Carrie est en train de regarder la dernière promo de la SOW. Et pas n'importe laquelle. Celle de Rafael. Un petit sourire sur le coin des lèvres. Puis son regard se tourne sur la ceinture Intercontinental qui est... par terre, sur un tapis, entourée par les jouets de ses enfants.

C'est à ce moment là que Lee entre dans le salon. Il la regarde, debout dans la grande pièce d'un blanc immaculé, portant simplement une petite robe beige très cintrée. Elle est concentrée sur les paroles du vampire, si bien qu'elle ne l'a pas entendu arriver. Et il ne fera rien pour signaler sa présence, observant les expressions de son visage au fur et à mesure que la promo passe, le dos appuyé au mur, les bras croisés. A la fin, alors que le générique de publicité retentit, elle reste là sans bouger.

Il se dit qu'il n'y a pas besoin d'être télépathe pour comprendre qu'elle a été touchée par les paroles du géant colombien. Le silence qui perdure lui est insupportable. A cet instant il comprend exactement ce que ressent cet homme qui s'est introduit dans sa chambre d'hôtel le 5 octobre 2014. Un mélange violent de désespoir et de jalousie. Le genre de sentiment qu'il n'a jamais connu et qu'il espère bien chasser très vite de son coeur.

Lee: ça te fait quoi de l'entendre dire ce genre de choses?

Carrie ne se retourne pas tout de suite, elle fixe la baie vitrée derrière, en tournant légérement la tête pour pouvoir regarder son fiancé.

Carrie: quelles choses? Rafael raconte toujours tout un tas de choses, la plupart ne m'étant d'ailleurs pas destinées.

Lee: là ça t'est destiné non? "Dès que j'ai regardé Carrie ou plutôt qu'elle m'a regardé j'ai su que j'allais l'aimer pour l'éternité"...

Elle se retourne, mais contrairement à ce que Lee s'imaginait elle n'a pas l'air bouleversé. Elle lui sourit, d'un sourire très tendre et compréhensif.

Carrie: moi aussi j'ai cru que je l'aimais pour l'éternité. Mais il faut croire que certains événements peuvent altérer les sentiments, aussi forts soient-ils. Les promesses ne sont que des promesses. Les actes, et leurs conséquences, ont bien plus d'impacts que n'importe quelles paroles, aussi belles soient elles.

J'ai essayé de lui pardonner.. je crois. Peut être pas assez fort. L'amour a fait place à la colère, la colère à la haine. Puis plus rien. Il n'y avait pas d'issue heureuse possible pour Rafael et moi. Nous avons été très heureux, puis extrêmement malheureux. Nous avons commis des erreurs, tous les deux. Des erreurs que j'ai fait le choix de ne pas vouloir réparer. J'ai choisi de tourner la page et j'ai eu du mal à comprendre pourquoi il m'en a voulu autant. Pourquoi il était déchiré par mon absence. A vrai dire, je me suis cachée la vérité, je ne voulais pas voir sa douleur, car elle était au moins aussi profonde que la mienne. Nous étions passionnément épris, mais la passion est aussi intense dans l'amour que dans la haine. Quoique nous fassions, c'est et ce sera toujours de façon démesurée. Rien de bon n'en sortira jamais plus.

Lee: tu as renoncé à lui parce que tu l'aimais trop?

Carrie: non. Parce que je le haissais plus que je l'aimais. Mais je ne suis pas seule au monde, mes actes à moi ont des conséquences sur la vie de mes enfants. Celle d'Andréas, marqué à jamais par la mort de son père, que Rafael lui a enlevé. Quelle mère serais-je si je l'obligeais à vivre avec l'assassin de son père? Celle d'Eden, enfin, pour qui il avait peu d'affection jusqu'à il y a peu de temps. Et enfin pour moi-même. Je me suis demandée à quoi ressemblerait ma vie dans dix ans, dans cent ans, avec ou sans lui. Dans la deuxième option seulement, j'ai éprouvé moins de peine. Alors j'ai pris ma décision. Je suis partie.

Lee: tu le regrettes parfois?

Carrie : ça m'est arrivé une ou deux fois. Non, plus que ça.

Lee peine à déglutir, la gorge serrée. Les yeux de la belle brune sont un peu plus clairs soudain.

Carrie: mais pas depuis toi.

Il cherche dans ses yeux le fameux voile qui révélerait le mensonge... mais n'y trouve rien d'autre que la sincérité.

Carrie : depuis toi, il n'y a plus de place pour le doute. Il n'y a que la magie d'un bonheur doux et serein. C'est comme ... une de tes divines pâtisseries qui fond dans la bouche et procure une sensation de bien être. J'ai envie de ressentir ça tous les jours, cette chaleur, cet apaisement quand tu me prends dans tes bras. J'en veux encore!

Le visage de Lee se détend lentement. Mais un sourire s'étire sur ses lèvres, creusant deux mignonnes petites fossettes dans ses joues.

Lee: tu deviens une adepte de la méthode du câlin?  

Elle lui rend son sourire, avec un petit air malicieux dans ses yeux.

Carrie: je suis accroc!

Alors il décroise les bras et les tend lentement vers elle. Il n'a pas fini qu'elle s'est déjà lovée contre lui et le serre fort contre elle.

Carrie: c'est trop bon. Ta chaleur, ton odeur. J'aime tout de toi!

Il passe ses bras autour d'elle et l'embrasse sur le front.

Lee: même si je te disais que j'ai par mégarde éraflé très légèrement l'aile gauche de ta jaguar?

Elle se raidit dans ses bras et relève la tête, ses yeux pourraient lancer des éclairs.

Lee: nan j'disais ça pour déconner!

Elle tire sur sa cravate pour lui voler un baiser, avant de l'entraîner avec elle ...

Carrie quitte elle aussi sa séance d'entraînement, sauf qu'elle ne sue pas comme un boeuf -elle- vu que les démons ne transpirent pas! Elle avale une longue gorgée d'eau et jette la bouteille au sol, celle ci explose sous l'impact. La démone s'avance, en tenue d'entraînement, et son regard bleu azur est fixé sur l'objectif.

Carrie: alors c'est ainsi que tu veux jouer Sylvain? Mon ami? Mon frère? avide de combats mélant amitié et compétition... mais ne respectant pas MES règles. Des règles de champions, que dis-je, de double champion, Wildside, et Intercontinental! Tu n'es tout simplement pas capable d'encaisser le fait que tu doives suivre d'autres ordres que les tiens. Un macho, voilà ce que tu es. Difficile à admettre qu'un petit bout de femme comme moi puisse avoir mis à mal ton égo démesuré de multiple champion. Et pourtant je l'ai fait. J'ai pris ta ceinture, je l'ai additionné à celle que j'avais déjà. J'y ai ajouté du charme, de la magie. Et du désir. Tout ce que tu lui as enlevé en quelques semaines. Cette ceinture était morte jusqu'à ce que je lui redonne vie, jusqu'à ce que je te redonne l'envie de la défendre! Et voilà comment tu me remercies! En me crachant à la gueule! Va chier Sylvain!

Fini l'amitié et le respect mutuel. Tu sauras que je ne tends la main qu'une seule fois, et comme tu me craches amèrement dedans, tu peux aller te torcher avec ton putain de respect! Tout ce que tu vas recolter maintenant, c'est le même sort que celui que nous avons offert au Bestiaire, et que je réserve tout particulièrement à Darkside. Ils s'appellent Final Masquerade et Hellkick. Dans ta gueule, pour le meilleur comme pour le pire!

Oui je privilégie Lee et mes enfants par rapport à toi. Je privilégierai même mon chien si j'en avais un, tout simplement parce que tu es inférieur à tout ce qui m'entoure. Tu n'es qu'un collègue de travail, un gagne pain comme un autre! Un misérable insecte que je dois fréquenter pour accomplir mon devoir! J'ai fait l'effort de me mettre à ta portée, de m'abaisser à ton niveau, mais manifestement il faut croire que les humains sont incapables de la moindre reconnaissance! Tu auras mérité ce qui va t'arriver! Jamais plus tu ne reverras cette ceinture, et tu n'en verras probablement pas d'autres avant un long, long, très long moment! Je vais terminer ce qu'Edward n'a pas eu la patience de finir. Je vais te montrer un niveau d'excellence que tu n'atteindras jamais. Il y a quelques chose de plus dangereux encore que de sous estimer son adversaire Sylvain: c'est de se croire plus fort qu'on est. Dans toute ma carrière j'ai connu des hauts et des bas. J'ai affronté le pire comme le meilleur. Aujourd'hui j'ai tourné une page décisive de mon existence. Avec cette ceinture, ces ceintures, j'ai prouvé à ton père que j'étais capable du meilleur après le pire. Je suis une athlète aux multiples facettes. Sensuelle et combative, intrigante et arrogante. Ce que je veux je prends. Rien ne me résiste car je n'ai peur de rien ni de personne. Ce que tu considères comme une faiblesse est une force pour moi. L'amour qui m'entoure est une armure infranchissable!

Tu as eu tort de m'attaquer ainsi alors que je t'accordais un peu d'affection. Maintenant tu as tout détruit, et avec moi il n'y a JAMAIS de retour en arrière. Désormais, c'est la guerre que tu veux, alors tu l'auras! Sois prêt car très prochainement, tu vas récolté ce que tu as semé!

Elle fixe la caméra et crache sur le sol son mépris pour son adversaire. La caméra se coupe.

Carrie est debout devant une grande baie vitrée. Elle porte une longue robe bleu turquoise, faite sur mesure, et sa coiffure est extrêmement travaillée, élégante et émouvante. Sa main droite joue avec sa bague de fiançaille. C'est à ce moment précis que Howard Murray, l'homme qui est depuis longtemps son plus proche ami, celui qu'elle considère comme son père, entre dans le salon. Il porte un très beau smocking, sur mesure également, conçu pour la cérémonie qui va se dérouler dans quelques minutes. Lorsqu'il la voit ainsi, majestueuse et magnifique, son visage lisse baigné dans la lumière, sa gorge et son coeur se serrent sous le coup de l'émotion. Il s'avance lentement vers elle alors qu'elle tourne la tête vers lui. Il y a quelques années déjà, il avait eu le privilège de la conduire à l'autel, au bras de son propre fils cette fois. Ce jour là, bien qu'il eut accepté cette mission, il avait su que leur histoire ne durerait pas. Ils étaient trop différents, et Chad ne l'aimait pas telle qu'elle était vraiment. Lee avait tout bouleversé en à peine quelques semaines. Avec sa sincérité, sa spontanéité, il était venu à bout de toutes ses barrières. Elle s'était épanouie à ses côtés, s'était livrée à lui comme jamais il ne l'avait vu faire auparavant.

Howard appréciait énormément le fiancé de celle qu'il considérait comme sa fille. Il s'était occupé de presque toutes les formalités pour eux, afin de leur laisser savourer les meilleurs moments des préparatifs, sans avoir à se soucier des petits détails. Il l'avait accompagné chez un tailleur pour choisir son costume, et le lui avait offert, comme il avait offert la robe de mariée de celle qu'il chérissait. Il s'était aussi occupé des enfants, et avait hâte de voir la surprise de Caroline lorsqu'elle les verrait. Mais pour l'heure, il devait prendre son bras sous le sien, et l'emmener jusqu'à la petite chapelle dans laquelle elle joindrait sa vie à celle de son fiancé. Il plongea son regard dans le sien en lui prenant les mains, puis l'embrassa sur la joue tendrement, avant de poser son front contre le sien.

Howard: avant que l'on parte, je veux juste savoir si tu es vraiment sure de toi. Si tu le fais pour toi ou pour lui.

Elle baissa les yeux, puis les rouvrit avant de serrer ses mains.

Carrie: je le fais pour nous deux, pour nous quatre.

Elle sourit. Un sourire radieux, sincère et ému.

Carrie: je suis heureuse avec Lee, Howard. Extrêmement heureuse. Et je suis prête à donner autant qu'à recevoir.

Il l'embrassa sur le front et la serra dans ses bras. Tous les deux très émus, mais comprenant que plus aucun mot ne pourrait décrire l'intensité du bonheur qui les submergeait, Howard posa la main de sa fille sur son bras et ils quittèrent la maison dans une somptueuse limousine blanche.

Quelques kilomètres plus loin, Lee était occupé à rajuster le noeud qui entourait la taille de la petite Eden, puis la pochette en satin d'Andréas, lorsque la voiture arriva enfin. Tout le monde se mit en place. Ses parents et Johanna, la mère de Carrie, entrainèrent les enfants avec eux tandis qu'il s'installait devant l'autel. Le lieu était magnifique, décoré avec beaucoup de recherche et d'élégance.

Alors que le silence s'installait doucement, une musique se mit en marche.  


Howard sortit de la voiture, fit le tour et ouvrit la portière à la jeune femme. Elle sortit et prit son bras. Un murmure se propagea dans l'assistance, la beauté et l'élégance de la future mariée faisait l'unanimité. Carrie était magnifique, mais son regard ne quitta plus celui de son futur époux dès qu'il le croisa. Elle s'avança lentement jusqu'à lui comme dans un rêve, et c'est avec confiance qu'Howard fit la transition de son bras au sien. Il donna une tape amicale à Lee puis rejoignit Eden et Andréas non loin de là. Carrie le suivit du regard et tomba sur ses enfants. Des larmes de fierté pétillèrent à ses yeux et elle leur envoya des baisers qu'ils lui rendirent avec empressement. Le pasteur les rappela à leurs obligations et elle dut se concentrer à nouveau sur son futur époux, ce qui ne fut pas très difficile. Elle glissa sa main dans la sienne et entreméla leurs doigts.

Le pasteur : mes chers amis, nous sommes réunis en ce jour et ce lieu pour unir Caroline De Vir et Lee Pace, tous deux ayant choisi la maison du Seigneur pour bénir leur union....

Le reste se déroula comme dans un rêve. Après l'échange des voeux et des alliances, le traditionnel baiser qui fut bien plus sensuel que la tradition ne l'aurait autorisée, tout le monde se dirigea vers les grandes tables et les banquets, non sans avoir félicité les mariés. Chad fut un des premiers à venir les saluer, accompagné par sa nouvelle femme. Carrie les serra contre elle avant de les présenter à son mari. Il lui souhaita beaucoup de bonheur, puis s'éloigna en direction de son père. D'autres personnes les suivirent, émus et heureux. Puis c'est son "frère", celui qu'elle considére en tout cas ainsi, Edward Blackbuerry, qui vient les féliciter. Il serre la main de Lee puis prend la jeune femme dans ses bras, avant de l'embrasser rapidement sur les lèvres (par tradition), avant de leur souhaiter tout le bonheur possible. Carrie est très émue de le voir, Ned se fait rare ces derniers temps. Mais elle est vite accaparée par les autres invités...

Bien plus tard, alors que la nuit était bien avancée, les deux époux dansaient étroitement enlacés sous un kiosque éclairé par des centaines de leds et décorés de bouquets de roses.

Lee: alors Madame Caroline De Vir-Pace, le mariage a t-il été aussi parfait que dans ton imagination?

Carrie: Madame Caroline Pace sera suffisant. Si par parfait tu entends être heureuse avec l'homme que j'aime, alors oui il est aussi parfait que dans mon imagination. Maintenant trève de cérémonie, embrasse moi.  

Il lui sourit et l'embrassa, d'abord avec tendresse, puis de plus en plus passionnément. Ils s'éclipsèrent discrètement de la soirée...

Le plan est cadré sur le visage imperturbable de Carrie. Pas de musique, pas d'intro.

Carrie: Pourquoi tu te lamentes sur cette histoire d’amitié bafouée Sly ? L’amitié ça se construit au fil des jours, dans les meilleurs comme les pires moments. Tu crois qu’on peut devenir amis en même pas un mois ? Pas avec moi tu veux ! D’une part parce que c’est quelque chose de rare, et donc de précieux.

Je vais t’expliquer en détail pourquoi j’ai réagi avec … démesure à votre petit complot ce lundi. Bien sur que je m’attendais à ton rematch. Ça fait partie du jeu et je m’en arrange. La preuve, le titre est encore entre mes mains. Et il en sera ainsi jusqu’à ce que je décide de m’en séparer. Ou que quelqu’un de plus fort que moi ne vienne le chercher. Ce qui me déplait par contre c’est qu’un mec qui prétend vouloir être … mon ami, manigance ça dans mon dos, et me mette devant le fait accompli. Ok t’as droit à un rematch, et t’es pas obligé de m’envoyer une invitation pour ça. Mais si tu veux faire ta bitch avec moi ne viens pas pleurnicher après que je te traite comme une bitch.

Tu voulais que je vienne parler avec toi au sujet de ta promo honteusement ingrate et je n’ai pas cédé. Pourquoi ? Parce que tu n’es pas le titulaire de la ceinture, tu n’as pas à décider de ce qui est bon pour elle ou pas. C’est à moi de le faire, et si j’ai décidé de faire ce défi tu aurais peut être pu réfléchir un poil plus loin que ton égo surdimensionné. Mon but était d’exporter notre compétition et donc la SOW au regard d’un public plus large. Je voulais que sur toutes les chaines, par le biais de nos exploits en dehors du ring les gens se disent « OH MY GOD ! Ces athlétes sont exceptionnels ! Et si on regardait ce programme ce soir pour une fois ? ». Mais toi tu t’es juste dit « qu’est ce qu’elle vient me faire chier avec son défi automobile, mon père m’a payé cette bagnole pour mon 8ième anniversaire ! J’suis un lutteur moi un vrai, et un soccer, et un hockeyeur ! » Peut être que si je t'avais défié sur ce type de compétition t'aurais aimé en fait. En gros, dès qu’on te sort de ton environnement tu fais « mouinnnnnnnnnn  c’est nul ». Tu pleurniches « papa en penserait ci, il en penserait ça… ». J’m’en fous que ton père s’offusque ou pas de ma réaction. Comme je m’en fous que tu t’en offusques également.

Tu crois quoi ? Que Lee m’a fait un lavage de cerveau et m’a rendu complétement insipide, docile? La petite femme bien dévouée qui se laisse facilement manipuler sans broncher ? T'as tord si c’est ce que tu penses. Je suis comme je suis et personne ne pourra changer ça. Impulsive, combattive et surtout je repère rapidement les gens qui veulent m’entuber. Ça a été le cas avec Darkside et comme tu l'as vu je suis capable de garder mon libre arbitre dans n’importe quelle situation. Avec mes mais, mes ennemis... comme avec les étrangers. Je fais parfaitement la différence entre ce qui est bon pour moi et ce qui ne l’est pas. Je pourrais citer un autre exemple mais je m’abstiendrai, parce que là encore c’est un sujet privé que je n’ai pas envie d’aborder avec toi. Et ce qui n’est pas bon avec toi c’est que tu ne sais pas ce que tu veux. Tu veux être réglo mais tu ne veux pas non plus que notre confrontation soit trop plate. Tu veux être mon ami mais tu retournes le couteau dans la plaie à chaque fois que tu parles d’Hadès. Si tu peux parler de ta mère sans t’effondrer moi je ne suis pas encore prête à entendre quelqu’un à qui ne je n’ai pas encore accordé ma confiance aborder ce sujet douloureux, et ceci devant un public. Crois-moi si j’ai besoin d’épancher ma souffrance j’ai quelqu’un sur qui je peux compter chaque jour à mes côtés pour le faire. Pour moi tu n’es encore qu’un étranger et parler d’Hadès est un privilège que je ne t’accorde pas. Pas pour l’instant.

Si je ne suis pas venue te voir il y a une bonne raison : c’était à toi de venir vers moi. Tu as commis une bourde et c’était à toi de venir la réparer. De t’excuser. Quelle sorte d’ami peux-tu être pour moi si tu n’as pas la force de te remettre en question. Quand je blesse involontairement l’un de mes proches je suis la première à me faire pardonner. Tu vois, je peux être une belle salope, mais je ne suis pas dénuée d’intelligence et de compassion. Pour autant je n’en reste pas moins un démon. C’est ce que je suis, et rien ni personne ne peut changer cela. Je peux bien faire des efforts pour contrôler un tant soit peu ce mal qui gronde au fond de moi. On ne change pas. On s’améliore parfois, mais on ne peut modifier son sang et son instinct.

Ce que tu as vu sur le ring ce n’est qu’un avant-gout de ce que je suis capable de faire une fois la bête libérée. Ne me pousse pas à bout. Tu as peut être envoyé Edward à l’hôpital mais il se pourrait bien que je décide un jour de te rendre la pareille. N’oublie pas qu’il est l’un de mes plus proches alliés et amis. Comprends moi bien : ce n’est pas une menace. Juste … un avertissement. Les accidents ça arrive tous les jours dans notre milieu, on ne sait jamais de quoi l’autre est capable. Tu ne sais pas de quoi je suis capable. En bien, comme en pire. Peu de gens le savent. Précisément quatre personnes le savent. Et tu n’en fais pas partie. Je ne te ferai pas de compliment sur tes qualités humaines. En ce qui me concerne, je fais la part des choses. Tu as clairement dit que tu voulais du challenge, que notre rivalité devait rester professionnelle et qu’il ne fallait pas s’étaler sur nos vies privées. Sur ce point je t’emmerde, si j’ai envie de communiquer des informations personnelles via les réseaux sociaux auprès de mes fans et ceux de Lee j’en garde la liberté. Pour le reste, ici sur cette chaine sur laquelle sont diffusées nos promos, celle par laquelle je m’adresse à toi et uniquement à toi : cela restera professionnel. Notre rivalité, nos matchs, cela restera professionnel. Tu veux en faire une affaire privée, fais comme tu le sens. Pour moi, cela restera … professionnel.

La caméra s’éteint sur le visage lisse et sans émotion de la belle brune.

Carrie débarque en trombe dans la salle de bain. Lee est dans une baignoire suffisamment grande pour accueillir six personnes, et fredonne une chanson, ce qui fait sourire la démone alors que celle-ci se démaquille méticuleusement.

Lee: les enfants sont couchés?

Carrie: ils dorment profondément. Nous avons une nounou formidable.

Lee: Howard est super avec eux c'est vrai. Carrie...

Il laisse sa phrase en suspens ce qui attire l'attention de la démone, qui le regarde par l'intermédiaire du miroir face à elle.

Carrie: oui?

Lee: tu es sure que tu ne vas pas le regretter? Ton absence pourrait te couter cher, alors que ça t'a pris pas mal de temps pour obtenir ce titre, tu l'abandonnes pour partir avec moi. Je me sens un peu coupable de t'entraîner en dehors de ta vocation. Je ne voudrais pas que tu sacrifies ta carrière à la mienne.

Elle ne répond pas tout de suite, mais ne baisse pas le regard.

Carrie: ce n'est pas un sacrifice. C'est une décision complètement folle que je prends de façon réfléchie.

Elle se retourne vers lui.

Carrie: c'est vrai, peut être que partir quelques temps alors que j'étais sur une pente ascendante c'est pas une bonne idée. Peut être que lorsque je reviendrai, Pétale m'empêchera de revenir chercher le titre IC. Elle a bien réussi à renverser Prime alors qu'elle était suspendue. Bloquer mon retour ce sera un jeu d'enfant pour elle. Mais je ne crois pas que c'est dans son intérêt. Sans moi, elle va manquer de challenge, elle va tourner en rond comme un lion en cage, parce qu'elle a besoin de challenge. Ce n'est pas pour rien que j'ai suggéré à Sarah de la positionner sur ce titre. C'est un cadeau doux et amer à la fois. Un titre qui a repris du galon, mais qui est en manque de compétition. En face d'elle, Alpha qui a du faire face avec difficulté à la jeunesse de la SOW, et Sylvain, qui ne parviendra pas à la détester suffisamment pour pouvoir faire d'elle sa rivale. Il finira par la laisser gagner, et ça, Pétale ne le supportera pas. Qui d'autre? Plusieurs noms me viennent en tête, à commencer par Yan... Edward ?

Lee: et pourquoi pas MOC?

Carrie relève un sourcil puis sourit devant l'air espiègle de son mari. Son humour la surprendra toujours...

Carrie: ce serait comme anéantir toute une division que de donner un titre à ce boulet. Si tu veux mon avis, la seule chose que Moc peut prendre sans la salir, c'est la porte. Et il peut emmener avec lui les losers que Prime a débauché. A part deux ou trois y a pas grand chose de bon.

Lee: il avait effectivement de drôles de critères de recrutement.

Carrie: je connais très bien Sarah. Et je peux te dire que l'ère Prime c'était la récréation à côté de ce qu'elle prépare. Une main de fer dans un gant de velours, c'est ça la Filmore attitude. Ils vont en baver, et moi je serais tranquillement blottie dans tes bras à regarder ça de très loin, avec un petit sourire satisfait sur les lèvres...

Lee: satisfait? Vraiment?

Il ne peut pas s'empêcher de sourire et baisse un peu la tête, les joues creusées par de petites fossettes. Carrie passe sa main dans son dos et fait glisser la fermeture éclair de sa robe. Celle-ci glisse le long de son corps, dévoilant la lingerie mettant en valeur sa silhouette fine et musclée.

Carrie : de toute façon, rien ne dit que lorsque nous reviendrons je sois toujours intéressée par le titre IC. Peut être que d'ici là, mes ambitions seront plus élevées. Peut être aussi qu'une personne en particulier me donnera le goût à la compétition.

Elle dégrafe son soutien gorge et le fait glisser le long de ses bras, avant de le poser sur le meuble.

Carrie: ou bien peut être que j'aurais tout simplement envie de tout arrêter. Peut être que je me consacrerai à toi et entièrement à toi, à ta carrière. Peut être que je réaliserai d'autres films avec toi, ou bien que je produirais le mien. Qui sait ce que l'avenir réserve? Je ne suis pas devin, mais une chose est certaine, c'est que tout est possible. Je ne me fixe aucune limite, aucune barrière. Et à ce stade...

Elle fait glisser le dernier bout de tissu qui lui restait le long de ses jambes et rejoint son mari dans le bain.

Carrie: ... je dis que la vie est pleine d'imprévus et que j'adore ça.

Elle plonge la tête sous l'eau et réapparaît tout contre son corps avant de l'embrasser de façon très sensuelle.

Dans un couloir désert d'un aéroport, plusieurs femmes portant des tenues religieuses  masquant la majorité de leurs visages et de leurs corps sétaient regroupées devant une porte de service. Elles étaient calmes et organisées. Celle qui sembla être leur chef se mit à parler d'une voix ferme.

- Suivez mes instructions et retrouvez moi au lieu que je vous ai indiqué.

Les femmes murmurèrent quelque chose toutes en même temps, comme une prière dans un très vieux dialecte, puis se séparèrent dès qu'elles franchirent la porte. Elles se fondirent dans la foule qui grouillait dans l'immense aéroport.

Non loin de là, Carrie et Lee attendaient leur vol en se promenant dans la galerie commerçante où se trouvaient quelques boutiques de luxe, comme un couple de jeunes mariés anonymes en voyage de noces. Ils grignotèrent quelques friandises et achetèrent quelques journaux pour le vol, avant de se diriger vers une jolie fontaine. Main dans la main, ils ne remarquèrent rien d'anormal dans la foule qui les entouraient, ni les femmes masquées qui s'étaient faufilées jusqu'à eux. Elles se rapprochèrent doucement, puis soudain se séparèrent en deux groupes, l'un immobilisant Lee, l'autre Carrie. La chef du mouvement sortit une longue dague de sa cape, qui scintilla sous les lumières artificielles. Puis elle planta la lame dans le coeur de la démone. Sous le choc celle-ci ne cria même pas. Elle récidiva plusieurs fois sans dire un mot, puis rangea son arme et s'éloigna en courant, les autres la suivirent et se dissipèrent de la même manière, c'était presque irréel. Lee se redressa aussi vite qu'il le put et se jeta sur le corps de sa femme. Il se mit à crier à l'aide tout en serrant son corps dans ses bras. Il sentait la vie quitter son corps, ses yeux perdaient leur éclat. Du sang coula au coin de ses lèvres. Il pria autant qu'il put et développa toute son énergie autour d'elle pour la sauver, mais il ne pouvait pas lutter contre le pouvoir de cette dague! Dans un dernier souffle elle croisa son regard puis murmura:

- Lee ... pardon... pardon ... j'ai tout gâché... pardonne moi...

Sa voix s'éteignit dans un souffle au moment où les secours arrivèrent. Lee avait perdu toute notion du temps, c'était comme si celui-ci s'était arrêté. Autour de lui les médecins le pressaient de questions auxquelles il répondait mécaniquement, puis les agents de sécurité prirent le relais sans qu'il ne quitte à un seul moment le corps de sa femme des yeux. Un secouriste était à présent sur elle pour lui faire un massage cardiaque. Ils baignaient dans une flaque de sang qui s'étendaient de plus en plus. Comme un robot, il suivit la scène et grimpa dans l'ambulance. L'hopital le plus proche était à deux minutes, une chance selon l'un des médecins... on le laissa la suivre jusqu'à la porte du bloc, où il déposa un rapide baiser sur sa bouche, puis on l'arracha à son étreinte.

Mais Lee n'était pas un simple humain qui devait attendre devant la porte au moment du passage. Il était l'un de ceux qui accompagnait le voyage vers le Créateur. Il se retrouva derrière la baie vitrée, dans le bloc, à observer l'opération. L'ange qui lui avait confié la mission vint le rejoindre.

Lee : Pourquoi est ce qu'il me l'a pris? Elle n'allait pas détruire ce monde, pas tant qu'elle était avec moi. Elle n'allait faire de mal à personne! C'est ma femme! Pourquoi me l'a-t-il pris!

Ses sanglots s'étouffèrent dans sa gorge, il tomba à genoux et pleura.

Sur la table, le corps de Carrie se tortillait. Le démon luttait contre sa destruction, la peau s'étirait et se flétrissait, devenait noire puis blanche. Les infirmières refusèrent d'entrer dans la salle, laissant seuls les deux médecins pour gérer l'urgence. Ils ouvrirent sa poitrine et aspirèrent le sang qui giclait partout.

chirurgien 1: Putain on y voit rien, y a du sang partout! Tous les organes sont en train de lâcher! Attache la pendant que je nettoie ça!

Il enfonça plusieurs linges à l'intérieur et tenta de refermer les plaies ouvertes. Son collègue partit chercher les liens, mais au moment où il finit de l'attacher, le corps cessa de bouger. Les yeux noirs de la démone fixèrent le plafond, le traceur devint plat. Les chirurgiens échangèrent un bref regard.

Chirurgien 2 : On la perd!

Chirurgien 1: Pas question qu'elle meurt sur ma table!

chirurgien 2: Laisse la partir!

Lee frappa le mur de son poing. Son ami posa la sienne sur son épaule en signe de compassion.

Chirurgien 1: NON! Choque la! Envoie tout ce que tu as et choque la!

Il chargea les pinces et les posa contre le coeur de Carrie.

Chirurgien 2 : écarte toi!

Flash

Elle ne vit rien tout d'abord, mais sentit le parfum des fleurs de Colombie. Elle entendit une cascade. Ressentit une présence troublante, un regard posé sur elle. La puissance de ses muscles sous ses doigts, le parfum de sa peau. Ses yeux si clairs. Le désir intense, le plaisir. Le sang dans sa bouche... la douleur! Puis le froid ... il faisait si froid... Elle entendit le rire profond et grave d'Hadès.

Deuxième choc. Flash

Les mains chaudes d'Andréas sur ses joues, un bisou mouillé. Les petits bras d'Eden autour de sa taille. « Reste avec nous maman! »

Des larmes coulèrent sur ses joues.

chirurgien 2 : Elle est morte! Arrête!

chirurgien 1: Non, les morts ne pleurent pas! Elle n'est pas morte!

chirurgien 2: Le tracé est plat depuis dix minutes! Elle est morte! Arrête, tu vas la griller!

Troisième choc. La surcharge provoqua un court circuit qui se propagea dans tous les appareils électriques qui disjonctèrent dans une gerbe d'étincelles. Plus de tracé, plus de lumière. Juste de la fumée qui se diffusa autour de la table.

Dernier flash

Lee. Son sourire, sa chaleur. Son regard doux et intense. L’intense sentiment de joie et de sérénité qui se propageait dans tout son corps quand ils se touchaient.

Le visage de Carrie devint lisse, paisible. Ses yeux noirs devinrent lentement totalement blanc, un sourire se dessina sur ses lèvres pâles.

chirurgien 2: Putain je t'avais prévenu! J'arrête! Heure de la mort, 16h40. Tu t'expliqueras devant le conseil sale con!

L'autre médecin resta auprès de la défunte avec tristesse. Il caressa son visage avec une tendresse étrange, intime, et l'embrassa sur les lèvres. C'était Lee !

Voix off de Carrie: "On n'a pas toujours une deuxième chance dans la vie. Mais quand on l'a, on a le devoir de faire autre chose que survivre. On doit vivre vraiment. On doit aimer, chérir chaque minute. Je veux retourner auprès d'eux. Donne moi cette chance."

Alors qu'il allait sortir de la salle d'opération, l'écran se mit à grésiller. Le tracé plat réapparut. Le long bip n’en finit plus de rappeler la cruelle vérité. Puis soudain plus rien pendant une seconde. Lee fixa l'écran.

Un 1ER  bip. Puis un suivant, puis encore un. Il se retourna et courut vers elle, la prit dans ses bras.

L'autre ange réapparut à ses côtés.

L'ange : Il ne te l'a pas pris. Il l'a sauvé.

Lee : mais elle n'est toujours pas humaine n'est ce pas?

L'ange: toujours pas en effet. Et c'est .. quelque chose de tout aussi puissant que ce qui la possédait auparavant. Ses origines restent inconnues pour moi, sans doute parce qu'elle est une créature de l'Autre Monde, mais IL l'a quand même sauvé. Pour quelle raison par contre, ça, je l'ignore. En tout cas le démon lui a été détruit. Celles qui ont fait ça savaient exactement comment s'y prendre. Ces dagues sont extrêmement rares et confinées dans des lieux tenus secrets. Nous saurons rapidement qui a commis cet acte et pourquoi.

Lee le dévisagea un instant, puis il eut un étrange sourire en caressant les cheveux de sa femme tandis que les chirurgiens et les infirmiers accouraient auprès de la miraculée. Ils la trouvèrent là, au milieu du bloc, seule, mais son coeur s'était remis à battre normalement.

Il est près d'une heure du matin lorsque Carrie se redresse brusquement dans son lit d'hopital. La douleur est puissante, elle étouffe un cri dans sa gorge et se débarrasse de son masque à oxygène. Lee qui somnolait dans le fauteuil tout contre le lit sursaute et se jette sur elle pour l'empêcher d'arracher les fils qui la relient aux machines.

Lee: Carrie arrête ! Qu'est ce que tu fais? Carrie!

Il a beau essayer de la maintenir contre lui elle se débat et le repousse violemment, il retombe sur son siège et bascule en arrière avec. Puis elle se glisse hors du lit en gémissant et se dresse sur ses deux jambes. La douleur déforme son visage. Lorsqu'elle relève la tête, ses yeux sont entièrement blancs, sa respiration est saccadée. Elle écarte les bras et murmure quelque chose que Lee ne parvient pas à comprendre, si ce n'est qu'il s'agit du même dialecte que celui des femmes qui les ont attaqués. Dans sa main apparaît lentement une grande épée. Il se redresse doucement devant elle et lui parle calmement en essayant de se rapprocher de la sonnette d'alerte. Visiblement, elle n'est pas dans son état normal.

Lee: Carrie, tu viens de sortir du coma. Je suis ton mari. Lee. Tu te souviens de moi?

La jeune femme ne bouge pas. Elle est toujours debout, la tête légérement penchée en avant et sur le côté. Sa tenue de patiente pour seul vêtement, ce qui d'habitude l'aurait profondément gêné. Sa main se resserre sur l'arme. Apparemment, elle ne le reconnait pas. Les médecins avaient prévenus son mari qu'il pouvait y avoir des dégâts collatéraux, mais il ne s'imaginait pas à quel point.

Lee: il faut que tu reviennes te coucher. Je vais appeler les médecins et ils vont te donner un calmant. Tu verras, après tu te sentiras bien mieux.

Un petit sourire se dessine sur ses lèvres, mais elle ne bouge toujours pas. Lee se demande comment il va faire pour l'attraper et l'attacher à son lit sans la blesser. Soudain elle se met à parler.

Carrie: je dois rentrer chez moi.

Lee: on rentrera dès que les médecins auront donné leur feu vert. Tu as l'air en forme, tu devrais sortir bientôt... Eden et Andréas ont hâte de te revoir aussi. Viens...

Il tend lentement les bras vers elle mais elle ne bouge toujours pas. Elle n'a même pas cillé lorsqu'il a parlé de ses enfants. La situation commence à l'alarmer. Serait il possible qu'elle ne se souvienne de rien? Soudain la porte s'ouvre et une infirmière entre avec son chariot, tombant nez à nez avec la brune au milieu de la pièce. Celle-ci lève son glaive et s'apprête à l'abattre sur la pauvre innocente, mais Lee prend sa place et la pousse de l'autre côté de la pièce. L'épée transperce son corps mais cela n'a aucun effet sur lui. Carrie relève la tête et retire son arme d'un coup sec.

Carrie: intéressant... on ne m'avait jamais fait ce coup là. Qu'est ce que tu es ? Qui es-tu?

Lee: je suis un ange. Et ton mari.

Carrie retient un petit rire cynique.

Carrie: mon mari? j'aimerais bien voir ça. Je n'ai pas de mari. Pas de famille. Et je dois rentrer chez moi. Ecarte toi l'ange, et laisse moi passer.

Lee est en état de panique. Il faut qu'il trouve une issue à cette situation. Pendant ce temps, la jeune infirmière s'était discrétement éclipsée en rampant.

Lee: tu dois me faire confiance ma chérie. Tu as subi un grave accident, et tu as perdu la mémoire. Tu dois te reposer, les médecins vont s'occuper de toi et bientôt tout va rentrer dans l'ordre.

Carrie: bien tenté. Mais j'en crois pas un mot.

Lee tente de s'approcher mais elle relève sa lame et la place sous son menton.

Carrie: reste où tu es et réponds à mes questions. Où sommes nous?

Lee: tu ne peux pas me tuer avec ça. Et nous sommes à l'hôpital.

Carrie: Qu'est ce que je fais ici avec toi? Et n'essaye pas de me mentir encore, ma patience a des limites.

Lee: je ne te mens pas. On nous a attaqué alors qu'on partait en voyage de noces. Tu es restée plusieurs jours dans le coma. Et apparemment, tu ne supportes pas la morphine. Si tu poses cette arme et que tu n'attaques personne, je te ramène chez toi. ça te va?

Lee a pris son air des plus sérieux. Il sait que la sécurité ne va pas tarder à arriver, et il n'a pas du tout envie qu'elle se retrouve avec les fous. Elle réfléchit un instant puis ravance sa lame.

Carrie: une seule arnaque et s'en sera fini de toi l'ange. Tu dois bien avoir un point faible et je finirai par le trouver.

Il ramasse leurs affaires et la couvre avec sa veste avant d'ouvrir la fenêtre.

Lee: accroche toi à moi.

Carrie: tu rêves!

Lee l'attrape fermement et saute avec la jeune femme dans les bras du haut de l'immeuble. Quelques secondes plus tard, de larges ailes noires se déploient dans son dos.

Pénétrer dans la propriété n’a pas été une chose aisée. Howard connaît bien son affaire. Mais l’absence de Carrie a donc fait que la sécurité maximale s’est temporairement amoindrie. Et Lee n’a visiblement pas averti le milliardaire qu’il ramène son épouse à la maison ce soir. Erreur grossière mais prévisible venant d’un ange. Il était donc temps de signifier sa présence. Lee ressentit le froid intense de la proximité du vampire bien avant que celui-ci n’entre dans la chambre de Carrie de nouveau endormie.

Rafael: Ne bouge pas une aile l’ange, sinon tes tripes tapisseront les murs. Un vieux prêtre de l’Opus Deï m’a indiqué comment éliminer les brouillons du Père.

Lee reste dans son fauteuil, silencieux et calme. Il sait que Rafael ne fera rien à sa femme. Le vampire s’approche du lit et soulève la liquette de Carrie. Lee tente de bouger mais le regard noir du colombien le calme aussitôt. Le géant examine la blessure puis la caresse du bout des doigts.

Rafael: Elle me surprendra toujours!

Ensuite il approche son visage de celui de Carrie. Ses lévres s’arrêtent à un millimètre de la bouche de la belle endormie. Puis lui parle dans une langue inconnue.

Rafael: Il y a une façon d'embrasser qui veut dire "je t'aime" …

Carrie ouvre soudain ses grands yeux blancs.

Carrie: … et une façon d'embrasser qui veut dire "aime-moi".

Elle fronce les sourcils et plisse les paupières. Elle cherche qui est l'homme, ou plutôt le vampire qui se trouve au dessus d'elle et qui lui parle dans sa langue maternelle. Son visage lui est familier mais elle ne se souvient pas, mais elle sent qu'ils ont été plus proches que n'importe qui.

Rafael ne répond pas. Lee tente de se lever mais à nouveau le regard de Rafael l'en dissuade. Il sent le coeur de la jeune femme s'accélérer contre lui, et son souffle effleurer ses lèvres. Il s'avance un peu plus et pose sa bouche sur la sienne. Dans un premier temps la jeune femme ne bouge pas, mais bientôt ses lèvres s'entrouvrent pour lui rendre son baiser, sous les yeux effarés de son mari qui ne tarde pas à se lever et à les séparer brusquement.

Lee: ça va j'vous dérange pas trop? Va t'en maintenant Rafael. Carrie a peut être perdu temporairement la mémoire, mais que crois tu qu'il va se passer lorsqu'elle l'aura retrouvé?

Soudain des pas dans le couloir et la porte qui claque attire leur attention. C'est Eden, suivie par Andréas qui entrent dans la chambre. La petite fille se précipite sur son père et serre ses jambes dans ses bras. Le petit garçon lui reste sur le pas de la porte, ses petits poings bien serrés, les yeux remplis de larmes de colère. Ce n'est que pour sa soeur qu'il ne se jette pas sur celui qui a tué son père. Comme si la situation n'était pas déjà difficile, une autre personne se présente sur le seuil de la chambre. Il s'agit de Johanna, la mère de Carrie. Elle balaye la pièce d'un regard empli de compassion puis se tourne vers Rafael.

Johanna: voilà une situation délicate, j'arrive au bon moment on dirait. Rafael, je pense que tu devrais partir maintenant. Je vais m'occuper d'elle.

Rafael: Très chère Johanna, vous n’arrivez jamais au bon moment! Regardez votre fille! Où êtes vous quand elle à besoin de vous? Où êtes vous tous quand on attente à sa vie? Mais surtout que faîtes vous? Rien! Le mensonge n’est pas une protection!

Le vampire se tourne vers Carrie.

Rafael: Caroline, fait apparaître l’épée. Si elle est en argent comme je le pense elle te fera comprendre. Fait apparaître l’épée!

D’un mouvement rapide, le vampire plante son index dans l’œil de Lee qui ne parait pas souffrir mais parait terrifié.

Rafael: Si je bouge mon doigt de quelques millimètres vers la gauche, celui que tu aimes depuis toujours et qui te surveilles et te ment depuis tout ce temps va s’éteindre. Fait apparaître l’épée!

Des flashs reviennent dans la mémoire de la jeune femme sans qu'elle ne sache encore trop bien les remettre en ordre. Elle  lutte contre la douleur et une fatigue intense dûe à cette épreuve difficile. Elle regarde Johanna prendre sa petite fille dans ses bras et la main d'Andréas dans la sienne avant de s'éloigner avec eux d'un pas rapide. Elle entend un bruit de serrure qu'on ferme puis ses pas qui reviennent. Carrie réunit ses forces et se lève en grimaçant. Elle ne veut pas montrer à quel point ça lui fait mal. Mais sa voix trahit néanmoins sa souffrance.

Carrie: pourquoi est ce que je t'obéirai?

C'est la voix de Lee qui interpelle la jeune femme sur la situation.

Lee: fais ce qu'il te dit Caroline. Fais apparaître ton épée.

Puis il s'adresse au vampire avec un petit sourire narquois.

Lee: si tu me tues tu la perdras. Encore... Tu n'apprendras jamais de tes erreurs, tu es tellement persuadé de tout savoir.

Avant que Rafael ait le temps d'enfoncer un peu plus son doigt devant l'arrogance de l'ange, Johanna revient dans la pièce.

Johanna: tu te trompes Rafael. J'ai fait plus pour ma fille que tu ne peux l'imaginer. Toute ma vie je l'ai consacré à trouver une antidote pour la sauver. Nous avons connu beaucoup d'échecs. Sacrifié beaucoup de vies pour comprendre comment détruire le démon que Samael lui avait infligé. La seule énigme était la survie de Carrie. Si le démon mourrait, Carrie le suivrait, inévitablement. Dans tous les cas de figure, elle mourrait. Sauf si quelqu'un parvenait à apitoyer le créateur pour la ramener à la vie. Et comme tu le vois, Lee a parfaitement rempli son rôle. Elle est en vie, et le démon est détruit.

Carrie semble de plus en plus troublée par les visions qui l'assaillent. Son épée apparait dans sa main. Comme Rafael l'avait prévu, elle est en argent pur, la poignée est incrustée de pierres blanches étincelantes. Elle lève son bras mais ne vise personne en particuliers.

Carrie: qu'est ce que ... tu racontes?

Une soudaine douleur lui fait poser un genou à terre. Elle met la main sur le bandage qui devient de plus en plus rouge. La plaie s'est rouverte. Elle regarde sa main et parait surprise par la présence de sang. Les images de sa vie lui reviennent de plus en plus vite, avec quelque chose de plus terrifiant: des sentiments d'une pureté et d'une intensité qu'elle n'avait jamais éprouvé auparavant. Lee essaye de se lever pour l'aider mais à nouveau le vampire l'en empêche.

Elle s'appuie sur son glaive et se relève en chancelant. Cette fois son arme vise Rafael, directement.

Carrie: enlève ton doigt de son oeil et parle maintenant ou bien tais toi et va t-en!

Johanna recule légèrement. Elle sent que sa fille n'a pas recouvré totalement sa mémoire mais qu'elle veut savoir ce que le vampire a à lui apprendre. Et au moindre dérapage cette situation finirait en bataille sanglante. Carrie était une guerrière avant tout. Sans le démon elle ne possèdait peut être plus que ses dons de sorcière mais sa maîtrise du combat à l'épée était inné, c'était dans ses gênes.

Tous les regards étaient maintenant rivés sur Rafael.

Le vampire libère Lee puis s’approche jusqu’à ce que la pointe de l’épée touche son ventre.

Rafael: Ne les écoute pas. Je ne t’ai jamais perdu puisque tu n’as jamais été à moi. Je n’ai fait aucune erreur. Aucune! Il n'y a pas de destin ni de fidélité, mon amour mais des corps qui s'attirent sans nul attachement et surtout sans pitié. Simplement on joue et on déchire les cœurs et le corps.

Rafael s’avance et la lame justement lui déchire les chairs

Rafael: S'il y a quelqu'un qui m'aime, dans ce monde ou dans un autre, elle devrait maintenant me faire un petit signe. Je sens s'accumuler les prémisses d'un désastre, l'argent dans mon ventre trace un trait rectiligne vers l'oubli. Regarde dans mes yeux, souviens toi et apprends qui tu es. Regarde ma vie s’effacer pour faire apparaître la tienne. Ma vie pour la tienne. Tu as la vérité dans mes yeux de cristal et ma mort dans ta main de métal. Il y aura pas de regret tu le sais mon amour Il n’y aura que mon malheur et les jours de souffrances privés de toi. Je n'oublie rien, tes mots et ton visage m’accompagnent. Libère toi d’eux. Libère toi de moi.

Le vampire s’empale encore plus profondément et Carrie voit dans les yeux qui s’éteignent doucement.

Carrie: oh!

La brune retire son épée brusquement et essaie de retenir le corps du géant mais s'effondre sous son poids. Sa mère et Lee se précipitent pour la dégager. Carrie essaye d'allonger le vampire et interroge sa mère du regard.

Carrie: Non! Non! J'voulais pas... est-ce qu'il est ?

Lee: mort? ça fait longtemps qu'il l'est oui...

Carrie: tu crois vraiment que c'est le moment de faire de l'humour? Est ce qu'il va s'en sortir?

Johanna se penche et ramasse un téléphone portable sur le sol. Elle regarde dans la messagerie et après avoir grimacé plusieurs fois à la lecture de certains sms, en composent un qu'elle envoie immédiatement.

Johanna: on va venir le chercher. Maintenant laissez moi seule avec lui, je vais m'occuper de sa blessure. Faut il être fou pour se jeter sur un glaive en argent d-

Elle ne finit pas sa phrase puis leur fait signe de sortir. Lee prend délicatement Carrie dans ses bras et l'emmène.

Ses longs doigts fins glissent sur les draps frais. Elle ouvre les yeux et les referme aussitôt, éblouie par la lumière vive du jour. Quelques instants lui sont nécessaires pour se souvenir de cette soirée surréaliste. Et soudain un sentiment désagréable l'étreint. Elle sent qu'elle a fait une grosse erreur. Le genre d'erreur qui remet tout en question. Le poids de sa responsabilité l’accable. Elle ferme les yeux et les ouvre à nouveau, puis se décide à se lever. La douleur lancinante est toujours là, mais elle s'y est habituée. Guérir rapidement était une alternative à cette souffrance, mais elle voulait en tirer un enseignement, se souvenir de ce qu’elle avait été. Une fois cicatrisée, la plaie laissera une trace éternelle de sa résurrection. Mais avant cela, elle devait connaître la douleur et la rédemption. Lentement, elle se mit debout. Un vertige la fit chanceler, mais elle refusa d’y céder. Elle prit le temps de se stabiliser sur ses jambes, puis marcha jusqu’au dressing. Les premiers pas lui tirèrent des larmes de souffrance, puis elle inspira profondément et s’appuya un instant sur l’encadrement de la porte. Elle attrapa de sa main libre une chemise blanche toute proche en grimaçant, puis l’enfila avec précaution. Ensuite, elle sortit de la chambre et marcha jusqu’à la cuisine. La pièce était vide, des voix dans le salon indiquaient que les enfants et Lee s'y trouvaient. Carrie se traina jusqu’au plan de travail et se servit un café. Elle aurait volontiers poussé jusqu’à la baie vitrée pour observer la vue magnifique de son jardin, mais elle luttait déjà pour rester debout. Elle se contenta de respirer le parfum corsé de l’arabica en écoutant les rires lointains de ses enfants. Le répit fut de courte durée. Eden se leva d’un bond et vint la rejoindre en s’accrochant à ses jambes. La jeune femme chancela, avant d’être rattrapée par Lee qui les avait rejointes. 

Lee : doucement Eden. Ta mère est encore fragile. 

Eden : pardon maman. Je suis si contente que tu ailles mieux ! 

Carrie caressa sa joue et lui sourit tendrement. 

Carrie : moi aussi, je suis contente de te retrouver ma chérie. 

Lee : sois gentille, un bisou et ensuite laisse nous tous les deux, nous avons à parler ta mère et moi. 

Carrie se pencha pour prendre doucement sa petite dans ses bras. Elle sentit ses petites lèvres humides se poser sur sa joue et un profond sentiment de bien-être l'envahit. Sentiment qui disparut dès que la petite eut quitté la pièce, devant le visage tendu de son mari. D’aussi loin qu’elle se souvenait, elle ne l’avait jamais vu tourmenté ou triste. Lee était un homme souriant et agréable à vivre. La honte et la tristesse qu’elle avait éprouvées en se réveillant la submergèrent à nouveau. Elle ne pouvait s’en prendre qu’à elle-même si elle avait tout gâché.

Lee tenta de garder une expression détachée. Sa femme éprouvait des remords ce qui ne devait pas être courant dans la vie d'un démon. A présent qu'elle ne l'était plus, elle devait ressentir tout un tas d'émotions nouvelles et difficiles à gérer. Peut être bien qu'elle se trouvait dans le même état de confusion que lui. La différence c'est que lui ne s'était pas jeté à bouche perdue sur son ex devant elle.Sa volonté faillit fléchir devant sa fragilité, mais il tint bon.

Carrie : tu m'en veux beaucoup n'est ce pas?

Lee: t'en vouloir? De quoi devrais je t'en vouloir? D'avoir effacé la moindre trace de notre histoire et l'espace d'un instant ouvert ton coeur à ton ex?

Carrie: je n'ai pas...

Lee : tu lui as roulé une pelle devant mes yeux Caroline! J'étais là, j'ai assisté en direct live à votre baiser qui n'avait rien de chaste je t'assure! Si je ne vous avais pas séparé qui sait ce qui se serait passé!

Carrie baissa les yeux et la tête, consciente que Lee disait la vérité, et rien de ce qu'elle aurait pu dire ou faire ne pourrait effacer cette scène.

Carrie: je suis désolée.

Lee: oh oui je sais que tu l'es j'en suis certain. Peut être bien que c'est la première fois que tu l'es vraiment d'ailleurs. Avant tout ce que tu aurais dit c'est que j'aurais du m'y attendre venant d'un démon, tu te serais réfugiée derrière ce prétexte. Aujoud'hui tu dois assumer tes actes. Tu m'as fait souffrir Caroline. Sais tu ce que ça fait?

Il l'observa et prit sur lui pour ne pas la soulever dans ses bras tant elle paraissait encore plus petite et fragile. Elle tremblait... la douleur ou le froid il n'aurait su le dire mais un instant il fut tenté de baisser sa garde. Seule sa raison le retint.

Lee: demain nous partons pour Kuala Lumpur. Tu devrais aller préparer tes bagages. Prends le strict minimum, on ne restera en ville qu'une journée ou deux. Après le tournage se passera dans un petit village assez pauvre, nous vivrons de la même façon qu'eux. Les enfants sont du voyage.

Carrie tente de s'interposer mais elle se fait couper aussitôt par son mari.

Lee: ce n'était pas une question. Tu es ma femme maintenant. Et je compte bien t'enseigner des choses qui te sont étrangères, comme l'humilité, la modestie, l'abnégation, et surtout la compassion. Je t'emmène sur le chemin de la rédemption, et tu n'as pas d'autre choix que de me suivre. Mais je crois que tu le feras sans que j'ai besoin de t'y forcer. N'est ce pas?

La jeune femme ne dit rien et le regarde partir se rasseoir avec les enfants. Elle retourne dans sa chambre et sort une valise, dans laquelle elle dépose quelques affaires. Personne ne la voit pleurer.

Lee se tenait les mains jointes dans son dos, debout face au ciel étoilé, lorsque Carrie le rejoignit sur la terrasse qui surplombait l'immense forêt. Son visage était lisse et fermé. La jeune femme vint se poster à ses côtés. Il tourna la tête vers elle en souriant.

- Depuis quand le sais tu?

- Depuis la naissance de Lalwendë. D'une part sans notre lignée royale elle n'aurait pas pu être une elfe de Lumière, descendante des Hauts Elfes. Je doute d'ailleurs qu'un ange puisse engendrer une descendance, quelle qu'elle soit. Et puis... le sourire que tu as lorsqu'elle est dans tes bras... je le reconnaîtrais entre mille. C'est le même que lorsque tu t'adresses à tes fils. Avant, j'ai eu quelques doutes, mais je me disais que c'était impossible. Que personne de notre monde ne viendrait me chercher ici... et surtout pas toi. Pas après ce qui s'est passé.

- Tu veux dire après que tu te sois enfuie à quelques jours de nos noces, me laissant seul dans l'incompréhension? Pas un mot, pas une explication...

Elle se retourna brusquement pour lui faire face.

- Tu sais très bien pourquoi je suis partie! On venait de dévoiler la trahison de mon père et son horrible complot. Dans le meilleur des cas, j'aurais été bannie, comme ma mère et lui pendant des siècles, voir des millénaires. La meilleure solution était de partir avec le peu de dignité qu'il me restait. La Terre a été mon exil,  cela n'a pas été facile, mais je me suis habituée à vivre ici, j'ai quelques amis, et ma vie est loin d'être désagréable. Plus de guerre, plus de massacre. Plus de responsabilité non plus d'ailleurs.

- Peu importe que la fuite soit agréable ou non, elle n'en reste pas moins une fuite. Tu devras rentrer avec moi bientôt. Je ne peux laisser mes affaires en suspens trop longtemps. Et ton peuple a besoin de te savoir en vie.

Elle plissa les yeux, suspicieuse.

- Je croyais qu'il ne restait plus que quelques braves, que tu avais recueilli après l'attaque de mon royaume?

- Tu ne m'as jamais demandé de préciser ce que j'entendais par "quelques braves". Sans doute cela t'arrangeait-il de croire qu'il y avait peu de survivants.

Il pencha légèrement la tête.

- Tu y as vu un moyen d'alléger le fardeau qu'était ton héritage... le trône du Royaume des Montagnes. La Terre la plus hostile de l'Autre Monde, peuplée par des créatures indomptables et sombres. Personne, pas même ton père, ne pensait que tu parviendrais à mener tes hommes au combat. Et pourtant je n'ai jamais vu de soldats aussi loyaux, mis à part les miens. Ils donneraient leurs vies pour toi. Comme ton frère.

Elle se risqua à lui poser la question qui lui brûlait les lèvres.

- Comment va-t-il?

- Il est en mission. Avec mon premier fils.

- Le Prince Aldaron?

- ça te surprend?

- Un peu... je n'imagine pas tes fils comme des aventuriers en fait.

- Aldaron est majeur maintenant. Cela fait longtemps qu'il ne m'obéit que parce que je suis son roi. Tout comme son frère, même si ce dernier est encore un enfant.

- Tes fils t'admirent beaucoup et te respectent. Je suis certaine que tu exagères.

Il baissa la tête en guise d'assentiment puis fixa de nouveau les étoiles. Elle s'appuya nonchalamment contre un mur.

- Pourquoi t'être fait passer pour un ange?

- Pour t'attirer. D'abord cela m'a pris des centaines d'années pour te retrouver ici. Après je t'ai observé dans ce monde. J'ai manqué d'intervenir mille fois mais je n'avais aucune idée de l'accueil que tu me réservais. J'ai attendu que tu sois prête. Et c'est toi qui est venue me chercher finalement. Je n'ai même pas eu besoin de faire pression sur toi...

- Je ne l'aurais pas accepté!

- Tu n'aurais rien perçu. Je suis bien plus âgé que toi, et plus sage aussi. La plupart du temps les créatures ignorent même que je sonde et manipule leur esprit. Sauf bien sur lorsqu'il s'agit d'un prisonnier.

Carrie se remémora un épisode où elle avait vu Almanndiur - Lee - utiliser ses pouvoirs pour extirper des informations à un walleck (une sorte d'orque cornu vivant dans son royaume). Après avoir subi cette torture mentale, le monstre s'était lui-même tranché la gorge avant de se jeter dans les flammes. Ceux qui survivaient sombraient dans la folie et disparaissaient dans la forêt, où ils survivaient comme des ombres. Elle chassa ses pensées et revint au sujet de la conversation.

- Et toi, depuis quand sais tu que je suis au courant?

La question le fit sourire, ou plutôt la réponse qu'il s’apprêtait à lui donner.

- Et bien, tu ne t'en rends pas compte, mais depuis quelques temps il t'arrive parfois d'incliner la tête en prenant congé. De façon très subtile, tu n'as jamais supporté le protocole, plus par rébellion que par conviction personnelle d'ailleurs.

- Je m'incline devant toi?

Elle se mit à rire franchement, mais au lieu de se vexer il sourit.

- Tu vois? Tu n'as pas changé... Tu peux bien paraître civilisée, t'habiller comme une bourgeoise et fréquenter le gratin de cette planète, tu n'en restes pas moins Calliel la Guerrière, celle qui a décimé une tribu de solums avec une simple dague, celle qui a détruit nombres de tavernes après avoir vidé  leurs amphores, celle qui ferait se damner n'importe quel elfe avec ses formes voluptueuses, indécentes...

Il s'approcha d'elle et posa ses deux mains de chaque côté de sa tête, la dominant de toute sa hauteur.

- Tu es mienne depuis bien longtemps et pourtant tu t'es toujours obstinée à me repousser. Etre Lee a été divinement reposant, je crains fort que tu reprennes tes mauvaises habitudes maintenant que tu as eu confirmation.

- Si j'étais celle de tes souvenirs, j'aurais profité de ta désinvolture pour t'envoyer mon genou là où je pense et tu te prosternerais à mes pieds, que tu sois mon Roi n'aurait rien changé.

Son sourire se fit un peu plus espiègle.

- Mais à quoi bon se battre quand on peut obtenir le même résultat avec un regard, une caresse...

Elle joignit le geste à la parole en glissant sa main le long de son torse et descendant jusqu'à son entrejambe. Il recula d'un grand pas pour ne pas se laisser distraire.

- Tu cherches à faire diversion?

- Possible.

- Dans quel but?

- Gagner du temps. J'ai encore des choses à faire ici. Et tu sais comme moi que lorsque je franchirai les portes entre les Mondes avec toi, il n'y aura pas de retour possible. J'ai encore une mission à accomplir, ensuite nous rentrerons.

- La franchise maintenant ?

Elle lui sourit généreusement.

- Pourquoi pas? N'ai je pas juré devant Dieu fidélité, solidarité, sincérité et bien d'autres choses encore?

- Ce Dieu n'a pas de valeur à mes yeux. Quand tu jureras sur nos Terres, devant nos peuples réunis, alors ce sacrement sera authentique.

- Tu veux dire que jusque là, nous ne sommes pas mariés?

Il souleva son menton du bout des doigts et plongea son regard dans le sien.

- Ne déforme pas mes propos, sorcière! Un serment d'Elfe est indéfectible. Même la mort ne serait pas assez folle pour nous séparer.

Un sourire insolent s'étire sur les lèvres de la belle brune.

- Elle a bien essayé pourtant, mais sans succès.

En évoquant cet épisode dramatique, Lee la prit par la taille et la serra contre lui en lui embrassant d'abord le front, puis les lèvres.

- Je ne te laisserai plus partir Calliel, ni dans cette vie ni dans une autre.

- Laisse moi te voir.

Elle parlait de son apparence elfique bien entendu. Elle savait qu'il serait encore un peu plus grand, que ses yeux seraient plus clairs, et que ses cheveux s'allongeraient jusqu'à sa taille, d'une blancheur égalant celle de la lune. Et ce qu'elle vit lorsqu'il lui fit cette faveur alla bien au-delà de ses souvenirs.

- Tu es magnifique.

- Et en plus tu essayes de me corrompre en flattant mon égo....

- Plutôt mourir!

- Je me disais aussi, c'était trop beau pour être vrai! Il faut rentrer, Lalwendë ne va pas tarder à s'éveiller.

- Moi qui pensais profiter de ce répit pour...

Il haussa un sourcil et reprit son apparence humaine, avant de la pousser à l'intérieur.

- et bien tu devras patienter au moins quelques heures. Pour l'instant, c'est l'heure du dîner!

Lee fut le premier dans la chambre du nourrisson et la prit dans ses grands bras avec mille précautions. La petite le regardait avec de grands yeux bleus verts en poussant de petits gémissements et en faisant quelques mimiques qui les firent fondre.

- crois tu qu'elle va se développer aussi vite qu'Andréas et Eden?

- je ne pense pas. Son intelligence et son habilité seront précoces, mais il lui faudra environ une cinquantaine d'années pour atteindre l'âge de la puberté, ensuite elle sera capable de choisir sa destinée. Mais pour en être certains il faudra consulter Filvert, notre sorcier dès que nous serons de retour. D'habitude les elfes sont conçus sur une durée de presque un an. L'arrivée de Lalwendë après seulement quelques semaines est surprenant, il y a sûrement une raison particulière. Peut être les herbes que tu utilises pour tes tisanes...

- peut être. Viens, je vais la nourrir au salon, les enfants adorent la regarder boire.

- Ils ne sont pas les seuls.

Lee referma la porte de la chambre doucement derrière eux. Il ne vit pas le petit dragon se poser sur le rebord de la fenêtre de sa fille. D'à peine une dizaine de centimètres de haut, la petite créature s'étira puis s'allongea en boule afin de se reposer.