Alors qu'Eve empruntait l'un des couloirs les plus fréquentés de la SOW, elle tomba sur Carrie et son ami et agent Howard Smith. Ceux-ci étaient en pleine conversation d'ordre professionnel, et s'interrompirent en la voyant s'approcher d'eux. Toujours suivie par son collègue, caméra à l'épaule, celle-ci apostropha l'agent de Carrie.

Eve : Monsieur Smith ? Je sais que ce n'est pas très conforme au protocole que vous nous avez fait parvenir, mais pourriez-vous m'accorder quelques minutes ?

Smith ôta ses lunettes de soleil et interrogea Carrie du regard. Elle sembla lui confirmer son accord d'une façon ou d'une autre, mais Eve ne vit pas le moindre sourire ou mouvement de tête qui l'aurait confirmé. Elle pensa immédiatement à la transmission de pensées... mais avec la démone, tout était possible.

Smith : vous avez cinq minutes.

Le ton était ferme, mais il souriait. Eve se dit que cet homme avait un charme fou et dégageait une autorité naturelle. Rien d'étonnant à ce qu'il ait fait fortune. On disait également que c'était un génie.

Eve : parfait ! John, c'est parti, on tourne.

Le présumé John se mit en position et commença à filmer.

Eve : Carrie, nous avons été agréablement surpris de vous revoir dans notre Sanctuaire. Mais beaucoup de gens se demandent ce qui a motivé votre décision, surtout après le dernier show où vous êtes apparue dans une compagnie concurrente, durant lequel vous êtes partie avec Hadès...

John recula prudemment d'un pas. Mais aucune émotion ne filtra sur le visage de Carrie . Elle semblait calme et détendue.

Carrie : j'avais des choses à régler avec lui. Mais à aucun moment il n'a été question de quitter Rafael.

Elle sourit.

Carrie : d'ailleurs si je suis ici aujourd'hui, c'est pour me rapprocher de lui.

Eve : votre prochain adversaire, Booya, prétend que justement vous devez des « faveurs » à El Verdugo. Qu'avez-vous à répondre à cela ?

Carrie : que je ne dois de faveur à personne. Quelques personnes me doivent des services. Mais pas Rafael. Je n'avance pas dans son ombre et il n'est pas dans la mienne.

Eve : Booya semble déterminé à remporter le match, comment appréhendez-vous cette rencontre ?

Petit sourire moqueur, partagé avec Smith.

Carrie : Booya est toujours déterminé, c'est sans doute le lutteur le plus déterminé de tout le Sanctuaire ! Cela dit, entre détermination et victoire, il y a une marge.

Smith : à ce stade, il y a plus d'une marge, au minimum, un gouffre ferait l'affaire.

Eve : vous êtes donc persuadée de gagner ?

Carrie : la différence entre Booya et moi...

Le rire d'Howard l'interrompt .

Smith : excuse moi, je ris parce qu'imaginer ne serait-ce que la moindre comparaison entre toi – il recule et tend les bras vers elle – magnifique créature, parfaitement entraînée, redoutablement agile et cruelle, de nombreuses fois championne en solo comme en équipe- et Booya ! BOOYA QUOI !

Il rit à nouveau. Carrie met les mains sur ses hanches et lui adresse un regard réprobateur. Mais finalement il reprend son sérieux et elle poursuit.

Carrie : je disais donc, la différence réside dans le fait que Booya essaie de gagner. Il veut y croire, d'ailleurs au fond peut être y croit-il sincèrement. Le public y croit en tout cas. Mais irrémédiablement, si vous êtes attentifs à ses interventions télévisées, celles-ci contiennent toutes la justification de ses précédentes défaites. C'est un perdant compulsif. Il ressasse ses erreurs durant des heures et des heures. Peut être même que dans sa loge, seul le soir, une fois que le veilleur de nuit est parti, le pauvre homme s'autoflagelle avec orties pour expier ses fautes... mais là encore il est capable d'échouer, en choisissant d'inoffensives orties blanches.

Smith étouffe de justesse un éclat de rire. John aussi d'ailleurs.

Carrie : cela dit, même s'il le sait, même s'il le dit, il continue à refaire les mêmes erreurs jour après jour. On pourrait compatir en se disant qu'il est jeune, impétueux, inexpérimenté. Mais il n'en est rien, hélas.

Elle regarde la caméra avec un sourire de dépit.

Carrie : la vérité c'est...

Elle se rapproche d'un pas rapide vers la caméra, surprenant John qui n'a pas le temps de reculer, et chuchote.

Carrie : la vérité c'est qu'il n'est pas suffisamment bon.

Un brouhaha de désapprobation monte derrière eux, comme s'ils étaient dans l'aréna un soir de PPV. Eve et John se retournent, et pourtant il n'y a personne. Une drôle et désagréable impression les laisse bouche bée. Un mot vient s'ancrer dans leur tête : sorcellerie!

Carrie : chut ! N'allez pas croire que je veux rabaisser mon adversaire mais.... le fait est que personne n'ose lui dire... Rafael le premier d'ailleurs. Je lui fais parfois le reproche. Il se contente de lui faire comprendre, à grands coups de surnoms idiots et humiliants, mais ce n'est pas assez direct je pense.

Eve : mais les gens l'aiment bien, d'ailleurs il se fait appeler le représentant du peuple....

Carrie passe un bras autour des épaules d'Eve, comme si elles étaient amies et confidentes depuis toujours. Elle la domine légèrement en hauteur, mais pour l'instant elle a plutôt l'air moqueuse que dangereuse. Cela dit, avec Carrie, il faut rester sur ses gardes.

Carrie : Eve, ne vois-tu donc pas toi non plus que c'est là toute la supercherie ?

Eve : euh.. non.

Carrie relâche son étreinte et s'appuie négligemment sur l'épaule d'Howard.

Carrie : ne trouves tu donc pas étrange qu'un homme se revendique lui-même représentant du peuple ? Le peuple n'est il pas capable de choisir tout seul? Ce peuple qui a plus de représentants en ce monde qu'il n'en a jamais rêvé! Entre les politiques, les associations, les hommes de foi et j'en passe et des meilleurs, qui donc se soucie vraiment de ce que le peuple veut ? Le font-ils vraiment pour le peuple ? Non ce n'est ni crédible ni logique. En tout cas, se battre pour le peuple ne fait pas gagner des matchs, la preuve en est. Et l'espoir non plus.

John chuchote derrière sa caméra : aïe ! Sale coup pour le pauvre Booya.

Eve : mais il semble heureux quand même, même s'il perd de temps en temps.

Carrie : bien sur qu'il l'est... devant l'écran. Mais quand il est seul, après sa séance d'autoflagellation, il est rattrapé par son désespoir. Vous savez, il n'y a rien de plus dur, je pense, que de réaliser qu'après autant d'années de carrière, le seul palmarès dont on puisse être fier est d'avoir affronté les meilleurs.

Eve : c'est un bel esprit sportif, non ?

Smith : c'est médiocre, Mademoiselle Jennsen. Ecoutez-le, et vous entendrez le véritable Booya. Derrière cette façade, ce sourire d'un blanc étincelant, il y a un homme qui souffre. Chaque jour, il croise dans les couloirs ses confrères qui ont pour la plupart porté une de ces ceintures qu'il convoite tant, parfois même plusieurs fois de suite. A chaque représentation, à chaque PPV, il espère enfin une récompense, une reconnaissance qui ne vient jamais. Semaine après semaine, il affronte avec ferveur ses adversaires, donne le meilleur de lui même, mais malgré cela, ce n'est jamais suffisant. Booya est un lutteur moyen. Ce n'est pas le pire, ce n'est pas le meilleur. Mais il ne brillera jamais parmi les légendes de la SOW. Son nom ne sera jamais une référence en matière de lutte. Il sera à jamais tantôt le bouffon de service tantôt le « représentant du peuple », mais jamais il ne fera partie de l'élite. Il le sait désespérément. C'est pour cela que la seule attitude à adopter pour lui, c'est celle du brave Booya, sympa, distrayant, toujours prêt à essayer, encore et encore. Il se relèvera. Encore. Il tombera. Encore. Mais ses épaules, inexorablement, à chaque fin de match, seront rivées au sol. Peu importe que le combat fut honorable, peu importe qu'il ait exécuté ses prises avec précision, il n'a pas l'envergure d'un champion.

Eve : c'est triste ce que vous dites.

Alors qu'elle quitte le regard de Smith pour observer Carrie, elle s'aperçoit que celle-ci est devenue plus sombre, plus pensive.

Eve : vous aussi vous pensez que Booya n'est pas capable de devenir une légende, ou même d'être un grand champion ?

Carrie : je pense qu'il faut des vainqueurs et des vaincus. Il y a plusieurs catégories d'athlètes. Ceux qui ont un don exceptionnel, à qui tout sourit. D'autres travaillent avec acharnement et finissent par briller et à marquer un peu l'histoire. Et puis il y a les Booya. Ces êtres qui n'ont rien d'exceptionnel, qu'on oublie aussitôt après leur départ. Ils n'ont tout simplement pas trouvé leur place dans leur monde. Chez nous, dans l'Autre Monde, ils rampent dans les abîmes ténébreuses. Ce sont des non morts. Leurs âmes sont tourmentées et ils ne peuvent trouver le repos. Pour se venger, ils kidnappent les plus faibles et leur font vivre mille tortures.

Au fur et à mesure qu'elle s'exprimait, les visages des autres se décomposaient au son de sa voix de plus en plus traînante et mystérieuse. La caméra trembla sur l'épaule de John. Eve semblait avoir envie de filer en courant.

Et puis soudain, Carrie plongea son regard dans ceux de la reporter et son rire s'éleva dans les airs.

Carrie : je vous fais marcher, Eve ! Ces histoires sont des contes pour enfants !

Eve se força à sourire, mais elle ne fut pas convaincue. Elle était persuadée que Carrie n'avait pas tout inventé , ou alors elle était très bonne actrice. Ou les deux.

Carrie : écoute, Eve. Booya est ce que vous appelez ici un « gentil garçon ». Il est propre sur lui, à part sa barbe en chantier, toujours prêt à se battre et à amuser la galerie. Il est divertissant. Mais tout le monde ici sait bien ce dont lui et moi sommes capables. Et il a beau assurer qu'il peut relever le défi, je lui conseille de se rapprocher de mon bien aimé s'il veut être à la hauteur de notre rencontre. On ne peut promettre un grand spectacle et se contenter d'une simple illusion. Je ne tolérerai rien d'autre que l'excellence. Le meilleur. Et s'il faut le relever moi-même pour faire durer le match, encore et encore, alors c'est ce que je ferai. Je vais le pousser jusque dans ses retranchements, le forcer à regarder sa faiblesse. Il souffrira physiquement, mais surtout mentalement. Car grâce à moi il va découvrir sa véritable nature, primitive, instinctive. On dit que souvent son plus grand ennemi, c'est soi-même. Je vais lui faire découvrir qu'il n'en est rien. Le plus grand ennemi de la Sow, à présent, c'est moi.

Eve est interloquée. Avec toute les menaces et les complots de ces derniers mois, la Network, le Bestiaire, elle a presque envie de pleurer.

Eve : vous êtes venue pour détruire la SOW, vous aussi ?

Carrie : je suis venue prendre le pouls d'une convalescente, sonder l'âme de ses locataires, et surveiller les Immortels.

A demi rassurée, Eve ose un sourire.

Eve : Ah... vous n'allez pas nous faire de mal, alors.

Carrie sourit largement cette fois. C'est très déroutant pour la jeune reporter, cette facilité pour la démone de passer d'une attitude sombre et menaçante à un sourire adorable, séducteur en à peine quelques micro secondes. Il y a quelques instants elle aurait juré qu'elle allait l'entraîner avec elle dans des catacombes, et puis l'instant suivant elle la regardait avec une sorte de … compassion. Ou quelque chose du genre. Le petit jeu sembla pourtant arriver à sa fin.

Carrie : pour l'instant... non.

Puis elle se retourna en même temps que son agent, qui la salua d'un signe de tête, et ils s'éloignèrent en discutant, comme si de rien n'était. Eve frissonna et regarda ses avant bras, dont la pilosité était dressée exagérément. Diable que cette femme était étrange. Le démon dans un corps d'ange.

La scène est tournée dans une suite sur le bord de mer. Carrie est seule face à la caméra, mais on entend par moment une voix masculine derrière elle, reconnaissable entre toute : celle d’El Verdugo. Par moment on distingue sa silhouette qui va et vient au bout de la pièce, absorbé par sa conversation téléphonique. Carrie jette un œil dans sa direction, puis reporte son attention sur la caméra.

Carrie : Mesdames et messieurs, je suis là pour vous parler de la dernière intervention de mon futur adversaire. Je suis prise d’une étrange lassitude. J’ai l’impression de ne pas avoir été comprise de lui. Ai-je dit qu’il n’avait jamais eu le moindre titre ?

On peut entendre la voix de son compagnon au loin: tu l’as dit !

Carrie le regarde puis se tourne vers la caméra, amusée : ok je l’ai dit, mais je parlais de titres vraiment importants, remportés face aux meilleurs athlètes de l’époque, pas dans des combats de rookies. J’ai oublié des faits marquants dans ta vie ? Quelle odieuse mégère je fais!

Rafael la montre du doigt avec un regard accusateur et chuchote en souriant, taquin : «  c’est une odieuse mégère ! » Puis il s’éloigne pour reprendre sa conversation téléphonique.

Carrie : c’est vrai qu’il n’y a déjà pas grand-chose d’intéressant, alors si j’omets volontairement ce qui pourrait l’être…. Il ne reste plus rien ! Mais toi, mon cher Booya, tu n’aurais pas oublié volontairement une partie de mon cv ? Ma carrière à la UZW, une des plus grandes fédérations internationales, qui a vu passer le caviar de la lutte, dont une partie exerce encore son art à la FGB et sur dans d’autres compagnies ? Tu veux savoir hein. Oh il est gentil le bon cabot à sa mémére ! Alors je vais être gentille aussi et tâcher d’être la plus complète possible. J’ai débuté ma carrière de lutteuse à la Ultimate Zone Wrestling. A l’époque, les nouvelles recrues étaient entraînées par les meilleurs coach dans ce qu’on nommait l’académie. C’est là que j’ai rencontré mes premiers alliés, Chad Murray, Cédric Darsa entre autre. Et dès les premières semaines, bluffés par mes compétences techniques et ma présence sur le ring, les dirigeants m’ont mise à l’épreuve face à la championne de la division des Valkyries. Devine quoi ? La pauvre fille s’est faite détruire en direct live. Humiliée, elle a quitté peu de temps plus tard et n’est plus jamais réapparue. Mesurant mon potentiel, on m’a très vite intégré au roster principal, et les alliances se sont poursuivies. Mes amis ? Le champion Intercontinental Christian Cage, le Champion mondial Chad Murray, encore. Mes ennemis ? Toutes les valkyries, le clan Kay ! C’est là également que j’ai croisé pour la première fois le chemin de Légion. Tu vois, Booya, j’ai toujours su m’entourer des meilleurs, et c’est comme cela qu’on apprend son métier. On ne peut devenir excellent en côtoyant de médiocres professeurs. Et je crois, au vu des opportunités que j’ai saisi et qui m’ont conduite à porter la ceinture à deux reprises, que cette période de ma vie a été l’aube de la carrière qui s’est poursuivie plus tard à la Red Line Federation.  Et là encore, des titres sont venus décorer les murs de ma loge. Ça a l’air tellement important pour vous mortels, ces objets scintillants, encombrants ! C’est comme si le fait de les porter vous faisait grimper les échelons un à un. Des titres j’en ai eu oui, à la FGB aussi, et pas des moindres : le titre Bloody, l’un des plus convoités, un titre qui porte bien son nom. Et c’est là-bas que j’ai eu l’occasion de révéler mon potentiel de leader pour mon ami Légion. J’en oublie peut être, Booya, je ne tiens pas un journal comme toi, je ne scrute pas le passé de mes adversaires, comme toi. Ni même toutes ses interviews. Et je vais t’en donner la raison : ce qu’ils ont fait dans le passé n’est rien. C’est pour cela que je ne cite pas ma carrière à tout bout de champ, et pourtant je n’ai pas à en rougir. Tout ce que j’ai fait, mes combats, mes récompenses, mes relations avec certains de mes collègues, je ne renie rien. Elles m’ont mené là où je suis, mais ce n’est qu’une page dans mon histoire sur Terre. Ce qui est important, c’est aujourd’hui, maintenant. Ce qui est important, c’est Ground Zero. La clé du succès, Booya, c’est de vivre sa vie, pas de la rêver, comme toi.

Elle se lève et va se positionner devant la fenêtre. Une légère brise souffle dans ses cheveux.

Carrie : tu penses que mon palmarès à la SOW n’est ni pire ni meilleur que le tien et tu as raison. Ici, je n’ai rien accompli. Je n’ai fait que des passages furtifs, seule ou avec Hadès. Furtifs, mais pas vains. Personne ici n’a oublié mon passage. Personne ne l’oublie jamais. Je pourrais te dire que mon départ est la conséquence d'une mauvaise gestion de ma carrière par des officiels incompétents qui se sont acharnés à me barrer le chemin vers le succès. Je pourrais te dire que ma tête était ailleurs, que j’avais des choses à régler dans ma vie. Tout cela est vrai. Je dis simplement que si j’avais été à ta place durant tout ce temps, avec toutes les opportunités que tu as eu et gâché, je n’aurais pas besoin de ta mallette pour espérer une hypothétique victoire du titre. Je serai championne à l’heure actuelle. Pour le règne le plus long, le plus excitant que la SOW ait jamais eu, car contrairement à toi, je ne me contente pas d’essayer. Je prends ce que je suis venue chercher. La victoire, toujours.

Elle s’éloigne le temps d’aller chercher une petite bouteille d’eau et d’en boire une gorgée.

Carrie : tu vois Booya, je savais que tu étais sincère quand tu disais te battre pour ceux que tu appelles ton peuple. Comme un Dieu bienveillant… Tu as raison, tu es le seul qui crie haut et fort se battre uniquement pour le peuple. Que Prime t’entende, il fera de belles économies en salaires, primes, notes de frais etc. Travaille donc gratuitement, pour le plaisir de voir leurs beaux yeux s’illuminer devant nos prouesses techniques. Donne-leur tes plus belles années de ta vie juste pour les entendre d’acclamer. Et écoute attentivement leurs applaudissements. Mémorise-les profondément, car dès que ta carrière sera finie, ils t’oublieront. Inévitablement, malgré ta compassion, malgré ton dévouement. Tu n’arrives pas à comprendre notre attitude, pourquoi est-ce si difficile ? Tu penses que je n’ai pas d’attachement envers les mortels ? Tu penses que mon image m’importe peu ? Tu te trompes. Mais contrairement à toi les seules personnes dont le jugement compte vivent sous mon toit, ou bien y sont conviés par amitié. « Le peuple » comme tu l’appelles, est un groupe d’inconnus qui jugent et trahissent, qui huent et applaudissent. Ce sont des gens sans nom et sans âme qui retournent leur veste à la moindre occasion. Tu n’as rien appris, Booya, de toutes ces années. Tu observes les autres et tu sors des pseudos analyses, mais tu n’en tires aucun enseignement. Tu ne changeras jamais, tu seras toujours l’innocent, l’impuissant « représentant du peuple ». C’est pour cela que tu ne progresseras jamais, tu continue à rabâcher sans arrêt les mêmes conneries.

La fin de sa phrase est clairement dite sur un ton méprisant. Mais elle termine en souriant à la caméra.

Carrie : tu ne pourras sans doute pas t’empêcher de répondre à cette vidéo. Je le sais. Tu pensais que Rafael avait proposé mon nom pour me placer au PPV, comme un passe-droit ?  Si tu savais. Il voulait simplement me faire une petite blague, persuadé que tu me harcèlerais avec tes interventions.

Elle sourit.

Carrie : pour le coup tu as raison, maintenant il me doit une faveur.

Malicieuse, elle se dirige vers lui d’un pas de félin et se hisse sur la pointe des pieds pour lui susurrer quelque chose à l’oreille. Aussitôt, il jette son portable sur la table à côté de lui, la porte dans ses bras et l’entraine hors du champ de la caméra, qui continue à tourner dans le vide.

Debout sur la terrasse de son gratte ciel, Howard Murray observe la vue magnifique les mains dans les poches de son smoking. Chose originale, il a, semble-t-il, fait installer une pelouse organique sur laquelle ses doigts de pieds nus jouent avec l'herbe fraîche. une légère brise soulève une mèche qui retombe sur son front. Les bruits de la ville semblent loin, le soleil perce par moment les épais nuages gris. C'est dans cette position curieuse que Eve et Livia entre dans son bureau, précédée par la secrétaire de Murray.

Secrétaire: Monsieur, votre rendez vous de 11  heures est arrivé.

Murray: je vois cela, Jeanne. Prenez les dossiers sur mon bureau et fermez la porte derrière vous.

Secrétaire: bien Monsieur.

Une peu curieuses, les deux reporters observent la décoration du milliardaire, sobre et raffinée. Tout est parfaitement rangé à sa place, plus aucun dossier sur le bureau. Et les cadres qui couvrent les murs représentent de fidèles associés. Sur une console en cristal, deux cadres personnels attirent l'attention du cameraman. Sur la première, il est accompagné par Carrie et El Verdugo. Le deuxième cadre est posé face contre la tablette.

Murray: mesdames, c'est à vous.

Eve: Monsieur Murray, Carrie n'étant pas ... disponible actuellement, et ayant refusé de répondre à nos questions, nous souhaiterions savoir comment elle a pris cette défaite lors de Ground Zero? Elle semblait très sure de sa victoire.

Murray: mal. Carrie était même furieuse. Elle déteste perdre, encore plus lorsqu'elle remet les pieds à la Sow, compagnie qui ne lui a jamais fait le moindre cadeau. Cela la conforte dans sa haine du sanctuaire et cela n'ira pas en s'améliorant.

Livia: elle déteste la Sow? Qu'est ce qu'elle vient faire ici alors?

L'agressivité est manifeste, il faut dire que les deux femmes ne s'apprécient guère.

Murray: comme elle l'a dit, elle n'est là que pour son compagnon, pour exercer son art à ses côtés. Et cette Gran Slam Factory est une idée géniale.

Livia: ouais, enfin en même temps pour l'instant ce n'est qu'un embryon, et leurs adversaires sont déjà bien rôdés, il va falloir plus qu'une séance ou deux d'entraînement, espacés par de vulgaires démonstrations érotiques pour l'emporter.

Howard a un petit rictus condescendant.

Murray: vous ne voyez que ce que vous voulez voir, Livia. Je vous croyais plus intelligente que cela. Ne comprenez vous pas que tout cela n'est qu'un jeu pour eux. En fait je crois bien que dans cette "association" il n'y a que Charlie qui ait quelque chose à perdre. Verdugo et Carrie peuvent tout aussi bien vous déclarer une chose ce matin et dire le contraire ce soir, c'est dans leur nature. Lisez entre les lignes. Regardez par delà les apparences. Tout ceci n'est qu'une vaste farce. Un jeu à l'échelle humaine, pour l'humain qu'il n'est plus et qu'elle n'a jamais été.

Eve: vous suggérez que rien n'est réel dans leur combat, dans leurs déclarations?

Howard: qui sait? Ils sont capables de tant de choses. Je ne connais pas encore bien Verdugo, mais Carrie je la connais comme si elle était ma propre fille. Son silence ne présage rien de bon.

Eve: elle va affronter Methodcobra et Raphael, qui sont un peu des vétérans à la Sow. C'est un défi assez conséquent pour la Gran Slam Factory. Vous ne pensez pas qu'ils visent un peu haut pour une équipe si fraîche?

Howard: quand j'ai appris le nom de ses adversaires, une image m'est venue en tête: celle de deux cerfs adultes, confiants, sereins dans leur forêt, buvant tranquillement au bord de l'eau. Et puis soudain, s'approchant avec précaution, deux loups affamés, dont l'unique but est de se nourrir et de nourrir la meute. Rapides, précis, audacieux, c'est l'occasion parfaite pour montrer de quoi ils sont capables en équipe. On peut faire confiance à Method et à Raphael pour donner le meilleur et se tenir sur leurs gardes lors de ce combat, mais on peut également s'attendre au plus violent, au plus sanglant de la part de Charlie et Carrie. Allier la force et l'agilité, la puissance et l'intelligence dans une équipe, c'est toujours un pari gagnant, et c'est totalement inédit. J'ai déjà misé gros sur ce match, et si j'étais vous, j'en ferai autant.

Le portable du milliardaire vibre discrétement. Celui-ci jette un oeil sur l'expéditeur du message et se dirige vers son bureau. Il appuie sur l'interphone.

Murray: Jeanne, pourriez-vous raccompagner ces dames vers la sortie, j'ai de la visite. Faites la patienter dans le salon privé.

Secrétaire: bien monsieur.

Murray: mesdames, cet entretien est terminé.

Eve: déjà ? Bon... euh d'accord. Livia?

Livia: nous reviendrons prochainement, en espérant que "Mademoiselle Carrie" sera là cette fois!

Murray: j'en doute. Comme je vous l'ai dit il y a quelques temps, elle n'accordera que très peu d'interviews. Je suis là pour ça, et Verdugo joue ce rôle à merveille également, en plus de s'occuper personnellement de sa carrière.

Petit clin d'oeil en direction de Livia qui redresse la tête avec défi, mais un peu vexée quand même. Elles sortent toutes deux du bureau et se dirige vers l'ascenseur. Une fois glissée à l'intérieur, un violent frisson dresse la pilosité très fine de leurs bras dénudés. Au moment même où les portes d'ascenseur se fermaient, elles croisèrent le regard de Carrie, qui les observait tout en marchant vers le salon privé d'Howard. Elle s'arrêta l'espace d'une seconde, et les lumières de la cage s'éteignirent, remplacées par celles de secours. Un à-coup secoua l'ascenseur, puis un second, avant que celui-ci  n'entame une descente rapide et silencieuse dans une semi pénombre. Puis il s'arrêta subitement. Avant de redescendre à nouveau. Ce petit jeu dura jusqu'à l'arrivée au rez de chaussée. Lorsque les deux femmes et le cameraman sortirent de la cage, ils furent obligés de prendre appui sur les murs pour se diriger vers la sortie...

Carrie est confortablement installée dans un fauteuil, face à Howard qui lui se tient derrière son bureau. La discussion semble prise en cours de route par un cameraman à l’insu des deux amis.

Howard : je pense que tu devrais t’abstenir de lui répondre. Il est déjà particulièrement orgueilleux, ce n’est pas la peine de rajouter de l’eau à son moulin. En outre, tu lui as déjà consacré deux excellentes prestations télévisées dont il devrait déjà t’être reconnaissant.

Carrie : tu as sans doute raison. Mon fils lui estime que tout adversaire doit utiliser son droit de réponse, et surtout, il aimerait que je lui fasse manger sa langue. Ce sont ses mots.

Howard rit en imaginant le petit garçon s’énerver en entendant un homme dire du mal de sa mère.

Carrie : De plus, ce n’est pas l’orgueil qui consume Booya, mais la vanité. Certes il claironne partout qu’il a remporté son match contre moi, qu’il en est fier et que cela m’a mise dans une telle rage que j’ai préféré me taire. Mais au fond, tout ce qu’il veut, tout ce qu’il fait, c’est pour acquérir la reconnaissance du peuple. Il est en permanence assujetti à ce qu’il pourrait penser de lui. Il croit avoir gagné, mais au fond c’est moi qui gagne. De cet homme profondément altruiste et bon, il ne reste plus au fur et à mesure du temps qui passe, des victoires qu’il remporte, qu’un homme imbu de sa personne. Je connais beaucoup d’athlètes ici et ailleurs, particulièrement cruels et malfaisants, ou bien tout simplement égocentriques et impopulaires, mais aucun d’eux n’arrivent à sa cheville en matière d’immodestie, de prétention. Personnellement, j’ai déjà dépassé le stade de l’overdose avec toutes ses fanfaronnades.

Howard : je partage tout à fait ton point de vue. C’est bien simple, maintenant dès que je vois ses promos, je coupe le son et je m’attèle à quelque chose de plus intéressant. D’ailleurs nous en avons assez parlé. J’aimerais faire un point avec toi sur le TT contre Raphael et Methodcobra. Votre victoire ne semble pas te procurer de satisfaction.

Carrie : en effet. Avec la disparition de la Network, Prime a les mains libres pour honorer ses proches et il ne se gêne pas. Le bestiaire n’est pas encore prêt à monter à l’assaut, et selon moi sa composition manque de figures emblématiques. Darkside le tient à bout de bras, il est le bestiaire, à lui tout seul. Mais pour l’instant il n’a rien à redouter de Prime, et inversement. Ce qui fait que ce dernier lui mangera dans la main. Tant que le bestiaire régnera, aucune action à redouter, aucun lutteur hors contrôle.

Howard : quel rapport avec toi ma chère ?

Carrie : le rapport c’est que si le bestiaire devient le favori de Prime, et il le sera sans aucun doute, Darkside en profitera pour placer ses pions, tandis que le Gran Slam Factory va stagner. La Sow a toujours été ainsi, composée de faibles qui se cachent derrière ses lutteurs pour éviter les débordements, pour contrecarrer leurs petits projets minables ;

Howard : le Network a tout de même ébranlé les fondations…

Carrie : mais il n’est plus là !

Elle se lève et marche en direction du bar, dans lequel elle prend deux petites bouteilles d’eau. Elle jette l’une d’elle à Howard puis se dirige vers la fenêtre.

Carrie : Edward avait ce petit quelque chose qui le rendait redoutable. Pourtant il n’est qu’un humain, mais il avait tout compris. La SOW s’est amputée d’un phénomène en le repoussant. Mais cela ne m’a pas étonné. Toutes les révolutions avortées débouchent sous un régime pire que le précédent. Tu as vu à quoi ressemble cette compagnie ? Des brutes, des grandes gueules, qui se battent encore et toujours pour des titres qu’ils sont tous si certains de mériter, mais il n’y a aucune différence entre eux. Ils sont tous identiques, leurs discours sont monotones, sans profondeur.

Sa voix avait pris un ton plus grave, et ses yeux fixaient l’horizon.

Howard : nous n’y pouvons rien, Carrie, et tu le sais.

Carrie : SI ! Nous pouvons éviter que d’autres deviennent ces pâles reproductions de lutteurs dont les photos jaunies s’étalent sur les murs du couloir de Prime ! Nous pouvons les libérer de ces clichés, ces stéréotypes que la SOW leur colle à la peau dès qu’il signe un contrat ! Je veux voir les recrues enfreindre les règles, détruire les idées reçues ! Je veux l’anarchie, je veux la guerre ! Je veux que tout brûle dans cette cité corrompue, je veux que la SOW flambe et que mes frères se libèrent des chaînes qui ont entravé leurs pas ! Je veux un bestiaire puissant, craint et adulé, mais pas pour satisfaire Prime ni quiconque en ce monde ! Je veux une Gran Slam Factory recrutant à bras ouverts les jeunes comme les plus anciens, ces lutteurs bafoués, mis au placard par cette compagnie sans âme et sans honneur, cette compagnie qui souille son propre nom et tuent ses propres héros !

Howard s’est levé et s’approche d’elle doucement. Il pose sa main sur son épaule pour attirer son regard. Quand il le croise, il comprend que la colère est montée à un cran supérieur.

Howard : si c’est vraiment ce que tu souhaites, alors rien n’arrêtera ta volonté. Je prierai pour le salut de leurs âmes.

Carrie : tu perds ton temps. Ils n’en ont déjà plus.

Howard : et bien je prierai pour les actions que j’ai mises dans cette compagnie alors ! Souviens-toi juste que si cette boite n’a pas d’importance pour toi, d’autres lutteurs ont besoin de ce travail pour vivre.

Carrie : mieux vaut mourir libre que de vivre sous le règne de la médiocrité !

Le téléphone sonne soudain, et Carrie fait signe à Howard de décrocher, elle avait l’intention de quitter les lieux de toute manière. Le caméraman a tout juste le temps de s’éclipser discrètement pour éviter de la croiser.

La caméra se faufile entre les nombreuses célébrités qui se congratulent, une coupe de champagne à la main, souriant aux photographes et aux journalistes qui les questionnent sur les derniers potins mondains. Parmi toute cette foule, Howard Murray captive un petit groupe en racontant une anecdote qui semble beaucoup amuser son auditoire. A son bras, la ténébreuse Carrie sourit avec bienveillance. Elle est somptueuse dans sa longue robe rouge, qui met en valeur ses courbes sensuelles. Lorsque son agent l'entraîne quelques minutes plus tard pour observer le dernier tableau du peintre le plus branché du moment, c'est une Livia haute en couleur, montée sur des talons aiguille d'une dizaine de centimètres qui les prend à partie, micro en main et cameraman aux basques. Murray semble contrarié, en revanche Carrie ne se dépare pas de son sourire, il est juste un peu plus narquois.

Livia : Ah ! Enfin je vous trouve. Votre silence ne passe pas inaperçu ces derniers temps. Tout le monde attend de connaître vos « impressions » après les déclarations enflammées de Pétale et de Rafael.

On sent bien qu'elle est fière de sa sœur, c'est sa petite revanche. Carrie ne répond rien et continue à sourire. Murray passe un bras autour de sa taille et décide de s'exprimer pour elle.

Howard : Bonsoir, Livia. En voilà une surprise ! Je vous croyais à l'hôpital... le mal d'ascenseur, parait-il...

La rouquine tique légèrement en se remémorant ce moment désagréable. Mais elle ne se laisse pas démonter pour autant.

Livia : rien de bien méchant. Une panne mécanique. Bien entendu, votre compagnie a été contrainte de m'indemniser. Mais revenons à nos moutons, si j'ose dire : Pétale et Verdugo. Ça ne vous fait rien de voir votre mec implorer ma sœur de se joindre à votre équipe ? De remettre le couvert une fois de plus ? C'est limite pervers comme déclaration, non ?

Carrie a cessé de sourire, mais son visage n'exprime aucune émotion.

Carrie : la perversité est une question de point de vue, Livia. Ce que je trouve pervers, moi, c'est que Pétale revienne comme si de rien n'était. Je ne serais pas étonnée qu'on la voit d'ici une ou deux semaines en Main Event, et que d'autres légendes prennent cela comme une invitation.

Livia : et alors ? C'est bien normal après tout ce qu'elle a apporté comme gloire à la SOW. On lui doit bien cela !

Carrie : les légendes sont les plaies de la Sow. Elles la traînent vers le fond, dans l'ombre et fatalement dans l'oubli. Elles sont comme toutes ces maladies humaines qui rongent et plongent l'humanité vers la mort et la souffrance. Puis disparaissent un beau matin, les laissant là abandonnés dans les bras froids et indifférents de la mort.

Livia : n'importe quoi...

Carrie : la naïveté vous va mal, Livia. Pétale comme son partenaire Draven, et beaucoup d'autres se sont désintéressés de cette compagnie alors que celle-ci sombrait, et ne reviennent que lorsque l'orage est passé. Ils ont observé sans bouger ce déclin, et à présent que le plus dur est passé, reviennent la bouche en cœur en claironnant qu'ils n'étaient pas bien loin.

Livia : vous n'étiez pas là non plus.

Carrie : exact. J'avais des obligations ailleurs, et un contrat dans une autre compagnie. Sans compter que la SOW n'est pas ma raison d'être. Je ne miserai rien sur elle, je n'en attends rien.

Livia : ok, vous n'en avez rien à faire sur le plan professionnel, mais quand même, si j'étais vous je m'inquiéterais. Il se passe un truc entre eux, ils se cherchent...

Carrie : alors ils se trouveront. La folie est un mal contagieux chez mes confrères. Passer des années à observer le monde changer sans que cela nous affecte, ni sur le plan physique, ni psychologiquement entraîne bien des créatures à commettre des actes incongrus voir dramatiques. Qu'ils se mélangent ne changera rien au monde qui nous entoure, mais sans doute y trouveront-ils un peu de plaisir et d'originalité. Mais sur le plan professionnel, Pétale contre Verdugo, c'est du réchauffé, et je n'ai pas envie d'assister à cela.

Livia reste sans voix.

Livia : vous tolérez cela ? Ça ne vous agace même pas.

Carrie : j'ai passé l'âge de l'impulsivité, et leurs petits jeux m’indiffèrent. Je ne dois rien à Rafael et il ne me doit rien non plus. Les suppositions de Pétale sont malvenues, je ne suis soumise ni opprimée, et je n'ai de compte à rendre à personne. Vouloir me tuer est particulièrement présomptueux, qu'elle essaye donc, je crains que son statut ne lui ait quelque peu gonflé la cervelle. Elle est loin d'être invincible, et si sa mémoire défaille, je me chargerais de lui rappeler quelques mauvais souvenirs.

Livia : de quelle période parlez vous ?

Carrie lui sourit.

Carrie : il y en a tant et la soirée est courte, Livia... profitez-en donc pour goûter aux joies de l'existence, tout comme je vais le faire moi-même. Cet entretien commence à m'ennuyer.

Howard se penche à son oreille et lui chuchote quelque chose qui a l'air de lui plaire. Elle lui sourit et ils s'éloignent de Livia sans plus lui prêter attention. En chemin ils discutent avec quelques personnalités avant de quitter le vernissage.

C’est une Carrie au sourire XXL qui apparait à l’écran. Visiblement amusée par la déclaration de Pétale Orientale, dont le visage grimaçant est affiché en gros plan, en pause image, sur un téléviseur grand écran, ce qui donne une image peu flatteuse, un peu floue, de la lutteuse.

Pétale, tu es fidèle à toi-même, jusqu’au bout des griffes ! Quelle virulence dans tes propos ! Je me demande bien ce que j’ai pu dire ou faire qui attire ainsi ton attention, moi qui ne suis rien, moi qui n’ai jamais rien remporté ici, à la SOW! Oh pardon. Dans TA Sow ! Car ici tout est à toi, n’est-ce pas ? C’est TON territoire, TES fidèles, TON public. Ta niche…

Son sourire s’allonge encore, moqueur.

Un territoire de fantômes, lieu sacré des légendes qui ne subsistent que par l’image qu’il renvoie. Oh oui tu as raison, tu as vaincu tout le monde, tu as révolutionné la lutte hardcore, que dis-je tu as révolutionné la lutte elle-même… dans TON sanctuaire. Je comprends bien que tu ne souhaites pas qu’une autre vienne marcher sur tes plates-bandes… que deviendrais-tu si tel était le cas ?

Elle prend un air outré.

OH ! Que deviendrais tu si quelqu’un d’autre parvenait à faire MIEUX que toi ?

Elle parodie Pétale lors de sa promo.

Comment, qu’est-ce que tu dis ? C’est pour ça que tu ne veux pas prendre de risque, que tu veux « tuer le mythe » dans l’œuf ?

Elle reprend une attitude normale.

Rassure toi, je n’ai aucune envie de marcher dans tes traces, aucune envie  de te ressembler. A vrai dire ton reflet ne m’inspire qu’une seule chose : du dégoût. Je te méprise Pétale, toi qui ne vis que pour et à travers la SOW. Tu me fais penser à un rat dans une cage, prêt à mordre tout ce qui passe à sa portée. Incapable de penser que s’il ouvrait la porte de sa cage, le monde serait à sa portée.

Non toi tu préfères rester là, là où tout est acquis, où tout est facile, car comme tu le dis, désormais, tu n’as plus qu’à maintenir la légende pour ne pas qu’on t’oublie. C’est là que notre différence est la plus grande, Pétale : tu n’as plus rien à accomplir, toutes les pages de ton histoire sont écrites, ici. Tandis que moi, je n’ai que l’embarras du choix. Quelle direction vais-je choisir ? Je n’en sais rien. Vais-je rester longtemps sur ton bout de trottoir ? Tu aimerais bien le savoir… j’avoue que te voir redouter la concurrence m’amuse légèrement. Cependant, je suis bien trop indépendante pour me concentrer sur une seule option. La SOW n’est pas ma maison. Ce n’est qu’une étape, un passage. Je n’ai aucune envie de gaspiller mon temps à remporter des titres qui n’ont de valeur que celle que vous leur donnez. Ailleurs, vos récompenses ne sont rien que des bouts de métal, des idoles fabriquées de toute pièce pour votre gloire personnelle. J’ai moi-même remporté quelques-uns de ces trophées, cela fait partie du jeu, mais je n’en ai tiré aucune satisfaction, aucun plaisir personnel. C’est pour cela que contrairement à toi et à beaucoup d’autres, je ne commence pas toutes mes interventions par mon palmarès sowiens. Bien sûr, il n’est pas aussi long que le tien, mais je n’ai pas fait toute ma carrière à la SOW, celle-ci a débuté il y a déjà quelques années, et je l’ai poursuivi dans plusieurs compagnies. Je ne prétendrai pas aussi naïvement que toi que tout le monde m’adore, (elle mime des guillemets) qu’ils sont contents de me voir, à vrai dire, ce que les gens pensent je m’en fous. L’important, c’est que j’ai fait mon travail et que je l’ai bien fait. Qu’on m’aime ou qu’on me déteste, les directeurs des compagnies sollicitent Howard régulièrement pour obtenir un contrat avec moi. Qui te sollicite, toi, Pétale Orientale ? La Sow… encore et toujours. Prime, qui reprendrait bien (elle mime des guillemets) une bonne dose de sa Pétale?

Non je ne t’envie pas. Mais j’avoue que tu m’amuses, quand tu me reproches d’avoir su m’entourer d’hommes puissants. Tu m’accuses d’avoir couché pour réussir ?

Elle rit.

C’est toi qui me dis cela Pétale ? Je n’aurais pas assez de temps dans une vie terrienne pour citer le nom de tous tes amants, qu’ils soient puissants ou pas. A vrai dire, il n’y a rien d’étonnant pour que dans toute cette liste, au moins un ou deux aient accepté de te rendre un petit service de temps en temps… Excuse-moi de me montrer un peu plus…. Sélective quant à mes relations professionnelles et mes partenaires sexuels. J’aime m’entourer de personnes brillant un peu plus pour leur intelligence et leur spiritualité que pour leur prouesse sexuelle ou leur aptitude à dire oui à tous les caprices. Alors non, ma grande, contrairement à toi je n’ai pas besoin de passer sous le bureau, ou dessus pour mériter une faveur.

Ah oui, c’est vrai, tu crois que Rafael est mon maître, que je vis dans son ombre, qu’il n’est avec moi que pour assouvir une passion temporaire... Tu le connais donc bien mal. Pourquoi s’encombrerait-il d’une compagne alors qu’il peut avoir (elle cite entre guillemets à nouveau) des culs qu’il peut se faire – et cela depuis quelques années ? Je ne le retiens pas. Il est libre de partir quand il le veut. Et pourtant il reste. Ce que nous partageons te dépasse complétement, mais je ne m’étalerais pas sur le sujet, car ma vie avec Rafael ne concerne que nous et nos enfants. Tu veux essayer de briser ce que nous avons construit ensemble au fil du temps ? Essaye toujours, je sais que tu aimes perdre ton temps. Quand bien même tu représenterais un fantasme pour Rafael, au moment du passage à l’acte, inexorablement il se rendra compte, s'il ne le sait pas déjà, que le jeu n’en valait pas la chandelle, ce qui l’excite avant tout, c’est la partie de chasse, pas ton cul. Mais je n’ai pas de mal à m’imaginer la scène, lui fourrant son membre gonflé dans ta bouche, crachant sa semence en grande quantité, souillant ton visage rougi, puis te jetant deux cents dollars avec mépris. Oui, Verdugo est généreux. Voilà tout l’intérêt qu’il te donnera. Voilà tout ce que tu mérites.

Elle ne cache pas son mépris.

Ma pauvre tu me fais bien pitié avec ta vanité. Oui tu as tout vu et tout vécu ici. C’est chez toi et ce public est tien. C’est ton petit bout de trottoir et tu veilles au grain. Je ne marcherai pas sur tes traces, Pétale, je tracerai ma route bien loin de la tienne parce que je n’ai aucune envie de te ressembler. Je ne suis pas comme toi et j’en suis bien heureuse. Je ne suis pas jalouse de l’idole, du fantasme que tu es persuadée d'être, parce que ce n’est qu’une chimère. Tu es une starlette qui veut rester dans la lumière à tout prix, parce que si tu n’es plus sur le devant de la scène, alors tu n’es plus rien. Moi je n’ai pas besoin de m’imposer, pas besoin d’éclabousser les autres avec ma gloire pour exister, pas besoin de voler les biens ou l’amour des autres pour être heureuse. Le bonheur, le succès, la fortune viennent à moi naturellement, tout comme Rafael. Tu ne pourras pas réécrire cette histoire à ta façon, ce qui est gravé entre nous l’est pour toujours. C’est originel.

Dernière chose: tu as peut être réussi à survivre dans l’adversité autrefois, mais tôt ou tard, le jour viendra où quelqu’un te volera la vedette. Quelqu'un te poussera dans l'oubli, dans les bas fonds. Si bas que jamais plus tu ne pourras en sortir. Et j’espère bien être là pour voir ça. Qui c’est, il se pourrait bien que ce soit moi… Pour l’instant j’ai d’autres choses bien plus intéressantes à faire, et puis je ne voudrais pas priver Rafael de son divertissement du moment.

Elle fait un petit clin d’œil entendu à la caméra, qui s’arrête la seconde suivante.

La nuit est proche, Carrie observe le soleil qui disparait à l'horizon sur la terrasse de la villa. Sa robe légère d'un blanc immaculé lui donne l'allure d'une déesse. Seuls ses yeux entièrement noirs rappellent sa nature démoniaque. Il n'y a pas un bruit à la ronde, mais une présence familière la tire de ses pensées. Elle sourit.

Carrie: tu rentres bien tôt ce soir, mon amour...

El Verdugo: Oui, j’ai trouvé très vite de quoi me rassasier.

Carrie remarque une petite goutte de sang sur le col de la chemise du Colombien. Elle fronce les sourcils mais ne fait pas de commentaire sur son incapacité à manger proprement...

Carrie: une proie facile, j'imagine...

Elle le toise quelques secondes avec un regard réprobateur puis s'éloigne vers la chambre où se trouve le dressing. Une valise est posée sur le lit, elle commence à la remplir de façon très organisée, tout en continuant à parler.

Carrie: j'ai une affaire importante à conclure, un contrat avec des japonais. ça risque d'être long, alors je dois rester quelques jours là-bas. Je serais de retour avant lundi. Andréas et Eden vont à la pêche avec Maria et Pablo...

Elle enlève sa veste et la jette sur le lit, avant de descendre la fermeture éclair de sa jupe de tailleur.

Le géant desserre sa cravate et s’appuis nonchalamment contre le mur.

El Verdugo: Tu as la peau aussi blanche que ton âme est noire ma chérie. On dit que l’amour peut tuer. Tu m’as tué une fois avec la même arme: Cette valise! Jette la par la fenêtre je ne veux plus jamais en voir!

Carrie: il y a des choses bien plus mortelles qu'une valise... des sous entendus malsains, des mots immondes!

Carrie fait tomber sa jupe. Elle n'est plus qu'en sous-vêtement et jette un œil mauvais vers le colombien, avant de prendre un costume au hasard dans la penderie. Mais quand elle observe la tenue, elle reste sans voix et semble hésiter. La robe rouge écarlate lui rappelle des souvenirs. Elle la remet à sa place en faisant glisser sa main sur le tissu soyeux. Finalement elle prend un autre tailleur gris qu'elle jette sur le lit avant de s'approcher de Rafael.

Carrie: tout ce que tu ne me dis pas me tue chaque jour un peu plus. Le silence creuse un fossé dont je ne peux qu'observer la profondeur, impuissante. Mais tes paroles sont plus cruelles encore. Chaque fois je tente de me convaincre que ce n'est qu'un jeu mesquin, ou bien que tu cherches à te venger. Mais je me mens. Dans nos paroles il y a toujours un fond de vérité, Rafael, et tôt ou tard nous ne pourrons pas empêcher l'inéluctable d'arriver.

La colère a fait place à une émotion toute aussi rare sur le visage de la belle démone. Un mélange de tristesse et de résignation, de gravité aussi.

Carrie: je ne veux pas te perdre. Mais je ne suis pas Meredith. Si tu commets l'irréparable, je sais que la haine m'aveuglera. Je détruirais tout, je brûlerai jusqu'au plus beau souvenir de notre histoire. Et je te détruirai aussi. Ce sera un long cauchemar dont personne ne s'éveillera jamais.

Elle ferme les yeux un instant, envahie par des images de guerre et de cruauté de ses combats dans l'autre Monde. Elle répète comme pour elle-même.

Carrie: je ne veux pas te perdre.

Le colombien va décrocher la robe rouge et la jette sur le lit.

El Verdugo: Je vais t’offenser, offense moi! Je vais te vexer, vexe moi! ,je vais t’outrager, outrage moi! Je t’aimerai à jamais. Aime moi toujours! Je ne te trahirai jamais, je ne trahirai jamais notre amour. Alors oui j’avoue, la goutte de sang provient d’une proie facile. Je l’ai fait souffrir mon amour. Il souffrira encore. Tu l’as choisi, tu es parti avec lui. Chaque jour de son éternité, il hurlera ma mort. Tu m’as tuer mon amour. Il vivra pour éternellement dans la douleur d’un écorché vif. Pétale ne sera jamais Hades, Pétale possède une chose qui me rend dépendant physiquement ce n’est pas son sexe, ce n’est pas sa beauté, bien pâle à coté de la tienne. Je vais prendre quelque chose à Pétale et ce n’est pas se qu’elle donne ou à donné si facilement à la moitié du roster actuel. Pétale n’est qu’un flacon, un contenant. Si j’aime cette pute? Bien sûr que oui! Ais je envie de pourrir lentement à ses cotés? Non! Je veux vivre chaque seconde avec toi, sourire de voir que mon amour l’emporte sur la haine que me procure le souvenir de ta trahison. Entendre Hadès me supplier de le tuer et de bander en songeant que je te baiserai après l’avoir torturé.

El Verdugo d’un revers balance la valise hors du lit.

El Verdugo: ne part pas, ne part plus. Ne bouge plus de ce lit et laisse de mes yeux se dessiner l’envie. Enflammons ce feu de partage et d’ amour. Demande à ce que je brûle chez ton père mais aime moi.Je me livre entre la justice de tes bras, de tes cuisses, de tes lèvres. Trouvons ensemble l’apothéose de nos plaisirs toxiques. La suffocation, cette oxydation de la vie dans nos orgasmes . Laisse moi mourir chaque seconde , allons au-delà de l’amour.

Le colombien se transforme en Vampire.

El Verdugo: Pétale ne doit pas t’inquiéter…Hades non plus, il n’est plus que mon atroce cri de douleur.

Carrie ne dit rien mais ses yeux se troublent et se gorgent de noir, comme la profondeur des ténèbres. La souffrance l'étreint, tout autant qu'une haine puissante mais contenue. Pour lui faire face, elle monte sur le lit qui les séparait et s'apprête à le gifler violemment. Mais Rafael anticipe son geste et emprisonne son poignet.

Carrie : Hadès est mon fardeau, pas le tien ! Il est le père de mon fils et à ce titre je t'ordonne de le libérer ! Tu crois sérieusement que je suis partie avec lui parce que je l'aimais ? Je suis partie et nous avons réglé nos comptes tous les deux. Plus précisément, nos avocats s'en sont chargés. Après quoi je l'ai laissé dans sa villa et j'ai quitté ce monde jusqu'à mon retour. Au cas où tu l'oublierais j'ai des obligations plutôt importantes, là-bas ! Quant à Hadès, mon père doit le libérer de son entité prochainement, et je n'aurais plus de contact avec lui que pour la garde d'Andréas. J'ai compris bien plus tard que ce départ précipité avait été mal interprété. J'ignorais que tu prêtais foi à ces calomnies !

N'étant toujours pas calmée, elle pose un doigt accusateur sur son torse, enfonçant son ongle au travers du tissu.

Carrie : tu es mauvais joueur, Rafael de Vasconcello y San Martin Illiakov ! C'est toi qui a commencé à me provoquer avec les sœurs Orientale il y a longtemps. Et je reconnais que ça marche à chaque fois. Oui cela m'énerve quand une femme manifeste son désir pour toi, et oui ça m'énerve quand tu fais semblant de répondre à leurs attentes ! Tu le sais parfaitement, et tu t'amuses à jouer avec mes nerfs. Alors aujourd'hui je te promets une chose : à chaque provocation je répondrai par une autre ! Puisque tu aimes le jeu, je vais t'en donner. Et pour commencer, je vais accéder à ta demande. Oui je reste, je reste même pour l'éternité ! Et l'éternité, ça peut devenir très long, crois-m....

Elle n'a pas le temps de finir sa phrase qu'elle se retrouve écrasée sous le poids du vampire qui la cloue au lit en l'embrassant sauvagement. Elle tente bien de se débattre, mais il est plus fort, et sa volonté commence à l'abandonner.

Carrie : espèce de salop ! Tu brûleras dans les flammes de l'enfer ! Je te pousserai moi-même s'il le faut !

Elle a beau l'insulter, son corps ne partage pas son avis. Et quand il se fond en elle il n'y a plus que leurs gémissements. Finalement c'est en criant qu'elle rendra les armes.

Carrie : je te déteste... je t'aime.

Une petite interview improvisée à la sortie d'un gala ça vous dit ? Ah nos reporters de la Sow ! Quels héros ! Courageux, opportunistes et provocateurs à leurs heures, ils n'hésitent pas à violer la vie privée de leurs superstars pour obtenir la moindre nouvelle, le scoop du siècle. Mais avant cela, il va falloir s'approcher de la très belle Carrie, qui est apparemment là pour... lever des fonds pour une cause humanitaire ??? euh... WTF !

Salfino est de corvée ce soir. Enfin, la corvée consiste à se promener en smocking avec une coupe de champagne à la main et de sourire aux très jolies filles de l'assemblée. C'est donc un point de vue discutable. Sournoisement il se rapproche de la lutteuse. Il est presque à côté d'elle, quand soudain Howard Murray se tourne vers lui et lui refile sa coupe vide.

Howard : apportez m'en une autre, s'il vous plait.

Salfino est outré et se débarrasse des coupes auprès d'un serveur qui passait justement là.

Phil : Hey, j'suis pas serveur ! Je suis journaliste d'investigation. Et ne faites pas comme si je n'existais pas.

Howard le regarde surpris, et feint d'avoir des remords.

Howard : oh, pardon, je suis navré, je ne vous avais pas reconnu. Il faut dire qu'on vous voit peu en smoking...

Pas très élégant de faire remarquer à Salfino qu'ils n'ont pas les mêmes valeurs, mais bon, on s'en fout. Il se tourne vers Carrie qui est en pleine discussion avec un couple de milliardaires à côté d'eux et lui chuchote quelque chose à l'oreille avant de l'attirer par le bras.

Howard : ma chère, il semble que Monsieur Salfino ait quelques questions à te poser.

Carrie : bonsoir, Phil. Soyez bref je vous prie, je suis très occupée.

Phil : bonsoir Carrie. Je vais essayer. Vous avez sûrement pu entendre la dernière promo des champions par équipe. Qu'est ce que vous en pensez ?

Carrie : qu'ils n'étaient visiblement pas très inspirés. Mais c'est vrai que ce sont des brutes, il ne faut pas trop leur en demander. Ces bêtes là, ça ne réfléchit pas beaucoup.

Elle fait un petit clin d'oeil entendu à Phil qui lui sourit en retour. La belle a l'air bien disposé ce soir, profitons en !

Phil : Andrei prétend que c'est parce que vous vous êtes battus en solo contre eux que vous avez réussi à les battre, mais qu'il en sera autrement en équipe.

Carrie lui sourit gentiment.

Carrie : en solo, en équipe, qu'est ce que cela change ? La Factory les a déjà battu. Lentement. Intimement. Il ne restait plus qu'à mettre les ceintures en jeu et c'est chose faite grâce à Prime. Le temps de l'ère Russian Roulette est dépassé. C'est étrange d'ailleurs ces faveurs accordées par le GM... Rafael est décidément un manager très persuasif.

Phil : donc vous allez réellement vous battre pour les ceintures TT. Je croyais que vous ne convoitiez aucun bien … ici en tout cas.

Carrie : je ne les convoite pas. Mais c'est très impoli de refuser un cadeau, Phil. Prime sait à quel point la Gran Slam peut faire grimper son chiffre et ses stats, Rafael se congratule de nous voir réussir, et Charlie et moi... et bien il faut dire que nous nous accordons plutôt bien sur le ring. Il n'y a pas de manières entre nous. Nous savons pourquoi nous sommes là, nous savons qui nous sommes. Et c'est pour cela que les attaques de Pétale, ou celles de mon ami Edward ne nous feront pas douter.

Phil : Edward pense quand même que vous perdez votre temps dans la Gran Slam, ainsi qu'en accordant du temps à Pétale.

Carrie sourit encore.

Carrie : écoutez, j'adore Edward et il m'est difficile de parler en mal de lui, simplement, qu'il considère que parler à Pétale a au moins autant de sens que de le voir s'acharner dans sa lutte avec Prime. Il faut tourner la page, il faut trouver autre chose à faire. Je n'aime pas Pétale et je préfère lui montrer de l'indifférence. Mais parfois il faut savoir remettre certaines choses en place, afin de ne pas laisser s'installer de non dits. Nous n'avons fait qu'échanger quelques politesses, rien de plus.

Phil : rien d'autre à dire à Edward ?

Carrie : si j'ai quelque chose à lui dire, ne t'inquiète pas, j'irai lui dire en personne.

Phil : s'il vous plait, pour les auditeurs ! Ils aiment les scoops !

Carrie : okay. Edward, arrête de faire ton boudeur. Viens avec nous et oublie Prime et Sylvain ! Au passage, passe chercher Darkside et sa troupe de foire, et tant que tu y es, essaye de convaincre Tim.

Phil : vous vous moquez de moi...

Carrie prend un air faussement offensé :

Carrie : moi ? Ce n'est pas mon genre ! Trêve de plaisanterie, Phil, mais je pense que tous ces gens perdent leur temps. Seuls, nous sommes forts et nous avons bien sur beaucoup de possibilité. Ensemble, nous serions indestructibles !

Phil : mais la plupart d'entre vous ne peuvent même pas se blairer !

Carrie se met à rire.

Carrie : c'est justement là qu'est tout l'intérêt ! Quelle exaltation de lire de la haine dans le regard de son partenaire, mais de continuer à lutter à ses côtés ! Je peux vous assurer qu'il n'y a pas meilleur moteur dans le cœur d'un homme que d'avoir envie de surpasser son voisin ! Ce sanctuaire est blindé de testostérones !

Phil : et vous, qu'est ce qui vous excite dans cette compétition ? Le chaos ?

Carrie : Le chaos est déjà présent à la SOW. Tout le monde tape sur tout le monde, sans savoir ce qu'il veut vraiment. Moi je veux attiser le désir de mes ennemis. Je veux qu'ils me haïssent quand ils m'affrontent. Je veux qu'ils s'offrent à moi, en sacrifice. Je veux rassurer tous les lutteurs qui hésitent à nous rejoindre : non, il n'y a pas de contrat, pas de « pacte ». Il n'y a qu'une obligation dans la Gran Slam : libérer vos âmes de toute entrave. Déchaînez vous ! Combattez dans la violence et dans la haine ! Et quand vous ferez cela, vous le ferez pour vous et pas pour la Factory !

Phil : en d'autre terme, c'est une mutualisation des capacités de chacun ? Un pour un et tous pour tous ? C'est très moderne comme concept non ?

Carrie : et qu'espériez vous ? Une énième équipe renversant un énième GM, tout cela pour recommencer encore et encore les mêmes erreurs ? Vous auriez voulu que la GSF révolutionne la SOW ? Pour qui, pour quoi ? Tout le monde se complaît dans celle-ci, le seul bémol, c'est le manque d'attrait des titres, le manque de compétition. La SOW a besoin d'être secouée, elle a besoin d'être poussé vers l'avant. Aucune des équipes ici n'est capable d'un tel exploit.

Phil : à part vous ?

Carrie : oui. Charlie et moi allons prendre ces titres par équipe. Nous allons redonner l'envie à d'autres équipes de venir les chercher. Nous allons les faire languir. Un mois. Deux mois. Six mois. Et puis quand nous serons las, nous donnerons les ceintures aux meilleurs d'entre eux. Et puis nous irons chercher d'autres titres. Avec ceux qui auront fait le choix de nous rejoindre. Nous nous affronterons s'il le faut. Dans la haine et dans la violence, car faire moins serait irrespectueux.

Howard attire l'attention de Carrie. Elle regarde Phil Salfino et termine.

Phil : c'est important pour vous n'est ce pas ?

Carrie : quoi donc ?

Phil : l'honneur.

Carrie : plutôt mourir que de ne pas en avoir.

Sur ces mots, elle s'éloigne et rejoint Howard qui lui tend une coupe de champagne.

Murray retourne au bureau tard dans la soirée après un repas d'affaires. Quelques points dans un dossier l’obsèdent et il sent qu’il n’aura la paix que lorsqu'il aura entièrement revérifié les moindres détails. Lorsqu’il sort de l’ascenseur qui le mène à son bureau, il sent immédiatement une sensation familière. Une présence, qui pourrait être considérée comme malveillante par beaucoup d’humains. Mais lui a appris à s’y habituer. Il sait qu’elle ne lui veut aucun mal, qu’elle lui porte une certaine forme d’affection. Quand il pénétre dans son bureau, il lui faut un temps pour que ses yeux se fassent à l’obscurité. Il n’y a pas un bruit. Pas une respiration, pas un mouvement. Mais il sait qu’Elle est là. C’est d’ailleurs Elle qui prend la parole en premier, de sa voix grave et sensuelle.

Carrie : C’est une heure bien tardive pour travailler…

Howard: On ne devient pas milliardaire en délégant les dossiers les plus importants. Mais tu sais tout cela.

La petite lampe de son bureau s’allume comme par magie. En réalité il n’en est rien. Carrie est assise dans le fauteuil en cuir, la main sur l'interrupteur. La fatigue de Murray ne lui échappe pas.

Carrie : Depuis quand n’as-tu pas fait une nuit complète ?

Howard: Tu n’es pas venue pour m’apporter des somnifères je suppose. Qu’est ce qui t’amène ?

Carrie fronce les sourcils et perd son sourire.

Carrie : Quelle agressivité ! Que t’ai-je donc fait pour que tu m’accueilles ainsi ? Je t’ai ramené un titre, un peu de gloire et de reconnaissance! N’est-ce pas ce que vous, humains, attendez le plus de votre vie ? N'était ce pas notre marché, notre contrat? Ta récompense?

Loin de se démonter devant le mépris non dissimulé par la démone, Murray rétorque aussitôt.

Howard: Bravo ! Tu es championne par équipe, tu transmettras toutes mes félicitations à ton cher fiancé vampire, c’est bien lui qu’il faut remercier, non ? A ton avis, il fait ça pour lui ou pour toi ? Pour les deux peut être ? Pour la rouquine ? Ça t’a traversé l’esprit que, peut-être, tout cela n’était pas tout à fait désintéressé ? Ou bien tu le sais déjà, et tu t’en fous? Ouais. Je pense que c’est ça! Tu t'en fous, tout ça t'amuse, tu te moques bien de tout ce qui peut arriver aux autres et tu t'amuses à leurs dépends!

Carrie se lève et s’approche de lui doucement. Il est bien difficile de savoir quelles émotions la traversent, mais son visage a l’air tourmenté. Cependant sa voix ne laisse rien percevoir de son agitation intérieure.

Carrie : non je ne m’en fous pas, Howard. Je suis même particulièrement attentive à tout ce qui se passe autour de moi. A la fois avec l’arrivée des nouvelles équipes, comme les Youg N'Younger, les alliances qui se font entre des lutteurs déjà présents ou bien les anciennes équipes comme le Triumvirat, le Bestiaire. J’observe. J’attends. Et tu sais toi-même que c’est la seule attitude à adopter. L’impulsivité n’est pas dans ma nature.

Le calme de sa voix et la sagesse de ses paroles semblent détendre le milliardaire. Celui-ci s’éloigne vers le mini bar en acajou et remplit deux verres d’un cognac dont on devine la qualité. Il revient et lui tend un verre, qu’elle prend avec grâce avant de se positionner devant la baie vitrée. Les lumières de la ville scintillent dans la nuit, en bas du gratte-ciel défilent de minuscules véhicules. Howard la rejoint.

Howard : tu es inquiète n’est-ce pas ? Je ressens des ondes dont je ne peux déterminer l’origine. Elles viennent de toi ?

Carrie reste silencieuse quelques secondes, puis les traits de son visage se détendent. Howard subit le même effet.

Carrie : pardonne moi, je ne pensais pas que tu le ressentirais.

Devant le regard interloqué de son ami, Carrie s’explique.

Carrie : c’est vrai je suis contrariée. Mais je ne peux me laisser aller n’importe où. Mes pouvoirs sont grands aussi je dois m’éloigner suffisamment pour ne pas inquiéter mes proches. Mes enfants surtout.

Howard : tu veux les préserver ?

Carrie : pour l’instant. Un jour leurs pouvoirs vont se révéler à eux. Très prochainement. Mais je ne leur cacherais rien de leur nature, de l’immensité de leur responsabilité.

Howard : pourquoi es-tu contrariée alors ? A cause de ces nouvelles équipes ? Tu crains une remise en jeu du titre ?

Carrie lui sourit.

Carrie : ce n’est pas à l’ordre du jour. Non. Prime a envie de faire monter la pression crescendo. L’opportunité est trop belle pour qu’il la gaspille ainsi. Il va provoquer beaucoup de combats pour tester toutes les combinaisons possibles, et alors, enfin, il remettra les titres en jeu. En cela je suis plutôt d’accord avec lui.

Howard : même s’il privilégie sa propre progéniture ? Le Triumvirat ?

Carrie : bien sûr qu’il le fera. Il serait idiot de ne pas le faire. Mais il commettra sa plus grosse erreur envers son fils. Il n’est jamais de bonne augure de voir un fils travailler près de son père. Tu as commis cette erreur toi aussi.

Les yeux noirs d’Howard brillent de colère. L’évocation de ces moments douloureux est plutôt cruelle, venant d’elle surtout, qui n'ignore rien de sa vie. Carrie s’aperçoit qu’elle a touché un point sensible et prend sa main dans la sienne.

Carrie : pardonne-moi. C’était maladroit de ma part. Je veux juste dire que son amour pour Sylvain le pousse à lui offrir tout ce qu’il peut. C’est humain. Malheureusement son fils en souffrira, car il sera vu comme son sous fifre.

Sans dégager sa main, il vide son verre d’un trait et le pose sur le bureau.

Howard : Green, toi et tous ceux qui vous rejoindront dans la Gran Slam Factory, souffrirez de la même façon. Vos adversaires vous cataloguent déjà comme ses marionnettes. C’est à cela que tu aspires, toi, la Reine de l’Autre Monde ? Tu veux te pendre à son cou, comme Pétale, même si c’est contre sa volonté ?

Les dents pointues de Carrie grincent soudainement en un bruit strident. Ses yeux s’emplissent de noir et de fines veines de la même couleur se dessinent sur son visage et ses bras.

Carrie : je ne suis pas comme elle, Howard! Ne commets pas l’erreur de nous comparer. Les vampires ont une soif de sang qu’ils ne peuvent contrôler, même s’ils prétendent souvent le contraire. C’est par cela que Rafael la tient sous son contrôle, et peut être est-il dépendant de son sang également. Je ne suis pas comme eux ! Je n’ai pas besoin de sang pour évoluer, pas besoin de sang pour lire dans leurs pensées ! Pas besoin de sang pour vivre, tout simplement ! Je ne cherche pas le contrôle, la gloire ou la richesse ! Tout cela m’indiffère et m’ennuie ! Qu’ils se goinfrent de sang et de chair s’ils le veulent, se vautrent dans des draps souillés empestant la sueur et le sexe, qu’ils se battent, s’aiment ou se haïssent si tel est leur bon vouloir ! Tout cela est dégradant et répugnant!

Les yeux d’Howard étincellent, il est furieux. Il ne comprend pas.

Howard : mais alors qu’est-ce que tu veux ! Dis le moi ! Qu’est ce qui te retient ici ! Tu disais que tu n’étais là que pour lui, et pourtant tu te moques pas mal qu’il se fourvoie avec une autre, tu ne cherches même pas à contrarier ses plans ! Tu tolères qu’il intervienne dans tes matchs, qu’il te vole ta ceinture ! Tu te laisses même battre par Pétale ! Qu’est-ce que tu essaies de faire ! Pourquoi restes tu avec eux si tu les méprises autant, si leur comportement te dégoute à ce point!

La colère abandonne le visage de Carrie aussi vite qu’elle était arrivée. Elle lève sa main droite et la pose avec tendresse sur la joue de son ami.

Carrie : je te l'ai dit: j’observe. J’écoute. Quand le moment sera venu, tout s’éclairera. Tu comprendras. Ils comprendront tous. Ne t’en fais pas pour moi, je n’ai ni peur, ni tristesse dans mon cœur. Ces sentiments ne sont que de vagues interprétations pour moi, tu sais ? Est-ce qu’un démon est capable de ressentir autre chose que de la haine ? De la colère ? Sans aucun doute. Mais pour moi, tout ceci est comme… étouffé, distant. Comme si je vivais ces émotions à travers les autres. Quand je suis dans le ring, je ressens l’ambition, la détermination, la colère… l’amertume parfois. Ces sentiments viennent de mes adversaires, je les absorbe ou je les laisse simplement me traverser. Quand je suis avec Rafael, je ressens l’amour, la dépendance, l’obsession, le désir. Il me terrasse car il est lui-même anéanti par cette passion. Quand je suis avec Eden et Andréas, je ressens l’amour, l’émerveillement, l’étonnement, la joie, je vis ! Toutes ces émotions, ce panel de sentiments ne sont pas les miens mais seulement le reflet de mes proches, de mes ennemis. Plus ils m’aiment et plus je le leur rends. Plus ils me détestent, plus je les hais. Je suis comme un miroir qui renvoie le meilleur comme le pire.

Howard : et quand tu es avec moi, que ressens tu ?

La démone ne dit plus rien. Elle se contente de regarder ce bel homme brun, au costume impeccable et aux yeux noisette qui la défie du regard.

Carrie : en ce moment ?

Howard : en ce moment, oui.

Elle rit, l’embrasse et s’éloigne vers la porte.

Carrie : que j’ai très envie de faire du shopping !

Il éclate de rire devant sa mauvaise foi manifeste.

Howard : il est 23 heures !

Carrie : je suis un démon ! Je n’ai pas besoin de respecter les horaires de fermeture des boutiques !

Elle quitte le bureau sur cette note de gaité, et sans savoir pourquoi, Howard se sent plus léger. Il fait le tour du bureau et ouvre son dossier.

La caméra s'allume et aussitôt, l'image est centré sur le visage de Carrie. Le film est tourné dans la pénombre, son visage d'un blanc immaculé tranche avec l'obscurité. Mais elle est en mouvement, elle marche à reculons.

Carrie: mes chers téléspectateurs, je vous ai réuni ici pour rendre un dernier hommage à votre grande championne, Pétale Orientale.

On entend quelqu'un derrière chuchoter "mais elle n'est pas morte!", mais Carrie poursuit comme si de rien.

Carrie: Pétale était ce que les humains appellent une légende. C'est une personne très connue qui enchaînent les titres et les matchs d'anthologie. Elle faisait partie d'un groupe d'individus très select, une espèce en voie de disparition. Un par un ils disparaissent, chacun à sa façon. Parfois dans l'anonymat le plus total, ou pour certains dont l'égo est surdimensionné, ils s'accrochent désespérément à la lumière, sans vraiment se rendre compte qu'ils deviennent pathétiques, ennuyants, ridicules. Bref, c'était le cas de notre chère Pétale. Étincelante et rafraîchissante petite rousse à ses débuts, pas très farouche et surtout déjantée, elle a vite réussi à faire sa place dans le milieu. Il faut dire qu'essayer d'ignorer Pétale, c'est mission impossible. Imaginer une petite rouquine entourée de quinze mille panneaux clignotants, dix avertisseurs sonores, qui s'évertue à beugler "regardez moi! je suis là! aimez moi!"

Carrie a un petit sourire méprisant.

Carrie: ... vouloir être aimé et faire semblant de ne pas être touché par l'indifférence. Quel paradoxe étonnant! Pétale est... était un oiseau des îles remarquable. Une petite touche d'excentricité parmi une foule de mâles bodybuildés machistes. Comment n'aurait elle pas réussi à percer dans le milieu?  Je vous passe la manière dont elle a bien pu convaincre à ses débuts, tout le monde connaît cette histoire. Non, moi ce qui m'intéresse, c'est pourquoi elle est restée une des favorites, une régulière, aussi longtemps.

La caméra semble plonger dans un trou, mais le cameraman se remet sur ses pieds en jurant.

Carrie: oups, désolée, y avait un trou.

Elle n'a pas l'air si désolée que ça.  

Carrie: c'est pas évident, vous savez, d'être une femme dans un milieu masculin. Mais on s'y fait à force. On devient la petite chouchoute, la préférée. Bien sur, on doit affronter chacun d'entre eux. Parfois, on se fait des ennemis. Mais en régle générale, c'est plutôt cool d'être cette femme, cette petite exception au roster. D'autant plus que question sexe, y a que l'embarras du choix, et les mecs ... restent des mecs. Si bien qu'au fil des années, bien installée dans son confort de princesse, notre Pétale a fini par s'habituer à sa condition privilégiée. Il y a eu peu de concurrence féminines. Leur présence furtive n'a pas dérangé notre légende. Comment auraient elles pu ne serait ce que se faire une place? Pétale a rempli tout l'espace dont elles auraient eu besoin. Innondé les écrans de ses images et ses promos. Comblé tous les vides de sa présence "bienveillante"... Elles n'avaient aucune chance. Aucune. Adieu les Fourecks, Santa Maria, Elena Irons, Angie, et tant d'autres. Il n'y avait pas de place pour vous à la SOW mes chéries. Pétale, la grande Pétale était là pour ses fans, pour ses amis. Mais il n'y avait pas d'espace pour d'autres femmes, pas de place pour la concurrence. N'est ce pas ce qu'elle a dit de moi à mon retour? Je cite "tuer dans l'œuf le mythe de la grande et puissante Carrie".... mais... je suis toujours là.

Carrie s'est arrêtée de marcher. On distingue derrière elle une espèce d'autel. Des centaines de roses rouges sont déposées en vrac dessus.

Carrie : voyez déjà comment elle balaye sa nouvelle concurrente, d'un banal revers de la main, en se disant que ce n'est qu'une petite épine dans son pied. Mais non Pétale, cette fois tu vas devoir faire avec. J'ai quelques raisons qui me retiennent ici pour l'instant, alors tant que mes projets à moi ne seront pas arrivés à leurs termes, tu vas devoir t'accommoder de ma présence. Tu vas devoir t'habituer à voir une autre femme sur le devant de la scène. Tu vas devoir t'habituer à voir cette femme être aimée et aimer en retour. Qui sait, je ne sais pas encore le faire, mais cela viendra peut être. Peut être que j'en suis capable, après tout.

Elle n'a pas l'air d'y croire vraiment, mais cette idée semble l'amuser, elle sourit.

Carrie: une chose est sure, c'est que ce combat, et tous ceux que nous devons faire sont décidés par ton cher ami Prime. Pourquoi donc? S'il avait voulu me punir (de quoi donc, je vous le demande bien), il aurait trouvé une petite stipulation pour tenter de me mettre en difficulté. Alors que là, j'ai bien l'impression qu'il voit cette rencontre comme un moyen très sur de se faire de l'argent. C'est bien, c'est beau. Belle façon de récompenser son ex pour les services rendus. Tu sais Pétale, si tu t'emmerdes, tu peux toujours rester chez toi ce soir-là. Tu peux même ne pas revenir. Personnellement, que tu sois là ou pas, ça ne changera rien au final. Ce n'est pas la victoire que je cherche. Je voudrais simplement montrer au public que si tu as réussi à devenir celle que l'on sait, c'est bien parce que tu n'avais pas de concurrente. Les hommes t'ont fait une place parce que c'est dans l'air du temps, et puis ça change un peu des clichés habituels. Mais à présent, il est temps que tu trouves ta place dans un coin et que tu laisses un peu les nouvelles recrues s'épanouir. En seras-tu capable Pétale? Tu vas me dire que tu l'as fait avec Sarah. Mais Sarah est comme une prolongation de toi. ça ne compte pas. Pourrais tu t'effacer, t'effacer vraiment, devant quelqu'un d'autre que ton reflet?

Elle fait une moue sévère.

Carrie: j'en doute vraiment. Le seul carburant de votre Pétale Orientale, c'est sa gloire personnelle, son ego. Dès que vous commencez à l'oublier, elle ressurgit de l'ombre pour briller une nouvelle fois. Disparaître de la scène, pour elle c'est disparaître tout court. Il lui faut son plein d'amour, son plein de reconnaissance.

Puis soudain elle fait un geste de la main et une forte bourrasque débarrasse l'autel des roses qui s'envolent tout autour d'eux.

Carrie: je vais lui apporter tout cela. Je promets qu'à chaque coups de poings, qu'à chaque claque dans sa face, je le ferai avec tout l'amour dont je suis capable. Je promets que je lui ferai honneur, en la traînant sur le sol par les cheveux dans ce ring princier, et parmi le public si elle le veut. Je promets qu'elle souffrira quand je la plierai en quatre, ou en huit, si elle le préfère.

Elle sourit de toutes ses dents (nombreuses, pointues et très blanches).

Carrie: mais je ne suis pas un monstre, pas de ce genre en tout cas. Je promets que je lui laisserai une petite partie du butin. Elle brillera par moment elle aussi, comme une étoile filante. Et puis quand tout sera fini, quand j'aurais estimé qu'il est temps, je briserai sa gloire et l'abandonnerai là à son désarroi. Vous savez, Pétale, comme beaucoup de légendes, oublie parfois que sans grand adversaire, il n'y a pas de grand match. La lutte est une discipline qui se danse à deux. Mais il est encore bien tôt, le bal ne fait que commencer.

Sur ces mots, la jeune femme fait une révérence très théâtrale dans une robe de bal blanche déchirée en lambeaux, tâchée de sang, et la caméra se coupe. Pas assez tôt pour dissimuler un horrible hurlement.

Dans la pénombre on distingue une silhouette féminine assise face à un miroir, mais il fait trop sombre pour deviner de qui il s’agit. On perçoit seulement le bruit d’une paire de ciseaux qui découpe quelque chose, puis on pose l’outil sur le rebord de la coiffeuse. S’en suit un étrange bruissement, comme de la peau que l’on arrache d’un cadavre. Enfin, la femme plonge ses mains dans une petite bassine d’eau et humidifie son visage. Durant quelques minutes, elle murmure des incantations dans une langue inconnue. Au sol, les morceaux de peau et de cheveux se dématérialisent.

La jeune femme se lève et se dirige vers la fenêtre de la loge, et son visage très abîmé apparait partiellement, éclairé par une lune rousse.

Carrie : Russian Roulette... Quel étrange nom vous avez choisi là... La roulette russe est un jeu dangereux. Vous vous y adonnez avec insouciance en ce moment même. Et je le comprends. Jusqu’ici, vous n’avez eu personne pour réellement vous inquiéter. Personne à craindre ou à détester. Mais je vais vous donner cette opportunité.

Vous avez agi comme des lâches en attaquant dans mon dos, pour la deuxième fois. Je pourrais vous en vouloir. Mais grâce à vous, j’ai connu l’embrasement. Le tout premier de ma carrière. Vous m’avez fait vivre une expérience unique dont on ne revient pas indemne. J’ai été brûlée, défigurée, brisée. J’ai ressenti la souffrance et la peur! La souffrance et la peur... Ses émotions, je les croyais inaccessibles pour une créature telle que moi. A vrai dire, je croyais être dénuée de toute émotion quelle qu’elle soit. Et soudain, me voici parcourue par des picotements, qui se transforment en douleurs aiguës!

Dans l'obscurité, on devine qu'elle plisse les yeux.

Enfin, je crois que c'est comme cela que ça s'appelle. Des douleurs, comme si on nous enfonçait des lames dans le corps... Très vite c’est devenu si violent que j’ai bien cru défaillir. Et puis cette chaleur, brûlante, aveuglante! Je me suis sentie seule, à cet instant. Il faisait si chaud, et pourtant j'étais parcourue par une multitude de frissons, je ne sentais plus mes membres. Je ne voyais plus que des flammes. C’est là que l’on découvre son vrai visage, le véritable courage. La détermination. Alors que j'aurais pu me laisser aller, que j'aurais pu sombrer, j’ai refait surface. Quelque chose en moi a ressurgi.

Elle se tait un moment, comme étonnée par cette sensation.

Certes Pétale a gagné ce combat grâce à vous, notre affrontement à toutes les deux n’est que partie remise. Nos chemins se séparent temporairement, mais très bientôt nous nous retrouverons, et nous repousserons nos limites au-delà de l’extrême. Elle aimera cela, je le sais. Et curieusement, je crois que j’y prendrai goût également.

Mais revenons à nos chers ennemis. Vous avez éveillé chez moi une certaine curiosité. Vous les armoires à glace, les forces de la nature, ceux qui se décrivent comme les seuls et uniques champions méritant ce titre! Vous qui pourriez assumer vos actes et vous battre comme des hommes sur un ring, vous préférez les techniques illégales, les interventions sournoises. Pourquoi donc ? Pour prouver que seuls nous sommes moins puissants qu’à trois ? Était-ce besoin de le préciser ? Bien entendu qu’à vous deux vous pouvez me briser, m’écraser, m’enfouir à dix pieds sous terre! Mais nous trois en même temps? Nous deux, juste Charlie et moi? Serait-ce le courage qui vous manque ? La peur d’être à nouveau humiliés par la nouvelle équipe puissante de la SOW ? Vous vouliez prouver que nous ne sommes pas assez soudés pour vous combattre, pour mériter ce titre de champions ? Soudés pour quoi faire? Qui ici serait assez hypocrite pour prétendre qu'il laisserait qui que ce soit marcher sur son territoire, prendre une ceinture qu'il convoitait? Vous les russes? Vous pourriez me dire les yeux dans les yeux, me jurer sur la tête de l'infâme catin qui vous a engendré, que chacun d'entre vous se sacrifierait pour l'autre? FOUTAISES! Vous n'êtes que deux putains d'égoïstes de plus dans ce monde de traîtres. Au moins entre nous il n'y a pas d'escroquerie. Nous sommes tous prêts à nous combattre les uns et les autres. Nous nous connaissons par cœur! Il n'y a pas de doutes entre nous! Nous savons à quoi nous attendre!

Mais pour vous, ce n’est que reculer pour mieux sauter! Car vous pourriez bien nous enterrer chacun de notre côté, nous renaîtrons de nos cendres comme je suis revenue ce soir. Rien de ce que vous pourrez faire ne nous arrêtera. Vous n’avez fait qu’attirer notre attention sur vous. A présent, nos yeux sont braqués sur nos proies. Vous parlez de cibles ? Devinez qui est notre nouveau gibier préféré ?! Vous avez suscité l’intérêt de prédateurs, de créatures qui ne vivent que pour la chasse et la guerre!

A présent, il n’y aura nul lieu où vous cacher, nulle crevasse où vous dissimuler ! Nous serons dans chaque coin obscur, dans chaque angle mort, nous vous pourchasserons chaque heure, chaque minute, chaque seconde! Félicitations, vous avez obtenu ce que vous souhaitiez : devenir l’équipe à battre, selon vos propres termes! Mais cela ne s’arrêtera pas là... Plus que vous battre, nous allons jouer avec vous, avec vos nerfs. Nous allons vous fatiguer, nous allons vous rendre fous! Vous ignorer puis vous provoquer! Vous laisser croire que vous gagnez, pour mieux vous écraser ensuite! A chaque fois que vous penserez nous avoir vaincu, nous nous relèverons, et nous nous réjouirons de voir sur vos faces de slaves la déception et le doute ! Pas parce que vous êtes de potentiels challengers aux titres TT, non… parce que maintenant, nous sommes en chasse!

Son regard est d’un éclat effrayant. Son visage s’est régénéré et ses cheveux ont repoussé. Un petit sourire qui n’augure rien de bon s’est dessiné sur ses lèvres. La vidéo s’achève sur cette promesse de représailles.

La télévision diffuse la dernière promo d’Edward Blackbuerry. Carrie est debout devant le grand écran, pantalon et veste en cuir, talons XL et sourire aux lèvres. Elle écoute avec attention. Derrière elle, on peut voir les enfants jouer avec les statuettes représentant leurs lutteurs favoris. Andréas a choisi Blackbuerry justement, tandis qu’Eden joue avec l’effigie de son père, Verdugo. Celui-ci n’est pas dans le cadre de la caméra, tout ceci se passe dans les coulisses de la SOW.

A la fin de la promo, la jeune femme éteint l’écran et sourit malicieusement.

Carrie : je t'attendrai Edward !

Eden redresse la tête et s’adresse à sa mère.

Eden : maman, pourquoi Edward il dit qu’il va venir pour toi ? Tu crois que c’est pour t’aider ou pour te combattre ?

Carrie : qui sait ? Edward est imprévisible, ma chérie.

Eden : tu l’aimes bien ?

Carrie reste un moment silencieuse et regarde autour d’elle.

Carrie : bien sûr, c’est un lutteur courageux et il a beaucoup de talent.

Eden : plus de talent que papa ?

Carrie se met à rire gentiment.

Carrie : ce n’est pas comparable ma chérie. Ils n’ont pas la même façon de combattre.

Eden : mouais…

Andréas, qui était concentré par une prise qu’il s’appliquait à faire reproduire à sa figurine, sort de sa réserve pour exprimer son admiration.

Andréas : papa c’était le meilleur quand il luttait avec toi maman ! Mais maintenant, je crois qu’Edward serait un partenaire encore plus fort et plus amusant !

Carrie : j’ai déjà un partenaire mon cœur. Charlie est très fort. Et puis Rafael est là aussi.

Andréas : Rafael n’est plus lutteur, comme papa. Et Charlie, c’est un solitaire. Même s’il t’aide des fois pour conserver les ceintures, il ne sera jamais aussi malin qu’Edward. Et puis Edward, il t’aime bien, ça se voit. Alors s’il était sur le ring avec toi, il casserait la figure à tout le monde, même aux Russian Roulette ! Personne n’oserait plus t’approcher !

Carrie rit de plus belle devant l’admiration de son fils pour le lutteur.

Carrie : tu as l’air de beaucoup l’apprécier on dirait. Mais tu sais mon chéri, si plus personne n’ose m’approcher, il n’y aura plus de match, et je serai triste de ne plus avoir d’adversaire.

Eden : qu’est ce que t’es bête Andréas ! Papa il veille déjà sur maman, sauf que les russes ils ont triché. Mais Papa il est russe lui aussi, et il va les démonter ! Dès qu’il aura l’occasion, il va leur faire regretter d’avoir tapé sur lui et sur maman!

Andréas : c'est toi qu'es bête ! C’est quand même bizarre que les seuls à se faire tabasser c’est maman et ton père! Il était où Charlie à ce moment-là ? Si ça se trouve, c’est lui qui a payé les russes pour taper Rafael et jeter maman à travers les tables enflammées ! Tout ça pour avoir les ceintures pour lui tout seul!

Sur ces mots Carrie reste comme figée. Elle regarde ses enfants se disputer au sujet de la Gran Slam et de ses membres, mais ses pensées sont ailleurs désormais. Sans rien dire, elle quitte la pièce. Maria prend le relais et surveille les petits en leur préparant leur goûter.

Carrie est occupée à travailler dans une salle de réunion avec plusieurs collaborateurs. Depuis plusieurs années elle fait partie des actionnaires de certaines entreprises dirigées par Howard, et pour certaines d’entre elles, elle ne se contente pas de récolter ses indemnités à la fin de l’année. C’est une redoutable femme d’affaires, en plus d’être terriblement belle dans son tailleur signé Karl Lagerfeld. Lorsque la réunion est terminée, tout le monde quitte la pièce sauf elle et une secrétaire, qui se dépêche de récupérer les documents laissés sur les tables avant de quitter les lieux. Carrie est encore plongée dans son dossier et prend quelques notes, concentrée sur son affaire. La voix d’Howard la tire de ses réflexions.

Howard : as-tu déjeuné ?

Carrie relève la tête et l’observe avant de répondre.

Carrie : non, et il est quinze heures, je dinerai un peu plus tôt ce soir.

Howard rappelle la secrétaire et lui demande de faire livrer deux plats par l’un de ses amis traiteurs, juste un brunch, quelque chose de léger.

Howard : tu as oublié que tu vas bientôt avoir un match important ? Tu vas devoir conserver les ceintures, avec l’aide de Charlie.

Carrie dépose son stylo et rejette son dos en arrière, pour s’appuyer contre le dossier du fauteuil.

Carrie : à quoi bon ? A quoi me servent-ils ?

Howard : c’est ce que tu m’as dit avant de les remporter. Tu ne veux pas de titres, mais tu ne pourras pas empêcher les dirigeants de te mettre dans la compétition. Tu ne peux pas rester en retrait éternellement.

Carrie : j’aime ma tranquillité.

Howard : Oh oui, ça je le sais bien. Mais si tu l’aimais tant, tu prendrais la direction de cette entreprise et tu en tirerais tous les bénéfices, au lieu de te contenter de quelques miettes.

Carrie lui sourit.

Carrie : es-tu en train de me faire une offre, Howard ?

Sourire rendu.

Howard : ça se pourrait bien ! Mais ce n’était pas le sujet. Je me pose pas mal de questions à ton sujet depuis quelques temps…

Carrie : tu es bien le seul…

Carrie fait allusion au peu de messages qui lui sont adressés de la part de ses collègues, mais semble le prendre avec un certain amusement.

Howard : mmm… en effet, mais on va dire que tu leur fais peur… l’une des premières questions est : pourquoi ne pas vouloir de titres au juste ? Tu en as eu, seule ou avec Hadès, c’était sympa, non ?

Carrie : sympa… ce n’est pas le mot que j’aurais employé. Disons qu’il y avait des avantages et des inconvénients. Ceux-ci pesant plus lourds sur la balance.

Howard tire une chaise vers lui et s’installe en face d’elle.

Howard : raconte-moi.

Carrie : tout d’abord, tu deviens le centre de toutes les attentions, tu es harcelée par les médias, dans ta vie privée comme dans ta vie publique. Ils n’ont de respect pour rien. J’en ai même surpris un qui tentait de se glisser dans la chambre de mes enfants. Je ne sais pas ce qu’il avait l’intention de faire, ni ce que Rafael en a fait, mais je suis certaine qu’on ne le reverra jamais.

Howard : le contraire m’aurait étonné…

Carrie : ensuite, c’est le manque de compétition qui m’a le plus dérangé. Sitôt le titre en poche, les challengers se font rares. C’est comme si nos adversaires se doutaient qu’ils n’avaient aucune chance, et baissaient les bras avant même d’avoir essayé. Tu sais que certains titres ont même étaient supprimés, faute de compétiteurs ? C’est tellement dommage. La division TT est l’une des plus intéressantes dans toutes les fédérations que j’ai côtoyé. Se battre seul contre un adversaire, ou plusieurs même, c’est simple. C’est une opération avec peu d’imprévus. Par contre, travailler sur le ring avec quelqu’un, cela demande plus de concentration, plus d’expérience. On l’a vu encore récemment avec Sylvain. C’est un très bon lutteur, mais il a perdu dans un match où nous partions pourtant favorables ! Je le lui en veux pas. Dans ce genre de match, c’est très difficile de surveiller ses arrières et d’assurer jusqu’au bout.

Howard : tu aimerais que d’autres équipes réclament le titre ?

Carrie : bien sûr ! On s’emmerde à mourir avec les frères russes ! Plus on est de fous… Il y a beaucoup d’équipes actuellement. Pourquoi ne pas mettre les ceintures en jeu à chaque combat ? Pourquoi ne pas les mettre en jeu en 24/7, comme ce fut le cas pour le titre Hardcore ? Pourquoi ne pas faire de tournois ? J’en sais rien, ce n’est pas les options qui manquent ! Au lieu de ça, Prime s’amuse à faire des équipes avec des solistes et séparent les vraies équipes. On fonctionne à l’envers, c’est contre-productif ! Alors qu’on pourrait avoir une montée en puissance de ces toutes jeunes recrues, on s’obstine à créer des matchs de PPV qui n’ont ni queue ni tête !

Howard : c’est peut être un test ?

Carrie : pour tester quoi ? Les combinaisons possibles pour gagner plus d’audimat ? Pourquoi on nous force à nous battre avec des gens avec qui on a strictement rien à faire ? Ça rimait à quoi de me faire combattre aux côtés de Methodcobra et Sylvain ? Et ces commentaires à deux balles où on nous cite comme une équipe de « face » ?! J’ai une gueule de face moi ?

Elle a l’air un petit peu remontée soudainement.

Howard : c’est peut être ce que Prime aimerait, qui sait…

Carrie : qu’il aille se faire voir, je ne suis pas là pour satisfaire ses caprices !

Howard lui sourit gentiment.

Howard : dommage… j’aurais bien aimé moi te voir en super héroïne sauvant les pauvres innocents et se battant contre les supers vilains…

Carrie : on est pas dans une fiction Howard !

Mais elle sourit à cette idée.

Carrie : ça ferait tellement cliché…. Nan…. J’ai pas envie de faire ma Pétale !

Elle chasse l’idée d’un geste de la main.

Howard : avoue que t’aurais préféré être avec l’autre équipe alors…

Carrie : j’m’en cache pas ! Il ne faut surtout pas sous-estimer le Bestiaire, Howard. Il y a beaucoup de gens qui préfèrent se voiler la face, mais très bientôt ils vont se heurter avec la réalité. Darkside prend son temps. Mais même si son action est longue, elle arrivera à son terme. Je le connais assez pour savoir cela.

Howard : je ne vois vraiment pas pourquoi tu admires ce type. J’te rappelle qu’il veut exterminer l’espèce humaine, et j’en fais encore partie j’te signale.

Carrie lui sourit.

Carrie : nous avons un passé très proche tous les deux, mais nous avons évolué très différemment.

Howard : c’est un de tes ex ?

Elle éclate de rire en rejetant la tête en arrière. Quand elle finit par se calmer, elle a encore les larmes aux yeux.

Carrie : non, non ! Nous avons … de la famille en commun seulement. Moi avec Darkside ! Tu es fou ! Ce n’est pas vraiment le genre de créatures à … fréquenter quelqu’un.

Howard : tu me rassures. Je ne sais pas pourquoi, je m’imaginais que tu avais pu t’enticher d’un être aussi sombre et machiavélique.

Carrie : les êtres sombres et machiavéliques sont les plus grands solitaires qui soient. Ils sont incapables de faire confiance et d’aimer. Pas besoin d’être devin pour savoir ça.

Howard : mouais. Toujours est-il que vous êtes louches et légèrement inquiétants.

Carrie : je ne suis pas comme lui Howard. Je ne suis pas machiavélique. Avec moi rien n’est planifié. Si Prime remet les ceintures en jeu demain, je peux très bien décider de ne pas les défendre et de les lui remettre. Cela ne me gênerait pas.

Howard : tu lâcherais ton partenaire Charlie ? Pourquoi ?

Carrie : Charlie s’en trouvera un autre. D’ailleurs il y a Pétale maintenant, il est temps qu’elle mette un peu sa contribution à l’équipe. C’est bien beau de piailler toutes les cinq minutes à l’écran et de s’abreuver du sang de Rafael, mais pour l’instant elle n’a rien fait pour la GSF. Va falloir se bouger un peu les fesses. Je ne serais pas toujours là pour tenir le clan.

Howard : tu veux les quitter ?

Carrie se lève et regarde par la fenêtre ouverte. Le vent soulève ses cheveux longs.

Carrie : ça viendra un jour. La GSF est faite pour ça, rien ne lie les membres les uns aux autres ni à l’équipe, si ce n’est l’intérêt personnel de chacun. Comme l’a dit Rafael, je n’ai rien à tirer de cette équipe, j’étais déjà prête avant de l’intégrer. Je ne suis que le faire-valoir de Charlie. On verra bien ce que ça donnera avec Pétale. Est-ce qu’elle comprendra qu’elle a plus à gagner qu’à perdre en se battant pour l’intérêt commun ?

Howard : tu penses que ça peut lui apporter quoi ?

Carrie : l’humilité. C’est une qualité que je retrouve peu chez mes collègues et je trouve ça déplorable. Je les entends tous pronostiquer leur victoire avant chaque combat, je les vois se conspuer puis s’auto congratuler. Mais au final il n’y en a pas un qui vaut mieux que l’autre. Ils sont tous empreint d’arrogance et d’égoïsme. Les pires sont sans doute ceux qui prétendent faire cela pour le bien d'autrui.

Howard : le cynisme ne te va guère Carrie.

Il se lève à son tour et la rejoint.

Howard: Tu étais moins sombre quand Hadès était à tes côtés. Et tu souriais plus souvent quand tu vivais avec mon fils. Ce temps est il définitivement révolu?

Carrie: c'était il y a longtemps. Chad et Hadès m'ont rendu plus humaine, mais ce n'est pas ma nature. Peu importe que je goute aux joies de la vie de temps en temps, mon instinct réapparait tot ou tard. Je ne peux pas renier mes origines.

Howard: alors Prime a raison? Vous êtes tous animés par une soif de destruction et de pouvoir qui nous anéantira tous. C'est cela que tu souhaites aux humains qui te soutiennent et t'apprécient? Hadès, Chad, Edward, Sex Bomb, moi-même? Tu veux qu'ils nous transforment en bêtes sauvages ou en marionnette?

Carrie : ne fais pas d'amalgame s'il te plait Howard! Je ne laisserai personne vous faire de mal et tu le sais bien!

Howard: alors tu avais raison l'autre jour en disant qu'il faudra bientôt faire un choix! Regarde toi la fille des ténébres, Reine de l'Autre Monde, Championne Tag Team de la SOW, ancienne championne Bloody de la FGB, ancienne championne Tag Team de la RLF, ancienne championne Valkyrie de la défunte UZW...

Carrie : tais toi s'il te plait, tais toi! Le seul honneur qui ait jamais compté pour moi est le deuxième que tu as cité! Je n'ai que faire de vos récompenses et vos ceintures qui changent d'épaules à chaque PPV! Il n'y a aucune gloire à tirer d'un combat sur un ring, alors que là-bas on combat pour survivre, pour protéger sa famille! Ne comprends tu pas? La guerre, la vraie, est une responsabilité difficile à prendre, à assumer! Il n'y a pas de demi mesure! Tu survis ou tu meurs! Tuer ou être tuer, ce sont les seuls options. Il n'y a pas d'éternelles discussions entre écrans interposés, pas de querelles d'écoliers!

Howard recule d'un pas les mains en l'air, comme pour l'apaiser.

Howard: okay Carrie, okay. J'ai bien compris, toi pas être comme les monstres qui veulent nous bouffer au petit déj, pas comme les heel qui nous méprisent, pas comme les faces qui font semblant de vouloir nous faire plaisir alors qu'ils ne pensent qu'à leurs gueules. Mais alors, qu'est ce que tu fais sur ce ring?

Elle s'arrête de respirer face à lui, comme perturbée par cette question, puis finit par lâcher dans un souffle.

Carrie: je n'en sais rien. Il y a peu de temps je pensais que c'était pour faire plaisir à Rafael. Et puis avec les derniers événements, j'ai commencé à ressentir autre chose. Quelque chose de plus profond, quelque chose d'ancien, enfoui au fond de moi. Le problème, c'est que je n'arrive pas à me souvenir quoi.

Howard: ça finira bien par revenir!

Le traiteur vient d'arriver avec deux plateaux repas, très appétissants.

Howard: chouette, ça m'a l'air pas mal tout ça!

Il sert la main au serveur puis lui donne discrétement un pourboire avant de poser le tout devant eux.

Howard: faim?

Carrie le regarde avec envie, puis déballe son plateau.

Carrie: très!

La caméra se coupe sur ce festin improvisé.

C'est de nuit, dans une pièce très sombre que Carrie reçoit Eve pour une interview post Civil War. La démone est habillée d'une robe noire très longue, la ceinture tag team est posée sur une table basse devant elle. La journaliste prend place devant elle, pas très rassurée, comme toujours. Sa petite entrevue avec Pétale l'a mise plutôt de bonne humeur, et Carrie est comme à l'accoutumée... sans émotion apparente. Mais elle fait signe à Eve de s'assoir en face d'elle.

Eve: bonjour Carrie. J'ai quelques questions à vous poser suite au PPV.

Carrie: ça tombe bien, j'ai quelques réponses à donner à tes questions, contrairement à certaines personnes.

Elle fait allusion à l'interview de Pétale Orientale, bien sur, Eve a l'air surprise.

Eve: vous êtes déjà au courant?

Carrie: bien évidemment. Vas y, pose tes questions.

Eve: euh oui... vous et Charlie avaient conservé vos titres par équipe, à votre avis, ça signifie la fin de Russian Roulette?

Carrie: Russian Roulette était déjà fini depuis un moment lorsque nous les leur avons pris. Sans Edward cette équipe n'a plus de cerveau pour les guider et les encadrer. Ce ne sont plus que des bêtes sauvages, leurs actions précédant Civil War en est le parfait exemple. Maintenant que nous avons confirmé notre supériorité, ils vont retourner au fin fond de leur Russie natale et prier pour que Poutine ne les condamne pas à la prison pour le restant de leurs jours, après cette humiliante défaite.

Eve: cependant, à présent avec l'introduction d'Edward dans le Bestiaire, et malgré l'absence temporaire de Darkside, vous êtes leur cible privilégiée. Ils ont clairement affirmé en vouloir aux ceintures TT.

Carrie: Darkside est plein d'ambition pour son nouveau bestiaire. Les ceintures TT font partie du trophée de chasse qu'il veut accrocher à son tableau, mais je ne suis pas décidée à les lui donner. Du moins pas sans combattre.

Eve : je croyais que vous n'aimiez pas les titres?

Carrie: on s'habitue facilement à certaines choses, qu'elles soient agréables ou non. Et puis je dois dire que depuis le PPV, il y a un peu plus de compétition dans cette division. C'est devenu plus intéressant, voire... personnel.

Eve: parce qu'ils vous ont attaqué?

Carrie se met à rire doucement.

Carrie: non... ça c'était juste une petite démonstration de force de la part du bestiaire. On en aurait fait autant à leur place.

Eve: alors c'est à cause d'Edward. Il y a un truc spécial entre vous on dirait. C'est votre chouchou?

Carrie: on peut dire ça comme ça. Maintenant il est le maillon fort de l'édifice de Darkside. Et c'est un honneur de devoir affronter un adversaire tel que lui.

Eve: vous ne regrettez pas qu'il ait choisi le camp adverse? Pourquoi a t-il choisi le Bestiaire plutôt que la GSF selon vous ?

Carrie: ce n'est pas à moi qu'il faut poser la question. Sans doute parce que ce serait trop simple, trop monotone qu'on se retrouve comme ça...

Elle sourit à Eve, un sourire sincère, rare chez la démone.

Eve: vous ne craignez donc pas le bestiaire...

Carrie: je n'ai pas à le craindre. Pas plus que je n'ai craint les Russian Roulette. Je leur ferai honneur, en leur rendant chacun des coups qu'ils me donneront. Tout comme j'honorerai chacun des hommes ou femmes qui viendront ensuite. Mais les TT resterons nos biens, aussi longtemps que nous l'aurons décidé.

Eve: autre chose: Charlie est maintenant le challenger n°1 au titre Sow Omega. S'il le remporte, il aura atteint son objectif et quittera la GSF...

Carrie: c'était le but de toute cette opération. Je l'encouragerai dans cette voie.

Eve: mais vous n'aurez plus de partenaires?

Carrie: Rafael a déjà envisagé cette hypothèse, croyez moi. Il aura bien quelqu'un à pusher, Pétale par exemple...

Eve: ça ne vous dérangerait pas?

Carrie : comme je te l'ai dit, on s'habitue à certaines choses.

Eve: dites plutôt que ça vous laisse indifférente parce que vous avez d'autres projets en tête...

Carrie plonge son regard bleu quasi transparent dans celui de la journaliste.

Carrie: peut être bien... mais pas forcément. A vrai dire voir Pétale obligée de faire équipe avec moi serait tout simplement... jouissif! Une petite revanche ... Mais effectivement, certaines directions me sont offertes, et j'y réfléchis avec attention.

Eve: on peut savoir?

Carrie: non, tu ne peux pas. Tu peux réussir à faire parler une vampire humiliée, un amant pris la main dans le sac, et peut être même réussiras tu à faire avouer à Booya qu'il n'est pas celui qu'il prétend être, ou bien surprendre Mantis en train de s'enfiler une seringue dans le bras, ce qui justifierait sa psychose. Mais tu ne peux pas me faire dire ce que je ne souhaite confier à personne.

Eve: même pas à Verdugo?

Carrie: à personne.

Eve: vous avez décidément tous un goût démesuré pour le mystère!

Carrie a un petit sourire énigmatique, jusqu'à ce que son portable sonne. Elle regarde le numéro et décroche en fronçant les sourcils.

Carrie: j'espère que tu as une bonne raison de me déranger!

inconnu: je crains que oui. On l'a retrouvé.

La démone reste sans voix, bouleversée. Elle se lève et s'éloigne de la journaliste, à qui elle fait signe de partir.

Carrie: dans quel état est il?

Inconnu: très mauvais. On l'a emmené à l’hôpital, je viens d'envoyer les coordonnées à ton chauffeur. Il passe te prendre dans quelques instants.

Comme elle ne répond rien, il insiste.

Inconnu: ne tarde pas, j'ai bien peur qu'il n'en ait plus pour longtemps.

A ces mots, la démone jette son portable, qui se brise en morceaux dans un coin de la pièce. Et puis sans que Eve ou le cameraman ait le temps de faire le moindre geste, elle saute par la fenêtre ouverte et disparait. Eve se rue dans l'encadrement de cette fenêtre et distingue la démone qui atterrit en bas avec souplesse et s'engouffre dans le véhicule qui démarre en trombe.  

Zoom sur le grand écran d'une télévision qui diffuse les informations du mardi 5 aout 2014.

"Le monde de la lutte est en deuil aujourd'hui. Je suis à San Francisco où se sont déroulées il y a quelques heures les funérailles d'un jeune athlète, Hadès Vasilis. Aucune information n'a filtré concernant les circonstances de sa mort, mais selon un informateur anonyme, il s'agirait d'un règlement de compte qui aurait mal tourné. Le jeune lutteur avait fait ses débuts à la Ultimate Zone Wrestling avec son ex-femme, Carrie. C'est avec elle qu'il avait remporté la ceinture par équipe pour la première fois à la Red Line Federation avant de la suivre à la Sanctuary Of Wrestling. Ensemble ils ont eu un fils, Andreas, qui vivait avec sa mère suite à leur séparation. Hadès était considéré comme l'un des espoirs de sa génération, mais après de multiples démêles avec la justice et ses problèmes de dépendance à l'alcool et au jeu, les compagnies de lutte qui l'employaient ont mis fin à leurs contrats. Son ex-compagne était présente lors de sa crémation, ainsi que les deux enfants de celle-ci, qui s'est déroulée dans la plus stricte intimité. A l'heure où je vous parle, la famille du défunt s'est retirée dans la villa qu'occupait Hadès jusqu'à sa mort. C'était Olivia Charron, en direct pour News TV!"

La télévision continue de diffuser d'autres informations en boucle. De nombreuses personnes, toutes vêtues en costumes gris ou noirs discutent en petit groupe dans plusieurs salons de la villa. Un peu plus loin, une silhouette bien connue, que l'on voit de dos, vêtue d'une longue robe noire très sobre et portant un petit chapeau au voile dentelé tout aussi sombre, les mains posées sur les épaules de ses enfants. Les petits sont blottis contre sa robe, têtes collées contre sa taille. L’atmosphère est très lourde de tristesse et les invités viennent tour à tour présenter leurs condoléances et saluer la veuve et les enfants d'Hadès.

Quelques heures plus tard, alors que tout le monde est parti, Carrie règle les derniers détails auprès des domestiques concernant l'entretien de la villa et transmet les coordonnées de son agent pour tous les détails qui nécessiteraient son approbation, étant l'héritière réglementaire de son ex-mari. Puis elle part à la recherche de ses enfants qui s'étaient éloignés pour jouer. Elle les trouve dans un petit salon, celui dans lequel ils s'amusaient avec Hadès. Elle se souvenait des heures de lecture où il aimait raconter des histoires aux petits, des parties d'échec interminable avec Andréas, ou encore ses parties de Twister qui donnaient lieu à d'énormes éclats de rire. Mais bien plus encore, de ces soirées plus anciennes où, amants, ils passaient des heures enlacés et ivres de désir l'un pour l'autre. Les années avaient passé, tout cela n'était plus qu'un souvenir, mais des sentiments profonds d'amour et de respect les avaient lié pendant plus de vingt ans. Plus rien ne serait comme avant. Carrie le savait plus que quiconque. Une rage sourde grondait dans son coeur et dans son âme. Elle s'éloigna et monta les marches pour gagner la chambre de son ex mari. Refermant la porte derrière elle, elle se rendit jusqu'au bureau et s'assit derrière. Le testament était là. Dans la cire rouge se dessinait le sceau de la famille d'Hadès, une riche dynastie grecque qui avait fait rapatrier les cendres de leur enfant chéri dans leur île. Elle glissa ses doigts fins sur l'enveloppe puis l'ouvrit avec un coupe papier. Les premiers mots furent une véritable épreuve, un sanglot s'étrangla dans sa gorge.

"Mon amour,

J'ai fait faire ce testament à l’hôpital, juste avant ma mort. Tout ce que je possède t'appartient désormais, la liste a été dressée par le notaire il y a peu de temps. Je te laisse le soin de redistribuer mes biens à notre fils et à Eve, que j'ai toujours considéré comme ma fille.

Malgré mes défauts, malgré mes dépendances, j'ai toujours fait le maximum pour les rendre heureux, je n'ai jamais souhaité que leur bonheur. Dis leur chaque jour à quel point je les aimais, à quel point leurs rires me remplissaient de joie. Je regrette tant le mal que je t'ai fait jadis mon amour. Si les choses avaient été différentes, jamais tu n'aurais rencontré ce monstre, jamais tu ne m'aurais quitté pour lui. Mais si cela avait été différent, je n'aurais jamais connu non plus nos enfants.

J'ai l'impression d'avoir tout râté. Ma vie, mon travail, mon mariage... sauf une chose. Ma mort, elle, est une réussite. Car grâce à elle tu vas enfin prendre conscience de la cruauté de ce monstre! Mon amour, tu vas enfin réaliser à quel point mes craintes étaient fondées, il n'a aucune limite. Si je suis mort désormais, c'est par son abomination. Après plusieurs semaines de détention dans un lieu dont j'ignore l'emplacement, j'ai été privé de nourriture et d'eau pendant des heures. J'ai subi la torture et la solitude. Ce silence horrible qui rend fou. Le bruit des pas qui se rapprochent et l'espoir, à chaque fois l'espoir de la délivrance. J'ai souhaité ma mort, Carrie, je l'ai souhaité avec force. Je l'ai supplié mille fois. Mais jamais il n'a cédé. Implacable. Monstrueux. Je dois ma fuite à tes détectives qui m'ont retrouvé aux portes de la mort et de la folie, amaigri, desséché, vidé de mon sang!

Quitte-le mon amour! Quitte-le et venge moi! Venge celui que j'étais pour nous et notre fils! Souviens toi de moi quand nous étions enfants et que nous parcourions les plages de Paros, ces petites criques dans lesquelles nous pêchions... Souviens toi de moi quand nous parcourions le monde à la recherche de tes reliques sacrées, de ces créatures qui me terrifiaient mais que je combattais pour toi! Souviens toi de moi quand je te pardonnais tes infidélités, quand tout nous séparait mais je pardonnais! Je t'ai tout pardonné, mon Amour, parce que sans toi ma vie ne valait rien! Quelque part tu m'as tué toi aussi, je suis mort quand tu l'as choisi lui. Presque mort. Car malgré tout l'amour que tu lui portes, il ne m'a jamais chassé de ton coeur, et c'est pour cela qu'il s'est acharné sur moi! Oh je suis certain qu'il ne voulait pas me tuer, pas comme ça, pas maintenant. Il a fait de moi un martyre, et cela il le payera plus cher encore! Car désormais, tu sais ce qu'il m'a fait, et toi, je te connais, jamais tu ne pardonneras! Ton sens de l'honneur, ton indépendance, vont te pousser à te révolter. Tu cries déjà vengeance, j'en suis certain.

Mon Amour, aux portes de la mort, toutes mes pensées vont vers toi et notre fils. Je vous aime si fort tous les deux. J'aimerais tant vous serrer dans mes bras en cet instant. Je ne veux pas mourir. Tout mon corps, mon âme humaine retrouvée s'y refuse. Mais je dois partir pour faire éclater la vérité. Pour que tu me crois enfin. Ne laisse pas ce monstre faire du mal à Andréas. Protège le de toutes tes forces. Ne le laisse pas te mentir, encore. Reprends lui ce qu'il te reste de coeur et condamne le à la sentence qu'il mérite: ta haine infinie.

Je t'aime encore ma chérie, je t'ai toujours aimé. Et ce soir, quand mes paupières se fermeront pour la dernière fois, je m'imaginerais que tu étais blottie contre moi, et que nous sombrerons ensemble dans un sommeil infini.

Ton plus fidèle ami, Hadès. "

Des larmes tombèrent sur les feuilles de papier. Un nouveau sanglot s'étrangla dans sa gorge tandis qu'elle réunit ses forces pour se lever et gagner la fenêtre ouverte donnant sur la baie. Le vent du large lui fouetta le visage, déviant ses larmes de leur trajectoire. Elle serra la lettre contre son coeur et ferma les yeux.

Elle revit la silhouette sur le lit d'hopital, quand elle était arrivée après l'appel de son détective. Ce corps si maigre, si fragile. Et ce regard, quand il avait tourné la tête vers elle. Elle avait vu sa souffrance, sa douleur. Elle avait ressenti sa faiblesse et sa capitulation. Il était résigné à mourir. Alors elle avait condamné les portes de la chambre, s'était allongé tout doucement contre lui, en prenant garde de ne pas le blesser, et s'était blottie contre lui. Elle l'avait embrassé, avait caressé sa joue. Et puis elle l'avait serré dans ses bras, l'enveloppant de son pouvoir pour chasser la souffrance. Jusqu'à son dernier souffle, il n'avait plus rien ressenti d'autre que la douceur et la sérénité. Elle avait tenu sa main jusqu'à ce qu'ils emmènent son corps. Et puis elle avait quitté l'hôpital. Du haut d'une falaise dominant la ville, elle avait déclenché plusieurs incendies, comme c'était la coutume dans l'Autre Monde.

Carrie ferma la fenêtre et s'essuya les joues trempées de larmes avant de ranger la lettre dans l'enveloppe, et de la mettre dans le coffre fort. Puis elle redescendit et réveilla doucement Eve et Andréas. Elle les prit dans ses bras tous les deux, un sur chaque bras, et ils s'accrochèrent à son cou. La limousine d'Howard l'attendait devant la bâtisse. Celui-ci en sortit et prit Eve avec lui, ils se glissèrent à l'intérieur et le véhicule démarra. Eve se blottit contre Howard et se rendormit. Andréas, lui, restait blotti dans les bras de sa mère.

Howard: je te ramène à la maison?

Carrie: non. J'ai besoin de prendre un peu de recul. D'analyser un peu ce qui s'est passé. J'ai besoin de calme et de mes enfants.

Howard : j'ai un chalet un peu isolé près du lac Columbia. Si tu veux, je t'y conduis. On trouvera des affaires là-bas pour les enfants. Je vais contacter mes domestiques pour qu'ils s'y rendent de suite.

Carrie: non, je n'ai pas besoin de domestiques. Nous pouvons nous débrouiller sans.

Howard: je vais prévenir ma secrétaire de mon absence durant quelques jours.

Carrie: d'accord, mais ne lui dis pas où nous sommes.

Howard la regarde droit dans les yeux et laisse tomber :

Howard: tu sais que peu importe où tu vas, il te retrouvera toujours.

Carrie: ce n'est pas pour lui mais pour les journalistes. Le concernant, il sait où je suis et probablement où je vais. Mais il sait aussi que j'y vais sans lui, et il sait pourquoi. Il ne viendra pas. Il attendra, car il sait que je reviendrai.

Howard: mais rien ne sera comme avant, n'est ce pas?

Carrie ne répond pas, elle se contente d'acquiescer du regard, puis tourne la tête vers la vitre teintée.

Carrie : ce que je peux dire sur mes futurs adversaires ?

Le plan est centré sur le visage de Carrie. Elle est au volant d’une voiture de luxe (une jaguar), il fait nuit et seuls les leds du tableau de bord et les lumières de la ville éclairent sa peau. Elégante, raffinée, les mains sur le volant elle prend plaisir à conduire ce magnifique XKR-S convertible. Ses yeux bleus pétillent de malice.

Carrie : que peut-on dire à propos de nos deux petits jobbers made in FGB et UWZ ? Sinon qu’ils sont tellement désespérés de leur condition qu’ils viennent mendier un match en plein show ? Mais attention, pas contre les champions par équipe, Charlie Green et moi-même. Non, ils préfèrent commencer d’abord par l’équipe que nous avons humiliée, écrasée à Civil War en conservant nos titres. Un petit peu trop facile, ne trouvez-vous pas ? Passer derrière nous, c’est marcher en terrain conquis, dévasté. Et ils le savent bien. Ils aiment peut être les proies faciles ? Les bêtes blessées ?

La voiture sort de la ville et s’engage sur une section à plusieurs voies. La circulation est fluide à cette heure tardive. Carrie appuie sur l’accélérateur et fait rugir le V8 puissant de la Jaguar.

Carrie : Qui de Rafael ou de Prime a eu cette idée tordue de m’obliger à faire équipe avec Pétale ? Au fond, peu importe l’équipe qui se trouvera en face de nous, ce qui intéresse le plus la populace, c’est la façon dont cette association d’un soir va tourner. C’est ça qui va faire monter l’audience, c’est ça qui va faire bander Prime dans sa loge VIP. Come on Prime ! Viens dans la fosse aux lionnes au lieu de nous observer de loin !

Elle double plusieurs véhicules puis se rabat tranquillement. Elle longe maintenant l’océan. Le toit s’ouvre et le vent s’engouffre dans ses longs cheveux.

Carrie : est-ce que Pétale va être une bonne partenaire, accepter de faire les changements aux moments opportuns ? Ou bien va-t-elle tirer la couverture sur elle et jouer solo ?

Le tableau de bord l’avertit qu’un appel est en cours.

Carrie : Et moi, vais-je accepter de taper dans sa main plutôt que dans sa pretty face ?

Son sourire rappelle vaguement celui d’un certain Hadès, provocateur et impertinent.

Carrie : appel accepté.

Rafael : tu es en retard.

Elle raccroche et appuie un peu plus sur l’accélérateur. Elle prend la première sortie et ralentie en approchant du centre-ville.

Carrie : les Young N’Younger ne sont là que des esclaves livrés aux gladiateurs dans l’arène de l’Empereur. Mais ne vous inquiétez pas, nous saurons faire durer le plaisir. Pétale s’appliquera à divertir son public, tandis que moi, j’infligerais la souffrance à nos charmants invités. Chacun y trouvera son compte, et peut être un peu plus, si affinité ! On n’est pas à un ennemi près, à la G.S.F. !

La voiture ralentit encore et s’arrête sur le bas côté. Le géant colombien sort d’un bar à tabac et s’engouffre dans la voiture, tout souriant.

El Verdugo : j’ai failli attendre !

Carrie : tu peux encore rentrer à pied, si tu veux.

El Verdugo : je te sens d’humeur taquine, mon amour ! Mon cadeau te plait ?

Carrie caresse le volant de la voiture et lui rend son sourire.

Carrie : tu ne peux pas deviner à quel point !

El Verdugo : tu ne m’as pas encore remercié…

Elle se penche et pose ses lèvres sur les siennes langoureusement. Quand elle se redresse et reprend le volant en main, le vampire a le regard troublé, il allonge ses longues jambes devant lui, révélant l’urgence de son désir à travers le pantalon de lin gris clair.

El Verdugo : rentrons !

Carrie : oooooooh déjà ? Je n’ai pas encore eu vraiment le temps de l’essayer. Et puis je n’en ai pas fini avec ma promo.

El Verdugo regarde la caméra embarquée avec un petit sourire narquois.

El Verdugo : les paroles ne valent pas les actes, laisse les cogiter ! Qu’ils s’imaginent le meilleur comme le pire, toi et Pétale en parfaite coordination, comme deux sœurs siamoises, mettant KO ces starlettes dénuées de talent ! Ou bien vous deux vous arrachant les yeux avant même que le match ait commencé ! Peu importe ! Le stade sera plein à craquer juste pour vous voir toutes les deux sur le même ring !

Carrie : j’étais sure que c’était ton idée !

Il prend un air offensé.

El Verdugo : moi ?! je suis innocent, je le jure !

Puis il rit de bon cœur. Ils passent devant un panneau de publicité sur lequel sont représentées les deux femmes ainsi que leurs futurs adversaires.

El Verdugo : voilà une équipe qui a de la gueule !

Elle ne répond rien et prend la direction de leur villa à l’extérieur de la ville. Plus loin, un autre panneau représentant le bestiaire contre BL et MOC. Il se cache les yeux en soupirant. Carrie a un petit sourire mais reste concentrée sur la route. A nouveau un panneau avec cette fois MC contre Must.

El Verdugo : et voilà, mon érection est retombée avec leurs conneries !

Carrie se gare devant le magnifique pavillon en bord de mer et sort du véhicule. Rafael la rejoint et l’enlace avant de l’embrasser avec une passion dévorante.

El Verdugo : voilà qui est mieux.

Carrie : tu sais que nous avons des invités ce soir..

El Verdugo : ils attendront ! Viens !

Prenant sa main dans la sienne, les doigts entrelacés, il l’entraine vers l’océan et la déshabille avec habileté, elle ne se fait pas prier pour s’occuper de lui. Puis ils s’enfoncent dans l’eau jusqu’aux épaules…

FIN

Carrie: Il y a peu de gens capables de me surprendre dans la vie. Mais ce soir, j'ai été surprise. Surprise dans un lieu qui me paraissait le plus sûr au monde. L'endroit où je vis, entourée par l'homme que j'aime, Rafael, de nos enfants, Andréas et Eden. Entourée par l'amour, la confiance. La sérénité. Dans cette villa au bord de mer, que Rafael a fait construire pour nous, j'imaginais que rien ne pouvait m'atteindre. Rien ni personne.

Je me suis trompée.

Ce soir un individu s'est introduit dans notre bonheur. Il a pénétré sur notre territoire, il a fait exploser l'un de nos véhicules. Il y a des gens qui pensent que les éléments matériels sont remplaçables. C'était un cadeau. Rafael me l'avait offerte pour fêter notre rencontre. Un anniversaire qui aurait dû se passer dans la joie et la bonne humeur. Du moins autant que ce fut possible après le drame qui nous a touché avec la mort d'Hadès.

Retour en arrière

Après leurs ébats dans l'océan et une douche rapide, Rafael et Carrie avaient rejoints leurs enfants et leurs invités dans le salon. La soirée démarrait à peine quand soudain une explosion à l'extérieur avait provoqué la panique. Verdugo avait pris les choses en main immédiatement, ordonnant à Carrie de conduire tout le monde dans leur abri secret.

Rafael: emmène les à l'abri.

Carrie: je ne te laisserai pas y aller tout seul Rafael!

Rafael: vas y!

Il attrape sa tête d'une main et la force à l'embrasser avant de s'éloigner vers l'armurerie, tandis que Carrie conduit tout le monde vers un passage secret, tenant Eden par la main et Andréas dans ses bras. Juste avant de refermer le passage, elle jette un dernier regard à Rafael, qui arme un gigantesque fusil à pompes et sort de la maison.

Mais dehors, il n'y a plus personne. Il s'approche de la voiture et cherche le moindre indice. Des traces de  pas, une odeur de cramé et d'essence. Et cette flèche figée dans le réservoir qui n'a pas brûlé. Considérant que le coupable n'est pas à portée de tir, il passe la lanière de son fusil autour de son cou pour avoir les mains libres et attrape l'extincteur pour éteindre l'incendie qui se propage vers la maison. Aucun doute possible, il s'agit bien du ou des mêmes hommes qui ont sévi chez les membres de la SOW cette semaine. Il passe un coup de fil à la police ainsi qu'aux services incendie pour sécuriser le périmètre avant de rentrer prévenir ses invités et sa famille qu'il n'y a plus de danger.

Une heure plus tard, après le départ des invités, Carrie et Verdugo étaient dehors, observant les restes de la voiture et les services d'identification criminels occupés à relever les empreintes. La colère se lit sur leurs visages.

Le plus gradé vint poser quelques questions à Verdugo et Carrie s'éloigna. De loin, on voit toujours les choses d'un angle différent. Elle repéra l'endroit où le tireur s'était placé. Il était seul, elle en était certaine. Elle avait vaguement senti une présence tout à l'heure, mais elle pensait à des animaux. Lentement, elle murmura.

Carrie : Oui, un animal. C'est tout ce que tu peux être au fond de toi. Mais je suis certaine que tu es fier de ce que tu as accompli! Je ressens ta satisfaction, ton sentiment d'agir pour une noble cause. Je peux sentir cet immonde transpiration qui a souillé ton corps tandis que tu nous observais de loin assouvir notre passion dans les vagues. ça t'a plu espèce de voyeur, hein? Mais ce n'est pas pour ça que tu es venu n'est ce pas? Tu es venu provoquer le mal, le vrai! Mais tu es trop lâche, trop faible pour l'affronter en face à face, alors tu te caches... Tapi dans l'ombre, comme un pauvre charognard, attendant ton heure! Tu t'es cru fort, tu t'es cru infaillible! Tu t'estimes plus rusé, plus puissant que nous? Peut être crois tu même être supérieur? Nous aurons surement cette réponse quand nous t'aurons débusqué, quelque part dans les bas fonds, dans ces lieux sordides que tu fréquentes, invisibles aux yeux des autres. Ordinaire, insoupçonnable! Je sens ce besoin que tu as de devenir enfin quelqu'un, d'être reconnu, peu importe comment!

Oh non, tu n'es pas un prédateur, ni même un justicier! Je ne sais pas quelle cause futile tu défends, mais pour moi tu n'es déjà plus qu'une dépouille sans vie, un mort vivant! Quand nous t'attraperons, et je te l'assure, ce jour-là viendra très prochainement, il n'y a rien qui pourra nous détourner de notre objectif. La mort! Une mort lente, douloureuse, pour te châtier de ton arrogance!

La colère est montée crescendo dans sa voix, et elle finit presque par crier à la fin de sa phrase.

Pauvre fou! Tu n'es plus qu'une cible à abattre désormais! Que tu t'attaques à ma voiture, à un bar ou à une pièce vide, peu importe, tout cela n'est rien. Ce n'était qu'un petit larcin d'adolescent. Mais il t'en fallait plus, tu t'es introduit chez des gens, tu as pénétré notre forteresse, rendant cet endroit moins sur et moins paisible qu'avant!

Mais as tu oublié qui nous sommes! Je suis Carrie, fille du Diable, Reine de l'Autre Monde et chef de ses armées! IL est l'un des vampires les plus dangereux de ce monde, le bourreau, le puissant El Verdugo! Tu t'es approché bien trop près de la meute... maintenant nous connaissons ton odeur. Nous connaissons tes faiblesses. Car tu as commis des erreurs, tu nous as laissé des indices, et maintenant nous n'avons plus qu'à suivre le fil pour remonter jusqu'à toi!

Son portable vibra et elle décrocha. Son interlocuteur avait l'air aussi très remonté. Elle ne répondit qu'une chose:

Envoie moi l'adresse, nous allons rendre une petite visite à cette... Fiona!

Dès que la police quitta les lieux, laissant seulement une patrouille, Carrie prit Verdugo par la main et le fit rentrer à l'intérieur. Elle lui révéla l'intégralité de son appel. Sans dire un mot, ils enfilèrent des vêtements sombres et grimpèrent dans un 4x4 noir à destination de la ville. Arrivés devant la vitrine du magasin, ils garèrent le véhicule et descendirent, armés de deux battes de base ball. Carrie tendit la main sur la serrure et celle-ci s'ouvrit sans opposer de résistance. En dix minutes, il ne restait plus rien du magasin. Ils avaient tout détruit.

Carrie: tu sais que ce n'est peut être pas elle qui est à l'origine de cette attaque?

Verdugo: j'en suis même certain! C'est juste un message, et puis... ça me détend! On brûle?

Carrie: On brûle!

Il répandit deux bidons d'essence à l'intérieur et sur les vitrines. Puis tranquillement, alluma son cigare et monta dans la voiture en même temps que la belle brune. Ils échangèrent un dernier regard avant de quitter leur place de stationnement. Et il jeta son cigare derrière lui.

Le feu démarra et suivit la longue traînée d'essence, avant de produire une énorme explosion.

Verdugo: Buscando la fiesta !

La caméra tente de suivre une silhouette féminine dans un des couloirs de la SOW. Mais ça va vite, très vite. Les longs cheveux bruns indiquent qu'il s'agit très probablement de Carrie. A un moment elle se retourne et fixe la caméra une dizaine de secondes, avant de faire volte face et d’accélérer encore. Les journalistes sont obligés de courir derrière elle. Drôle d'endroit pour s'entraîner, surtout à quelques heures du show. Tout le monde est sur les charbons ardents, et elle doit sauter par dessus de nombreux obstacles. Ok finalement c'est plutôt logique comme parcours de santé. Ils la perdent de vue lorsqu'elle s'engage dans les escaliers. Mais quand elle sort deux étages au dessus, elle tombe nez à nez avec Salfino, tout sourire. La capuche de son survet sur la tête, elle lui jette un regard contrarié. La sueur coule sur son visage, elle lui fait signe de dégager, mais il refuse.

Phil: juste une minute. C'est rare de vous voir vous entraîner ici, vous préférez votre salle privée d'habitude.

Carrie: j'm'attendais pas à un match handicap, du coup j'prends les devants.

Phil: match handicap? Vous êtes en équipe avec Pétale Orientale. Je sais bien que vous ne vous entendez pas super bien, mais c'est plutôt les gaillards en face qui vont devoir faire un effort, c'est du tout cuit là.

Carrie: Tu débloques Salfino! Toi aussi t'es hypnotisé par ses boobs ou quoi? La vieille nous la fait à l'envers là! T'as entendu sa promo? T'as pas compris qu'elle est à l'ouest là? Alzeihmer a frappé un grand coup, la v'là qui s'attaque à tout le monde sauf au menu de ce soir! Faut s'réveiller la bécasse! Ce soir, c'est les ptits blondinets qu'on doit tabasser, pas Synster et Bomby!

Salfino reste sans voix devant la brune. C'est pas du tout son genre de parler comme ça..

Carrie: j'vais te dire une chose, Mon petit Salfino..

Phil: Phil, vous pouvez m'appeler Phil, si vous voulez.

Carrie le fixe un instant sans rien dire, puis reprend comme s'il n'avait rien dit.

Carrie: la vieille supporte tellement mal de s'être fait rejeter par Bomby qu'elle n'en a plus que pour lui. Sauf que lui, il n'en a rien à battre de sa pretty face, tu vois? Qu'est ce que tu ferais toi, si une nana te courrait après mais que toi, ça t'intéresse pas? Tu la ferais pas marcher un peu?

Phil réfléchit un instant, un peu gêné de devoir déballer en public.

Phil: si, peut être, mais c'est pas trop mon genre...

Carrie: menteur! Tous les hommes sont les mêmes, vous aimez séduire, vous aimez qu'on vous supplie. Mais quand c'est non, c'est non. Bomby, ça l'intéresse pas de se taper une fille facile. C'est bien pour tremper son biscuit cinq minutes, et encore, faut pas avoir peur des maladies dans votre putain de planète, mais établir une vraie relation, ça demande du respect, de la confiance. Tout ce qu'on ne peut pas donner à Pétale. J'crois qu'elle a pas encore compris. Mais ça viendra, t’inquiète Salfino. A force de lui foutre le nez dans sa merde, elle va finir par comprendre. La vérité, c'est qu'en ce moment, sa quote de séduction, elle est franchement pas au beau fixe! Pour lui taper sur la gueule, y a du monde au balcon, mais pour venir entre ses cuisses, y a pas foule! Qu'est ce qui se passe Pétale? T'arrive pas à effacer les odeurs du passé?

Phil: vous voulez dire les erreurs peut être ...

Carrie lui sourit rapidement. Nan c'était pas une confusion.

Carrie: on va dire que ça fait partie des choses qui laissent une trace. Pétale est marquée à vie, y a la pancarte "ouverte 24/24,7/7" tatouée sur son front et son cul. Même Tim a décliné l'invitation, et pourtant c'était limite du racolage. P't'être bien qu'elle l'aurait payé pour pouvoir le sauter. Mais revenons à nos moutons, mon petit Phil, c'est pas pour ça que j't'adresse la parole. J'veux juste prévenir mes deux petits blondinets que ce soir, si Pétale est trop ... perturbée par sa vie sexuelle avec les mouches, j'm'occuperais d'eux toute seule. ça fait des semaines que je tiens cette équipe à bout de bras seule, alors un peu plus, un peu moins... ça changera rien pour moi. J'aurais juste montré une fois de plus que les légendes, peu importe ce qu'on en dit, c'est plus que du vent. Tout comme les Young N'Younger. Ah ils voulaient un match la semaine dernière... ouaip. Mais depuis on les entend plus les divas, disparus, silence radio! ça leur fout la pétoche de devoir affronter direct la moitié des TT. Ils savent d'avance que ça marchera pas. Que j'leur laisserais pas en placer une. Que j'vais botter leurs petits culs et les renvoyer à l'expéditeur! Comme ça ils pourront marquer sur leurs cv "ici gît mon espoir de toucher enfin une ceinture dans ma vie". Losers ils sont nés, losers ils resteront.

Phil: vous êtes en forme à ce que je vois. Mais ils vont sûrement pas se laisser faire. Et comme vous dites, Pétale va pas vous laisser faire le job toute seule.

Carrie: j'm'y attends. J'm'attends à ce qu'elle fasse le contraire de ce qu'elle dit. C'est Pétale, quoi. Vous lui faites confiance et vous êtes morts. Regarde autour d'elle Phil, y a personne! Y a même plus Méthod, un de ses plus proches amis. Nan... la vie de Pétale, ça devient le désert, et si j'ai un conseil à te donner, t'attache pas trop. T'es juste un journaliste, tu sers à prendre nos commentaires et point barre.

Phil: ça dépend, parfois on établit des liens profonds avec les gens qu'on interview.

Carrie: ta gueule Phil ! Garde tes gentillesses pour ces cons de fans et les officiels! J'm'en cogne que tu te fasses des potes dans le roster. Chacun sa merde. Maintenant j'ai capté une chose et j'vais le mettre en pratique. Le mouvement c'est la vie. Ceux qui bougent ont une chance de survivre. D'avancer. De tout défoncer et d'avoir leur place au Panthéon. Alors tu vois, regarde bien autour de moi, parce que de la place, je vais en faire. Des têtes, j'vais en écraser. Et s'il le faut, j'vais aussi fracasser celles qui sont à côté de moi;

Phil la regarde avec une légère appréhension, soudain. Elle s'approche de lui comme pour le défier, mais finalement le contourne et reprend sa course en sautant par dessus les obstacles avec agilité.

Phil: mais qu'est ce qu'elle a mangé aujourd'hui?

Le caméraman: j'crois que l'attaque de sa jaguar, ça l'a mise un peu à cran.

Phil: ah ouais.. tu m'étonnes, une XKR-S.... C'était une série limitée en plus. Fabriquée sur mesure... A sa place, j'serais énervé aussi!

Carrie : tu cherches les ennuis Edward ? Ou bien tu alignes juste des phrases les unes derrière les autres sans t’occuper de savoir si elles sont réalistes ou non ?

La démone est assise derrière un bureau majestueux. Elle est seule dans cette pièce sombre, seulement éclairée par une lampe de travail et la pleine lune.

Elle a un sourire assez soudain, qui disparait aussi vite qu’il est venu éclairer son visage.

Carrie : mais je ne t’en tiens pas rigueur, mon ami. Tu es aveuglé par ta nouvelle composition, tu as trouvé un prophète à la hauteur de tes ambitions et du coup… peu importe ce que tu dis ou fais, tu penses détenir la vérité.

Mais vois-tu, Edward, concernant la Gran Slam Factory, tu n’as analysé la chose que d’une seule façon, une façon un petit peu trop simple et superficielle. Tu as raison sur un point : la Gran Slam Factory n’est pas une équipe telle que la Sow et les autres compagnies ont l’habitude d’en voir. Aussi inattendue qu’éphémère, elle a réuni en son sein des lutteurs à la destinée exceptionnelle. L’idée de Rafael était très ambitieuse. Faire cohabiter des lutteurs indépendants et terriblement égocentriques ! Pour Charlie et moi, cela n’a pas été trop compliqué. Mais pour les autres, tout reste à faire ! C’est un chantier qui va prendre des semaines, peut-être des mois. Peut-être même que d’ici là, mon partenaire et moi-même aurons pris nos destins en mains et dit Adios à cette bande d’arrivistes.

Bref, que la GSF au complet ne soit pas une équipe solide, stable, soudée, ce n’est pas une attaque qui me toucherait vraiment, puisque c’est vrai. La plupart des membres qui la compose ne peut pas s’encadrer. Et pour Pétale et moi, c’est même carrément impossible de rester sur le même ring sans chercher à s’affronter. Si encore il y avait eu un enjeu quelconque dans ce match ! Les blondinettes ont gagné ? Quelle importance ! C’est pas comme si le monde allait s’arrêter de tourner après ça. Par contre, si cela avait été Charlie et non Pétale, tu peux être certain que les Young N’Younger seraient rentrés dans leur loge en chialant, à supposer qu’ils soient encore capables de bouger !

Les champions TT, ce ne sont pas The N et Pétale, ce ne sont pas Pétale et Verdugo, ce ne sont pas Verdugo et The N, Ce ne sont pas Nelson et Green ! CHARLIE EST MON partenaire ! Nous avons monté cette équipe ensemble, avons gagné les titres ensemble, et c’est là que toi et le Bestiaire, notamment Drash et Mantis, vous feriez bien de vous préparer à un combat digne des plus grands Main Event ! Certes votre clan gagne de plus en plus de terrain, mais on dirait bien que les ennemis commencent à s’organiser en face de vous : Black Lotus, Brujah… sans compter que Prime ne vous laissera pas libres de vos mouvements. Vois déjà comment ils nous brident en nous faisant combattre séparément à chaque représentation ! Grosse erreur ! En organisant des matchs d’équipe sans queue ni tête, il a laissé la porte ouverte au Bestiaire, et maintenant le seul rempart entre eux et les ceintures, c’est Charlie et moi !

Carrie s’amuse de cette idée.

Carrie : quelle drôle de situation. Moi la fille du diable, et Charlie le repris de justice, nous sommes les seuls à pouvoir arrêter les forces du Mal ! C’est une blague ????

Elle éclate de rire.

Carrie : Darkside est en train de déployer ses tentacules à travers le sanctuaire, mais Prime ne réagit même pas ! Ah si, peut-être qu’il attend qu’à Injection, alors que la Gran Slam sera au complet, nous battions le Bestiaire et ses alliés d’un soir ? Et quand bien même ce serait possible de les contrer… sommes-nous capables cette fois de faire équipe sans nous déchirer ? Mais la vraie question ce serait plutôt… pour quoi ? Pour sauver ça ?

Elle sort la ceinture d’un tiroir, puis la balance sur le bureau.

Carrie : ça ?! Prime, tu sais parfaitement ce que je pense de ces ceintures ! Ce n’est pas un challenge suffisant pour affronter le Bestiaire. Je veux plus ! Donne-moi autre chose en échange de protéger ton cul du puissant Darkside ! Promet-moi une opportunité à un autre titre, plus important, plus gratifiant ! Donne-moi l’excellence, et je servirai tes desseins ! Tu as oublié un peu vite que les bourreaux, les mercenaires, ça se paye aussi bien en numéraire qu’en avantages ! Et en ce moment, tu n’as que deux alternatives : soit tu acceptes ma requête, tu me conduis vers un titre majeur, soit je m’arrangerais pour que le Bestiaire remporte le prochain match. Et au prochain match, je ferais encore monter les enchères ! Veux-tu vraiment voir tes ceintures tomber une à une entre les mains de cette force maléfique qui grimpe lentement mais surement jusqu’à toi ? La première visée, c’est celle-ci. La dernière sera l’Omega ! Tu peux dès à présent agir pour empêcher cela, en faisant de ce combat contre le Bestiaire notre combat, mais cela se paye. Ou bien tu peux attendre avec juste l’espoir que Brujah et Black Lotus parviennent à les ralentir. Mais cela ne sera pas suffisant, car comme le dit mon ami Edward, ils sont 5 contre 2 ! Alors décide toi, mais fais le … vite !

Carrie observe la caméra jusqu’à ce que celle-ci se coupe.

Sans transition la diffusion de la réponse de Carrie à Prime.

Carrie: c'est quoi ton job au juste Prime? Rester ton gros cul dans ton bureau et nous laisser organiser nous mêmes nos combats, faire notre pub et pourquoi pas distribuer nous mêmes les tickets à l'entrée peut être?

Carrie fait non avec son index, avant d'observer son doigt avec attention.

Carrie: non...

Elle change le doigt et montre son majeur.

Carrie: tu crois que je vais danser là-dessus, Prime? Même avec ce que t'as entre les jambes j'aurais  pas de quoi débuter les préliminaires!

Mais ce n'était qu'une parenthèse et elle revient à son sujet.

Rire sarcastique.

Carrie: Prime, si je vois quelqu'un qui pleurniche là à cette heure et depuis quelques semaines déjà, c'est bien toi et pas les mecs qui se ruinent la santé pour gagner leur vie, et la tienne en passant! J'crois que ça fait un petit peu trop longtemps que tu n'es pas monté sur le ring pour gagner ta vie, t'as oublié, mais franchement oublié, comment ça se passe! Je crois que pour toi l'heure de la retraite a bel et bien sonné! La seule chose qui est certaine, c'est que tu débites plus de conneries en un speech que Booya et MOC après trois rails de coc et deux litres de whisky!

D'une part, si tu crois que la Gran Slam est là pour te débarrasser du Bestiaire, c'est que t'es franchement plus con que t'en as l'air. La GSF est une bande d'individualistes qui vise juste à propulser des champions vers les titres qu'ils méritent. Charlie est le premier du genre. Tu crois sérieusement que Verdugo en a quelque chose à foutre du Bestiaire?  Il s'en cogne, que ce soit toi ou un  autre, ça ne changera rien pour lui et rien pour ses poulains. La vérité même c'est qu'à ton poste, ça pourrait bien être ton assistante ou ta maquilleuse que ça ne ferait pas une grande différence!  

Tu me déçois, Prime, en méprisant ma requête. Des lutteurs qui se plaignent, qui gémissent après une défaite ou parce qu'ils manquent d'action, j'en ai vu et entendu dans ma vie, mais tu devrais savoir que je n'en fais pas partie. Si je te propose une opportunité, il vaudrait mieux y réfléchir avant de la rejeter d'un revers de la main, simplement parce que tu es trop paresseux pour faire ton job!

Je vais te rappeler ce qu'est censé être un General Manager:

- un : recruter, ce que tu n'as pas vraiment eu besoin de faire car le plus gros du roster était déjà là quand tu as été promu à ton poste. Les autres sont venus d'eux mêmes ! T'as rien eu d'autre à faire que signer en bas d'une page.
-deux : organiser les combats: c'est clairement une chose que tu ne veux pas faire, puisque selon toi il faut que les lutteurs se prennent par la main et se démerdent eux mêmes!
- trois: assurer la promotion des shows et des PPV: ça, c'est ton truc, mais attention, pas question de bouger ton gros cul de ton bureau!

Tu veux que je te dise Prime: t'es vraiment qu'une grosse feignasse! Mais heureusement pour toi, tu es une feignasse riche, et tu es le GM de cette fédération. C'est pour cela, et uniquement pour ça, que tu es encore dans ce métier. Sans quoi le monde de la lutte aurait déjà définitivement oublié ton nom, sauf peut être avec le prénom de Sylvain devant. Il a foutrement raison, ton fils, quand il dit qu'il ne te doit rien et que c'est toi qui est dans son ombre. Quoique tu aies vécu avant d'arriver où tu es maintenant, tu as tiré un trait dessus, peut être involontairement, pour n'être plus qu'un gros bourgeois arrogant qui se complait dans son oisiveté.

Je vais te faire un résumé de la situation. Aujourd'hui des clans se sont formés, mais les rangs sont inégaux, tant en nombre qu'en puissance. D'un côté, tu as le Bestiaire, qui possèdent à sa tête deux grandes forces: Darkside, et son allié Edward. Mais ils ne sont pas seuls, puisque Yan a enfin trouvé sa voie et a considérablement gagné en force et en assurance sous la tutelle de son maître d'apprentissage. Mantis et Drash, enfin, sont deux recrues à ne pas négliger. Ce qui est inconnu est potentiellement dangereux, nous aurions tord de l'oublier! Et cette équipe a semble-t-il, décidé de mettre la main sur la SOW, commençant par s'attribuer toutes les ceintures, et terminant par virer le GM à coup de pompes dans le cul.... et vu tes sarcasmes je serais tentée d'applaudir rien que l'idée.

D'un autre côté, tu as ton ancien allié, Brujah. Puissant, certes. Mais désespérément seul dans sa croisade! Faut il compter sur The MOC et sa manager Toxic? Ils ne dégagent pas une impression de confiance et de dévouement. La seule chose qu'ils vont apporter à la SOW, c'est une violence gratuite et déplacée, d'ailleurs tu constateras rapidement une baisse d'audience. Et oui, bien souvent quand on choisit un produit à moindre coût il ne faut pas s'attendre à avoir de la qualité! Tu devrais envisager, lors du passage télévisé des promos de Bloods diamonds, un message d'alerte à l'usage des téléspectateurs, ce serait vraiment inconscients de laisser des personnes non averties s'abrutir en les écoutant. Personnellement, je trouve que c'est le moment parfait pour la coupure publicitaire! Tu crois qu'ils vont réussir, à deux contre cinq? Tu vois ou entends beaucoup de monde se dresser contre le Bestiaire? Non. Et je vais te dire pourquoi. La vérité c'est que les gens connaissent Darkside, connaissent sa force et celle qu'il est capable d'insuffler à ses recrues. Imagine toi qu'en faisant d'eux ses fidèles, il leur octroie une puissance et une volonté qui les pousse vers la réussite. Et cela s'est prouvé à de nombreuses reprises dans le passé. Ceux qui offrent les âmes à Darkside sont délivrés de leurs inhibitions et surpassent leurs craintes. Ils sont libres. Libres de déchaîner leur colère, leur haine. Libre de vouloir et de prendre ce qui leur est du. Tu penses encore que je serai "conne" de les rejoindre? Est ce que le précédent Bestiaire a jamais regretté son ère? Cela n'a jamais été évoqué en public en tout cas. Les plus ingrats ont certainement prétendu que sans cela ils auraient réussi quand même, mais tout le monde sait bien que c'est faux. Toi même, tu le sais.

Et enfin d'un autre côté il y a la Gran Slam Factory, fondée par El Verdugo. Les membres qui composent ce clan ne sont clairement pas une bande de potes, mais il y a parmi nous une indéniable brochette de lutteurs de très grande qualité. Seulement voilà, ces lutteurs là ne sont pas de ceux qu'on va conduire bêtement dans une bataille qui n'est pas la leur. Nous savons parfaitement que nous n'avons rien à gagner dans cette guerre. Nous sommes tous capables d'aller défier les actuels champions et de les battre. Pourquoi aller à l'encontre du Bestiaire? Il n'est pas notre ennemi. Juste un adversaire potentiel. Ce n'est pas notre combat. Je te proposais de nous donner une raison de rejoindre ta cause: tu m'as ri au nez. Je te le redemande une dernière fois: donne moi une raison valable de lutter contre le Bestiaire, de l'éradiquer. D'en faire une cause personnelle.

Tu vois là une façon de geindre ou de pleurnicher sur mon sort? Moi je crois au contraire que je suis en train de prendre ma carrière en main comme je ne l'ai jamais fait auparavant. Et cela je compte bien le faire jusqu'à son terme. Tu as signé le contrat qui nous lie, et ce contrat stipule des droits et des devoirs pour chacun de nous: je suis là pour faire le spectacle, pour lutter. Tu es là pour me donner de quoi faire ce spectacle. Me donner un adversaire, payer ma prestation et la vendre au public. Et tu es là pour assurer la sécurité de chacun d'entre nous, ce qui, il faut bien le reconnaître, en ce moment est ta grande défaillance! Tu trouves que je ne fais pas mon job correctement? Ce n'est pas ce que pense les ratings, ni le public d'ailleurs. Même si ce n'est pas l'essentiel de ma motivation, je suis de près ce genre de choses, et il est clair que je n'ai rien à me reprocher concernant mes performances. Par contre toi, tu commences à descendre sérieusement dans les stats. Et cela a clairement à voir avec le job que tu ne fais pas. Si quelqu'un a chaud au cul, ce n'est pas moi.

Elle fait un clin d'oeil à la caméra et celle ci s'éteint.

Carrie est comme à l'accoutumée dans une pièce sombre. Mais malgré l'obscurité, on distingue une petite pile de vêtements à ses pieds. Elle est filmée de dos, la capuche de sa cape noire vient juste cacher son visage à l'écran au moment où le zoom se ressert sur lui. On en distingue seulement un côté de la bouche et du menton. Quand elle se met à parler de sa voix légèrement rauque et grave, ses petites dents pointues reflètent la lumière de la lune.

Carrie: que de discours creux et vains dans le Sanctuaire en ce moment. Il faut croire qu'Il avait raison. Il est inutile d'attendre quelque chose d'eux. Même quand on leur tend la main, ils sont si ingrats qu'ils te crachent dessus. Comme Prime qui a décliné ma proposition et qui l'a interprété comme une provocation. C'est triste mais c'est son choix. Un très mauvais choix. Ce qui est drôle, c'est que si cela avait été n'importe lequel de ses enfants chéris, il leur aurait donné sans la moindre restriction. Si cela avait été sa catin, il aurait baissé son froc et elle l'aurais pris comme un homme, puisque Madame fait dans la transsexualité à présent. Oh... Si Pétale avait dû naître homme, c'est exactement comme cela que je l'aurais imaginé: vulgaire, sans foi ni loi. Mais voilà, dans ce registre il y a déjà son maître, El Verdugo...

Elle a un petit rire mesquin.

Carrie: copieuse... et mythomane...

Soudain on voit le visage de Rafael apparaître devant elle. Elle caresse sa joue et lui sourit tendrement.

Tandis que le reflet d'El Verdugo disparaît, elle tourne désormais la tête vers le miroir qui se trouve devant elle, mais ce n'est pas elle que l'on voit, ce sont les images de ses adversaires et de ses alliés. D'abord les Russian Roulette, puis les Bloods diamonds, le Bestiaire et la Gran Slam Factory, pour terminer par Prime.

Carrie: je suis lasse d'écouter les mêmes discours et les mêmes promesses chaque semaine. Alors je ne vais plus entendre les sons qui sortent de leurs bouches. Je vais me contenter de monter sur le ring et de frapper, disloquer, tordre, étrangler, assommer. Je vais ôter la musique, les applaudissements, les cris, pour ne plus entendre que les coups, et m'acharner jusqu'à ce que les corps ne bougent plus. Jusqu'à ce que je sente l'arrivée de ma vieille amie, quand elle viendra étreindre leur carcasse. J'aime ce silence qui suit le combat. Ces longues minutes où l'on entend plus que les battements du coeur qui ralentissent. La quiétude de ce moment, l'ivresse de cet instant où l'on tient la vie de l'autre entre ses mains, où l'on est maître de son destin. Un seul geste, un seul mouvement, et tout s'arrête. Tout s'éteint. Le jour devient nuit. La vie devient mort. J'ai parfois souhaité la tenir entre mes bras...

Elle tend sa main devant elle et la passe à travers le miroir. De l'autre côté, on peut voir le prolongement de son bras, de son coude jusqu'au bout de ses doigts, sans vêtement et sans peau, il ne reste plus que les os. Elle tourne sa main et en regarde ce qui en avait été la paume. Puis elle la ressort du miroir.

Carrie : Le jour devient nuit...

Elle sourit et dévoile à nouveau ses dents affûtées.

Carrie: j'aime la nuit. J'aime le silence. J'aime la colère et la violence.

Sa voix est plus grave encore.

Le miroir reflète désormais sa silhouette, mais on ne voit toujours pas son visage.

Carrie: donne moi la nuit. Donne moi le silence. Donne moi la colère... en retour, je te donnerais... la violence!

D'un mouvement ample elle fait voler la cape par dessus sa tête... puis disparaît. Le reflet, lui, est toujours là dans le miroir, la cape bouge légèrement.

Lorsque la caméra arrive dans la salle d'entraînement, elle trouve Carrie en plein effort. C'est Salfino qui s'y est collé, les deux femmes préférant éviter la démone et le Bestiaire.

Salfino: bonsoir Carrie. Quelques mots pour les téléspectateurs de la SOW?

Elle le regarde et lui fait signe de commencer, sans pour autant arrêter de taper dans le sac de boxe avec force.

Salfino: je sais que tu n'aimes pas qu'on tourne autour du pot, alors je vais être direct. Pourquoi le Bestiaire? Toi qui as tout pour réussir seule, pourquoi rejoindre le clan de Darkside, pourquoi...

Elle l'interrompt avec un regard très mauvais et un grand geste de la main, avant de se diriger vers les vestiaires. Salfino la suit.

Carrie: pourquoi, pourquoi, pourquoi... pourquoi faut il toujours tout expliquer? Pourquoi est ce si étrange que cela? ça ne devrait surprendre personne! Tout le monde connaît mes origines! C'était l'évidence même!

Salfino: c'est vrai. Mais tu es si proche de Verdugo, de Charlie, tu étais si déterminée à défendre les ceintures! Même si le doute subsistait, on aurait pas imaginé que tu aurais trahi Charlie pour donner cette ceinture au clan ennemi!

Carrie fait volte face et s'approche tout près de lui, dangereuse.

Carrie: ennemi? Ennemi de qui ? De la GSF? Depuis quand la GSF a des ennemis? La GSF n'a aucun ennemi ! Ce n'est qu'un groupe d'individualistes dans lequel Synster lui même trouverait son intérêt! Chacun fait sa petite affaire dans son coin. Leurs ambitions sont médiocres, misérables ! Le Bestiaire lui, a de grands projets!

Salfino: alors c'est seulement ça? Simplement une question d'ambition?

Carrie: pas seulement non. Le Bestiaire est un vrai clan. Une famille. Le même sang coule dans nos veines. Darkside... j'admire sa force, sa détermination... sa froideur aussi! Il est celui qui montre la voie. Je le suivrai jusqu'au bout de sa quête et ensemble, nous régnerons sur la SOW. Edward, mon ami, lui aussi est un exemple d'endurance et de force. Il est comme un frère pour moi. Tu vois, deux bonnes raisons de rejoindre le Bestiaire: la première est l'ambition, la deuxième est la fratrie. J'ai retrouvé l'envie de me battre en rejoignant ce clan.

Salfino: Mais je croyais que tu avais déjà donné avec la FGB. Servir Légion ne t'as pas suffi?

Carrie se met à rire.

Carrie: Servir? Porté à bout de bras! Si Légion a été aussi loin c'est grâce à moi. J'ai porté sa révolution bien plus longtemps que ce qui était prévu. Et quand le deal a été consommé, j'ai pris mes affaires et goodbye. Ici ce n'est pas la même chose. Darkside est mon sang, mon origine. Mon instinct me pousse à le suivre, mais je ne suis pas son ombre. Je ne suis pas son instrument. Mon besoin d'indépendance est trop fort pour que je l'ignore trop longtemps.

Salfino: mais alors pourquoi rejoindre le Bestiaire si tu veux garder ta liberté?

Carrie: parce que je veux en être. Quand nous serons tout en haut, quand nous aurons gagné la guerre et réduit les humains à l'esclavage, je veux être au sommet du monde. Je ne veux pas être de ceux qui subiront. S'il faut choisir un camp je choisis celui des vainqueurs! Tu sais comme moi que Darkside a déjà l'avantage. Et quand on voit ce que Prime essaye de nous mettre dans les pattes, on n'a vraiment aucune chance d'être stoppés en cours de route!

Salfino: tu vas affronter Toxic et The Moc très bientôt, j'imagine que tu n'en penses pas du bien...

Carrie lui sourit.

Carrie: la vérité Salfino c'est que je ne pense même pas à eux. Les écouter parler ça donne envie d'abréger leurs misérables vies, et j'entends bien concrétiser ce projet prochainement. Vite fait, bien fait.  La pauvre gamine s'offusque parce que je l'ai un peu poussé? Et ça se prétend spécialiste du Hardcore? Qu'est ce que ça va être quand elle va traverser des tables, ou se faire ouvrir le crâne à grands coups de chaises! Ma pauvre, si t'es pas heureuse la porte est grande ouverte, casse toi! Quand je vois des cas pareils je me demande sérieusement ce que je fous là!

Salfino: hum...

Carrie: as tu déjà écouté ou lu ce qu'ils racontent? Leurs blagues à deux balles avec Black Lotus et leurs répliques pitoyables? Mais qu'est ce que tu veux que je réplique à ça? Si encore ils avaient un début d'argument, un petit peu d'intelligence... mais là c'est du vent! The Moc et Toxic... putain je rêve!... et Black Lotus! C'est ça qui est censé nous arrêter?

Salfino: il y a quand même Brujah avec eux...

Carrie: Brujah pourrait être un adversaire dangereux. Mais pas tout seul. Pas tout seul contre tout un clan, uni par le sang de Darkside, dans le seul et unique but de dominer le sanctuaire. Ouvre les yeux, Salfino. Ouvrez tous les yeux. Vous aviez une possibilité pour que cela ne se produise pas. Il aurait suffi d'une opportunité, pour moi, contre le champion Omega. Ni plus, ni moins.

Salfino: ils sont ouverts, merci. Je sais bien que vous êtes tous comme hypnotisés par Darkside, mais tu as entendu ce qu'a dit Edward... il est capable de tous vous trahir sans aucun remord... tu as déjà du y penser.

Elle a un sourire ensorcelant.

Carrie: si tel est le cas il s'agira là d'une leçon et non d'un coup bas. Darkside nous donnera plus d'opportunité et de gloire que nous n'en rêverons jamais dans nos vies. Et comme Dieu, ce qu'il donnera, il reprendra ensuite. Cela fait partie de l'apprentissage. Rien n'est éternel, la notoriété, la richesse, sont éphémères et sans importance. Seule la vie est importante, et l'histoire que tu laisses derrière toi une fois éteint. Qu'importe que tu vives vieux dans l'anonymat. Ce qui compte, c'est de graver son destin dans le marbre. D'illuminer le monde entier. Que nos légendes soient contées jusque la fin des temps.

Salfino: ouais... en attendant, y a quand même du boulot. C'est pas dit que Prime vous laisse faire, et c'est pas dit non plus que d'autres ne s'en mêleront pas. En plus Timothée a rejoint les rangs de la GSF.

Carrie: je te l'ai dit, la GSF s'en fout complètement du bestiaire. Elle pense que nous allons nous diviser avant de régner, ou bien que le clan une fois comblé de récompenses se dissociera tout seul. Et c'est très bien ainsi. Pour l'instant ils se mêlent de leurs affaires. Nous nous retrouverons face à face bien assez tôt, lorsque les titres seront en jeu.

Salfino: tu n'as pas peur tout de même que Pétale profite de ton éloignement pour se glisser dans les draps de Verdugo?

Carrie: la peur, ce n'est pas mon style. Et comme je l'ai dit il y a quelques temps, si cela doit arriver, cela arrivera. A ce jour Rafael et moi nous sommes toujours ensemble. Je l'aime comme personne ne l'aimera jamais. S'il ne comprend pas mes choix, il peut au moins les accepter. C'est ce que j'attends de lui, et c'est tout ce que je suis capable de lui donner. Maintenant si tu veux bien m'excuser, j'ai une douche à prendre avant de rentrer chez moi.

Salfino la laisse passer avant de se tourner vers la caméra.

Salfino: bon et bien, c'était pas si terrible...

Un épais brouillard s'installe soudain autour d'eux. Se rendant compte qu'ils sont un peu isolés dans l'obscurité, Phil et son caméraman ne se font pas prier pour quitter les lieux.

Le ciel est chargé de nuages épais ce soir. Il pleut, mais elle reste dehors, les yeux fermés. Impossible de déterminer quelles émotions la traversent, son visage est impassible, et surtout... il fait nuit.

Carrie: Brujah... pauvre petite créature des ténèbres... tu ne sais pas ce que tu viens de déclencher mon enfant.

Argh! Sa voix est caverneuse, c'est le démon qui parle et non la femme sexy.

Carrie: Brujah le vampire, la brute, le soldat. Car tu n'agis pas pour ton propre compte n'est ce pas? Qu'est ce qu'un vampire irait s'investir dans cette bataille? Je sais pourquoi... Parce que tu t'ennuies. Parce que bien que tu aies tourné le dos à Prime tu ne lui restes pas moins fidèle. Bien que tu fasses fi de toutes leurs convenances, de leurs règles, tu es l'un des nôtres. Et pourtant tu défends leur cause. Tu défends une administration dépassée, qui rendra bientôt les armes. Tu perds ton temps. Cette cause là est perdue d'avance.

Je vais te parler de toi Brujah. Je vais parler de ta solitude, malgré ta position de leader du mouvement Blood Diamonds. Malgré ta position de super héros, défendant la liberté de la SOW, défendant l'unité de la Sow. Regarde Brujah! Regarde qui te suis! PERSONNE! Regarde qui prend position à tes côtés! PERSONNE!

Un petit rire râcle sa gorge.

Ô tu as bien essayé de rassembler... Black Lotus, The Moc, Toxic.... mais qui sont-ils face à nous, hein? Regarde à quel point tu les surpasses, à quel point ils te ralentissent, te tirent vers le bas! Non, Brujah, tes alliés n'en sont pas. Ce ne sont que des parasites, des insectes méprisables qui s'accrochent à toi et te feront perdre ta bataille! Ils sont indignes d'être dans tes rangs!

Black Lotus ... à quel moment a-t-on cru réellement qu'il était un lutteur d'exception? Lorsqu'il officiait dans d'autres fédérations? A la SOW en tout cas il n'a pas encore marqué les esprits. Pas même lorsqu'il a battu Darkside pour devenir le Hardcore Champion.. avec l'aide de The MOC qui a changé la direction du match. Que doit on penser d'une équipe qui critique nos méthodes mais qui les emploie à tour de bras? Vous n'êtes pas plus braves que Nous. Oh non, vous êtes méprisables! Black Lotus c'est quoi au juste? Ce n'est qu'un gros lard déguisé en panda qui se donne un air supérieur. Un bouffon en tenue d'apparat qui se prend pour un guerrier! Mais l'habit ne fait pas le moine, et très bientôt il retombera de son piédestal. Le titre Hardcore n'est pas fait pour les imposteurs et sa victoire n'est que temporaire. Yan serait le prétendant parfait à ce titre, Darkside lui est promis à une destinée plus glorieuse et j'entends lui ouvrir la voie.

The Moc lui n'est qu'un crétin qui a appris à lutter dans un stage de perfectionnement à 30 dollars la semaine, n'est ce pas? C'est à cela que je pense quand je le vois sur le ring. Un mec avec un QI négatif qui se prend pour une future légende et qui est incapable de trouver sa place. Ce n'est pas pour rien qu'il ramène sa manager partout avec lui. Il est tellement craintif qu'il a besoin qu'on protège ses arrières pendant que lui couvre ceux de Black Lotus. Mais qui protège les arrières de Toxic? Personne ... pauvre petite chose qui se croit forte. Elle est en réalité si fragile. Idiote, faible. Totalement dépendante des hommes qui l'entourent.

Sa voix devient inquiétante, elle laisse planer la menace. Elle sourit très briévement.

Dans ce genre de chaînes il y a toujours un maillon faible, un boulet. Dans le mouvement Blood Diamonds il n'y a pas un boulet mais trois: Black Lotus, The Moc et Toxic. La vérité sur cette faction, c'est que le seul membre actif, le seul véritable adversaire du Bestiaire, c'est Brujah! Les autres ne servent qu'à faire diversion. Mais le Bestiaire n'est pas aussi bête Brujah. Le Bestiaire t'a vu venir, avec ta grande gueule et tes manières brutales. Et le Bestiaire se régale. Il t'observe, t'évalue, il te teste sans que tu ne t'en rendes compte. Tu crois nous mettre à l'épreuve, mais c'est toi qui est analysé, comme un cobaye que l'on place dans un labyrinthe jusqu'à ce qu'il trouve la sortie. Tu pourras bien t'acharner sur chacun d'entre nous, et jusqu'à Mantis, le plus faible, nous ne faillerons pas. Car dans nos rangs il n'y a que de braves guerriers, animés par un même objectif. Tu peux bien critiquer la méthode, tu peux critiquer la cause elle-même, mais tu ne nous ôteras pas la volonté d'agir et de réussir!

Alors quand bien même tu attaqueras nos maisons et leurs fondations. Quand bien même tu attaqueras l'honneur et l'intégrité de chacun d'entre nous : tu ne feras que renforcer le mouvement! Nous nous sommes débarrassés de tout ce qui aurait pu nous rendre faible. La famille, l'amour, tout ce que tu aurais pu détruire pour nous attaquer a disparu. Il faut faire des sacrifices pour atteindre les sommets, alors nous avons sacrifié ce qui pouvait l'être. Nous avons coupé tout lien. C'est pour cela que tu ne peux plus nous atteindre. Que tu n'y arriveras jamais!

Tu t'attaques à un monument, Brujah! Tu n'as aucune idée de la puissance qui nous lie à présent dans le Bestiaire! Et personne ne sait de quoi nous sommes capables, à part ceux qui ont déjà accompagnés Darkside. Pourquoi ne trouves-tu rien de solide à dire contre lui? Parce qu'il n'y a rien à en dire! Darkside est l'adversaire le plus craint à la SOW. Il gagne toujours, même dans la défaite. Pourquoi en faire ton point de mire, si tu ne le craignais pas? En quoi te dérange-t-il? Parce qu'il méprise les humains et se joue d'eux? Nous le faisons tous! Chaque être démoniaque ici présent est conscient de sa supériorité sur les mortels! La seule façon pour eux de s'élever dans le monde, de devenir supérieur à leurs semblables, c'est de rejoindre le Bestiaire. Mais n'allez pas croire que nous prenons le premier venu. Nous sommes plus malins que cela. Tout a un sens! Même Mantis a un rôle important à jouer. Certes il est fou à lier, il ignore volontairement que le faux Mantis n'est que son côté sombre. Mais la folie est bénéfique: elle le rend plus violent, incontrôlable. Sain d'esprit il ne nous servirait à rien. Yan s'est enfin révélé à lui même, il est plus fort qu'il ne l'a jamais été, et sa confiance en lui grandit de jour en jour. Nous le porterons jusqu'à la victoire et il s'épanouira enfin comme il le mérite.

Il est trop tard pour revenir en arrière. Vous avez perdu trop de temps à tourner en rond, à observer au mauvais endroit, à mépriser votre ennemi. Vous l'avez sous estimé. A présent, ses tentacules ont gagné chaque extrémité du sanctuaire. Il vous entoure, vous contient. Lorsqu'il resserrera les liens autour de vous, aucune pardon ne sera accordé. Tous les opposants au Bestiaire tomberont les uns derrière les autres. Et en voyant cela, nos frères se joindront à nous. Car à l'heure du cataclysme croyez moi, il n'y a plus que deux camps: les vainqueurs et les vaincus. Je sais mes frères immortels incapables de renoncer à leur nature, à leur instinct.  

Maintenant tu veux savoir quel impact a eu ton intrusion dans la sépulture d'Hadès.

Je vais te dire ce que j'en pense: je pense qu'il n'y a qu'un lâche qui peut agir ainsi. Tes insultes, que j'ai déjà entendu d'ailleurs et qui sont pitoyables, ne m'atteignent en aucune façon. Même toi tu n'y crois pas! Je suis la pute d'El Verdugo? Si tu veux, si ça t'amuse! J'ai été sa maîtresse et j'ai aimé ça! Il sera mon dernier amant. Je suis la pute d'Hadès, son assassin? Si tu veux, je devrais vivre avec ça! Sa mort est gravée au fer rouge dans ma mémoire, et mon coeur est mort avec lui. Tu peux bien dire ce que tu veux à ce sujet, cela ne m'atteindra plus, car nous sommes morts! Regarde moi, je suis une femme libre désormais. Je suis surtout une guerrière surentraînée et j'attends notre confrontation. Car il y a une chose que je ne peux supporter : c'est ton arrogance! S'il y a des femmes qui peuvent se laisser insulter et mépriser, cela les regarde. Moi je ne suis pas de ces créatures qui acceptent. Si tu as encore des couilles, si tu es encore un homme, même mort, alors viens m'affronter en face à face! Si tu refuses, j'y verrai à nouveau une preuve de ta lâcheté! Tu n'es qu'une fiotte Brujah, parce que tu ne sais pas pourquoi tu te bats. Tu ne connais pas ton chemin, et tu trahis ton sang en affrontant tes semblables ! Tu n'as pas d'âmes, pas de morale, pas d'honneur. Tu n'es qu'un tas de muscles dénué d'humanité et d'intelligence. Viens m'affronter et tu comprendras à quel point tu te fourvoies ! Viens et prouve moi que tu n'es pas qu'une pauvre copie de Pétale et Draven!

Fin

Carrie : tu es affligeant, Black Lotus. Et tous ceux qui t'entourent le sont également. Non seulement tu es con, mais en plus tu t'entoures de cons. Irrécupérables, et tellement imbus de vos personnes. Tu crois que je suis simplement prétentieuse?

La démone, dont on ne voit que les yeux en gros plan, affiche un ton amusé.

Carrie: oh non, crois moi que non. Simplement tout ce qui se passe en ce moment me fait soit hurler soit rire. Et toi, tu es la deuxième possibilité. Toi, Black Lotus, tu as entraîné Skye Dietrich? Mais putain mais oui! ça explique tout! Pourquoi elle est toujours aussi invisible, transparente! Pourquoi elle n'est tout simplement rien ni personne! Pourquoi elle emploie des expressions que vous êtes les deux seuls à comprendre !!!

Elle rit, mais son rire sonne faux. La démone n'a pas le coeur à rire. (ah oui c'est vrai, elle n'a plus de coeur! trop drôle le narrateur!)

Carrie: Skye, Toxic, et toutes les petites traînées que tu pourras bien entraîner ou appâter, je vais te dire simplement : VENEZ! Venez, mes amies, mes chéries, mes ennemies! Venez et je vous étreindrez! Je vous serrerai fort entre mes bras, vous embrasserai!

Je suis la mort, la barque qui transporte jusqu'à l'autre rivage. Je vous accompagnerai dans votre dernier voyage, et toutes les options seront gratuites pour vous. N'ayez pas peur!

Le plan s'est éloigné, on voit son visage à présent. Son sourire, étrange, mystérieux, et cette expression excitée, comme en transe.

Carrie: Lotus, tu n'es qu'un crétin. Non seulement tu passes pour un demeuré, mais en plus tu oses éduquer ces jeunes femmes comme si tu étais un vrai maître. Chez les humains, on appelle ça.... des charlatans! Des faussaires, des manipulateurs. Tu veux en faire quoi de ses pauvrettes? Les mettre dans ton lit? Apparemment, tu es ce genre d'hommes, complètement obsédé par le sexe féminin, par les plaisirs qu'elles peuvent apporter aux hommes. J'en ai connu des mecs comme toi, qui profitaient du peu de notoriété qu'ils avaient pour profiter de faibles femmes, de leur naïveté. Selon toi, il n'y a que deux types de femmes n'est ce pas? Celles que tu baises, et les putes qui se refusent à toi, ou pire, qui se foutent de ta gueule. Si c'est cela être une pute à tes yeux, pauvre imposteur, alors je suis une pute. Et toi tu n'es qu'un pauvre illusionniste, sans talent et sans avenir. Je n'ai pas de respect pour toi et je n'en aurais jamais. A vrai dire, je n'aurais jamais de respect pour un homme qui méprise les femmes, qui se croit supérieur à elle.

Ici, et à la FGB, des femmes sont à même de rivaliser avec n'importe lequel d'entre vous. Ici, comme là-bas, les femmes peuvent être championnes et sexy. Elles peuvent être mères et amantes. Elles peuvent avoir le pouvoir et montrer de la compassion. Tu n'es pas le premier à me traiter ainsi. Tu ne seras sans doute pas le dernier. Sauf que la logique est simple : absolument tous ceux qui ont traité une femme de pute avant de l'avoir affronté se sont pris une raclée. Rentre toi bien ça dans le crâne, charlatan: je n'ai pas eu besoin de coucher pour me faire un nom dans le milieu. J'ai gravi les échelons un à un. Et si certains hommes ont croisé ma route et l'ont partagé un moment, ils ne l'ont en aucune manière influencé!

Quant au fait que je change de clan comme de sous vêtements, tes dires sont vrais pour la simple et bonne raison que... je n'en porte pratiquement jamais. Ce sont des accessoires qui ne servent qu'à vous émouvoir, et comme tu as pu le constater, j'ai autre chose à foutre en ce moment!

Ah oui, une dernière chose: Pétale et Draven, ce qu'ils diraient face à moi, c'est mon problème. Pour l'une ce n'est qu'une question de temps. Pour Draven, évite de penser à sa place. Quelque chose me dit que tu serais bien surpris...

Elle fait un clin d'oeil à la caméra et l'écran devient noir.