuaire.

Retour à la case départ. Sac en main, je rejoins mon bolide, dépose mes affaires sur le siège arrière. Installé sur le siège conducteur, un long soupir de dépit s'achappe. Je repense une dernière fois au gâchis qu'a représenté ce cours passage au sanctuaire. Une fois encore.

Alors que j'allais mettre le contact, mon téléphone portable sonne. Cela fait bien longtemps qu'il n'avait plus donné signe de vie. J'ouvre le clapet, regarde l'écran. "Numéro inconnu". Je décroche.

- "Salut, old man. La vie est bien triste sans un minimum d'attention, n'est-ce pas ?"
- "Ca dépend. Qui est à l'appareil ?"
- "Juste un homme qui t'observe depuis longtemps, et qui trouve que tu te poses trop de questions."
- "Dis-moi qui je suis réellement, et je ne m'en poserai plus."
- "Ca ne marche pas comme ça, old man. Au contraire, tu devrais abandonner cette quête qui n'aboutira à rien. Oublie Gekko, il n'est qu'une pièce que l'on sacrifie sur un échiquier bien trop grand pour toi."
- "Qu'en sais-tu ?"
- "Il n'est qu'un faux-semblant, un mirage. Pourquoi, à ton avis, tu n'arrives pas à retrouver sa trace, lui qui est censé être un magnat de la Bourse ? Un requin des finances adepte des médias ?"
- "Tu sembles en savoir beaucoup sur lui."
- "Suffisamment pour te dire d'arrêter avant de t'embourber dans une affaire qui te dépasse. Mais si tu persistes à retrouver la mémoire, pose-toi cette question : qu'adviendront tes souvenirs datant d'après ta perte de mémoire ? Vas-tu les rejeter lorsque tu découvriras qui tu es réellement ? Après tout, d'après toi, ce n'est pas ton existence, mais un faux nom. Et si ce que tu vas découvrir est bien pire que ce que tu as vécu jusqu'à présent en tant qu'Allan ?"
- "Ca ne te regarde pas."
- "Au contraire, old man. Cela me concerne au premier plan, car j'ai prévu quelque chose pour toi. Une proposition que tu ne pourras pas refuser. Je te recontacterai, mais jusqu'à mon prochain coup de fil, réfléchis bien. Ta vraie identité, ton vrai "toi", est-il aussi taré et psychopathe qu'Alicia ?"
- "Comment tu..."

Il a raccroché.

Cette voix, je l'ai déjà entendue quelque part. Où ? Quand ? J'essaie de ressasser toutes les personnes qui me sont connues, des proches - si on peut les dénommer ainsi - mais aucun nom ne me vient à l'esprit. Une personnalité connue ? Je n'ai que trop peu d'information, juste une voix vaguement familière. Cette intonation si sûre, si confiante avec ce petit quelque chose de sauvagerie parfaitement maîtrisée. Un homme qui savait ce qu'il disait, qui allait droit au but. On aurait même dit qu'il adorait la situation dans laquelle je suis. Il semble aussi aimer remuer le couteau dans la plaie. Pour la bonne cause ?

Ses paroles, pourtant, restent sensées. Une fois encore, mon esprit bouillonne de questions. Je reste ainsi, à l'intérieur de mon véhicule, essayant de me trouver une bonne raison pour partir et reprendre cette vie d'errance et de traque.

prochaine étape, la maison. J'aurai alors toute la nuit pour réfléchir et prendre une décision.

"Bonsoir, Allan."

Je ne m'attendais pas à la trouver devant moi, devant l'entrée de ma modeste demeure. En fait, depuis mon départ, et même lorsque j'ai effectué mon retour au Sanctuaire, jamais nous ne nous étions croisés. Pas un rendez-vous, pas une entrevue, pas même un salut fugace. Jusqu'à ce soir d'automne. La brise fait voleter sa longue et fine chevelure brune, dissimulant en partie son visage tantôt sérieux, tantôt mutin. Avec ce je ne sais quoi de mélancolique dans son regard.

Alpha : "Bonsoir."
Eve : "J'ai appris que Prime t'a mis la pression pour que tu sois plus présent dans les médias. Je ne sais pas ce que tu comptes faire, mais j'ai entendu Phil clamer ne pas du tout s'intéresser à "un vieux has been", selon ses termes, en parlant de toi."
Alpha : "Entre."

Le vent commençait à se rafraîchir, et la nuit allait de toute façon tomber. Mais je ne sais pas quoi penser de ces retrouvailles après tout ce temps à s'éviter. Pourquoi maintenant ? Je lui propose le canapé, nous nous asseyons tous les deux.

Eve est une journaliste passionnée par son travail, mais avec une tendance à se laisser un peu trop facilement influencer. Belle, avec un sourire magnifique, compétente également quoique sous-estimée par beaucoup. Je l'aimais bien, il n'y a pas si longtemps. Qu'en est-il maintenant ? Les doutes, les évènements passés ont assurément marqué de leurs viles empreintes mon esprit, dressant des barrières invisibles que je peine à franchir.

Alpha : "Que me vaut ta visite ?"
Eve : "Tu sais que Prime t'a donné un ultimatum. Tu dois te montrer plus régulièrement, t'exposer aux médias. Mais jusqu'à aujourd'hui, tu n'as approché personne. Pas même moi."
Alpha : "Louis et moi avons un match à Endless Nightmare. Prime aime à dire que c'est un test pour moi. Je dois battre Louis de Bellac, et je le ferai."

Je constate qu'elle avait entretemps sorti son carnet afin de prendre des notes. Ce qui ne manque pas d'attirer mon attention sur le carnet.

Alpha : "Es-tu ici pour parler, ou pour faire ton travail ?"
Eve : "Je ne veux pas que tu partes comme un malpropre. En tout cas, pas avant que tu ne m'ais tout raconté, depuis le départ."

Aussi promptement qu'elle l'a sortie, Eve pose son bloc-note sur l'accoudoir du canapé, avant de se placer face à moi, une jambe repliée sur le rembourrage.

Eve : "D'ailleurs, il est vraiment temps que tu me dises tout. Parce que tout ce que j'ai te concernant, ce ne sont que des documents, des vidéos par ci, par là. Mais je n'ai jamais connu ta version de tout ce qui t'es arrivé, et pourquoi cette obsession vis-à-vis de Gekko. Quitte à ne pas faire ce que Prime te demande, fais au moins ça pour moi. Je veux savoir, et surtout, je veux comprendre. Enfin, te comprendre."

C'est donc ça. Je détourne le regard, regardant la fenêtre par nonchalance. Pesant le pour et le contre. M'ouvrir complètement, ou garder les points sensibles pour moi seul. Mon entourage se définit cependant comme quasi nul, et la personne assise devant moi pourrait bien être ma seule chance, mon seul soutien. "Reste" dit cette voix par téléphone.

Eve : "Tu m'écoutes au moins ?"
Alpha : "Si tu as beaucoup de temps devant toi, alors je te raconterai tout. Allons manger quelque part."

Je ne lui laisse pas vraiment le choix, l'ambiance dans cette maison n'était pas propice pour une grosse rétrospective de mes maigres souvenirs. Sortir et s'installer dans un terrain neutre me paraît alors la meilleure solution pour ressasser le bon vieux temps après un long silence.


Non loin du Fleuve Saint-Laurent se trouve un sympathique restaurant appelé Le Chêne Blanc. Je ne me suis pas encore bien familiarisé avec la ville de Montréal, et Baltimore me manque toujours un peu. La faute à quelques bons moments. Mais ce restaurant m'a tapé dans l'oeil par la relative simplicité de l'ambiance qu'il dégage ainsi que la qualité des mets servis. J'invite Eve à s'asseoir la première, et je la suis.

Nous n'avions pas prononcé un mot pendant tout le trajet, et je sentais bien qu'il y a un malaise. Un mal-être dont elle ne voulais pas expliquer. Plusieurs fois, je lui jetais quelques petits regards, mais elle ne réagissait pas. Je sentais même qu'elle essayait de les éviter.

Après avoir commandé nos plats, je lui sers un verre de Chardonnay, très léger. Eve me dévisage, elle semble attendre une ouverture. Chose que je finis par faire, un peu à contrecoeur.

Alpha : "T'es-tu déjà demandée à un moment ce que tu faisais là ? Si tu étais bien ancrée dans la société, que tu y avais bien ta place ?"
Eve : "Pas que je sache. J'ai un boulot qui me plaît, une bonne place. Non, je crois que je ne me suis jamais posée la question."

La réponse que j'attendais.

Alpha : "Alors il faudra que tu te mettes en situation. Imagine que tu te réveilles à l'intérieur d'une loge comme il y en a au Sanctuaire. Sauf que tu n'as aucune espèce d'idée d'où tu te trouves. Ton esprit, à ce moment-là cherche en vain un raisonnement, une réponse. Sauf qu'elle ne viendra jamais, car tu n'as aucune foutue idée de comment tu as atterri là. Et pire encore, tu te rends compte que tu ne sais pas du tout qui tu es. Comme si ta mémoire a été complètement vidée de toute ton histoire et ton identité. A cet instant, c'est comme si tu naissais, découvrant un environnement inconnu. Alors tu cherches autour de toi n'importe quoi te permettant d'en apprendre un peu plus sur ta situation. Un sac de sport, des tenues de lutte, un miroir et un casier contenant des papiers d'identité et des clés de toutes sortes. Allan Philip Harmore, né à Baltimore le 29 août 1961. ID, permis de conduire, clés de voiture et d'appartement, absolument tout y était. Mais le plus étrange, ce ne sont pas toutes ces informations à foison qui m'interpellent et me rendent aussi méfiant. Mais surtout le fait qu'au fond de moi, j'avais la certitude que ces informations, ce nom, cette date, cette voiture, cet appartement, tout cela n'étaient pas vraiment moi. Je ne peux pas me l'expliquer, comme je ne peux pas m'expliquer la facilité que j'ai de lutter, de porter des prises, de m'entraîner. Comme si c'était inné, par automatisme. C'est ainsi que j'ai débuté dans le milieu de la lutte professionnelle, à la FWE. Comme ça, sans explications, avec juste un contrat à mon nom servi sur un plateau. Et rien d'autre. Enfin si, ceci."

Je dévoile alors, sous un des gants que je porte toujours, un tatouage sur le revers de sa main droite.

Alpha : "Il était encore rouge, signe qu'il avait été fait quelques heures auparavant. Et de la pommade était à disposition dans le sac. Evidemment, aucun souvenir de qui m'a fait ça, et où. Les mauvaises langues pourraient dire que c'était suite à une bonne grosse cuite, mais il n'en est rien. Je n'avais pas les symptômes de l'abus d'alcool, pas de migraine, pas de bouche pâteuse, rien de tout ça. Je me suis décidé à partir et faire un tour en ville. Peut-être allais-je trouver de quoi me rappeler. Au lieu de cela, je tombe sur une bande de voyous agressant une jeune femme. Ils voulaient m'intimider, je restais de marbre. Ils voulaient me menacer de me planter, je leur ai dit d'essayer. Ils ont tenté le coup, ils se sont retrouvés bien vite par terre, comptant fleurette au pays des songes. Cela s'est passé aussi rapidement que je te le dis. Par pur automatisme, je les ai maîtrisé. Comme si j'avais fait ça toute ma vie. J'ai laissé la femme partir, j'ai continué mon chemin."

Je marque une pause, les plats viennent d'être apportés à notre table. Eve reste silencieuse, mais son regard me laisse à penser que j'ai toute son attention. Quelques bouchées et une gorgée plus tard, je continue mon histoire.

Alpha : "Je découvre une ville, Baltimore. Une maison et une voiture que je vois pour la première fois. Et j'ai tout de suite adoré la conduire, passer les vitesse, pied au plancher, cette sensation de filer comme un bolide. Là encore, la conduire était instinctive, innée. Mais la vitesse ne m'a pas fait poser de questions contrairement à la bagarre d'avant. Au bout d'un moment, un policier me demande de m'arrêter sur le bas côté. Tu te doutes de la raison pour laquelle il était intervenu. Alors que je lui avais fourni tous les papiers, il avait voulu noter le numéro de plaque de la voiture. Là encore, instinctivement, je lui ai appliqué une prise de sommeil et suis reparti comme si de rien n'était. Le lendemain, des policiers étaient venus chez moi, m'avaient menotté et amené au poste pour répondre de cette agression. Alors que je pensais avoir droit à quelques nuit au trou, ils m'ont libéré aussitôt après un coup de fil qu'ils avaient reçu. Aucune idée de qui avait passé cet appel, mais cela avait nettement influencé la disposition des policiers à mon égard. Alors je suis reparti."
Eve : "Comme ça ? Et les autorités ne s'étaient pas posés de questions ?"
Alpha : "Pas à voix haute, en tout cas. Ni en ma présence."

Plus je racontais mes aventures, plus mon esprit voguait au coeur de mon passé récent. Ce que je suis en train de manger, je n'y fais plus attention.

Alpha : "Bref, quelqu'un veillait sur moi, au loin. Je n'y avais plus prêté attention, cela ne servait de toute façon à rien de chercher cette personne, les policiers n'allaient en aucune manière m'aider après ce que j'avais fait à l'un d'eux. Alors j'ai commencé à vivre une sorte de nouvelle vie, à m'investir à ce travail que je ne connaissais pas mais que j'appréciais de plus en plus. Les matchs s'enchaînaient à la FWE, et à chaque fois, je ressortais vainqueur. Je ne cherchais pas spécialement la gloire ou la reconnaissance, juste faire mon travail, et pourtant ma réputation dans ce milieu commençait à prendre de l'ampleur, en l'associant au Point Blank, un coup que je porte souvent pour finir un match et qui correspond à mon style de lutte. Tous mes adversaires étaient tombés sous ce coup, personne n'avaient jusqu'alors réussi à y résister, ni même à le voir venir pour l'esquiver."
Eve : "Je connais ton palmarès à la FWE, j'ai déjà vu ton parcours."
Alpha : "Mais pas les coulisses. C'était autre chose qu'à la SoW. Ils me faisaient confiance, et je le leur rendais bien. Mais les interviews ont toujours été quelque chose que j'évite autant que faire se peut. Ma place était sur un ring ou dans une salle d'entraînement à paufiner ma technique, pas à déblatérer des propos sur mes adversaires. Je n'en voyais pas l'intérêt puisque je les affrontais sur le ring. Pourtant, bien vite, un lutteur en particulier avait attiré mon attention. Et son visage m'avait tout de suite donné une sensation viscérale de lui administrer un coup de poing dans la face. Chaque fois que je le vois, ou que j'entends son nom, quelque chose en moi le haïssait indéniablement, et je ne savais pas pourquoi. Je ne le sais toujours pas à l'heure actuelle. Il y avait quelque chose, une sorte de lien, de connexion entre ce type et moi. Et lui, il en jouait. Mais j'ai vu dans son regard que ce n'était pas qu'un jeu d'esprits, il s'intéressait vraiment à moi, il cherchait aussi quelque chose. Comme s'il me connaissait déjà."
Eve : "Gekko."
Alpha : "Oui. Gekko. Desmond Gekko."

Et l'évocation de son nom, toujours, ravive en moi les plus bas instincts, chose que j'étouffe bien vite. Eve a dû le voir dans mon regard car elle pose simplement une main sur la mienne un instant, un geste fait pour me calmer. Un hochement de tête de ma part lui signifiant que j'ai repris tout mon contrôle et sa main s'éloigne.

Alpha : "Je n'ai jamais beaucoup dormi depuis le premier jour. Enfin... le premier jour de cette vie. Pour compenser, je cours, je m'occupe ou j'entame des recherches sur mes adversaires du moment. Mon nom était en lice dans un tournoi pour couronner le premier champion mondial de la FWE. Nous étions huit à y participer, et l'un de ces noms était Desmond Gekko. Le destin avait semble-t-il choisi de nous confronter mais de toute la durée du tournoi, je n'ai jamais pu le croiser. Je restais invaincu, et je passais les différentes phases sans vraiment de difficultés jusqu'en finale. Gekko faisait de même, et en secret s'était préparé dés le début à notre affrontement, avant même le début du tournoi. Il voulait me battre, s'imposer comme le meilleur de nous deux. Il voulait montrer que, comme dans les affaires, il était supérieur aux autres. Il s'était entraîné de telle sorte de pouvoir contrer le Point Blank et au fil des jours, cela avait porté ses fruits : à notre dernière confrontation avant notre match au pay-per-view, il a réussi à tenir debout quelques instants après avoir balancé ce coup, avant de chûter comme les autres."

Sans vraiment s'en rendre compte, j'ai presque fini mon plat. Eve n'a pas vraiment touché au sien. Tout juste quelques bouchées par ci par là. Elle s'abreuvait surtout d'un autre type d'aliment à en voir son regard concentré.

Alpha : "Et pendant ce temps, je recevais par colis un téléphone portable. Aucun numéro enregistré et aucune information sur l'expéditeur. Fait étrange, j'ai signé instinctivement le reçu du même symbôle gravé sur le dos de ma main, un alpha grec suivi d'un 4. Pourtant, la vie continue, rien de bien concret jusqu'à la finale à Elite of Wrestling. Le match entre Gekko et moi. Tout le monde suivant la FWE l'attendait, lutteurs comme spectateurs, car non seulement s'issue désignera le premier champion majeur de la FWE, mais aussi qui de Gekko et moi sortira vainqueur. En fait, plus que le titre, ils attendaient un dénouement. Sauf qu'en moi, je savais pertinemment que cela n'allait pas s'arrêter à la fin de ce match. Notre rivalité ne tournait pas autour du titre. Lui voulait me dominer, m'écraser de tout son poids. Je voulais qu'il m'apporte des réponses, qu'il me dise pourquoi je le hais tant. Pourquoi, surtout, j'ai l'impression de le connaître bien avant notre première rencontre."
Eve : "Un Iron Man match d'une heure qui avait été qualifié par tous comme un Match of the year. On sentait tout le long de ce match que vous vouliez vous battre. On ressentait à chacun de vos coups et prises toute l'animosité que vous aviez cumulée. Et personne, jusqu'à la fin, ne savait qui allait l'emporter."
Alpha : "Et pourtant je l'ai fait. Même s'il avait réussi par trois fois à résister à mon Point Blank, j'avais réussi. J'avais gagné. J'étais champion de la FWE. Depuis ce jour, tout s'était accéléré. Du statut d'un homme sans identité et sans passé, je me retrouvais propulsé au statut de célébrité et de champion, avec un nom, un titre, une notoriété. C'était soudain, trop peut-être pour m'en rendre compte moi-même. Mais je n'ai au final pas eu ce que je voulais : des réponses. Et il me fallait désormais gérer Gekko autant que les autres lutteurs qui voulaient ma ceinture. J'étais toujours invaincu, et allait le rester jusqu'à la fin de la FWE. Même Gekko n'a pu réussir à me battre à nouveau un mois plus tard."

Je constate qu'Eve n'avait toujours pas fini, et qu'elle ne comptait pas continuer à manger son plat.

Alpha : "Tu n'as pas faim ?"
Eve : "Ne t'inquiètes pas pour moi, j'ai juste un petit appétit dernièrement. Continue."
Alpha : "Bon. Le lendemain de ma victoire, j'étais passé à mon petit café habituel, commander et déguster mon petit expresso. C'est là que tout s'est également accéléré hors de la fédération. C'est là que j'ai rencontré Alicia. Au départ, j'ai manqué de la bousculer alors que je sortais du café. J'allais continuer mon chemin lorsque j'ai reçu un coup de fil. D'un mec que je ne connaissais pas. Un homme qui sait qui je suis mais n'a jamais voulu me le dévoiler. C'est cet homme qui avait passé un coup de fil au commissariat de police. Et c'est lui qui m'a orienté vers cette jeune femme croisée plus tôt, sans me donner plus de précision. J'ai fini par suivre ce conseil et fais connaissance avec Alicia. Elle m'a révélée être frappée de la même amnésie que moi. Elle arbore aussi le même tatouage, à ceci près que le chiffre était un 3 au lieu d'un 4. Autre chose étrange, les premières lettres de nos noms et prénoms composent le mot Alpha. Allan Philip Harmore... Alicia Phallens. Un nouveau jeu de pistes débutait, mais au moins je n'étais plus seul. J'avais enfin quelqu'un qui me comprenait et qui partageait le même fardeau."
Eve : "Elle n'était pas cinglée quand tu l'as connue au départ ?"
Alpha : "Non. Au contraire, elle avait suivi des études de psychologie. Elle voulait comprendre cet état et tout le comportement qui allait avec. Nous En avions profité pour partager tout ce que nous savions au sujet de ces Alphas dont nous faisons partie. J'en ai profité pour demander si elle connaissait Gekko, mais ce n'était pas le cas. Enfin si, juste de réputation, rien de plus. En fait, rien sur les Alpha n'avait filtré dans les médias. Comme si quelqu'un s'était démené pour dissimuler toute cette affaire. Puis j'ai eu un deuxième coup de fil de ce mystérieux mécène. Il se fait nommer Monsieur A. et me dit entre autres qu'il a choisi de m'aider alors qu'il pouvait aussi me détruire aussi facilement. J'en avais marre de ces cachotteries alors je lui ai raccroché au nez. Et un instant plus tard, j'ai été à nouveau arrêté par les flics. Cette fois, on m'avait accusé d'un meurtre. Je croyais à un piège, et tout m'accablait, notamment des empreintes m'appartenant sur le manche d'un couteau de chasse qui avait servi à couper la gorge de la victime. En fin de compte, une photo du corps m'avait permis de comprendre que cet ange gardien m'avait donné une piste : la victime était aussi un Alpha. Le premier qui plus est, son chiffre était 1. Son nom : Alberto Fallini. "alfa", qui signifie Alpha en italien. Et comme par magie, ils me relâchaient et toutes les charges contre moi avaient été levées. Comme ça.
Eve : "Je ne comprends pas pourquoi ils l'ont fait. Tes empreintes étaient sur l'arme du crime."

Je la sens inquiète, je la rassure comme je peux.

Alpha : "Je ne l'ai pas tué. Mais je comprends que tu aies un doute. J'en ai eu également. Après tout, ma mémoire m'a été volée, je pouvais être n'importe qui, même un tueur. Mais je ne voulais pas croire à cela. Un nouveau coup de fil de Monsieur A. m'indique une adresse à aller visiter. Il me dit aussi de faire attention, car probablement je suis en danger. Il m'informe que je trouverai un Alpha, sans m'en dire plus. Avec Alicia, nous y sommes allés. Je toquais à la porte, personne ne répondait, mais elle n'était pas verrouillée. Avec Alicia, on sentait qu'il y avait anguille sous roche, alors nous avions décidé d'entrer. L'homme était philosophe, en tout cas je l'avais déduit du fait qu'il collectionnait les oeuvres de ce genre. Probablement un moyen qu'il avait trouvé pour chercher à comprendre son état. Mais nous avions rencontré un autre cadavre, la gorge tranchée, attaché à une chaise. Il était le deuxième Alpha à en croire son chiffre tatoué. Le corps était encore suffisamment chaud pour penser que le meurtre avait été perpétré il y a moins d'une heure. Le couteau de chasse était présent, lui aussi, mais l'odeur de gaz m'avait poussé à réagir. J'ai vite pris Alicia et nous avions pu sortir à temps avant que la maison explose. Le piège s'était une fois encore refermé sur moi alors que la police m'avait une fois encore arrêté."
Eve : "En fait, tu es un hors-la-loi."

Par cette vanne, Eve essayait d'alléger l'atmosphère, mais je ne suis pas dupe. Elle se met à douter de moi, de qui je suis, ou j'étais. Comment ne pas la comprendre ?

Alpha : "J'étais interrogé par la même personne qui m'avait coffrée pour le précédent meurtre. Il était baraqué, chauve, et empreint d'une redoutable détermination. Un de ces superflics trop droits pour monter dans la hiérarchie, et qui écoutait ses convictions plus que les ordres des ses supérieurs. Ma mâchoire se souvient encore de ses coups de poings. Il était hargneux, et rien ne pouvait le détourner de ses idées. Malheureusement, il a dû me relâcher, à cause d'un coup de fil. Encore. Mais cette fois, j'étais sûr qu'il allait me coller aux basques en permanence, de près ou de loin, afin de me mettre au trou pour de bon. Le nom de la victime faisait référence à l'Alpha, mais ça, je m'en suis douté. Adam L. Pharmansky, il s'appelait. De là, je commençais à voir de plus en plus de détails comme autant de pistes. Monsieur A., avec un A comme Alpha. Allister, le directeur de la FWE, avec un A comme Alpha. Sans Alicia, je croyais vraiment devenir fou."
Eve : "J'avais entendu parler de ce meurtre. Mais pour une raison que j'ignore, aucun détail n'avait filtré, et cette affaire est depuis tombée dans l'oubli. D'ailleurs, ce n'était pas à ce moment là que tu étais entré à la SoW pour la première fois ?"
Alpha : "Exact. La FWE, la ACW et la SoW avaient amorcé une fusion, et la SoW en était le siège principal. Mon contrat à la FWE avait été pour ainsi dire racheté par le Sanctuaire. J'avais donc repris en marge de mon enquête la lutte, et une fois encore, je restais invaincu. Et une fois encore, je retrouvais Gekko sur mon chemin. Il avait avoué sa haine envers moi. Cette haine était réciproque, mais contrairement à lui qui en avait toutes les raisons du monde, je ne pouvais expliquer cette sensation malsaine. C'était viscéral, mais sans aucune cause, juste son nom, sa silhouette, son regard. Lui, le personnage, tout simplement. Je restais persuadé qu'il était la clé ouvrant la prison de ma mémoire. Je crois que je le suis encore aujourd'hui. Une fois encore, l'affrontement était inévitable. Lui avait au préalable remporté le titre mondial de la ACW, et j'avais encore le titre majeur de la FWE en possession. L'actuel champion de la SoW était Methodcobra, et il avait été décidé d'unifier les trois ceintures dans un match à Blood of Champions. Pourtant, je n'étais pas focalisé sur ce match. Loin de là. Je me préoccupais d'Alicia. Elle était la numéro 3. Et en toute logique, la suivante sur la liste du tueur d'Alphas. Et je serai le prochain. Je ne dormais plus que très peu, tout devenait fade, même le goût de l'expresso. Je ne pensais qu'à sa sécurité."

Une fois encore, et malgré l'inquiétude qu'elle avait vis-à-vis de moi, Eve vient caresser ma main pour tenter de me rassurer. je lui adresse un léger sourire, mais l'envie n'y était pas, les souvenirs avait refait surface aussi brutalement qu'un coup de poing dans la face.

Alpha : "Là encore, une fédération avait fermé. Blood of Champions IV était le clap final de l'existence du Sanctuaire. La tentative de fusion avait échoué. Et j'avais perdu. Vaincu pour la première fois. Gekko avait gagné, faisant le tombé final sur moi après avoir résisté à mon Point Blank. Il avait enfin pris le dessus sur moi, et je n'arrivais plus à m'en relever. C'était le début de la déchéance, le début d'une longue errance. Et avec Alicia, nous étions devenus des cibles. Alors nous avions pris la route jusqu'en Kronosie ou nous travaillions pendant un certain temps à la FGB. Mais rien de concluant. L'inspecteur - il s'appelait Issac Burns - avait rendu sa plaque pour pouvoir se focaliser sur moi, et ainsi avoir toute liberté de rendre ma vie un véritable enfer afin de me faire craquer. Et Monsieur A. n'a plus jamais donné signe de vie. Plus de coup de fil de sa part. Nous étions vraiment seuls. Mais le pire restait à venir."
Eve : "Tu es revenu à la SoW, mais cette fois, tu étais seul et Alicia te poursuivait. Elle était dangereuse."
Alpha : "Et pour cause. Depuis le début, elle m'avait menti et manipulé. Car depuis le début, le tueur d'Alphas, c'était elle. Isaac était présent lorsqu'elle avait tenté de me tuer. C'est grâce à lui que j'ai pu m'en sortir, de justesse. Ironique quand on pense que l'ancien inspecteur voulait à tout prix me faire porter le chapeau. Depuis, il est mon nouvel ange gardien, il tente lors de son temps libre de m'aider à recoller les morceaux et arrêter Alicia dans sa folie."
Eve : "Je sais, j'en ai fait les frais."
Alpha : "J'en suis désolé."
Eve : "Ce n'était pas ta faute. Elle était seule responsable, parce qu'elle était encore amoureuse de toi malgré son envie de te tuer, et qu'elle était jalouse de moi parce qu'on s'appréciait."
Alpha : "Cela aurait pu être évité. Je ne l'ai pas fait."

Celle-là, je ne l'ai pas vue venir, mais cela a le mérite de remettre mes idées en place. Jolie gifle.

Eve : "Arrête ! Je suis une grande fille, et j'ai choisi de continuer à te voir. Cette fille, je n'en avais rien à faire, et qu'importe ce qu'elle aurait pu m'infliger. Tu n'as plus à subir le passé maintenant qu'elle n'est plus là ! Tu n'as plus rien à craindre maintenant qu'elle est morte !"

Elle voulait partir prendre l'air. Et cette fois, c'est moi qui ai pris sa main. Je la regarde droit dans les yeux, sans un mot Eve se calme peu à peu.

Eve : "C'est fini tout ça, Allan. Tu as maintenant de quoi vivre une nouvelle vie. Une vraie vie. Tu n'es plus traqué, ni par les flics, ni par elle. Tu es libre, Allan. libre ! Et tu as l'occasion de montrer qui tu es ce lundi, devant tout le monde. Un combattant ! Un vainqueur ! Pense à tout ce que tu as construit à la FWE, ce que tu as apporté ! Il n'y a pas une infinité d'Alphas pouvant mettre à terre n'importe qui d'un seul coup de poing. Il n'y en a qu'un et il est en face de moi. Tu ES Alpha ! Alicia n'est plus de ce monde, et tu as rayé Gekko de la liste des obstacles. Jusqu'à maintenant, chercher à retrouvé ta mémoire ne t'a apporté que des ennuis, et nui a beaucoup de monde. Oublie cette quête qui te détruit à petit feu ! Oublie une fois pour toute cette idée fixe et regarde devant toi ! Arrête de suivre les fils qu'on te tire, arrête de te laisser manipuler ou influencer ! C'est TA vie ! Ta VIE, merde !"

Le ton est suffisamment fort pour que les voisins de tablée se retournent vers nous. Ce qui a pour effet immédiat de faire taire Eve. Un regard vers eux, et ils reprennent leurs occupations premières. Je fais signe à la serveuse d'apporter l'addition, en plus de deux cafés.

Eve : "Je suis désolée, Allan. C'est que... ma vie n'est pas très rose dernièrement."
Alpha : "Je sais."
Eve : "TU..."

Elle allait encore exploser, mais se ravise aussitôt. Ses yeux trahissent cependant une certaine colère.

Eve : "Et tu n'es pas venu me voir ?"
Alpha : "Non. Je ne voulais pas ajouter mes propres soucis aux tiens. Même si elle est morte, je n'ai toujours pas réussi à oublier l'image de femme aimante qu'elle était. Je suppose que le temps fera son oeuvre."
Eve : "Mouais."

Ma main, de nouveau, se saisit de la sienne. Rien d'intime dans ce geste, mais je voulais lui faire comprendre qu'elle peut à nouveau compter sur moi.

Alpha : "Tu as mal vécu ta rupture avec Sex Bomb."
Eve : "Si on peut appeler ça une relation... Je ne sais plus quoi penser en fait. Je n'étais qu'un bouche-trou, au sens propre comme au figuré. Et même s'il m'avait prévenu de son comportement envers moi, je voulais croire à un changement, au sérieux de notre relation."
Alpha : "Mais il avait quelqu'un d'autre en tête depuis le départ."
Eve : "Pétale, oui. Ca l'obsédait depuis quelques temps, et je le sentais dans son regard fuyant, dans ses gestes de tous les jours. Il n'osait même plus me regarder dans les yeux. Je ne parle même pas quand nous étions ensemble au lit. Le pire, c'est que Pétale s'était rapprochée de moi, genre bonnes amies, complices entre autres choses. Et depuis qu'ils se sont déclarés, plus de nouvelles, pas une visite. Cela n'aide pas vraiment à penser que tu vaux mieux que d'être un mouchoir qu'on jette après usage."
Alpha : "Je comprends mieux la scène que tu m'as faite tout à l'heure."
Eve : "Je sais ce que tu vas dire, Allan."
Alpha : "Je n'ai aucune intention de le dire. Tu connais déjà mon point de vue."
Eve : "Je sais. Et j'aurais dû t'écouter à ce moment-là. Mais tu es ensuite parti."

Un sourcil froncé de ma part, et la jeune femme rectifie tout de suite ses propos.

Eve : "Je ne t'accuse pas d'être responsable de ce qui m'est arrivé avec lui. C'est moi, la seule fautive. J'ai été stupide sur ce coup-là."
Alpha : "Pas stupide. Amoureuse. Tu pensais avoir fait le bon choix, celui du coeur. Et je suis loin d'être celui qui te jugera pour ça."

Elle tente un sourire, sans s'en convaincre elle-même. Je pose une liasse de billets sur la corbeille contenant la note.

Alpha : "C'est moi qui régale."
Eve : "Merci."
Alpha : "Je te ramène chez toi."


Arrivés au parking, nous entrons dans la voiture. J'allume le moteur, et un sourire se dessine alors que j'entends le doux vrombissement des puissants chevaux. Eve reste silencieuse pendant une partie de la soirée. Je n'étais de toute façon pas des plus bavards lorsqu'il s'agissait d'entamer un sujet de discussion. Elle se met enfin à farfouiller dans son sac, pour en sortir son bloc-note et un stylo.

Alpha : "Sérieusement ? Une interview maintenant ?"
Eve : "Pourquoi pas ? Ca nous permettra de penser à autre chose. Et puis tu es toujours de meilleure disposition lorsque tu es au volant de ta Mustang."

Elle marque un point. Je me rends de nouveau compte à quel point on peut sous-estimer son sens de l'observation et sa faculté d'adaptation.

Eve : "Et puis, cela te permettra d'honorer ton contrat passé avec Prime."

Eve 2, Alpha 0. Après un soupir, je consens à satisfaire à sa demande.

Alpha : "Je t'écoute."
Eve : "A Endless Nightmare, tu vas affronter Louis de Bellac, un lutteur fraîchement signé à la SoW. Tu l'as déjà croisé deux fois, il t'a même battu une fois. Et depuis, les victoires se succèdent pour lui. Est-ce que tu penses pouvoir le battre ?"
Alpha : "Oui."
Eve : "Allan..."

Je sais, je sais. Développe, Allan. Explique donc aux gens qui vont lire cette entrevue.

Alpha : "J'ai entendu dire qu'il critiquait mon amnésie et mon âge avancé. C'est le problème avec tous les lutteurs qui me rencontrent ou qui me voient pour la première fois. Il ne voit qu'un homme en fin de vie - enfin façon de parler -, donc ils pensent que je mes réflexes sont plus émoussés, que ma vision est moins bonne que celle d'un jeune homme. Pourtant, j'ai battu ces mêmes jeunes lutteurs, de la même manière. Point Blank. Un, deux, trois. Je suis ressorti vainqueur d'un Iron Man match d'une heure. Moi, un vieil homme. Comment puis-je respecter mon adversaire s'il ne voit que mon apparence ? C'est une première erreur qui peut causer une défaite à mon adversaire, quel qu'il soit. Et personne n'a pu anticiper mon Point Blank. Personne n'a pu s'en relever à part un seul homme. Et encore, cet homme a dû s'entraîner jour et nuit et s'isoler dans le seul but de contrer le Point Blank. Et cette personne a désormais pris le chemin de l'hôpital avec ses deux associés. Ils étaient pourtant trois contre un seul homme, vieux qui plus est. Pas mal pour un ancêtre ?"
Eve : "Louis de Bellac n'en reste pas moins un lutteur de talent qui a tapé dans l'oeil de notre cher General Manager, Allan."
Alpha : "Je ne dis pas le contraire. Mais en pensant pouvoir me battre simplement parce que je suis vieux témoigne de se jeunesse et de son inexpérience en matière de lutte. Il me sous-estime, et c'est là sa deuxième erreur qui le fera perdre. J'ai vu certains de ses matchs, et je sais qu'il est bon. je ferai alors comme dans tous mes matchs, j'étudierai ses mouvements, son comportement au sein du ring. Tout dans le match n'est pas qu'une question de voltige ou de technique. Il est aussi question d'analyse du jeu, de sens de l'observation, afin de pouvoir agir au bon moment, de contrer ses prises et frappes. Je sais encaisser les coups, c'est ce qui me permet de prendre le temps de voir venir, puis réagir efficacement. Il s'agit là de l'éternel comparaison entre la fougue de la jeunesse et l'expérience de l'âge. De ce que j'en crois sur mon adversaire, l'expérience l'emporte."
Eve : "Tu ne penses donc pas qu'il puisse l'emporter à Endless Nightmare."
Alpha : "Non. Pas au PPV. Mais il ressortira quelque chose dans ce match qui lui servira pour nos prochaines confrontation. C'est ça l'expérience. C'est ça qui lui permettra de mûrir et de performer plus efficament. Il est encore jeune, il a le temps de parfaire sa technique et sa vision du match. Et ça, je ne m'en fais pas pour lui. Maintenant, est-ce que Prime lui accordera toujours sa confiance après une défaite au PPV, lui qui compte sur Louis pour montrer qu'il a raison ? Rien n'est moins sûr, et ce sera un coup dur pour le General Manager, en plus d'une pression supplémentaire pour son protégé. Mais que Louis ne s'inquiète pas : a Endless Nightmare, il aura droit à un match de toute une vie, je lui en donne ma parole."

Eve referme son carnet après avoir pris les dernières notes. Et voilà ce que j'espérais voir depuis le moment où elle est venue chez moi : un sourire, sincère et magnifique. Finalement, l'interview est un exercice qui peut avoir ses avantages, surtout s'il est mené par une journaliste comme Eve.

Eve : "C'était si difficile que ça ?"
Alpha : "Non. Mais comme tu l'as si bien dit tout à l'heure : j'étais en bonne condition au volant."

Une tape sur l'épaule vaut tous les mots du monde. Mais au moins, la tension était redescendue entre nous, et je ne peux qu'apprécier cela. Quelque chose, pourtant, continue encore et encore de m'empêcher d'aller plus loin. Un visage familier au milieu de mes souvenirs.

Seul le temps pourra gommer cette image de ma tête. Je jette un dernier regard vers la journaliste qui semble prise de fatigue alors que ses paupières s'alourdissent. Je continue ma route jusqu'à chez elle, en silence, avec une douce musique en fond et le ronronnement du moteur.

A Injection, le General Manager m'a programmé un autre match contre un autre jeune lutteur fraîchement signé. Johnny Davis est son nom, et selon toute vraisemblance, il est l'archétype du jeune loup qui essaie de se faire une place dans le roster d'une fédération, tout en affirmant haut et fort qu'il est le meilleur. Ce qui est intéressant dans cette annonce, c'est la propension de notre cher Prime à toujours vouloir me coller un lutteur inexpérimenté pour tenter de le faire décoller. Et surtout de programmer systématiquement les matchs à Injection, là où tout est permis. Le constat, pour moi, est clair : il veut tout faire pour que ces gamins aient toutes leurs chances de l'emporter. Et si jamais ce n'est pas le cas, alors il trouvera un moyen de provoquer cette victoire, comme pour Endless Nightmare lorsque le thème de Desmond a retenti, me distrayant pour que Louis de Bellac puisse remporter le match.

Je n'irai pas par quatre chemins. Prime m'a ordonné plus de présence et mettre du mien pour les matchs. C'est ce que j'ai fait. J'ai même remporté une victoire face à deux adversaires, dont son protégé Louis et son rival Ostap, cette fois sans intervention extérieure, quelle qu'elle soit. Et pourtant, nous étions à Injection. Et vous savez peut-être, si vous avez suivi mon historique de la SoW que je ne suis pas un adepte du Hardcore, loin de là. Encore une fois, deux jeunes lutteurs ayant à peine foulé le plancher du ring sont arrivés face à moi. Et sans aide, ils ont perdu, Ostap a mordu la poussière, le Point Blank a de nouveau frappé. Et maintenant, c'est au tour de Johnny Davis.

Ce Johnny Davis qui ne semble pas vraiment se préoccuper de son match face à moi, préférant lancer une petite invitation à Louis de Bellac. Première erreur de ta carrière alors même qu'elle n'a pas encore commencée, mais ceci est typique des jeunes de ton âge et de ton inexpérience. Donc, première leçon que j'ai à donner à ce jeune homme : toujours se focaliser sur son adversaire du moment. Ici, ce n'est pas Louis que tu affrontes, Johnny, mais moi, Alpha. Cette erreur seule te coûtera cher, et je prédis une victoire rapide par un Point Blank si tu ne te concentres pas sur ce match-là. Je te laisse quelques jours pour te rattraper avant notre combat. Mais crois-moi sur parole, je ne te ferai aucun cadeau.

Le message que je veux transmettre, cependant, ne s'adresse pas qu'au jeune Johnny. En fait, si je fais cet effort d'enregistrer cette vidéo promo, c'est pour lancer un message clair à Prime. Oui, notre General Manager. Et je vais être tout aussi direct que toi : je t'accuse d'être le responsable du lancement du thème de Gekko à Endless Nightmare. D'être celui qui a tout fait pour que Louis obtienne la victoire alors qu'il a rencontré une sacrée résistance dans ce match. Et je sais que tu as intentionnellement voulu programmer mes matchs uniquement à Injection afin que mes jeunes adversaires puissent profiter de cet avantage pour gagner. Parce que tu connais très bien mon point faible, tu sais pourquoi j'ai immédiatement donné la ceinture Hardcore à Draven sous le prétexte de la règle du 24/7. Toi, bien assis sur ton fauteuil, tu veux en réalité me ridiculiser. Pour une raison que j'ignore d'ailleurs car nous n'avons pas de passé en commun. Mais donne-moi une preuve que tout ceci n'est nullement ton intention. Donne-moi une SEULE preuve qui me permettrait de croire en ta bonne foi, en ton organisation tout à fait neutre des matchs des shows de la SoW. Envoie-moi des adversaires plus intéressants, plus expérimentés à combattre ! Des Draven, Pétale, Carrie, ou même MadBooya... peu importe ! Pourvu que ce soit un adversaire qui donnera tout un match pour que la victoire soit plus belle ! Et surtout, qu'il n'ait pas besoin d'artifice ou d'intervention extérieure pour augmenter ses chances de l'emporter ! Un VRAI combat ! Un VRAI match ! Est-ce si compliqué pour toi à organiser ? Ou espère-tu me rendre la vie dure ? Car si c'est le cas, alors tu échoueras, quoiqu'il arrive. Pourquoi ? Parce que j'en suis déjà passé par là !

Un vrai combat, Prime ! Quitte à ce que je me pointe à ton bureau et t'emmener de force sur un ring pour avoir ce combat !


La vidéo est enfin enregistrée. Réticent au départ, comme tout lorsque cela concerne une apparition dans les médias, quels qu'ils soient, je me suis laissé entraîner par mes convictions, pour en oublier tout le reste. Pas même l'objectif de la caméra braquée sur moi. Eve est également présente, en arrière plan, son regard n'ayant pas quitté ma personne durant toute la promo, silencieuse. Je n'ai pu voir ses expressions, ce qu'elle a bien pu penser de cette intervention. Le cameraman range son matériel, visiblement satisfait de la prise de vue, et partant de la pièce afin de mettre la vidéo en ligne.

Dans cette salle ne reste plus qu'Eve et moi. Elle s'approche lentement, un léger sourire sur les lèvres. Visiblement, elle aussi en garde un certain positivisme.

Eve : Est-ce si difficile de t'exprimer, Allan ?
Alpha : Ce n'est pas la question. C'est...
Eve : Je sais, tu n'aimes pas t'exposer. Mais cela fait partie de ton métier, désormais. Tu dois te faire violence pour te présenter devant les caméras, aller au devant des journalistes, accorder des interviews. Etre lutteur n'est pas seulement une question de se battre sur un ring et donner du spectacle aux fans.
Alpha, soupirant : Je sais. Je ne suis tout simplement pas dans mon élément. C'est une partie du métier que je déteste. C'est tout.
Eve : Tu sais ce que t'a dit Prime à ce sujet.
Alpha : Prime peut dire ce qu'il veut, ça ne change rien à ce qui se passe actuellement. Quelqu'un fait en sorte de me laisser en bas du tableau, et il n'y a qu'une seule personne avec suffisamment de pouvoir pour cela.
Eve : Je te préviens, je reste en dehors de vos différents. Je ne suis que journaliste, je n'ai pas à m'en mêler, sinon je vais me retrouver entre deux feux.
Alpha : Je ne peux pas t'en blâmer, c'est très compréhensible. Sinon, pour changer de sujet : tu t'en sors mieux ?
Eve : Oui.

Elle a l'air, en effet, d'avoir mis le passé derrière elle. Eve semble plus souriante et spontanée, son esprit focalisé sur son travail et sur moi. En fait, je crois qu'elle préfère plus souvent me tenir compagnie et m'aider dans ma démarche médiatique. peut-être est-ce un moyen pour elle de s'accrocher à la vie, d'ouvlier ses déboires sentimentaux. Oui, je pense qu'elle se sent mieux.

Eve : Disons que j'ai appris à relativiser vis-à-vis de Bomb et Pétale. Après tout, s'ils se sentent bien ensemble, je ne vais pas jouer l'amoureuse bafouée simplement parce qu'il s'est joué de moi et qu'il pensait tout ce temps à quelqu'un d'autre que moi. La vie continue après tout.
Alpha : Une sage décision.

J'ai bien compris le message subliminal qu'elle vient de me lancer. La vie continue, certes. Je ne sais pas encore si renoncer à ma quête de toujours est une bonne solution, j'ignore encore si Gekko est vraiment de retour ou si, comme je le crois, ce n'était qu'une ruse. Mais Eve pense fermement qu'il est temps pour moi de changer de vie, d'en construire une nouvelle. Elle n'est pas la seule à le penser.

Alpha : Si tu n'as rien de prévu ce soir, je t'invite à souper chez moi. Qu'en penses-tu ?
Eve : J'en pense que je suis très curieux de te voir à l'oeuvre en cuisine.
Alpha : Tu vas être surpris.

Le clin d'oeil envoyé à la jeune femme achève de titiller sa curiosité. Je lui fais alors signe de passer devant.


Eve : Je n'en peux plus. D'où tiens-tu cette recette de poulet basquaise ?
Alpha : Je ne me rappelle plus.

En fait, si. Je sais parfaitement qui m'a appris à préparer le poulet de cette façon. Une personne que je tente d'oublier depuis quelques temps, mais son image s'accroche désespérément à mon esprit et n'en démords pas. Voilà pourquoi je préfère nier m'en souvenir, prenant le prétexte d'une certaine amnésie. Nous nous apprêtons à débarrasser la table quand trois coups résonnent à la porte d'entrée. Jetant un oeil à la vitre opaque de la porte, j'aperçois la silhouette d'un homme de grande taille. Je pose la vaisselle dans l'évier.

Alpha : Je vais voir qui c'est.
Eve : D'accord.

Je m'approche de la porte. Je n'arrive pas à bien discerner les contours de cette silhouette, impossible donc de deviner qui se trouve derrière cette porte. C'est alors que mon téléphone portable sonne. Numéro inconnu, évidemment. A croire que c'est une mode de se cacher. Je décroche.

Alpha : Allô ?
??? : Salut, old man. Long time no see, pal.

Cette voix, encore elle. Et toujours cette sensation de l'avoir déjà entendue quelque part. Une voix vaguement familière.

??? : Ne reste donc pas planté là, je suis juste devant ta porte, au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, old man.

Je me tourne vers Eve, ne sachant pas à quoi m'attendre. Je lui fais signe de se placer derrière moi, au loin, et de se tenir prête à s'enfuir à la moindre occasion. Elle préfère se placer non loin de l'évier, à portée de l'éventail de couteaux de cuisine. Un sourire fugace sur mes lèvres, et je reporte à nouveau mon attention sur la porte, et la silhouette. Mon poing serré, je tends le bras vers la poignée, la saisit et ouvre cette porte, dévoilant enfin le visage du propriétaire de cette voix.

Et quand je disais que je l'avais déjà entendue, j'étais loin de croire que c'était effectivement la vérité.

Eve : Oh non...
Alpha : Toi ?

Le ring.
Centre névralgique de notre carrière. Carrefour de notre palmarès. Que vous soyez à la SoW, la FGB ou tout autre fédération, le ring reste votre destin. Tout se joue ici. Les plus belles victoires se remportent ici, comme nous subissons sur ce même endroit les plus humiliantes défaites. Le ring, personne ne peut s'en défiler.

Et je suis ici, au beau milieu de ce carré entouré d'une série de trois cordes tendues. Debout, un spotlight blanc m'éclaire au beau milieu de la pénombre. L'arène est vide et silencieuse, et pourtant, ce lundi, toutes les tribunes seront pleines de fans enthousiastes criant et scandant les noms des lutteurs, applaudissant et huant à tue-tête. Les fans font vivre les matchs par l'exubérance de leur passion, l'euphorie de l'adrénaline, la beauté du spectacle.

- "Criss d'épais."

Une belle approche pour un foutu borné québécois. Autant y aller direct avec quelques mots de son dialecte. Un langage qu'il comprendra, pour sûr.

- "Je t'entends, gueulant à tout va, en un flot d'insultes et de sacres. Tu essaies de provoquer, d'inciter les autres à venir te "jaser" ou t'en mettre une. Tu tentes de te faire bien voir en lançant quelques promesses par ci par là, à vouloir rosser le champion et passer devant tous les autres."

Et dieu sait s'il sait y faire en paroles dans le vent.

- "Paradoxal, quand on y pense. Car tout ce que je vois, ce sont des écrits, des paroles ne valant rien. Tu n'es plus General Manager. De ce fait, tu n'es plus qu'un lutteur comme les autres. Légende globale ? Les légendes appartiennent au passé, et nous voulons le futur. Notre futur. Alors pourquoi dois-je prendre la peine de me déplacer jusque chez toi ? Ou dans n'importe quel endroit où tu peux te trouver ? Pourquoi alors que je suis ici, sur place, sur ce ring ? Depuis ton arrivée ici, à la SoW, comme General Manager, tu as passé tout ton temps dans ton bureau, bien assis sur ta chaise, à manipuler tout ton monde. Une place de choix pour n'en rien ficher. Tu auras beau dire t'intéresser aux jeunes recrues et tout le baratin habituel que tu nous sers jusqu'aux commentaires que tu postes sur nos articles de blogs, la vérité indéniable est que tu n'as pensé qu'à toi-même, qu'à ton égo. Preuve en est ta dernière intervention sur ton blog, ou tu t'octroies le droit d'être le premier challenger du titre Omega de Sex Bomb, alors que d'autres lutteurs ont foulé plus de fois ce ring, ont sué sang et eau sur ce même ring, effectué plus de matchs que toi depuis ton arrivée ici, à la SoW, comme General Manager. Tu n'es plus qu'un employé lambda, Prime. Et comme tous les autres ici, tu devras faire tes preuves sur ce ring, comme toute jeune recrue de la SoW. Et cette fois-ci, Prime, personne ne t'aidera à gravir les échelons une nouvelle fois, comme tu as pu le faire pour ces rookies dernièrement. Il te faudra battre ces jeunes comme Ostap, comme Louis, MOC, Johnny Davis et montrer que tu es encore à niveau pour te battre à plus grande échelle."

Un sourire éclaire mon visage, comme ce spot qui baigne tout mon corps de sa lumière blanche, accentuant mes traits.

- "Et ce ne sont plus des insultes, des injures, des sacres, des "sacrament" et autres "ostie de tabarnak" que nous voulons entendre de toi. Ce n'est plus un vieux chnoque braillant sans bouger de son foutu bureau que nous voulons voir. Non, Prime, rien de tout ça. Ce que nous voulons, ce que je veux, c'est un lutteur qui en veut, qui entre sur ce ring et enchaîne les matchs en se battant jusqu'au bout ! Ce que je veux, Prime, c'est toi, ici même, au milieu du ring, fac à moi. Alors seulement, nous allons régler nos comptes. Je me contrefous de ce que tu penses de moi, de ce que tu peux croire sur moi, car je te le dis et le répète pour que ton cerveau puisse mémoriser l'information : tu n'es plus rien ! Montre-nous ce que tu vaux ! Signe ce foutu contrat de lutteur et franchis le pas ! Ce n'est pas à moi de le faire car je lutte déjà et je gravis les marches en ce moment même ! Je n'ai plus grand chose d'autre à prouver que ce que je fais déjà : me battre dans un ring ! Alors, Prime, ferme ton foutu clapet et agis ! AGIS ET VIENS TE BATTRE !"

Le message est clair. Inutile d'en rajouter davantage. Le vieux pouvait répondre ce qu'il voudra, ou simplement copier et coller sur son blog ce qu'il a déjà dit des milliers de fois tel un trente-trois tours rayé jouant le même refrain en boucle jusqu'à l'ennui. Mais mon esprit est déjà ailleurs, concentré sur un autre but, autrement plus important.

- "Ai-je vraiment beaucoup à perdre lundi ? Non. Bien au contraire. Ce n'est ni la première, ni la dernière fois que risque de me retrouver au bas de l'échelle. Je suis déjà retombé pour remonter encore, et encore. Parfois j'atteins le sommet, d'autres fois je loupes une marche. L'important n'est pas de réussir, mais de ne pas abandonner. Tant que tu n'es pas mort, tu peux recommencer. Et je recommencerai. Et je donnerai toujours de toutes mes forces, de toute mon âme pour ce faire. SI je ne réussis pas aujourd'hui, alors je réussirai demain, et encore le lendemain. Est-ce que je vais tout perdre ? Non, certainement pas. Parce que j'irai jusqu'au bout, jusqu'à ce que mes jambes ne me supportent plus, jusqu'à ce que mes bras ne puissent plus être levés, et plus encore. Pétale, nous ne nous sommes encore jamais affrontés, mais toi comme moi savons ce qu'un affrontement entre nous deux peut donner. Parce que nous avons l'étincelle, la flamme ! Nous voulons un combat ! Nous voulons sentir la souffrance de nos deux corps ! Nous voulons sentir la douleur de nos poings serrés ! Nous donnerons tout, et c'est tout ce que nous voulons. Pour nous, et pour ceux qui paient pour voir du spectacle. Mais Pétale, donner tout ce qu'on a dans ce match est une chose."

Oui, se battre. Vraiment. A fond. A n'en plus finir. Sentir l'adrénaline monter en moi. Vivre ce match. Hurler sa rage et sa douleur.

- "Mais l'emporter en est une autre. Si tu gagnes, Pétale, tu consolides le titre Intercontinental. Tu lui donneras de la valeur ajoutée, et tu lui assureras une certaine pérennité. Nul doute à cela. Mais qu'adviendra-t-il en cas de défaite de ta part ? Qu'est-ce que cela représenterait-elle pour toi ? Etre battue une semaine après avoir gagné si durement cette ceinture aura un impact certain sur la crédibilité de ton règne, peu importe ton palmarès et le nom que tu t'es bâti à la force de tes poings. Tu seras notamment la cible privilégiée des vieux cons aigris comme Prime qui s'en donnera à coeur joie pour te vilipender et te cataloguer comme champion faible. Ou encore de ces opportunistes qui en profiteront pour te planter un couteau dans le dos et te ravir ton précieux titre. Au fond, qui a le plus à perdre dans ce match ? Je ne m'en soucis pas, car après tout, je me fiche des conséquences que pourraient avoir une éventuelle défaite. Tout comme toi, car nous pouvons rebondir. Nous l'avons toujours fait chacun de notre côté. Ce que je sais, en revanche, c'est que j'ai autant de chances de l'emporter. Et qu'au fond de moi, j'ai l'intime conviction de pouvoir l'emporter ce lundi. Car j'en ai les moyens. Ca, je le sais. Je me battrai pour mes convictions et je n'abandonnerai pas."

Il n'en est aucunement question. Tant d'obstacles franchis jusqu'à présent m'indiquent que je ne peux de toute façon plus reculer. Aller de l'avant, franchir des paliers, offrir son corps et son âme au combat.

- "Alors, Pétale, rendez-vous lundi, à Showdown, sur ce ring. Que le meilleur d'entre nous deux gagne. Et fermons une bonne fois pour toutes le foutu clapet de ce maudit Prime !"

Clap de fin, lumière disparue, je suis plongé dans le noir complet. Seul une petite diode électroluminescente rouge est visible hors du ring, non loin de là où je me trouve. Loupiote qui s'éteint à son tour quelques minutes plus tard. Les lumières de l'arène s'allument cette fois, révélant à moi la réalité, une tribune vide.
Vide sauf deux places prises. La caméra ne les montre pas, ce n'est de toute façon pas son travail du moment. L'une de ces personnes est Eve, de plus en plus présente à mes côtés des derniers jours, devenue un soutien de grande importance. Cela lui vaut quelques moqueries, mais elle est assez forte pour surmonter cela et se concentrer sur son travail. L'autre est autrement plus grand et massif, un de ces visages que l'on ne peut oublier. Ce sourire et ces yeux, alors qu'il applaudit lentement à ma prestation, en disent long sur ce côté hargneux et déterminé presque sauvage.
Cet homme et un battant, un prédateur laissant libre cours à son instinct tout en étudiant soigneusement sa proie. Imprévisible et sans limites. Eve ne l'aime pas, et semble toujours anxieuse, méfiante. A juste titre au vu de son passif.
Cet homme est un loup solitaire qui ne lâche rien. Il m'a choisi pour faire partie de sa meute.
Et j'ai choisi.

L'arène du Sanctuaire, une fois encore, est vide. Pas un bruit, et seule une lumière blafarde éclaire le centre du ring, devenu mon lieu de prédilection, peut-être même plus que ma propre maison. L'idée de construire une vie nouvelle essentiellement fondée sur la lutte commence à germer dans mon esprit. Je crois même y voir l'opportunité d'oublier cette amnésie ayant par le passé détourné mon regard de ce que présente le futur. Un chemin qui pourrait même se paver d'or à la force de mes poings. Il suffit de sauter sur l'occasion.

Eve est là, comme toujours. Et elle a tenu à être non seulement spectatrice de la prestation, mais également le cameraman braquant l'objectif sur moi. Depuis quelques jours, elle s'implique de plus en plus pour me mettre en avant, plus que d'autres lutteurs, sans pour autant perdre de son professionnalisme. Et sa volonté reste intacte, elle qui subit toutes sortes d'injures et autres mauvais traitements, accusations et autres allusions de la part de la majorité du roster. La plupart la voit comme une cruche ou une vendue naïve, et se permet même d'inventer une relation intime entre elle est moi. Et pourtant, elle continue à travailler avec entrain et passion, au mépris des caquets et du dédain même de ses collègues, Phil Salfino en tête. Elle mérite tellement mieux que ces ragots et autres conneries.

Mais l'heure est à la mise au point. Et ces deux semaines sans donner d'interviews, me contentant de me donner dans les matchs qu'on me propose, m'ont permis de constater certaines choses.

Prime est comme un vieux vinyle plusieurs fois rayé. Il se répète, encore et encore, à n'en plus finir. Entendez-le exhiber son palmarès plusieurs fois par jour ! Ecoutez-le dire qu'il va créer un impact, et gagner le titre suprême ! Ou bien rabacher les mêmes insultes, sacres et autres conneries du genre sur ses têtes de turc à défaut d'avoir de vrais arguments. Mais regardez-le, plutôt, clamer involontairement toute son impuissance derrière tout cet exutoire. Il se répète car il n'a rien d'autres à dire face à ceux qui méritent plus d'exposition que lui. Il radote car il n'ose pas aller plus loin, par peur de se contredire, comme il le fait souvent. Alors, maintenant qu'il a enfin franchi le cap et remis les bottes de lutte, peut-être pourra-t-il s'armer de courage et venir me confronter ici, sur ce ring, plutôt que de déblatérer les mêmes idioties à mon égard. En somme, ton propre fils, Sylvain, a eu plus de cran que toi et s'est tout de suite mis en travers de mon chemin. Sylvain est quelqu'un que je respecte, car il joint les actes aux paroles et n'a pas hésité à suer sang et eau pour tenter de prouver que je ne mérite pas cette chance au titre Intercontinental. Lui, au moins, sait ce que je vaux, plus encore depuis lundi, jour où je l'ai battu ainsi que Yan Yungsung.

Oh je sais ce que tu vas dire, Prime.

Tout le monde le sait. Il suffit de lire tes précédents articles de blog, ou tes apparitions en promo. La même chose, encore et encore.

Nous étions dans un Triple threat match, pas un duel. Tu vas dire, pour tenter de me décrédibiliser, que j'avais plus de chances de l'emporter dans ce type de match plutôt que dans un combat simple face à Sylvain. En ajoutant bien sûr quelques cuillérées à soupe de sacres et quelques litres de mauvaise foi, histoire de bien meubler tes interventions insipides. Peu importe, car le match en lui-même était excellent, mes deux adversaires en voulaient, et désiraient montrer qu'ils avaient le potentiel d'un futur champion Intercontinental. Sylvain l'a déjà prouvé par le passé, et je sais qu'il le deviendra encore dans le futur. Mais pas aujourd'hui. Ni à Christmas Sabbath. Car à Christmas Sabbath, ce sera Alpha face à la championne en titre, Pétale Orientale.

Un sourire dans le visage de ma camerawoman du moment. Elle y croit, elle aussi. Mais je ne perds pas de vue l'objectif.

Prime, dans ses propos enrobés de merde en boîte, annonce déjà ma défaite à plate couture, à l'instar de celle du premier Showdown post-Rage in Cage. Tout le roster s'accorde à penser de même, en se fondant exclusivement sur les statistiques. Pétale défend son titre pour la première fois depuis qu'elle a mis la main sur la ceinture de champion Intercontinental. Et fort de sa victoire, Pétale part grande favorite de ce match au prochain PPV. Ce que tu ne sais pas, Prime, c'est que je suis assez doué pour déjouer les pronostics, surtout lorsque ces mêmes pronostics me déclarent perdant à coup sûr. Preuve en est lundi dernier, alors que d'aucuns voyaient Sylvain l'emporter, même avec l'ajout de Yan. Et je le prouverai chaque fois que des imbéciles à l'esprit étroit comme Prime penseront toujours que je ne suis rien. Le match pour le titre Intercontinental n'est pas encore officialisé par Mme Filmore, mais lundi dernier, j'ai marqué des points, comme j'ai marqué des points face à Pétale pour prétendre au titre Intercontinental.

Sylvain, à ce propos, si vraiment tu souhaites un autre match car tu penses avoir été floué par l'ajout de Yan Yungsung, alors je me ferai un plaisir d'accepter et de te montrer toutes mes compétences en combat simple. Je sais que toi, tout comme Pétale, tu donneras toujours le meilleur de toi-même, que tu te battras à fond, jusqu'au bout pour l'emporter. Ou du moins tenter de l'emporter, car oui, que ce soit clair entre nous, je ferai de même, et je ne retiendrai aucun coup. Le Point Blank que je t'ai infligé ce soir-là est une piqûre de rappel à tous ceux qui ont le cran de me confronter, face à face, et non par blogs interposés comme le fait ton cher père. Il peut me trouver assez facilement, je suis ici, sur le ring, tous les lundis ! A moins qu'il ne préfère perdre son temps à balancer ses Rants aussin bons à jeter que du beurre rance.

Le message au vieux est passé. Comme d'habitude, il clamera haut et fort qu'il s'en fiche éperdument, que je ne suis rien, que je ne suis pas digne d'intérêt. "I DOUBLE DARE YOU", va-t-il dire en tentant de me provoquer, de dire de venir le confronter. Pourquoi le ferai-je alors que je suis sur un ring et qu'il se perd dans sa quête foireuse du titre suprême, lui qui n'a encore rien prouvé depuis son retour officiel sur un ring ? Peu importe, il n'est pas mon objectif premier. Il ne l'est plus, alors autant ne pas perdre plus de temps à lancer un message contre un mur de béton.

Les statistiques ne font pas tout, comme un seul match ne peut pas démontrer la domination d'un lutteur par rapport à un autre. Pétale a beau avoir un gros palmarès au Sanctuaire, elle n'est pas à l'abri d'une perte de titre, même si elle met ce titre en valeur. Comme tout autre lutteur, elle peut perdre dès sa première défense de titre. Rien n'est gravé dans le marbre, et notre excellent match d'il y a trois semaines prouve que l'un comme l'autre, nous pouvons porter bien haut la ceinture et la défendre comme il se doit. Qu'on y mettra toutes nos forces, toute notre âme pour garder ce trophée ou le gagner. Ce match, je l'ai perdu, et Prime a dû être sacrément heureux de m'avoir vu étalé sur le sol. Est-ce une défaite pour autant ? Echouer dans un match comme celui-ci vaut largement le coup, car non seulement j'ai montré à tous mes capacités de lutte, mais cette défaite m'a également permis de rebondir quoi qu'il arrive, de démontrer que oui, je peux être au top, que je peux y rester, et que je peux devenir champion ! Pétale, j'ignore si tu resteras focalisée sur ce titre et ce match à Christmas Sabbath, J'ignore même si je serai seul compétiteur face à toi. Mais ce que je sais, et toi de même, c'est que je répondrai présent, quoi qu'il arrive. Je serai dans ce match. Je serai face à toi. Et je me battrai sans répéter les mêmes erreurs. Je me souviens de ce Point Blank volé, d'avoir goûté à ma propre médecine. Par ce coup, tu m'as montré que non seulement tu ne m'as pas sous-estimé, mais surtout que tu as travaillé dur avant même ce match pour mettre toutes tes chances de ton côté sans user de la triche. Tu sais donc à quel point le Point Blank est redoutable après un entraînement intensif pour le maîtriser. Tu sais que ce Point Blank, tu ne veux pas le subir, et tu feras en sorte de l'éviter lors de notre match. Car oui, nous nous affronterons à Christmas Sabbath, c'est une certitude pour moi comme pour toi, ou comme le public. Et le public veut ce match, sa voix a grondé au Showdown après Rage in Cage, elle a retenti lorsque toi, Pétale, leur a permis de s'exprimer sur la possibilité de me voir challenger à ton titre. Et à Christmas Sabbath, le public hurlera son enthousiasme lorsque nous nous retrouverons sur ce ring, face à face, ou exprimera sa colère si jamais ce match n'a pas lieu.

Pétale, je te le dis une nouvelle fois : rendez-vous sur le ring, et que le meilleur gagne !

La caméra se coupe. Eve s'approche de moi, montrant l'enregistrement avec le sourire. Un hochement de tête de ma part, tout est dit. Elle m'invite à un souper chez elle, je ne dis pas non, cela videra mon esprit. Je ne perds cependant pas de vue l'opportunité au titre, un début de chemin saupoudré d'or et d'argent qui m'attend. Avec son soutien, la ceinture sera mienne, elle sera le coup de massue porté sur le crâne de cet entêté de Prime.