Nancy se répétait ces deux mots depuis déjà de nombreux mois. Il avait fait une promesse. Il lui avait promis qu'il reviendrait. L'homme de sa vie. L'homme pour qui elle est prête à tout abandonner.
Nancy se servit un verre de whisky. Aucun glaçon ... Cela fait des années que l'électricité n'a plus été payée dans son appartement. Certains appelleraient cela un squat. D'autres, comme Nancy et ses "amis", pensent qu'au moins ils ont un toit. Les rues de Los Angeles sont bien plus froides qu'elles ne le paraissent. Ces Venice Beach de cartes postales, Nancy sait bien qu'ils ne subsistent que dans l'esprit des touristes et de quelques idiots cherchant encore des opportunités dans la cité des anges. Elle, elle ne s'accroche plus à ce stupide espoir d'être actrice, d'être célèbre. Ni même à l'espoir de retrouver un emploi ...
Son seul espoir, il s'appelle David.
Son espoir, son amour. Son soleil ...
David était tatoué, musclé, protecteur. Sous ses allures de gros dur, il avait toujours été là pour la protéger. Il lui offrait ce dont elle avait besoin. Un fix, un rail. Un homme. David s'occupait d'elle, en prenait soin. Et pour cela, elle lui était redevable à vie. Mais David avait dû s'absenter. Une "affaire dans le Nord". Au Canada, a priori. David lui avait promis de revenir dans deux-trois semaines. Cela faisait bien trois mois. Mais "Il reviendra".
Nancy était allongé sur son canapé. Son dernier client venait de partir. Il lui avait laissé un énorme cocard. Elle était passé dans les toilettes, s'était regardé dans son miroir. C'était laid à voir. Mais elle se moquait de ce que ce client avait pu lui faire : "Il reviendra".
Nancy se souvenait parfaitement de ses derniers mots avant de partir :
"Ne t'en fais pas. Je ne pars que pour revenir avec plus d'amour pour toi. Cela ne sera pas long. Personne ne jouera avec toi, tant que je serai là. Je reviendrai d'ici quelques semaines, le plus tôt possible. Non ... Ne pleure pas ... Tu sais bien à quel point cela compte pour moi que tu sois heureuse. Je ne veux que ton bonheur. Ne pleures plus enfin ! Tu sais bien que jamais je ne te mentirai ... Jamais je ne te dirai un seul mensonge. Tu es trop importante pour moi. Je reviendrai."
Elle sanglotait.
"Il reviendra".
"Il reviendra"
"Il reviendra"
"Il reviendra"
Elle reçut un appel sur son téléphone.
A 3h00 du matin, le corps d'une prostituée a été retrouvé sur Venice Beach. Il était passé par une fenêtre et s'était écrasé sur une Ford Fiesta en bas de l'immeuble.
Brie était attablée seule, au New Mexico Café, Alburquerque. Une certaine tradition personnelle la faisait venir ici lorsqu'elle avait terminé son boulot de caissière au Wal-Mart le plus proche. Elle venait ici, commandait une Bud Light et tapait la discute avec les habitués du bar. Old Tony, Big Mike, Little Johnny, Peter le barman. Tout le monde la connaissait bien ici et elle connaissait tout le monde.
Mais parfois, elle se demandait si cette situation allait être immuable.
Elle n'était pas très belle, avec un bon surpoids. Mais elle se posait souvent la même question : Quand allait-il arrivé ?
Bien évidemment, elle savait que c'était stupide de croire au prince charmant dans cette situation. Elle était perdu dans cette saloperie d'ABQ, elle ne rencontrait personne qu'elle ne connaissait, car personne ne venait dans ce bar miteux. Le plus bel homme ici, c'était Pretty Cody. Il ne lui restait que trois incisives, il avait une petite bedaine et était la personne qui cachait le mieux sa calvitie parmi tous les poivrots qui venaient s'envoyer un dernier verre avant de rentrer voir leur femme.
Quelle misère !
Mais aujourd'hui, elle avait senti que cela allait changer. Elle avait vécu seule pendant de trop longues années, elle avait vécu dans l'isolement. Elle avait essayé de se mêler aux autres en discothèque ou autres, mais finalement elle était rentrée plus honteuse que comblée à chaque fois. Mais la solitude raffinée de sa chambre l'avait une nouvelle fois poussé dans ce bar pour espérer continuer à espérer.
Et c'est là qu'il est arrivé.
Il est arrivé seul dans ce bar. Dès qu'il est rentré leurs regards se sont croisés. Elle avait essayé de détourner le sien, mais il l'avait remarqué. Il s'approcha de la table.
Etranger : Bonsoir.
La discussion s'amorça pendant de longs minutes. Elle se sentait bien. Il était à l'écoute, il lui racontait des choses amusantes et l'écoutait sans la juger, en essayant de donner des conseils mais sans la mépriser.
Etranger : Vous savez, je m'identifie énormément avec ce que vous dites.
Etait-ce le bon ? Ils rentrèrent chez elle. Elle rentra dans la salle de bain et se déshabilla en face de son miroir. "Regarde ... Tu as beau être laide, cet homme est là. Il t'aime comme tu es. C'est un homme bon. J'ai finalement beaucoup de chance. Ce qu'il m'a dit, son regard compréhensif et tendre ... C'est la première fois que l'on me fait me sentir comme un être humain désirable !"
Elle sortit alors de la salle de bain.
Parti ...
Elle se pencha par la fenêtre et vit sa voiture partir seule. Elle fouilla sa chambre. Plus de clefs. Plus de liquide.
Finalement, peut-être que rien ne lui serait jamais offert ...
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Voiture volée. Black Sun est à l'intérieur de celle-ci. Il allume une cigarette. Sur le siège passager, une lettre envoyée depuis Montréal.
Black Sun sourit.
Il a beaucoup a tiré de cette situation ... Beaucoup ...
Cairo, Illinois, ville située à la plus basse latitude de l'Etat. Aujourd'hui, Cairo est une ville désertée par sa population. Ayant connue des décennies de prospérité après la Guerre de Sécession, Cairo a connu une histoire raciale violente. Entre lynchage, émeutes, violences entre populations, criminalité, fuite des blancs, la ville est devenu un ghetto industrialo-rural, entre forêt et raffinerie, rivière et centrale hydraulique délabrée.
Robert Norrington était un jeune officier de police noir. Il faisait partie du dernier rempart de la justice dans cette ville totalement abandonnée par sa population. Pour une ville de 2500 habitants, les troubles étaient encore nombreux et Norrington n'avait pas à chômer.
La journée touchait à sa fin et Norrington se préparait à rentrer chez lui, retrouver sa jeune épouse et leur enfant. Il s'arrêta quelques instants pour faire quelques courses à la supérette de Cairo, puis retourna à sa voiture.
Il gisait dos à la poussière, la bouche ensanglantée et les yeux rougis par les larmes.
??? : Aid ... Aid ... Aidez-moi ...
Norrington lâcha son sac et accouru alors vers l'homme gisant au sol. Il portait un long manteau cachant ses bras et un pantalon noir. Sa chevelure argentée luisait dans le soleil couchant.
Norrington : Merde ... Que vous est-il arrivé, monsieur ?
L'homme se redressa avec difficulté contre voiture de police. Un regard perçant. Il essuya ses larmes.
??? : Je m'appelle Virgil Kane ... Ma voiture est tombée en panne derrière le bois et j'ai dû le traverser pour venir trouver un garage ici ... Kof kof kof ... J'ai été attaqué par un homme. Il était sale, je crois que c'était une sorte de ... vagabond. Mais j'ai réussi à m'en sortir et il est dans la clairière juste derrière. J'ai réussi par miracle à l'assommer ...
Norrington : Je vais appeler des renforts ...
Virgil Kane : Il risque de s'échapper ... c'est pas certain que je l'ai véritablement assommé ...
Norrington : Raah, merde ... Bon ... On y va, montrez moi où ça s'est passé. Vous pouvez marcher.
Virgil Kane : Oui, je crois.
Norrington aida Kane à se relever. Il allèrent alors en direction de la clairière. Celle-ci était vaste, mais quelque chose ne tournait pas rond. L'herbe était longue par endroit, rasée à d'autres. Deux planches en bois se tenaient au milieu de la clairière. Norrington se demandait quel genre de clairière cela pouvait être.
Puis plus rien ...
Norrington ouvrit les yeux. Il était à la verticale, mais ses pieds ne touchaient pas le sol. Il avait les bras écartés. Tout était d'un flou total. Une ombre en face de lui, un homme extrêmement musclé. Torse nu et tatoué. Les cheveux argentés. L'homme était dos à lui, un énorme soleil noir tatoué dans le dos. Norrington essaya d'articuler quelques mots.
Norrington : Que ... que ...
??? : Oh, je n'avais pas vu que tu étais réveillé ? Comment vas-tu ? Tu n'as pas le vertige j'espère ?
Norrington se rendit alors compte de l'horreur de la situation. Son crâne était horriblement douloureux, mais la douleur de la situation était bien plus terrible. Norrington était attaché à une croix en bois et l'homme en face de lui apportait des bidons d'essence. Des larmes commencèrent à couler sur ses joues ...
??? : Oooooooh ... Mais il ne faut pas pleurer mon ami ! Je n'ai rien contre toi en particulier ! Ne prends pas ça pour toi ! Comment t'appelles-tu ? Oh, je m'en moque, en fait. Pourquoi autant de larmes ? Tu as des enfants ? Une jeune épouse ? Oh ... C'est ça, une jeune épouse. Tu ne te rends pas compte de la chance que tu as ! Quelqu'un sur cette terre te pleurera, ce n'est pas donné à tout le monde. Tu devrais te réjouir d'être dans un tel contexte.
Norrington : Mais ... pourquoi cette haine pour moi, pour les noirs ? Qui êtes-vous Virgil ?
Black Sun : Qui je suis ? Mon nom est Black Sun. Pourquoi ? Mais tu te trompes ! Je n'ai aucune haine contre toi. Je n'éprouve aucune rancœur contre le peuple noir. Mais je sais ce que tu vas dire : la croix, les bidons d'essence ... Bref, tu sais ce qui va t'arriver et tu te dis que je fais partie du KKK ou quelque chose du genre. Mais je vais te poser une question : est-ce que tu vois une seule capuche blanche ici ? Le KKK est une société secrète, elle n'agit pas seule. Ce que je fais actuellement est purement égoïste.
Tu vois, je suis actuellement en voyage d'affaires et je me rends actuellement à Montréal. Mais je passais près de Cairo, cette ville au passé aussi sombre, aux nombreuses âmes tourmentées errant dans les rues de cette cité de haine et de violence. Terrible pour une aussi petite ville de contenir autant de haine et de mensonges. Appelle ça le destin, la fatalité pour toi, la providence pour moi.
Quand je me suis approché de cette ville mon sang n'a fait qu'un tour. J'avais besoin de me nourrir de cette haine, de cette cruauté inhérente à cette cité. J'avais besoin de me baigner dans cette fange de violence et de terreur qui hante Cairo. J'aime le mensonge, j'aime la haine, j'aime la cruauté.
Je vois dans ton regard la peur et l'incompréhension, mais je ne te demande pas de me comprendre. Je te demande simplement de m'aider à laisser mon empreinte de haine dans cette ville. Demain, la violence resurgira dans les journaux, la haine grandira encore plus dans les rues de Cairo et cela, c'est grâce à toi et moi mon ami !
Black Sun s'approcha alors de la croix avec un marteau et des clous.
Norrington s'était évanoui. Lorsqu'il se réveilla ses mains étaient déchirées par des clous, tout comme ses pieds. La douleur était intenable, sa vision de plus en plus troublée. Mais un homme se tenait en face de lui, dos à lui. Un soleil noir gigantesque tatoué dans le dos. Une allumette à la main, une trace d'essence.
Le feu commença et Norrington cria de douleur pendant quelques instants.
Alfred alluma sa chaîne Hi-Fi et déposa le diamant du lecteur vinyle sur un disque de Night Ranger, le tube "Sister Christian". Le son démarra, et Alfred rentra dans une transe fabuleuse. Son morceau préféré, de l'argent à foison, de la dope à ne plus savoir quoi en faire ... Le bonheur pour Alfred. Une baraque fabuleuse, avec piscine à débordement, des gardes du corps dans tous les coins, des femmes quand il le voulait.
A Détroit, ce n'était même plus du luxe ... C'était un coin de paradis au milieu d'un enfer urbain, miné par la corruption des élites et les faillites des grands conglomérats automobiles.
Mais Alfred savait bien que General Motors ne dictait aujourd'hui pas plus les débats qu'un dealer minable en centre-ville. Lui, il faisait partie des barons de cette cité, il en faisait ce qu'il voulait.
En même temps, il n'y avait plus personne dans le centre-ville, c'était une zone de quasi non-droit. Cependant, lui était constamment protégé par deux gardes du corps.
Il s'alluma une douille, prit un rail et se remplit un verre de whisky. Alfred était en peignoir et en slip. Son deal s'était parfaitement passé. Il ferma les yeux quelques instants.
Garde du corps : Boss ?
Alfred : Pas maintenant, c'est mon passage préféré ...
Alfred se plongea dans la musique. La progression d'accords puissants, la force épique du morceau ... Putain, qui ose encore gueuler contre le Hard FM ? Alfred se plongeait dedans comme un homme qui n'avait besoin de rien d'autre. Il reprit un rail.
Garde du corps : Boss ! Y'a du mouvement dans le jardin.
Alfred : Bah va voir ... Je sais pas moi ... Je sais pas ...
Alfred se replongea dans son bong. Il était bien. Avoir besoin de quoi quand on a tout ? Avoir besoin de qui ? Alfred était bien. Il entendit du bruit émanant du jardin. Il reprit un rail. Il reprit une douille. Le bruit se rapprochait. Il regarda sa table basse, ses billets, sa dope ...
Le corps de son garde du corps vola sur la table basse et explosa le verre de celle-ci. Son cou était brisé.
Un homme entra dans la pièce, tirant le corps du second garde du corps par le col, comme un chien. Alfred était putain de high.
Alfred : Woooo ... Il se passe quoi ? Qui c'est ... ?
L'homme s'approcha d'Alfred, l'attrapa par les revers du peignoirs et le projeta contre la chaîne Hi-Fi qui explosa sous le choc. Le morceau s'arrêta net. L'homme rattrapa Alfred et l'envoya voler sur le canapé. Alfred dans un mouvement instinctif s'empara de son bong et l'éclata contre le crâne de l'homme. Ce dernier n'esquissa qu'un pas de recul.
??? : Hum hum hum ... Mais où est la passion dans tes coups ? Où est l'amour de la violence ? Tu es un gangster ou une salope ?
L'homme attrapa Alfred par le cou et le mit dans le canapé.
Alfred : Putain, tu sais pas qui je suis.
Il essaya de sortir un flingue de sous les coussins, mais il le fit tomber aux pieds de l'homme mystérieux.
??? : Tu voulais me tuer ? (L'homme ramassa le pistolet) Non, non, non ... La règle, c'est que c'est moi qui tue.
L'homme commença à asséner des coups de crosse d'une violence incroyable dans le nez d'Alfred, qui explosa dans des giclées de sang de plus en plus abondantes. Il attrapa ce qu'il restait de cocaïne sur la table et fourra le tout dans la bouche d'Alfred.
Ce dernier, les larmes aux yeux, le coeur battant de plus en plus fort, l'espace qui abritait auparavant son nez n'étant qu'un amas de ruines, vit l'homme enlever son t-shirt, un grand soleil noir tatouté dans le dos.
Le plan de la caméra était alors en face du canapé, Alfred assis en ruine dedans, de la coke plein la bouche, l'homme s'approchant face à la caméra, le calibre en main, le sourire aux lèvres.
Black Sun : Vous pensez passer le reste de votre vie esseulé ? Dans les ténèbres et la solitude ?
Oui, je sais ... Vous avez essayé de vous mêler aux autres. Vous avez essayé de faire de vos vies ce que les autres voulaient de celle-ci ... Vous avez essayé de devenir ce que les autres attendaient de vous ...
Et tout cela ne vous a laissé qu'humiliés et confus ... Vous êtes retournés chez vous, à n'attendre rien. Mais le confinement solitaire de votre chambre vous a recraché dans les bras de la rue ... Et vous étiez désespérés et en manque de contact humain ...
Et alors, vous m'avez rencontré ...
ET LE MONDE ENTIER A CHANGE POUR VOUS !
Parce que tout ce que je dis est tout ce que vous avez toujours voulu entendre ... Alors vous baissez vos défenses ... Vous me faites complètement confiance ...
Vous me trouvez parfait ... Entièrement parfait ...
Parce que je vous fait vous sentir si forts à l'intérieur ... Si puissants ... Vous vous sentez si chanceux ...
Mais votre égo obscurcit votre jugement et vous ne vous êtes jamais demandé pourquoi vous vous sentiez si bien ...
Vous voulez savoir pourquoi ?!
Black Sun se retourne vers la caméra.
Black Sun : PARCE QUE JE SUIS LE MENSONGE ! OUI, JE SUIS LE MENSONGE ! JE DETRUIS VOTRE ÂME DE L'INTERIEUR ! JE RETOURNE VOTRE ESPRIT ! JE VOUS FAIS M'ADORER ! JE FAIS DE VOUS MES JOUETS !