« Ces hommes ont fait don de leurs attributs en faveur de Madrock et Devilhand. En espérant qu’ils sachent s’en servir ! »

Du haut de son mètre quatre vingt cinq, Cole, toujours vêtu simplement d’un tee-shirt, d’un jeans et d’une paire de basket, frappe à la porte du bureau de Carrie puis pénètre à l’intérieur sans attendre de réponse, comme il le fait tous les jours. Il découvre sa partenaire à la même place que d’habitude, les yeux rivés sur les dossiers en instance. Elle redresse la tête en le voyant et lui sourit affectueusement.

Carrie : tu es prêt pour l’entraînement ?

Cole lève un sourcil interrogateur.

Cole : euh... il est 15 heures, l’entraînement est terminé. J’en ai profité pour travailler avec Levis, tu sais, il n’arrivait à rien avec sa prise de soumission...

Carrie ne cache pas sa surprise.

Carrie : 15 heures ? Je n’ai pas vu le temps passé avec tous ses dossiers.

Cole : tu travailles trop, tu devrais déléguer.

Carrie soupire.

Carrie : je sais, mais ça fait des semaines que je bosse là-dessus et j’aimerais bien terminer. Et ce n’est pas le genre de dossier qui peut être délégué.

Cole jette un œil sur la pochette de présentation. La mention « procédure d’adoption » est cachée trop tard par la jolie brune.

Cole : tu veux adopter un autre enfant ?

Le regard de Carrie devient glacial, et Cole se demande aussitôt s’il n’a pas gaffé. Peut être n’a-t-elle pas envie de se confier à lui, elle est toujours si secrète.

Cole : excuse-moi, ça ne me regarde pas.

Carrie : non, non, ce n’est pas ta question qui m’agace... juste que je n’aurais pas eu à refaire la procédure si je n’avais pas divorcé. Tout aurait été plus simple en restant marié avec Lee, même si c’était juste sur le papier.

Cole : mais vous auriez été obligé de vivre ensemble et...

Carrie grinça des dents subitement.

Carrie : impossible. Il est tellement... grrrr !!!!

Sa grimace amuse beaucoup Cole, qui s’assoit en face d’elle. Il se rend compte qu’il a quelque chose dans sa poche arrière, le sort et le tend à sa coéquipière.

Cole : tiens, le facteur a apporté ça pour toi, comme j’ai ta procuration j’ai signé en ton nom. Dis, t’as réfléchi à la promo de Devilhand ? Tu penses qu’on devrait lui donner réponse ?

Carrie : non. Je pense que quelqu’un qui ne trouve rien d’autre à dire sur moi que des arguments bateaux ne mérite pas de réponse. Qu’il consulte un peu les archives et après on pourra discuter. Je suis déjà bien assez gentille de proposer cette remise en jeu des titres. D’ailleurs je n’ai pas fait cela par charité. Je considère qu’avoir un titre ne rime à rien si on n’a pas à le défendre régulièrement.

Cole : peut être, mais je trouve que leur donner une chance aux titres après ce qu’ils ont fait ce n’est pas une bonne chose. C’est comme si tu les récompensais pour leurs actes, alors qu’ils se sont conduits comme des lâches.

Carrie : tu penses vraiment que c’est une chance de nous affronter maintenant, alors que nous sommes surentraînés et surmotivés ? Clairement, je pense que te faire affronter Madrock est un bon début pour leur faire comprendre qui est le patron de cette division. Car c’est ça le véritable enjeu, montrer qu’on est au sommet de notre art.

Cole : je n’aime pas qu’il méprise ce que tu as fait durant ta carrière, surtout venant de quelqu’un qui a moins de titre et qui est moins populaire que toi. C’est l’hôpital qui se fout de la charité.

Carrie : ça n’a pas la moindre importance mon ami, ça fait longtemps que je n’écoute plus ce genre d’attaques. Qu’est ce que j’ai fait dans ma vie ? Qu’il jette un œil sur la chaîne Filmore Média et il aura tout ce qu’il est nécessaire de connaître sur moi avant de venir nous affliger de son inculture. Je n’ai aucun problème à débattre avec qui que ce soit, mais il y a un minimum pour être crédible. Quand je t’ai rencontré, tu en savais déjà plus sur la SOW et ses lutteurs qui lui. Etre un « ancien » ne signifie pas être au dessus des autres, cela n’affranchit pas de suivre les actualités, les storylines, les carrières des personnes qui seront, un jour ou l’autre, tes adversaires. Trop d’anciens ayant effectué un retour au sommet oublient que l’horloge tourne et que pendant leur absence, il s’est passé bien des choses, des nouveaux sont devenus des personnages importants, incontournables, et ils préfèrent se bercer d’illusions en les sous estimant plutôt qu’en admettant qu’ils ont tout à recommencer.

Cole : mais toi, tu ne fais pas cela !

Carrie : non. C’est même ce que Pétale m’a reproché à un moment. Que j’ai du tout reconstruire, presque reprendre ma carrière à son départ à chaque fois que je suis revenue. Mais je ne vois pas en quoi ce serait quelque chose dont j’aurais à rougir ! Cela m’a servi de bien des façons. Mes choix n’ont pas toujours été bons mais je me suis toujours relevée, j’ai appris de mes erreurs. J’ai eu la chance d’avoir le soutien du public encore une fois et je ne compte pas les décevoir. Je ne baisserai jamais les bras !

Cole lui sourit.

Cole : ta force et ton courage sont impressionnants pour une si petite femme.

Il rit.

Carrie lui sourit malicieusement.

Carrie : de femme je n’en ai que l’apparence, Devilhand et Madrock vont l’apprendre à leurs dépends.

Cole : Madrock, je m’en charge. Son petit numéro de ventriloque avec Devilhand n’a dupé personne. A travers lui c’est son maître qui parle, et sans lui c’est nettement moins facile. Il a beau être imposant il a encore énormément de choses à apprendre, et DH est nettement moins expérimenté que toi en tant qu’entraîneur.

Carrie : ne commets pas la même erreur que lui en le sous estimant, tu sais que ce genre d’individus saisira toutes les opportunités, légales ou non, pour gagner.

Cole : je ne le fais pas. Il aura sans doute l’avantage du gabarit, mais je sais me sortir de beaucoup de situations, et j’ai encore beaucoup de cartes dans ma manche. Ne t’inquiète pas, je serai à la hauteur.

Carrie se lève et vient se poster devant lui, avant de prendre ses mains dans les siennes.

Carrie : je n’ai pas le moindre doute là-dessus.

Il la serre dans ses bras puis s’écarte avant de l’interroger du regard.

Cole : tu n’ouvres pas ton courrier ?

Carrie prend l’enveloppe et fronce les sourcils. Le courrier provient de son avocat, un ami très proche d'Howard. Elle ouvre l’enveloppe puis lit rapidement à voix basse les quelques lignes.

Carrie : l’espèce de....

Son brusque éclat de colère provoqua une onde de puissance qui fit trembler les murs de l’immeuble. Elle releva la tête et Cole recula d’un pas en voyant son coach prendre une apparence plus démoniaque, les yeux remplis d’une substance noire, et sa peau changeant de texture et pâlissant jusqu’à devenir grise et striée de centaines de veines apparentes.

Cole : qu’est ce qui se passe ? Carrie...

Carrie : ça ne va pas se passer comme ça !

Puis sans dire un mot elle quitta la pièce. Cole ramassa le courrier qui venait de tomber au sol et en lut le contenu.

« Madame,

J’ai le regret de vous informer que votre dossier de demande de divorce par consentement mutuel a fait l’objet d’une annulation de la part de la partie adverse. En effet, par l’intermédiaire de son avocat Monsieur Pace a fait savoir qu’il suspendait la procédure jusqu’à nouvel ordre et qu’il devait s’absenter pour une période indéterminée. La Cour fait état « d’urgence diplomatique» et a donné une suite favorable à sa requête.

Je ne manquerai pas de vous tenir informé.... »

Cole : putain de merde ! J’croyais que vous étiez restés amis moi !

D’en bas de l’escalier, Carrie cria : comme si on pouvait faire confiance à un elfe sinda ! Je vais lui arracher la tête, après on pourra parler d’urgence diplomatique !

Cole : il a peut être des choses plus urgentes à régler ! Carrie ! Où vas-tu ?

Sans qu’il ne comprit réellement comment, Carrie disparut dans une lumière d’un blanc éclatant.  

Phil frappa discrétement à la porte du vestiaire de l'équipe La Garde. Il savait qu'il y trouverait au moins Cole. Celui-ci l'invita à entrer, et le journaliste fut comme à chaque fois apaisé par son visage avenant et détendu. Bien sur, il n'était pas aussi drôle et arrogant que Zack, pas aussi insupportable que Chuck, pas aussi narcissique que Bomb ou Simmons, pas aussi mystérieux que le mercenaire ou le sagittaire, pas aussi nauséabond que ULMANN, et pas aussi sexy que son mentor, la très belle Caroline. Mais il y avait quelque chose dans son regard, dans son attitude, qui inspirait une profonde empathie. Dès qu'il entra dans la pièce, Phil se détendit aussitôt et s'assit non loin de lui.

- Bonjour Cole, ça va? Je te trouve bien calme alors que ton mentor t'a donné une énorme responsabilité en te confiant la défense des titres par équipe. Même si tu ne rechignes pas à la tache, j'ai entendu dire que tu n'y étais pas spécialement favorable.

- En effet, mais je sais pourquoi elle l'a fait. Et j'oserai également dire que... comment dire pour ne pas heurter les sensibilités... un titre ce n'est qu'une ceinture et une position. Nombre de ceux qui ont fait de la SOW ce qu'elle est se sont battus pour autre chose, quelque chose de bien plus important. Ils se sont battus pour le challenge. Au delà des honneurs, au delà des distinctions, ils se sont battus parfois jusqu'à défier leurs propres limites. Aucun titre, aucune ceinture ne remplace la valeur d'une vie humaine. Mais surtout, aucun n'est plus important que l'honneur.

Au fur et à mesure qu'il parle, le son de sa voix se fait plus ferme.

- Vois-tu Phil, Carrie a une façon de former ses élèves très différente des autres ... professeurs. Il y a plusieurs étapes, et chacune d'elle nous apprend ce que nous sommes réellement, ce dont nous sommes capables.

-  Je ne vois pas ce qu'il y a d'original à cela, nous apprenons tous beaucoup sur nous lors d'un enseignement.

Cole secoue la tête avec un sourire.

- Est ce qu'il t'est déjà arrivé de pouvoir revoir le fil de ta vie depuis ta naissance jusqu'à un moment X de ton existence? J'ai vu ma mère me mettre au monde comme si j'y étais, et j'ai vu la fierté et l'angoisse dans les yeux de mon père lorsque j'ai poussé mon premier cri. J'ai regardé et compris la détresse de mes parents lorsqu'ils ont compris ce que j'étais. Tout cela, je n'avais jamais pu le voir lorsque j'étais enfant, je ne pouvais pas analyser les choses, j'étais trop jeune. Je n'ai vu que les apparences, je n'ai senti que la peur et l'impuissance, et ces sentiments m'ont nourri toute ma vie, jusqu'au jour où elle m'a trouvée. Alors, tout a changé! J'ai compris que je n'étais pas le seul, que d'autres comme moi avaient ces ... dons exceptionnels, et surtout qu'on pouvait apprendre à les canaliser et à les mettre au service des autres, pour faire le bien. J'ai appris à ne plus avoir peur, Phil, de moi même et du monde qui m'entoure. Le destin que je croyais contre moi s'est métamorphosé. Mon avenir s'est éclairci. Je sais que je ne serai pas toujours victorieux, mais je suis préparé à la bataille!

- C'est bien beau tout ça, mais cela n'empêchera pas Madrock de tout tenter pour t'écarter de son chemin.

- Il essayera, et c'est bien là ce que j'attends de lui. Qu'il se batte enfin comme un homme! Son apparence joue certes en sa faveur, mais il n'en demeure pas moins un homme asservi, le disciple d'une créature dont il ignore tout. Je ne prétends pas connaître son maître, et encore moins le maître de celui-ci, mais je sais que Madrock les suit sans réfléchir, parce que sans eux, il n'existe pas. Je ne comprends pas comment il a pu se fourvoyer ainsi, alors que l'avenir s'annonçait clément pour lui. Tout le monde lui a ouvert les bras, et même Carrie a fait preuve de sollicitude. Mais il a tourné le dos à ce qui aurait pu être un début prometteur. Au lieu de cela, il a choisi la voie des perdants, celle qu'a emprunté les Undeads, celle qu'emprunte les Originals Sins. Ils ont tourné le dos au public, à l'humanité. Et c'est une effroyable erreur, car au bout de cette route, il y a un virage à prendre que peu de gens sont capables de passer. Ce virage prend la forme d'une réflexion sur soi-même, cette fois à long terme. Nous passerons tous sans exception par là. Il n'y a que deux issus à cette route: devenir quelqu'un, ou disparaître.

Cole se met debout, la caméra suit le mouvement alors qu'il s'avance vers un mur sur lequel est accroché de nombreuses photos des plus grands lutteurs de la SOW, ainsi que d'autres fédérations plus ou moins connues, certaines très anciennes.

- Lundi, alors que je défendrai le titre contre Madrock, j'essayerai une dernière fois de lui faire comprendre que le chemin qu'il a pris n'est pas le bon. Qu'il y a d'autre moyen de se faire un nom que de suivre des ordres, les ordres de personne qui le méprise, qui ne veulent que se servir de lui! Il mérite tellement mieux que ça! Devilhand et St Michel se moquent pas mal de lui, tout ce qu'ils veulent, c'est une montagne de muscles exécutant leurs ordres. Mais si demain il les décevait, alors il subirait le même sort que ce qu'ils nous font subir en ce moment. Brujah et DH n'auront aucune pitié pour lui, peu importe ce qu'il a fait pour eux, il ne compte pas à leurs yeux. Il n'est qu'un pion sur leur échiquier.

- Qu'est ce qui te fait dire une chose pareille? Ils sont peut être amis?

- Amis? Il n'y a pas d'amitié sur un ring lorsqu'il y a une compétition! Même les couples s'affrontent avec une violence inouie. Cela a détruit les plus belles amitiés, et ce qui est brisé ne se reconstruit jamais complétement. Quand la confiance n'est plus là, quand tu ne peux plus compter sur tes proches, alors une page se tourne. Et tu ne les vois plus jamais comme avant. C'est ce qui va se produire avec Devilhande et Tony. Sais tu pourquoi il a cessé de s'exprimer en solo? Parce qu'il exprimait des sentiments qui lui étaient propres. La colère, d'abord, cette rage sourde qui grondait en lui. Malgré cela il parlait d'honneur, de ne jamais abandonner... Regarde ses dernières apparitions! Ce ne sont pas ses mots! Ce n'est pas lui! Ils l'ont perverti, ils l'ont manipulé pour qu'il exécute leurs ordres! Mais lorsqu'il est seul, est il content de ses actes? Lorsqu'il se regarde dans son miroir chaque jour, est il fier de lui? Est ce qu'il se rend seulement compte de son état d'asservissement? J'en doute! Je crois que Brujah et Devilhand l'ont habilement endoctriné, mais il n'est pas encore trop tard, je peux encore le sauver!

- Tu penses qu'en le battant tu le feras revenir à la raison? Et que feras tu si tu perds?

- Alors nous nous battrons pour les reconquérir!

- Et si... Carrie décide que tu es apte à te battre en solo? Si après cette défaite elle choisit de prendre cette retraite dont Sarah Filmore l'avait tirée? Aujourd'hui, on voit tous que tu es parfaitement capable de travailler seul. Le fait qu'elle mette les titres entre ses mains, c'est un peu comme une mère qui assiste à un grand événement dans la vie de son enfant, ses premiers pas, son entrée à la maternelle....

Cole semble soudain un peu décontenancé.

- Elle ne m'a rien dit à ce sujet.

- Tu es prêt Cole, je ne suis qu'un journaliste, mais je sais voir un athlète confirmé quand j'en vois un. Tu n'as besoin de personne pour te suggérer ce que tu dois faire.

- Cela ne veut pas dire qu'elle va partir.... je ... elle est heureuse lorsqu'on est sur le ring, je le vois. Elle a le combat dans le sang.

- C'est vrai, mais elle a aussi beaucoup d'autres activités, et son contrat arrivera tôt ou tard à son terme. Si j'étais à ta place... je commencerais à m'habituer à l'idée.

Phil le salua d'un signe de tête, puis quitta le vestiaire. Son caméraman l'observa d'un oeil désapprobateur.

- Quoi? J'ai juste fait mon boulot!

- Tu l'as mis mal à l'aise!

- Je te l'ai dit, je fais mon boulot! Fallait que je sache si la rumeur est vraie.

- Bah t'es fixé, apparemment, le départ de sa partenaire n'est pas à l'ordre du jour. Ou alors il n'est pas encore au courant!

- Ou alors j'me suis fait avoir par un indic foireux, si jamais je mets la main dessus, j'vais lui apprendre à respecter Phil Salfino!

Assis seul dans le vestiaire plongé dans une semi obscurité, les cheveux encore humides après avoir pris une longue douche, Cole apparaît à l’écran, le visage entre ses mains, les coudes vissés à ses genoux. Il entend des pas qui s’approchent de lui et relève fièrement la tête, s’attendant à tout, même à affronter Madrock ou Devilhand. Mais c’est Carrie, le visage aussi grave que le sien, qui vient se poster en face de lui, tout près. Cole baisse la tête à nouveau et Carrie pose ses mains de part et d’autre de son visage, qu’elle pose contre son ventre. Elle le serre contre elle dans un geste très tendre, très protecteur. Toute la tension du match semble retomber en cet instant. Il se laisse soudain aller à sa colère, à sa frustration. Carrie étouffe ses cris contre elle, comme si elle voulait les absorber pour faire disparaître la douleur. Elle pleure en silence, les muscles de ses bras et de ses mâchoires se contractent.

Gardant sa tête contre elle, elle s’assied sur ses genoux. Ils restent dans cette position pendant un long moment, durant lequel Cole évacue toute sa haine et son désespoir. Quand enfin il s’apaise, il relève la tête et plonge son regard dans celui de son amie. Il lui parle à voix basse, c’est presque un simple murmure.

- je te demande pardon. Je te demande pardon pour tout ça, pour ces échecs répétés, pour cet instant d’abandon, je ne mérite pas la confiance que tu as en moi et...

Elle fronce les sourcils alors que les larmes de colère affluent à nouveau sur ses joues. Elle pose son front contre le sien et murmure à son tour d’une voix pleine de hargne.

- tais toi, tais toi... ne dis pas ça Cole ! Ce n’est pas toi qui dois avoir honte ! Ressaisis toi. Ressaisis toi  et relevons la tête, battons nous et faisons en sorte que cet affront ne reste pas impuni ! Ce n’est qu’un obstacle parmi tant d’autres, nous devons dépasser cette difficulté et nous montrer plus vigilants. Tu dois jouer avec des règles et des valeurs qui ne sont pas les tiennes.

Cole la repousse doucement, et se lève. Il s’éloigne d’elle et regarde vaguement par la petite lucarne qui éclaire la pièce. La faible lumière du jour éclaire ses yeux bleus un peu rougis.

- Non, Carrie, il ne m’aura pas comme ça. Je ne changerai pas ce que je suis au fond de moi pour avoir une victoire. Devilhand et Madrock ne feront pas de moi un tricheur et un menteur ! J’ai des valeurs, et je les défendrai envers et contre tout. Même si je perds chaque combat, même si je ne corresponds pas à ce que la SOW attend de moi, je resterai un homme loyal et honnête jusqu’à mon dernier souffle !

Sa voix tremblait encore sous l’effet de la colère, et devait se contenir pour ne pas envoyer tout voler dans la pièce tellement sa rage était puissante. Il voyait cette même rage dans le regard de celle qu’il respectait plus que tout. Elle faisait de son mieux pour la cacher, mais il ressentait son énergie, la tension qui émanait de son corps. Il avait honte de s’être encore fait avoir par ces deux salopards, il voulait y retourner, les traquer jusqu’à ce qu’il tombe sur eux, et frapper, frapper encore, jusqu’à ce que l’affront soit lavé, jusqu’à ce qu’ils en crèvent ! Mais il n’en avait pas le droit ! Ça c’était leur méthode, leur lâche et abjecte méthode ! Il valait mieux qu’eux, il valait mieux que ces brutes ! Il repensa aux derniers matchs contre eux.

Citation :

Showdown, le 4 janvier : « Final Masquerade de Carrie sur Devilhand… Compte de deux et neuf dixième interrompu par un grand coup de chaise derrière la tête de Carrie! Après le match, Devilhand se relève, saisit la chaise des mains de son partenaire avant de l’envoyer au sol. Il relève Carrie… Tiger Driver 91 sur la chaise! Madrock fait signe à Devilhand que Cole reprend vie… Ce dernier roule dans le ring puis est soulevé dans les airs par Madrock uniquement pour être combiné à  un Codebreaker de Devilhand! Ce dernier se relève puis pointe Carrie à Madrock alors que lui regarde Cole gisant au sol sous les huées de la foule… The Devil’s Crossface sur Cole pendant que Madrock applique le Annaconda Vice sur Carrie… Les Champions par équipe abdiquent! Une armée d’arbitre et de techniciens de la SOW se déversent sur le ring pour interrompre l’action, et Devilhand et Madrock s’exécutent rapidement, se retrouvant au pied de la rampe, tout sourire, alors que la foule les chahute ! »

Showdown du 18 janvier : « Cole trouve de l’énergie pour se relever et court vers Madrock et le frappe dans le dos ! Madrock lâche Carrie qui tombe au sol et l’arbitre regarde si elle est ok !Et Devilhand glisse dans le ring ! Il court vers Cole… HOPEBREAKER ! DH roule rapidement à l’extérieur laissant Madrock dans le ring et celui-ci attrape Cole ! ANACONDA VICE !!  Cole abandonne !Mais Madrock refuse d’abandonner la prise malgré l’arbitre qui lui ordonne ! La cloche sonne encore une fois et Carrie monte dans le ring !  Et s’avance vers Madrock ! Mais HOPEBREAKER encore une fois par DH! DH, avec un micro dans le main s’avance vers le visage de Cole et parle !
Devilhand : Et nous avons choisi ? Tornado Submission Tag Team match.
Devilhand frappe alors Cole au visage avec le micro avant de le lancer sur Carrie et Madrock et DH quittent alors vers les vestiaires laissant les champions par équipe se relever péniblement. »

Il serra poings et mâchoires puis tourna à nouveau la tête vers la lumière.

- Devilhand peut bien nous narguer, nous dénigrer, mais il ne nous enlèvera pas le peu d’humanité qu’il nous reste. Si c’est tout ce qu’il y a à sauver, de notre honneur, de ta carrière, alors nous nous battrons jusqu’à la mort pour la sauver. C’est tellement facile de se cacher derrière un passé soit disant glorieux, mais dont tout a été soigneusement archivé, effacé, bien à l’abri du regard de ceux qui pourraient le juger ! C’est tellement facile de ne citer que les titres que tu n’as détenu que peu de temps, en minimisant celui pour lequel tu viens seulement d’être détrônée ! C’est tellement facile de manipuler les médias, de cacher ce qui nous gêne, de déformer ce qui peut l’être.

Cole regarde son amie qui conserve le silence, ses grands yeux bleus posés sur lui.

- Est-ce que ta carrière est exceptionnelle ? Je le crois. Peut être pas au sens propre du terme, tu n’as pas raflé tous les titres... pas encore ! Tu n’as pas traversé dix tables en feu ou dirigé la SOW ou une autre fédération de lutte... pas encore ! Mais tu as eu une carrière brillante, parsemée de rencontres et de voyages, tu as aimé ton public et il t’a aimé en retour. Les fans t’aiment et te respectent, et tu enseignes ton métier avec une passion que beaucoup t’envient. Qui est Devilhand pour juger ta vie ? Il n’est personne, il n’est qu’un lutteur qui a été jadis, ailleurs, quelqu’un, et qui tente de le redevenir en nous salissant, en nous piétinant ! Moi j’ai regardé son passé ici, et je ne vois là rien d’exceptionnel. Je ne vois pas de fans l’attendant avec impatience, je ne vois pas d’exploit ni d’histoire à raconter à ses enfants puis ses petits enfants ! Il n’y a rien d’enviable à son existence, rien qui égale ce que tu as vécu et ce que tu vis encore.

Il s’approche d’elle lentement, avec un sourire et un regard infiniment tendre.

- Quant à ta vie avec Rafael, je peux attester que depuis un certain temps maintenant, vous mettez tout en œuvre pour vous préserver des curieux. Est-ce que Rafael a tord de déclarer sa fougue à ton égard ? Est-ce que c’est plus ennuyeux que de regarder les vidéos persos de Pétale, Bomb, Philo, Syd, Didier, Yan ? La SOW est prête à tout pour un scoop, pour obtenir les images les plus choquantes, les plus hot, les plus intimes ! Il n’y a pas de limite à l’audimat, que cela plaise ou non aux lutteurs.

A ces mots, Carrie sort de son silence, d’une voix calme et résignée.

- Ne t’inquiéte pas pour moi. Cela fait des années que l’on me reproche ces scènes et pourtant, cela rapporte des milliers de dollars à la fed. Devilhand ne peut pas comprendre ça. Lui tout ce qu’il vend, c’est sa rengaine de maître du jeu, la même que Philo. Oui je les trouve identique. Non je ne chercherai pas plus longtemps après de minces indices. Ils se ressemblent, c’est un fait. Parfois ces choses ne s’expliquent pas. Qu’ils soient amis ou ennemis je m’en moque, les alliances se font et se défont aussi vite que Palmer cicatrise. Qu’est ce que ça peut me foutre ? Rien. Est-ce que découvrir ce qu’il a fait par le passé, ce qui l’a amené à devenir le frère, l’égal de Philo, est ce que le fait qu’il prétend pouvoir le contrôler, nous aidera à le battre et à l’écarter de notre chemin ? Non. Cela ne changera rien, il sera toujours là, avec ce sourire arrogant, prétendant que je ne suis que la catin de Rafael et que tu vis dans mon ombre. Et nous, nous serons toujours là, brandissant nos ceintures vers le ciel sous le regard plein d’espoir de nos fans. C’est ce qui fait notre différence. Devilhand peut bien dire ce qu’il veut, agir comme le fils de pute qu’il est, mais nous sommes encore champions par équipe, et nous avons encore la faveur du public. Et plus important encore, nous avons encore notre honneur. Nous ne laisserons pas ces misérables vermines nous déposséder, ni des ceintures, ni de notre fierté.

Cole ne lui répond rien, il se contente de la prendre dans ses bras et de l’embrasser sur le front. La caméra coupe sur ce moment de fraternité.

Pieds nus, en short court et en débardeur, Carrie rejoint Cole en se brossant les dents, alors que son coéquipier observe les dernières nouvelles diffusées sur Filmore Média.

- Caroline, j’avoue que j’ai du mal à suivre tes ex... après avoir tout raflé, tout vécu, voilà qu’ils vont mépriser la nouvelle génération parce qu’elle ambitionne de suivre la même voie qu’eux ? C’est du foutage de gueule!

Carrie ouvre de grands yeux en maugréant quelque chose d’incompréhensible.

- Comment ça pas TES ex ? T’es pas sortie avec Darkside ?

Elle sort sa brosse à dents de sa bouche et le menace avec, puis part vers la salle de bains pour se rincer la bouche. Il l’entend crier de loin : « ça regarde personne ! »

Elle revient avec une serviette avec laquelle elle s’essuie le visage.

- Pourquoi tu parles de ça ? J’ai dit que je voulais pas parler de ma vie privée en public, et toi tu remets ça sur le tapis !

- Ecoute, Devilhand a l’air de vraiment y tenir, il aimerait bien que vous deveniez intimes tu vois, pouvoir se confier à toi sans être jugé, que tu le comprennes, tout ça tout ça...

- Philo aussi voulait parler avec moi, résultat on a bien failli terminer notre existence en cendres avec Rafael, alors tu m’excuseras si je décline l’invitation. Quant à lui faire des confidences, certainement pas ! Que je trouve ou pas la direction de la chambre de Rafael, ça m’empêchera pas de lui botter son petit cul. Et je le remercie au passage pour le choix de la stipulation, la domination, la technique, c’est mon truc à moi. Puisqu’il est dans les archives, qu’il se repasse ma rivalité avec Sly, qui sait j’pourrais bien lui apprendre encore deux ou trois trucs.

Clin d’œil en direction de Devilhand.

- J’croyais que tu voulais pas parler de ta vie privée ?

Il sourit et montre l’écran en désignant Rafael.

- J’crois que ton mec a oublié un petit détail ma belle. S’il est là à pouvoir parader, à pouvoir mépriser tout le monde, c’est parce qu’il a gravi toutes les marches du panthéon. Pour un mec qui a reçu le prestigieux trophée du Hall of Fame, je trouve que c’est vraiment cracher dans la soupe que de nous sortir des conneries pareilles. C’est facile venant d’un mec qui n’a plus rien à attendre, à part peut être qu’on lui donne enfin un adversaire à sa taille après avoir jobbé pendant des mois. C’est pas parce qu’il a eu tous les titres qu’ils ne servent plus à rien. La SOW est une compétition permanente, et comme dans beaucoup de sport il faut des trophées pour motiver et récompenser les plus talentueux. C’est ce qui nous pousse à élever notre niveau de jeu. Les titres sont incontournables à la carrière d’un lutteur. C’est la cerise sur le gâteau, le baiser de la princesse à l’issue d’une longue quête.

Il prend la ceinture qui était posée sur la table et la lève vers elle.

- Ce titre est ce pour quoi on se bat depuis mon arrivée à la SOW. Tu vas me dire qu’il n’a aucune valeur ? Que nous nous battons pour rien ?

- Hey, t’en prends pas à moi, j’partage pas son point de vue. Ce n’est pas parce que j’ai eu presque tous les titres de la SOW à part le titre suprême que j’irais en minimiser la valeur. Chacun a eu son importance dans ma carrière, ils ont fait de moi la championne que je suis aujourd’hui, et j’encourage chacun à avoir un but, quel qu’il soit. Maintenant si Rafael préfère se contenter de taper sur tout ce qui bouge, libre à lui, tant mieux pour Yan qui conservera son titre, tant mieux pour les autres champions et challengers qui auront déjà un adversaire en moins sur leur route. C’est risqué, mais c’est son choix.

- ça t’énerve pas plus que ça ?

- Ecoute, quand on se voit c’est pas pour discuter de nos promos ensemble hein. Raf fait ce qu’il veut de son image, et moi je gère la mienne comme je l’entends. D’ailleurs on ferait mieux de se concentrer sur Devilhand, parce qu’il nous mijote surement quelque chose de bien tordu.

- Laisse moi deviner : coups de putes à volonté et interventions à notre insu. J’me trompe ?

- Non, c’est tout à fait ça.

- J’vois pas comment on pourrait l’en empêcher.

- Moi si, mais tu veux pas.

- J’t’ai dit que je voulais pas tomber aussi bas que lui.

- ça s’appelle s’adapter. Tant que tu resteras campé sur tes principes, on se fera éclater la gueule. Et là, ça devient urgent de mettre à jour notre set d’attaques. Y a les titres en jeu... merde !

- on vaut mieux que ça. On les aura sans tricher, sans revenir sur nos promesses.

Ils échangèrent un long regard en silence, comme s’ils se repassaient une scène dans leur tête. Curieusement, alors qu’on aurait pu s’attendre à voir Carrie renchérir, elle acquiesça en poussant un léger soupir.

- d’accord.

- Je suis certain que c’est la bonne voie Carrie. Je sais que ton expérience te dit de foncer, tu as soif de vengeance, mais au fond de moi, je sens que c’est une mauvaise idée. Je sens que si tu t’engages à nouveau sur cette voie, tu t’enfonceras à nouveau dans l’obscurité. Fais-moi confiance.

Nouvel échange de regards. Soudain les images de Légion passent sur l’écran. Carrie les regardent sans rien dire.

- Cette période est révolue, tu as changé ton propre destin, tu t’es affranchie de ceux qui voulaient t’asservir. Ne retourne pas en arrière.

- Tu as raison. J’ai fait ce qu’il fallait pour ça, et ce n’est pas Devilhand ou Philo qui pourront me faire la leçon. Ils ne sont pas les seuls à avoir risqué leurs vies pour offrir du spectacle au public. La souffrance, c’est un état d’esprit qu’il faut avoir pour survivre ici. Personne ne nous oblige à nous lancer d’un toit pour faire le tombé. Personne ne nous met le couteau sous la gorge. Et parfois, il n’y a pas besoin de tous ces artifices pour la ressentir. Elle est là, tapie au fond de notre cœur, et rien de ce qui passe autour ne parvient à l’apaiser. Je n’en ai rien à foutre, en effet, de ce qui différencie DH de Philo. Et j’en ai rien à foutre que DH aient des petits secrets avec Philo, tant mieux si ça réchauffe ses longues nuits d’hivers. Je ne cherche pas son amitié, ni sa compassion. Je n’attends rien de sa part.

- Et moi je ne me cache derrière aucune carrière comme il le dit. Sa carrière est probablement celle qu’il prétend, après tout qui viendra le contredire ? Moi je n’ai pas cette possibilité. Je suis arrivé ici il y a 5 mois, et avant cela, mis à part quelques tournois pour me mesurer à d’autres collègues, je n’avais encore jamais participé à une compétition de ma vie. Je suis vierge de tout passé qu’on pourrait critiquer, manipuler. Je suis un jeune lutteur qui se fait un nom à la sueur de son front, en se battant semaine après semaine sur le ring de la SOW. Je n’ai rien à cacher, je n’ai pas de ces grands combats dont il parle avec nostalgie, pas de cette souffrance qu’il semble apprécier. Je suis une page blanche sur laquelle j’écris mon histoire. Et du coup, pas de zone d’ombre, de période d’inactivité qu’on pourrait, comme pour lui, suspecter d’être due à une quelconque lassitude, à une blessure ou un bannissement, qui sait. Non, je n’ai pas de secret, je n’ai pas non plus la longue expérience qu’il étale, et que là encore personne n’ira contester. L’expérience, elle vient en pratiquant, et je ne suis qu’au début de ma carrière. Pourtant, comme tu peux le constater je ne végète pas en bas de l’échelle. Je me suis battu dès le premier jour à tes côtés pour prouver que je méritais la chance d’être ici. Et je suis récompensé bien plus que je n’aurais pu espérer. L’espoir, c’est ça qui me caractérise. Quant à ses histoires de maître et d’exécutant, je n’en crois pas un mot. Nous sommes tous maître de notre destin, et quand le dernier jour sera là, ce sont de nos actes dont nous devrons répondre, il n’y aura pas d’échappatoire, pas d’idéologie à accuser.

Des petits pas se font entendre à quelques mètres d’eux, et un grand sourire étire les lèvres de Cole Evens.

- ah ! Maya est réveillée !

- prem’s !

Carrie s’élance avant lui pour prendre la petite dans ses bras.

Evens attend que l’hélicoptère se pose et que les pales cessent de tourner avant de s’avancer vers son pilote. La jeune femme, un treillis militaire noir, le rejoint en ôtant son casque et ses gants. Malgré les cicatrices présentent sur son visage, elle arbore un sourire féroce et l’embrasse sur la joue avec enthousiasme.

- Je croyais que tu resterais là-bas plus longtemps.

- J’ai un planning chargé cette semaine, tu sais bien.

- Tu as un planning chargé toutes les semaines...

- Des nouvelles de DH et Madrock ?

- Non.

- Bomb et Pétale ?

- Non plus. Mais ça ne devrait pas trop tarder, à moins qu’ils s’offrent un temps de repos un peu plus long que toi, Wonderwoman.

Elle sourit puis se dirige avec lui vers la très belle Jaguar stationnée quelques mètres plus loin.

- Bomb doit être furax, j’aimerais bien voir ça ! C’était un match exceptionnel, et Zack a parfaitement géré la situation. Bomb espérait encore pouvoir le battre. Cela dit, il n’y a pas de déshonneur dans cette défaite. Le déshonneur, c’était d’abandonner aussi vite ! Zack a prouvé qu’il pouvait gagner contre lui, mais ce n’est pas la fin du monde ! Pourquoi ne pas s’accrocher et retrousser les manches ? Par facilité ?

- Alors il se fout le doigt dans l’œil s’il pense pouvoir être plus tranquille dans la division tt. Déjà parce que Devilhand et Madrock, eux, n’abandonneront pas malgré leur défaite. Et je doute qu’ils apprécient la concurrence. Il y aura un nouveau défi pour nous, car si auparavant nous avions deux adversaires, maintenant nous en avons quatre, avec les mêmes méthodes. Bon c’est pas malin de révéler tout de suite son visage comme ça, moi j’aurais été plus subtile, j’aurais joué quelques temps le respect et l’amour du sport. Là, ils attaquent de front, copiant sur les deux autres... c’est limite mais soit, c’est un choix. Au moins on sait à quoi s’attendre. Mais je ne peux pas m’empêcher d’être un peu déçue par cette tactique. Je les croyais plus intelligents que ça.

- En tout cas je ne me ferai pas avoir deux fois, tu peux me faire confiance !

Elle sourit.

- C’est pas bien grave, je préfère que tu te fasses ton opinion, la leçon est plus que claire : ne fais pas confiance à ces deux là. Si nous devions être amis, ce serait fait depuis longtemps. Il y a une raison à tout ce qui nous arrive. Le couple le plus puissant de la fédération, si on s’en tient aux dires de Pétale.

- Puissant... mais pas imbattable, c’est ce que nous voyons depuis des semaines. Bomb a été éclipsé par une version alpha de lui-même, et Pétale subit le même sort par ses deux pupilles.

- Deux options s’imposèrent à eux dans ces conditions : continuer à lutter et prendre le dessus sur des compétiteurs plus jeunes et plus motivés, ou bien changer de section et profiter d’un concours de circonstances pour prendre le dessus sur des champions.

- la première aurait demandé davantage d’investissement et une montée en puissance, or Bomb et Pétale étaient arrivés à leur maximum. Aussi, au lieu de n’être plus que moyennement bons, il est plus simple de réunir les forces pour survivre. A deux on est toujours plus fort.

- De toute manière, ce n’était qu’une question de temps avant qu’ils ne rejoignent la section Tag Team. Cela crève les yeux qu’ils ne peuvent plus rien faire l’un sans l’autre. Mais c’est bien, pour nous c’est un nouveau challenge à relever, un défi de taille. Et puis ça fera toujours plus classe sur un CV que DH et Madrock. Se battre pour défendre nos titres contre deux anciens champions du monde, c’est nettement plus attractif. Ça met un peu de piment à notre affaire.

- ça ne change rien pour moi. Effectivement le niveau va encore augmenter d’un cran, ça va doubler la difficulté, et il va falloir faire preuve de plus de méfiance et d’énergie pour contrecarrer leurs plans. Mais très franchement, c’est vraiment le pied ! Je n’aurais jamais cru, il y a quelques mois encore, que j’affronterais Pétale et Bomb avec toi. Entourés par des légendes vivantes, je ne peux que devenir encore meilleur, et j’adore cette idée.

- Et c’est loin d’être fini, c’est même là que tout commence. C’est dans l’adversité que nous trouvons la sagesse. Allez, trêve de sérieux, on a pas encore fêté notre victoire ensemble, allons déjeuner !

- Carrie, il est trois heures de l’après midi !

- Pas grave, je connais un restau excellent, ouvert à toute heure.

La jeune femme se met au volant de la luxueuse voiture alors qu’il contourne pour s’installer du côté passager. Puis elle démarre et la jaguar s’éloigne.

Le quartier est en effervescence. Plusieurs hélicoptères décollent et se posent dans un bruit assourdissant. Phil Salfino se fraye un chemin parmi la milice et doit montrer son badge à plusieurs reprises pour passer les barrages. Finalement il reconnait la silhouette d'un homme au loin, qui n'est autre que Spencer Johnson.

- Commandant, que se passe t-il?

- T'es bigleux Salfino? On déménage! Carrie t'attend à l'intérieur, magne-toi, on a pas que ça à faire. La mission doit être terminée à 6.0!

Phil regarde sa montre et s'aperçoit avec stupeur que c'est dans moins d'une dizaine de minutes. Il grimpe les étages quatre à quatre et se retrouve dans le bureau de la lutteuse. Il prend le temps de retrouver un peu son souffle, les mains sur ses genoux.

- Ah, Phil! Excuse-moi de t'avoir réveillé.

La belle brune est en tailleur très élégant, elle tient dans ses bras une petite fille, celle de Cole, encore endormie.

- J'ai une déclaration à faire et il me semble que je te dois bien ça, depuis le temps que nous nous connaissons. Tu as toujours été très courageux, et très professionnel.

Phil est un peu surpris par ces compliments.

- Merci. Je ne fais que mon boulot.

- Et tu le fais bien, je te souhaite d'avoir une longue carrière très enrichissante, à tout point de vue. Bien, trève d'éloges passons au vif du sujet. Cole et moi nous partons.

Elle fait signe à l'un de ses acolytes et celui-ci apporte immédiatement une grande boite blanche, certie d'un grand ruban rouge.

- Tu remettras les ceintures à Whitis. J'ai fait déposer une lettre dans son bureau qui explique les raisons de notre départ. J'ai pris la liberté de faire procéder aux ajustements des ceintures par rapport aux tailles de Pétale et Bomb,histoire de faciliter la transition.

Phil allait ouvrir la bouche mais Carrie poursuit.

- J'ai également envoyé un message à Darkside, pour lui expliquer la situation. Il avait raison, depuis le début, et je tiens à lui adresser tout mon soutien. Je regrette de ne pas pouvoir lui dire à quel point il a été important pour moi. Je voudrais également dire à Wes que je crois en lui, il fera un champion exceptionnel. A Yan, je voudrais dire que son courage, sa détermination n'ont pas d'égal, et qu'il a toujours mon respect et mon amitié. Mais qu'il ne se laisse pas endormir, une fois que tout le monde aura admis qu'il est un champion digne, une fois que tout le monde aura essayé de le faire tomber et qu'ils commenceront à ramper vers lui pour s'allier, qu'il n'oublie pas de leur rappeler qu'il s'est fait seul dans l'adversité, et qu'il les envoie tous chier... respectueusement.

- autre chose?

- non. Plus un message d'adieu est court et plus il est digne. Je ne vais pas laver mon linge sale en public, ce n'est pas mon genre. Les personnes concernées savent le pourquoi du comment.

- Et Rafael?

- quoi Rafael?

Elle se met à rire.

- Ne t'en fais pas pour nous, Phil, je ne le quitte pas. Je ne le quitterai plus jamais.

- Tu vas faire quoi maintenant?

- Et bien, je crois qu'il est temps pour moi de me lancer dans le showbiz, de l'autre côté du décor. Cela fait des années que j'entraîne des athlètes, aujourd'hui, je vais les mettre en scène.

- tu vas créer ta propre compagnie? Et tu penses que la fed va te laisser en parler, qu'ils ne vont pas couper ton message?

- la SOW est immortelle, elle n'a pas peur de la naissance d'une petite compagnie de lutte, d'ailleurs je ne ferai pas de publicité ici. Tu me demandes ce que je vais faire, je te réponds, c'est tout. Tiens, d'ailleurs, Spencer me fait savoir qu'il est 6 heures. Je dois y aller.

Elle s'avance vers lui et le serre contre elle.

- Adieu Phil, c'était un plaisir de travailler avec toi.

Elle s'éloigne et s'engage dans l'escalier. Les hélicoptères ont cessé leur ballet aérien, il ne règne plus que le silence, à peine troublé par les bruits de pas de Caroline, puis plus rien. Salfino se retourne et regarde autour de lui. Le décor a changé, comme si les lieux étaient désertés depuis de nombreuses années. Les vitres sont sales, laissant à peine la lumière passer. Les sirènes de police résonnent au loin. Phil se demande s'il n'a pas rêvé la scène. Le fracas d'une vitre brisée le ramène à la réalité.

- Putain, ma bagnole!

Il se met à courir vers l'extérieur.

Fin finale.