Carrie vient juste d'entrer dans sa chambre d'hôtel lorsque le téléphone se mit à sonner. Elle décrocha, clairement de mauvaise humeur, et gagna la fenêtre panoramique.

Carrie: hum...

Howard: bonsoir Carrie. Sale journée hein.

Carrie: bonsoir Howard. En effet, c'était une putain de sale journée, et elle n'est pas finie.

Howard: je ne vois pas ce qui pourrait t'arriver de pire.

Carrie: que tu me fasses rater le coup de téléphone que j'attends.

Howard resta quelques secondes silencieux avant d'avancer LA question.

Howard: ne me dis pas que tu t'es remise avec Verdugo.

Elle rougit jusqu'aux oreilles.

Carrie: nonnnn! Il est plus... enfin moins... nan je ne vois plus Verdugo.

Elle entendit son ami soupirer profondément.

Howard: ouf. Un instant j'ai cru que...

Carrie: aucune chance.

Howard: d'accord  j'insiste pas. C'est qui alors?

Carrie: parlons plutôt de mon match tu veux? Tu m'appelles pour débriefer non?

Elle branche le haut parleur et va se chercher quelque chose dans le frigo.

Howard: si tu veux. Par où je commence? La déconfiture du Bestiaire? Le Qilin qui ne parvient pas à faire la différence, la montée en puissance des Bloods Diamonds même divisés? Le fait que l'intervention du Bestiaire t'ai coûté ta chance d'affronter le champion? Ed qui n'a toujours pas la mallette? La mauvaise idée qu'a eu Darkside de saucissonner Pétale...

Carrie (la bouche pleine): ah non ch'a ch'était drôle!

Howard: ou bien encore la défaite de ton Dieu de l'Enfer? En résumé, une équipe qui reprend du terrain, et le Bestiaire qui voit tous ses espoirs partir en fumée. Avoue le que c'était pas une bonne idée.

Carrie: ch'est pas une bonne idée.

Elle boit une gorgée de coca.

Howard: si facilement? Tu vas lâcher maintenant?

Carrie: nan, tu sais bien que quand j'ai une idée dans la tête je vais jusqu'au bout! 'coute, cette histoire commence à me coûter cher. J'pensais que c'était bien de partir de la GSF comme ça, surtout avec les problèmes avec Rafael. Mais heureusement qu'il y a Edward parce que franchement ça craint!

Howard en reste sans voix.

Carrie: déjà que Prime nous a dans le collimateur, en plus y a rien qui se passe comme prévu (elle croque dans une pomme), ch'est chur, ch'a va retomber comme un choufflé.

Howard: putain j'me suis trompé de numéro ou quoi? Carrie c'est toi au téléphone? Green a du frapper un coup de trop. Bouge pas j'appelle un médecin.

Carrie: mais qu'eche que tu racontes? Ch'a va ! Ch'uis juste dégoutée (elle avale un gros morceau de pomme, manquant de s'étrangler), j'étais à deux doigts de gagner cette putain d'opportunité.

Howard: en même temps, c'est peut être fait exprès: soit Prime veut pas que tu aies ce titre, soit c'est Darkside ...

Carrie relève la tête, on dirait un hamster avec les bajoues remplies de nourriture. Elle plisse les yeux.

Carrie: oh les enfulés!

Elle se lève et marche un peu.

Carrie: voui tcha raivon, y m'ont pigué ma fanfe (elle avale à nouveau après avoir maché). Personne ne voulait que je l'ai cette opportunité. Prime était sur de son coup de toute façon, le Bestiaire serait intervenu quoiqu'il arrive, que je gagne ou pas. Et Darkside, lui, n'avait aucune raison de me laisser gagner: il le veut ce putain de titre de mes...

Howard: Carrie ... tu jures...

Carrie: moui excuse. Darkside n'a pas envie que je gagne parce que sinon il n'aura plus un seul membre de son équipe sur son chemin, mais deux. Edward et moi. Et il sait que sans nous, en ce moment, il ne serait rien du tout. Donc pour l'instant il a besoin de nous, mais il ne veut pas qu'on monte trop haut. Non, il faut qu'on le serve encore un peu. Et puis il nous mettra l'un contre l'autre pour soit disant définir le meilleur. Il nous regardera et il en profitera pour piquer notre titre de challenger n°1.

Howard: si tu connais la fin de l'histoire, pourquoi y participer.

Carrie se brosse les dents dans la salle de bains.

Carrie: pachque chest plus grôle. Y groit gu'on est gros gon et gu'on boit (elle crache et se gargarise)  glouglouglouglou (crache) pas ce qu'il trafique. Mais on est loin d'être bête. On sait depuis longtemps que toutes ces histoires c'est des conneries pour endormir tout le monde. Même l'échec du bestiaire c'est prémédité. Faut pas que tout ça monte plus que lui tu vois? T'imagine que ces hommes de main soient plus puissants que ça? Impossible pour Darkinou!

Elle ressort de la salle de bain en shorty et enfile un débardeur. Soudain elle voit l'écran de son ordinateur clignoter. "vous avez un nouveau message" et se jette pour le lire. Le cri de joie qu'elle pousse interpèle son agent.

Howard : ça va?

Pas de réponse.

Howard: Carrie.

Carrie murmure "yes, me to"

Howard: Carrie?

Elle glousse comme une gamine. Howard finit par raccrocher.

Carrie est devant son écran d'ordinateur. Comme elle est filmée de dos on ne voit pas ce qu'elle y fait, mais on entend qu'elle dit au revoir à quelqu'un.

Carrie: bye.

L'homme : bye, Carrie.

La caméra se rapproche et on voit une main en premier plan, juste devant la silhouette de l'homme. Et celle de la démone posée par dessus, pendant de longues secondes avant que l'image se coupe.

Elle reste là un moment, avant de se retourner brusquement.

Carrie: hey, qu'est ce que tu fais là toi?

Le petit garçon sort de sa cachette et saute dans les bras de sa mère.

Carrie : tu devrais être couché.

Andréas: c'était qui?

Carrie: un ami.

Andréas: je croyais que t'avais pas d'ami, à part Edward.

Carrie: ton père est mon ami aussi.

Andréas: papa est loin, à cause du travail. Comment il s'appelle? Je l'ai déjà vu?

Carrie: c'est Lee. Oui tu l'as déjà vu. Il y a quelques semaines à la conférence.

Andréas: là où il y avait plein de gens déguisés?

Carrie: oui.

Andréas se met à sourire bizarrement.

Andréas: tu sors avec lui?

Elle rougit un peu.

Carrie: non. Pas vraiment. Enfin, pas encore.

Andréas : tu sais pas?

Carrie: Lee est acteur, il voyage beaucoup et en ce moment il est à l'autre bout du monde. Donc c'est compliqué, on a préféré attendre avant de.... avant de se rapprocher.

Andréas: il connait papa?

Carrie: tu poses beaucoup de questions toi... oui, il le connait très bien même. Et il connait aussi Louis, c'est un ami.

Andréas: il connait Toxic?

La démone fronce les sourcils.

Carrie: pourquoi est ce qu'il la connaitrait? C'est personne celle là.

Andréas: je l'aime pas. Elle est moche. Et elle parle bizarrement.

Carrie: c'est normal qu'elle parle comme ça. Toxic fait principalement du Hardcore, c'est un coup à devenir complétement toquée!

Andréas: t'en as fait toi du hardcore?

Carrie: parfois. Mais c'est pas ce que je préfère. Il a bien fallu que j'apprenne et que j'en fasse pour être engagée à la SOW. Mais si je peux m'en passer, je le fais. Je crois que ça au moins Prime l'a compris.

Andréas: Prime il doit se dire que t'es trop jolie pour faire ça, on risquerait de te blesser au visage.

Carrie: je pense que j'ai d'autres atouts sur le ring, mon coeur. Y a pas de gloire à défoncer son adversaire avec des barbelés et des clous. C'est un truc de brute sans cervelle. Et y a que les brutes sans cervelle qui regardent ça. Je vaux bien mieux que ça sur le ring. Et puis entre nous, faut bien qu'elle justifie un peu son salaire, Prime fait la chasse aux parasites en ce moment. Si elle se bouge pas un peu elle va se faire virer. D'autant plus que son petit ami vient d'engager une manageuse, à trois ça devient dangereux... il se pourrait bien qu'il aille voir ailleurs. Je lui conseille plutôt de s'occuper de ses fesses plutôt que de venir respirer autour de moi,

Andréas fait un air dégouté: beurk, j'suis sure qu'elle se lave pas et qu'elle a mauvaise haleine.

Carrie: c'est vrai qu'elle a pas l'air très propre...

Andréas: elle dit des gros mots, elle t'insulte. A l'école la maîtresse elle nous punit si on dit ça.

Carrie lui sourit largement.

Carrie: oh mais je vais la punir, mon coeur! Je vais la punir bien sévèrement, comme ça la prochaine fois qu'elle parle de moi comme ça, qu'elle m'insultera dans ces termes là, elle aura une raison de le faire. Je vais lui donner un motif d'être en colère.

Le petit garçon montre l'ordi.

Andréas: "vous avez un nouveau message"

Elle se retourne et ouvre le message. Le fichier renvoie sur un lien internet. Lorsqu'elle clique dessus, la photo d'un paysage de rêve, une plage, avec au sol un coeur tracé dans le sable, et son prénom.

Andréas: c'est plus romantique que la promo de Rafael...

Elle regarde à nouveau son fils et le sert dans ses bras.

Carrie: je suis désolée que tu aies vu ça mon coeur.

Andréas: c'est pas ta faute, t'étais pas au courant et papa non plus. Rafael était pas gentil sur ce coup là. Quand je le reverrai, je lui dirai.

Carrie: je doute que tu le revois un jour, mon ange. Il ne vient plus à la Sow depuis un bon bout de temps.

Andréas: tant mieux, comme ça il te laissera tranquille et papa aussi.

Elle ne répond rien, écrit quelque chose sur le clavier et envoie le message avant de prendre le petit par la main et l’emmener se coucher, laissant l'écran allumé pour plus tard.

Carrie termine d'aider Eden à fermer son blouson. Howard la prend dans ses bras et donne la main à Andréas pour les conduire à sa limousine. Les enfants ont l'air d'avoir peur, ils regardent partout et se blottissent contre leur mère une fois dans la voiture.

Howard est assis en face d'eux, il veut leur donner quelques bonbons mais ils ont trop peur et font non de la tête.

Howard: une fois là bas, vous allez être en sécurité. Dis moi ce qui se passe Carrie.

Dans ses yeux bleus presque translucides, il ne voit plus la femme sure d'elle et heureuse de ces derniers jours, mais une femme qui cherche à cacher son trouble. Il croit aussi déceler la peur... mais voilà un sentiment qu'il ne l'a pas vu montrer depuis... qu'Hadès a été enlevé.

Elle prend sur elle pour que sa voix soit neutre.

Carrie: quand nous serons arrivés, je te raconterai tout.

Il acquiesce d'un signe de tête. La voiture roule un bon moment, jusqu'à l'entrée d'une villa ultra sécurisée. Ils passent plusieurs barrages de sécurité avant d'arriver à l'intérieur d'un garage. Carrie constate la présence du personnel, en costume cravattes, mais les hommes se font discrets dès qu'ils entrent dans la maison. Elle prend Eden et Howard porte Andréas dans l'ascenseur qui les mène jusqu'à l'étage de vie. Les enfants connaissent cette maison, ils y ont leur chambre et leurs jeux dès que Carrie s'absente pour les House show et les tournées. Howard est comme un père pour elle. Durant quelques minutes, ils accompagnent les petits jusqu'à leur salle de jeu et attendent que ceux ci se sentent un peu mieux. Après quoi, deux gardes rapprochés viennent se poster devant la pièce. Devant la fenêtre, on voit également une autre silhouette noire et blanche.

Howard, prend son bras dans le sien et pose sa main par dessus.

Howard: viens, nous allons dans le salon juste à côté, ils ne risquent rien ici, je reçois fréquemment la visite de chefs d'Etat ou d'hommes d'affaires hautement menacés et même la Maison blanche n'a pas un niveau de protection aussi élevée.

Elle le suit et s'installe en face de lui dans un beau fauteuil en cuir rouge. Après que la servante ait déposé un plateau avec café et petites patisseries miniatures, Howard pose la question.

Howard: qu'est ce qui te met dans un état pareil? MOC et Toxic? Parce qu'ils ont dit avoir truffé ta maison de micros et de caméras?

Carrie: non... si MOC a fait piéger un endroit ce n'est pas chez moi, déjà dans un premier temps parce qu'il dit y avoir trouvé un homme et que moi... je vis seule avec les enfants depuis la ... séparation.

Elle sort la tablette de son sac et montre la vidéo de Rafael à Howard.

Howard: ah... c'est lui qui t'inquiète.

Carrie pose la tablette et lève vers lui des yeux brillants de larmes.

Carrie: m'inquiéter? Je suis terrifiée Howard... je ne l'ai jamais vu dans cet état là, il est complètement perdu, abattu... et sa colère se diffuse à travers son être, je peux le voir dans ses yeux.

Howard: tu crois qu'il pourrait te faire du mal ?

Carrie: C'est trop simple pour Rafael. Non s'il m'attaque, ce ne sera pas directement. Il voudra me faire souffrir, comme il souffre lui même.

Howard: alors lance une action en justice contre lui si tu te sens menacée. Demande une injonction pour qu'il n'ait pas le droit de vous approcher. Je peux te faire cela quand tu veux, tu sais que mes avocats sont parmi les meilleurs du monde.

Carrie va se poster devant la fenêtre, et observe quelques secondes le panorama qui donne sur l'océan. Ils sont au bord d'une falaise, autour de la propriété, entourée par de hauts murs, comme une prison dorée, des postes de gardes et à l'infini, le désert. Une forteresse imprenable.

Carrie: je ne ferai que gagner du temps. Si je me lance là-dedans, je vais déclencher l'instinct de prédateur chez lui. Et je ne veux pas le blesser plus encore.

Howard: moi ce que je vois, ce n'est pas un homme qui souffre, mais un prédateur qui est à l'affût de n'importe quelle proie. On est bien loin des petites menaces de MOC et Toxic, on a affaire avec un animal blessé, prêt à fondre sur toi et les enfants, ou n'importe lequel de tes proches, nous, ou bien Edward, ou encore Lee...

Carrie tressaillit violemment et se retourna vers lui, ses yeux étaient remplis de larmes, mais celles-ci ne coulaient pas, comme si elle les retenait par un quelconque sortilège.

Carrie: non !

La fragilité de sa voix n'échappa pas à Howard qui s'approcha d'elle.

Howard: c'est lui que tu vois en secret depuis quelques temps, n'est ce pas?

Carrie: nous ne sommes pas encore... autre chose que des amis. Pour l'instant il tourne très loin d'ici, j'espère que personne ne lui fera de mal.

Howard: personne n'est à l'abri.

Carrie perd son sang froid et se jette dans les bras d'Howard, qui l'étreint fort contre lui.

Howard: je ne laisserais personne vous faire du mal Carrie, tu le sais. Je vais m'arranger pour que des gardes du corps t'accompagnent partout dans tes déplacements, et faire venir une préceptrice à la maison pour les enfants. Je vais aussi envoyer quelques hommes sur le terrain pour assurer la sécurité de ton ami. Vos échanges récents n'ont pas dû échapper à Verdugo, on ne sait jamais.

Carrie : il devrait rentrer du tournage la semaine prochaine.

Howard: tu devrais en parler avec lui. Il comprendra.

Carrie: il va se sauver en courant dès qu'il va savoir que je suis potentiellement en danger et que par le fait, tous ceux qui m'approchent le sont également.

Elle s'écarte de lui et essuie ses yeux mouillés du revers de sa main.

Carrie: j'ai peur de l'avenir Howard... Tout était si simple avant que je croise son chemin. J'avais une vie tranquille, un mari aimant... pourquoi a-t-il fallu que je croise le chemin de ce maudit vampire?

Howard: le destin... le karma... Qui sait!

Carrie: toujours est il qu'aujourd'hui je suis obligée de me terrer comme une proie pour lui échapper, pour protéger mes enfants. Et que je vais peut être passer à côté de la chance de ma vie... qu'est ce que tu ferai à sa place? Tu continuerais à voir une femme qui a un serialkiller à ses trousses, une vie de souffrance, un métier qui l'accapare la plupart du temps? Ou bien tu choisirais la facilité et tu renoncerais à elle?

Howard: je ne suis pas un exemple en matière de relations humaines, Carrie. J'ai été marié 4 fois.

Carrie: et moi deux, dont une fois avec ton fils. Dis moi franchement..;

Howard: écoute, je me suis un peu renseigné sur Lee, et de ce qu'on m'a dit, c'est quelqu'un de bien et de courageux. S'il a lui aussi des sentiments envers toi, il va surement relativiser tout ça. Après tout, Verdugo ne parle pas de toi dans sa dernière intervention. Peut être qu'il était ivre, peut être qu'il cherche une autre proie à se mettre sous la dent... mouais c'est une image un peu mal venue je sais. Parles en avec Lee quand il reviendra. Soyez honnêtes l'un envers l'autre. Je sens qu'il est important pour toi, alors ne gâche pas tout en lui cachant la vérité.

Carrie lui sourit.

Carrie: tu as toujours eu de bons conseils. Je t'aime tu sais? Tu es le père que j'aurais aimé avoir.

Howard: je sais. Je t'aime aussi, ma fille. Et pour les conseils, tu ne les écoutes pas tous hélas.

Carrie: ça m'arrive de temps en temps. Je vais suivre le dernier.

Howard l'étreint et l'embrasse sur le front. Puis elle quitte la pièce et va rejoindre ses enfants.

Carrie se sentit comme frappée en plein cœur. Elle se redressa dans son lit, haletante, et glissa hors de ses draps. Ensuite elle sauta dans un jeans, agrafa son soutien gorge et enfila un débardeur et un pull léger. Pour finir, elle attrapa son blouson en cuir, chaussa de longues bottes et défonça la porte de la chambre d'Howard.

Carrie : j't'emprunte ton hélicoptère !

Howard s'habilla à la hâte, manquant de se retrouver par terre à plusieurs reprises, puis la rejoignit dans le garage alors qu'elle démarrait la Porsche.

Howard : je t'laisse partir nulle part toute seule, et encore moins si tu ne me dis pas ce qui se passe.

Carrie : monte, je te raconte en route.

Il s'engouffra dans la voiture et n'eut même pas le temps de la refermer qu'elle sortait déjà dans l'allée. Elle respecta les barages de sécurité et quitta la propriété, très vite encadrée par 4 gros Humer. Howard s'accrochait à la portière tant elle roulait vite.

Howard : tu vas me dire ce qui se passe ?

Carrie : ce que je t'avais dit est arrivé. Il s'est introduit dans l'hotel et il l'a agressé !

Howard : quoi ? Attends laisse moi juste me réveiller, j'ai l'impression d'être dans un film là... qui a attaqué qui ?

Carrie : Rafael. Il a retrouvé Lee, et il est allé lui rendre une petite visite.

Howard ne savait pas quoi répondre. Tout dépendrait de la réponse qu'elle allait formuler à la question suivante.

Howard : il est mort ?

Carrie tourna un visage souriant vers le passager.

Carrie : non !

Howard soupira, rassuré.

Howard : tant mieux, j'ai bien cru que tu allais m'entraîner dans une de tes croisades de guerrières pour te venger... Mais tu vas où là ?

Carrie : à ton aéroport privé. Je t'ai dit que j'avais besoin de ton hélicoptère.

Howard : mon pilote est en congé ce soir, c'est pas de bol ! Tu veux aller où ? On a qu'à prendre l'avion...

Carrie : non. Pas besoin de pilote. Je suis pilote, tu le sais pourtant. Et toi aussi tu sais conduire.

Howard : J'ai pas envie de prendre l'hélico pour une destination inconnue en pleine nuit comme ça. Je suis un homme rationnel Carrie.

Carrie : et moi je suis une guerrière, une sorcière et un démon. Tout ça à la fois. Ça n'a rien de rationnel, et pourtant tu m'aimes comme je suis non ? Alors on va faire décoller ce putain d'hélico et on va aller chercher Lee, parce que je supporterais tout simplement pas que quoique ce soit lui arrive !

Howard tira un grand coup sur le frein à main et elle pila, faisant crisser les roues et tourner le véhicule sur lui même dans un nuage de fumée.

Howard : mais qu'est ce qui t'arrive ? Qu'est ce qu'il a de spécial ?

Elle sauta de la voiture et partit en courant vers l'hélicoptère. Howard, stupéfait, se mit à courir derrière elle, suivi par ses hommes de main qui ne comprenaient rien à l'affaire. Il leur fit signe de baisser leurs armes juste à temps quand il la rejoignit devant leur moyen de transport aérien.

Howard : je veux savoir avant de t'emmener là bas, ou de te donner le code pour faire démarrer cet appareil, pourquoi tu prends soudain soin de cet humain comme si c'était une perle rare ! Des mecs y en a des tas. Pourquoi celui-là ?

A sa grande surprise, et sans qu'elle fasse le moindre mouvement, le moteur de l'hélicoptère se mit en route. Il grimpa dans la cabine à ses côtés et fit signe à 4 de ses hommes de monter avec eux. Tandis que l'engin s'élevait dans les airs, il se chargea de tout le protocole habituel et organisa son absence durant les deux prochains jours par téléphone avec sa secrétaire. Après avoir tout géré, il ôta son casque et se tourna vers elle.

Howard : alors ?

Carrie : tu ne me lâcheras pas...

Howard : non. J'ai appris à te connaître, à force tu finis toujours par céder.

Carrie : c'est mon antidote.

Howard : hum ?

Carrie branche le pilote automatique et enlève son casque. Elle allonge les jambes devant elle et se met à l'aise. Elle s'assure que les hommes derrière ne peuvent pas entendre puis se lance.

Carrie : Lee est mon antidote. Mon vaccin. Au plus loin que je me souvienne, je suis toujours sortie avec des mecs égoïstes, froids, calculateurs, dangereux, méprisants...

Howard : tu mets mon fils là dedans ?

Carrie : tu sais comment était Chad à l'époque Howard... heureusement pour sa nouvelle épouse, il a changé. Ce que je veux dire, c'est que je me suis trompée. Sur toute la ligne, j'avais tord ! Je sens, tout au fond de moi même que j'ai tord ! Je connais Lee depuis tant d'années, mais je ne lui ai jamais prêté l' attention qu'il méritait ! Il n'était qu'un humain parmi les autres. J'étais trop conne, trop engluée dans mes histoires compliquées que je n'ai pas vu ce qui aurait du me sauter aux yeux !

Howard se prit la tête entre les mains, sa tête lui bourdonnait.

Howard : je ne comprend  STRICTEMENT rien à ce que tu racontes. Tu connais Lee depuis combien de temps en fait ?

Carrie : avant que je démarre ma carrière de lutteuse ! C'était mon partenaire de jeux sur internet.

Howard : tu jouais sur internet ?

Carrie : ouais, j'adore ça ! C'était un jeu de guerriers dans un monde surnaturel, il était le Roi des Elfes et moi une guerrière sans foi ni loi.

Howard : un personnage fait sur mesure !

Carrie : oui. Lee était toujours adorable, toujours un mot gentil, un petit clin d'oeil. Il me traitait comme une reine. Ce qui faisait grincer des dents les autres dans le jeu. Mais on s'en moquait, c'était juste un jeu. Et puis avec nos boulots et nos vies sur les routes on a perdu le contact. Je l'ai retrouvé à une convention il y a peu de temps. On ne s'était jamais vu, mais on s'est reconnu aussitôt.

Devant l'air incrédule d'Howard, elle expliqua :

Carrie : les photos, on s'était déjà envoyé des photos.

Howard : t'as envoyé des photos à un inconnu sur internet ?

Carrie : c'était pas un inconnu pour moi ! Ça faisait plusieurs mois qu'on se parlait tous les jours, et puis c'est pas un humain qui pourrait me mettre en danger.

Howard : ça aurait pu être autre chose qu'un humain. Un piège tendu par ton père par exemple.

Carrie : laisse le où il est celui là, pour une fois qu'il me fout la paix ! Ma mère le tient à distance, elle a de quoi le faire chanter pendant un bon moment.

Howard : revenons à notre humain : donc tu l'as revu à la convention et quoi ? Vous êtes tombés éperdument amoureux dès le premier regard ?

Carrie : oui, c'est exactement ça.

Il la regarde, effaré.

Howard : t'es pas sérieuse ?

Elle se mord la lèvre inférieure.

Carrie : si. Pourquoi, c'est pas bien ?

Howard : mais tu ne peux pas l'aimer! D'ailleurs, tu ne peux pas aimer tout court ! T'as juré d'ailleurs que tu n'aimerais plus jamais, pour toute l'éternité.

Carrie : l'éternité, ça fait un peu long en fin de compte ! Et puis y a que les imbéciles qui changent pas d'avis.

Howard : écoute, Carrie. Je suis le premier à me réjouir que tu te décides à tourner la page et à ouvrir ton cœur aux autres. Mais ce que je ne comprends pas c'est juste... pourquoi lui ?

Carrie : tu comprendras quand tu le verras.

A des centaines de kilomètres de là, paralysé par la peur et probablement aussi par des pouvoirs ocultes, Lee observait impuissant et les yeux exorbités l'espèce de créature blonde qui venait de se jeter sur lui. La proximité de ce qui ressemblait à un homme le gênait au plus haut point. Mais pas autant que ses dents proéminentes et ses yeux plein de haine.  

Tout d'abord, après avoir dîné au restaurant de l'hôtel avec quelques collègues de tournage, il s'était longuement douché. Lee adorait passer des heures sous la douche. Il adorait moins payer ses factures d'eau, mais il s'était résolu à l'idée qu'on ne pouvait pas tout avoir dans la vie. Tout en se frottant le dos avec sa brosse au manche téléscopique, il pensait à Carrie, la belle lutteuse qui ne quittait pas ses rêves depuis leur nouvelle rencontre. Il repensait à leur flirt innocent lorsqu'ils étaient plus jeunes, quand il était le roi des elfes et elle la guerrière farouche et indépendante. Un personnage fait sur mesure, qu'elle avait adapté à sa carrière lui avait elle confié. Et puis il repensait à cette convention, cette électricité dans l'air quand il avait pris ses mains dans les siennes, et plongé son regard heureux dans le sien. Lee était un homme romantique. Du moins quand la situation l'exigeait. C'est à dire rarement. Car il était aussi un bourreau de travail, il y passait des heures, à composer des personnages, des mimiques. C'était un bon acteur, et les agents commençaient à lui envoyer de bons scénarios. Ses collègues disaient de lui :

Citation :

Une actrice : Lee est un homme charmant, attentionné, doux... dommage qu'il soit gay !

Citation :

Un acteur : Lee est un homme amusant, drôle, attentionné... dommage qu'il soit hétéro !

Mais en fait, tout le monde se trompait. Lee n'était pas gay. Mais Lee n'avait pas non plus envie de prouver qu'il était hétéro. Dans son cœur comme dans son esprit, une seule et unique femme avait sa place : Carrie la lutteuse. Il suivait tous ses matchs, assistait à presque tous les PPV à travers le pays. Il collectionnait les images d'elle et les articles de magazines. En fait Lee collectionnait les magazines depuis des années. Pas seulement ceux de Carrie. Mais ceux ci étaient si précieux à ses yeux qu'il les avait rangé à part, dans un coffre fermé à clef. Comme s'il voulait la mettre à l'abri.

Dans son monde se disait qu'enfin la vie lui souriait vraiment. Il venait de décrocher un rôle dans un film adapté d'un best seller, et qui devrait donc selon son agent « être un blockbuster ».

Citation :

Son agent : ça va être un blockbuster !

Mais bien que Lee ait de nombreux amis et une famille qui l'aimait, il lui manquait LA personne. Oh il avait bien essayé de faire quelques expériences dans ce domaine, en invitant une collègue de théatre à venir danser... mais il n'était pas bon danseur. Et puis il n'avait pas su quoi dire.

Citation :

L'actrice : il a passé la soirée à regarder devant lui, dans le vague. D'ailleurs, il n'a même pas remarqué que j'étais partie avant le dessert !

Bien entendu, l'actrice ignorait que dans ce restaurant, l'écran géant retransmettait juste derrière elle  un show de la Ultimate Zone Wrestling, Fédération de lutte dans laquelle Carrie avait débuté. Et puis il y avait eu Ellie, la maquilleuse, qui ne cessait pas de lui faire les yeux doux. Tout le monde la trouvait gentille et elle faisait des gateaux au chocolat délicieux.

Citation :

Lee : ton gâteau était délicieux.

Citation :

Ellie : il n'y a pas que ça de délicieux chez moi, tu sais ?

Lee en était resté sans voix.

Citation :

Lee : j'en suis resté sans voix.

Bref, la vie amoureuse de Lee n'avait jamais été très remplie. D'ailleurs, malgré son âge, il n'avait jamais... trempé son biscuit. Heureusement pour lui, Lee était quelqu'un de très discret, personne n'était au courant. Et qu'importe que ses collègues féminines le croient gay, ou que ses collègues masculins le croient trop hétéro, ou bien gay refoulé, lui était simplement certain d'une chose : il voulait réserver son amour à celle qui hantait ses rêves depuis des années.

Le problème de Lee aujourd'hui, c'est qu'il n'était pas le seul à aimer Carrie la lutteuse. Au cours de cette nuit froide du 5 octobre 2014, un homme surnommé El Verdugo, et prénommé Rafael par ses maîtresses, était entré par effraction dans sa chambre d'hôtel. Les cheveux longs et le regard de tueur, il ressemblait vraiment à un vampire. Lee était persuadé que les vampires n'existaient pas. Tout le monde disait que ça n'existait pas, et si ça existait ça se saurait. Mais là tout à coup, la bouche écrasée par la force de cet intrus, il avait comme un doute. Pour un peu, il aurait préféré le croiser à la sortie d'un bar, un peu ennivré, et se prendre un coup de poing en pleine machoire.

Ses images d'ailleurs lui traversent l'esprit au moment même où l'homme, enfin le vampire, se met  à lui parler.

Au début Lee n'a pas compris ce que cet homme, enfin ce vampire, lui voulait. Lee n'a pas d'amis qui aiment faire des farces, et celle ci était vraiment de mauvais goût. Lee n'aime pas vraiment les farces d'ailleurs. Il a de l'humour, paraît il...

Citation :

Une actrice : Lee a beaucoup d'humour, dommage qu'il soit trop …

On a compris. Mais tout à coup une autre hypothèse lui a traversé l'esprit. A force d'avoir l'air trop.... peut être qu'un fan ou qu'un collègue a décidé de tenter sa chance ce soir là. Cette pensée l'horrifia. Pas parce qu'il avait quelque chose contre les homosexuels, il avait beaucoup de collègues  qui étaient gays. Non, simplement parce que lui ne l'était pas, et n'avait pas envie de commencer ce soir, 5 octobre 2014. Il aurait bien voulu se débattre, mais l'homme semblait particulièrement plus musclé que lui. Ce qui ne l'étonna pas, puisque Lee n'aimait pas la musculation.

Mais dès qu'il commença à parler de sa voix bizarre, comme revenu d'entre les morts, il changea d'hypothèse.

Hypothèse 2 : l'homme est un dégénéré qui s'est introduit dans sa chambre pour l'assassiner comme ça, gratuitement. Emprisonnée dans des pensées morbides et incohérentes, il s'était probablement échappé d'un asile tout proche. C'était la fin. On allait le retrouver écartelé sur son lit, poignardé ou étranglé par ce sadique.

La deuxième partie du discours du fou à lier lui fit comprendre qu'il était complètement à côté de la plaque. Non seulement le fou n'était pas un inconnu, mais il n'en voulait ni à sa vertu, ni à sa vie. Enfin si. Il lui faisait une sorte de chantage. El Verdugo, alias le visage du mal, le bourreau, marchandait la vie de l'acteur contre un amour éternel. Conscient que plus jamais la belle Carrie ne lui offrirait son cœur, qu'elle avait brûlé avec celui d'Hadès qu'il avait lui même arraché de son corps avant de laisser ses harpies le dévorer, le soit disant vampire lui ordonnait d'aimer la belle à sa place et de ne jamais la quitter, faute de quoi il s'occuperait de lui ôter la vie à son tour.

Il va de soit que Lee accepta le marché. Et ce pour deux raisons : la première évidente, primitive, était que quand on se retrouve écrasé par un individu manifestement complètement barré ou sous l'emprise de stupéfiants, on évite de jouer aux héros et on dit oui à tous ses caprices, du moins jusqu'à ce qu'on trouve un moyen de s'enfuir. D'autre part, Lee avait très envie de revoir la jolie Carrie, ses beaux yeux bleus et son sourire envoûtant. Pourquoi chercher à se dérober de cette mission donc ?

Et dernier information tout à fait imprévue, l'homme, enfin le vampire, semblait prétendre que Carrie la lutteuse éprouvait des sentiments amoureux à son égard.

Citation :

El Verdugo: Tant qu'elle ressentira quelque chose pour toi, je serai absent de vos vies, je n'interférerai en rien dans votre...amour . Alors honore la, fais la jouir, respecte la, use de ton romantisme humain à la con qu'elle apprécie tant. Aime Carrie pour qu'elle t'aime en retour . Alimente ses sentiments car eux seuls te garderont en vie. Tu ne me reverras que le jour où elle ne te regardera plus que comme la larve que tu es. Ce jour sera le premier de ta longue agonie. je te mangerai par petits bouts, te boirai à petites gorgées. Fais en sorte que ce jour arrive le plus tard possible, prend ton temps...j'ai l'éternité pour compagne.

Lee n'en revenait pas. C'est vrai, il avait bien vu les étoiles dans ses yeux et ses mains étaient moites entre les siennes lors de la convention. Leurs cœurs battaient à l'unisson dans le brouhaha qui les entouraient, mais c'était comme s'ils étaient seuls en cet instant.

Une seule chose le terrifiait encore plus que la visite d'El Verdugo le vampire bourreau amoureux de Carrie et assassin d'Hadès et sûrement d'une cinquantaine voir plus d’innocents : les enfants !

Lee avait une peur presque incontrôlable de se retrouver seul avec eux. Sa bouche devenait sèche, ses mains tremblaient, et ça lui donnait des nausées. La vérité, c'est qu'il ne savait jamais quoi leur dire. Il se contentait de sauter d'un pied sur l'autre en silence, et immanquablement l'enfant se mettait à faire pareil. C'était terrifiant.

Le vampire s'était éclipsé aussi rapidement qu'il avait du arriver. Et Lee resta pétrifié au fond de son lit, n'osant pas faire un geste, en se disant qu'il devait s'agir d'un cauchemar. Le moindre mouvement et il serait fixé sur la réalité ou la fiction de cette incroyable nuit du 5 octobre 2014. Hélas pour lui, d'autres personnes entrèrent dans sa chambre sans sa permission cette nuit là. Dont un photographe au flash éblouissant...

Citation :

Le photographe : c'est un canon EOS 6D Reflex, du matériel de pro pour un professionnel...

ainsi que le concierge dont le front dégoulinait de sueur, qui s'évanouit avant même d'entrer dans la chambre, craignant le pire à la fois pour Lee et pour sa carrière.

Et également ses collègues, attirés par le bruit. On évita le pire en parvenant à dissuader le directeur de l'hôtel d'appeler la police, le tournage avait déjà pris du retard, inutile de prolonger leur séjour.

Ce que Lee en revanche ne savait pas, c'est qu'à quelques centaines de kilomètres de là, Carrie la lutteuse s'était mise en tête de lui sauver la vie parce qu'elle croyait que son amour pourrait bien lui changer la vie.

Le lendemain matin, alors que Lee sortait de sa douche avec sa serviette de bain nouée autour de la taille, un bruit dans le couloir attira son attention. Lee attrapa la batte de base ball qu'un collègue et ami lui avait passé.

Citation :

Le collègue : j'te prête ma batte vieux. S'il revient défonce lui la gueule à ce sale fils de ****

Lee était donc résolu à défoncer la gueule du sale fils de **** qui lui avait foutu la trouille de sa vie. Il s'avança doucement jusqu'à la porte de la chambre et attendit, à une distance savamment calculée, entre la porte et la fenêtre très exactement. Il entendit la voix d'une femme en colère qui ordonnait aux gardes devant la porte de la laisser passer. Et puis comme dans un rêve, la porte vola en éclat, traversée par deux hommes qui s'écroulèrent à ses pieds.

Dans l'encadrement de la porte, elle était là. Superbe, avec ses longs cheveux qui tombaient en cascade sur ses épaules. A cet instant, complètement nu sous sa serviette de bain, Lee ne sut pas quoi faire d'autre que de sourire. Elle était venue pour lui, et pour une raison qu'il ignorait, il ressentait comme un mélange de peur et de joie intense. Ils restèrent là comme deux imbéciles durant quelques minutes, à sourire niaisement mais tellement sincèrement, avant qu'Howard Murray n'arrive devant la porte et se racle la gorge.

Howard : jeune homme, je pense qu'il est temps de s'habiller.

Lee baissa les yeux sans arrêter de sourire, puis quitta la chambre en reculant jusqu'au dressing.

Howard : Carrie, tu peux arrêter de sourire, il est parti.

Carrie se tourna vers lui.

Carrie : il est... magique !

Howard se dit qu'il allait peut être devoir l'obliger à voir un psy de force. Mais la dernière fois le psy avait malencontreusement disparu. Et le suivant également. Howard avait renoncé à obliger Carrie à voir un psy. Faire remonter de vieux souvenirs désagréables étaient semble t il, un peu dangereux pour les personnes à proximité.

Howard songea alors que Carrie avait peut être raison. Et si la meilleure thérapie à la haine et à la cruauté était l'amour et le don de soi, la sincérité, tout comme ce jeune Lee, qui souriait comme un abruti en voyant celle qu'il considérait comme sa fille, semblait plutôt bien pourvu ? Et si la seule façon pour que sa fille éprouve enfin la joie et le bonheur qui a toujours souhaité pour elle était qu'elle aime ce jeune homme et qu'elle en soit aimée en retour, tout comme le vampire El Verdugo voulait qu'il fasse ?

Howard se dit que ça méritait d'être essayé. Ils embarquèrent le jeune Lee dans l'hélicoptère avec ses bagages, et l'agent de Carrie la lutteuse s'arrangea pour que la fin du film soit tournée dès la semaine prochaine dans ses propres studios. Ainsi il pourrait assurer la protection de cet acteur qui s'appelait Lee , tout en préservant la carrière de celle ci.

L'écran s'allume sur un tableau tout à fait charmant. Lee est en train de se servir une tasse de café en attendant que Carrie soit prête. Pas du déca, du vrai café, très très serré. Lee n'a pas bien dormi, obnubilé par la vision horrifique de Verdugo au-dessus de son lit. Il a bien tenté toute sorte de choses pour arriver à s'endormir, mais voilà, rien n'a fonctionné. Même le fantasme de la belle Carrie dormant dans la chambre juste à côté de la sienne n'a pas chassé cet horrible souvenir. Et la visite surprise d'une petite fille en plein milieu de la nuit n'a pas arrangé la chose. Alors qu'il était là dans le noir à essayer de se fabriquer une jolie image dans sa tête, il sentit soudain une présence à ses côtés. Une fillette aux cheveux mi longs se tenait juste à côté de son lit, avec un espèce de halo blanc autour d'elle, comme un fantôme! Lee avait sauté de son lit et s'était réfugié contre la commode. Un rapide coup d'oeil autour de lui lui avait permis de repérer un objet pour se défendre, une lampe qui n'était pas branchée. Alors qu'il attrapait la lampe, la fillette lui sourit et la lampe s'alluma. Il constata épouvanté le cable qui n'était pas relié à la prise de courant et jeta l'objet loin de lui. Celui ci ne s'éteignit pas.

Lee: qu'est ce que tu me veux? Qui es tu?

Eden: je suis le fantôme de la maison.

Elle ne put s'empêcher de pouffer. A ce moment là la porte s'ouvrit en grand et Carrie entra en trombe.

Carrie: Eden !

Elle leva sa main et la petite fille fut soulevée dans les airs, et se retrouva la tête en bas. Sa mère l'attira à elle jusqu'à avoir sa tête juste en face.

Carrie: c'est vraiment, vraiment méchant de faire peur à Lee de cette façon!

Eden baissa les yeux tristement.

Eden: pardon... je voulais juste le voir en vrai...

Carrie: alors tu aurais pu attendre demain matin. Maintenant il va être fatigué pour aller au travail, c'est important d'être en forme quand on est humain.

Devant le visage repenti de la petite, elle la reposa doucement dans le bon sens et posa sa main sur sa tête.

Carrie : pour te punir, tu passeras 24 heures sans tes pouvoirs, exactement comme si tu étais une humaine. Après tu comprendras ce que Lee a ressenti en te voyant faire le fantôme dans sa chambre.  Maintenant va t'excuser.

Le petite blonde courut jusqu'au grand brun toujours blotti contre la commode, qui évita soigneusement de la regarder.

Eden : pardon Lee.

Le jeune homme hocha la tête pour montrer qu'il acceptait ses excuses et resta toujours aussi immobile une fois qu'elle fut partie. Carrie lui sourit et s'approcha doucement jusqu'à lui. Elle lui prit la main et le ramena jusqu'à son lit.

Carrie: tu devrais te recoucher, demain il y a le tournage.

Il la suivit sans opposer la moindre résistance, assez étonné et ému de se retrouver face à elle dans sa chambre, avec juste son bas de pyjama rayé comme vêtement. Il avala sa salive avec difficulté.

Lee n'avait pas remarqué la tenue de Carrie quand elle était entrée, mais maintenant sa poitrine moulée dans son débardeur blanc et son mini short lui sautaient aux yeux. Dans ces conditions, il sentait bien qu'il aurait fait n'importe quoi pour lui plaire. Mais il n'en eut pas besoin, puisque c'est elle qui prenait les devants. Elle lui fit signe de se coucher et le borda comme un enfant, avant de s'asseoir à côté de lui.

Carrie: tu veux que je t'explique .. euh... les trucs qui se passent ici ?

Lee: je pense que je m'en passerais. Mais je n'arrive pas à dormir.

Elle parut troublée, comme si elle se reprochait quelque chose.

Carrie: est ce que .... C'est à cause de ce qui s'est passé à l'hôtel?

Elle lui fit signe de lui faire un peu plus de place et retroussa ses jambes sous son menton.

Carrie: je te demande pardon, c'est ma faute. Je n'aurais jamais du laisser la chaine diffuser nos messages. Sans cela il n'aurait jamais ... pardon, Lee.

Lee serra sa main dans la sienne et lui sourit gentiment.

Lee: t'en fais pas, c'est juste que j'ai été ... surpris. Et un peu effrayé je l'avoue. Il est vraiment... bizarre.

Il eut un grand frisson et secoua sa tête.

Carrie : tu es gelé!

Elle se met assise sur ses genoux et prends ses deux mains dans les siennes pour les réchauffer en soufflant doucement dessus. Dans cette position, Lee a une incroyable vue sur sa poitrine et ... non juste sa poitrine en fait. Il doit se faire violence pour que son excitation ne s'accumule pas dans un endroit totalement déplacé. Ou plutôt trop bien placé. Exit les commentaires des autres sur sa soit disante homosexualité, à cette heure ci, tout le monde aurait pu constater le contraire.

Comme par magie,ses mains et son corps se réchauffèrent presque instantanément, il ressentit même un grand bien être... il se détendait. Elle releva la tête vers lui et plongea ses yeux dans les siens.

Carrie: ça fait bizarre de se retrouver là tous les deux, tu ne trouves pas?

Incapable de dire un mot ou de bouger ne serait ce qu'un orteil, il se contenta de la regarder. A ce moment là, il se dit qu'il devait rêver tout éveillé. Comment tout cela pourrait il être réel? Il repensa à ses retrouvailles avec la belle Carrie quelques semaines plus tôt, l'étrange intérêt qu'elle lui portait tout à coup, comme s'il lui plaisait vraiment, et puis la visite de l'horrible vampire El Verdugo le bourreau, et enfin son arrivée en hélicoptère dans la somptueuse villa du milliardaire Howard Murray. Bien qu'il se soit senti comme emprisonné dans une forteresse, c'était rassurant de se savoir en sécurité. Jusqu'à ce qu'une petite fille étrange joue au fantôme au chevet de son lit. Mais tout s'envola face au visage si beau de la belle Carrie la lutteuse. Ses grands yeux bleus le regardaient avec admiration. Il cligna des paupières pour être sur qu'il ne rêvait pas.

Elle lâcha sa main et pinça son bras gauche.

Lee: aïe !

Il se frotta l'avant bras et la regarda avec imcompréhension.

Carrie: tu ne rêves pas. Ou alors nous rêvons tous les deux. Mais si c'était le cas, si tu étais dans mes rêves, on ne serait pas assis à se parler.

Lee se sentit rougir jusqu'aux oreilles. Il regarda la lutteuse s'approcher de lui tout doucement, s'asseoir sur lui à califourchon, et descendre ses lèvres jusqu'à ce qu'elles touchent les siennes, et rester là, comme suspendue au dessus de lui. Il murmura.

Lee: là c'est clair, je rêve vraiment...

A ce moment là, Lee ne sait pas ce qu'il lui a prit. Une brusque montée d'hormones, un désir refoulé durant des années, l'accumulation du stress suite aux derniers événements, le brusque changement de climat... toujours est il qu'il saisit le corps de la jeune femme et l'embrassa à en perdre haleine. Le baiser aurait pu durer des heures, jusqu'à l'aboutissement de leurs désirs, cependant un petit événement âgé de 8 ans s'approcha de la porte. En une fraction de seconde, Carrie s'arracha à ses bras, juste à temps pour qu'Andréas, attiré par le bruit à côté et par les révélations de sa soeur, qui punie ne pouvait pas venir voir elle même, l'avait poussé à venir constater de lui même la présence d'un inconnu dans la maison.

Instantanément Lee pensa la chose suivante: "je vais vraiment finir par détester les enfants".

Mais Lee ne pensait pas vraiment ce qu'il pensait. Il était juste un peu plus frustré qu'avant, sa libido étant mise à dure épreuve. Toujours est-il que ce soir là, il avait échangé son premier baiser avec la belle Carrie, et qu'il avait adoré ça. Elle lui sourit et sortit de la chambre en refermant doucement la porte, devant laquelle l'attendait un petit garçon aux cheveux chatains.

Le lendemain matin donc, quand Lee se leva, il entendit du bruit dans la salle de bain et des rires d'enfants. Il croisa Howard Murray, qui le salua d'un geste de la main tout en parlant au téléphone. Il se servit un café et attendit que quelqu'un passe pour lui dire quand il pourrait partir travailler.

Soudain il sentit son pantalon être attrapé par une petite main. Il sursauta et recula d'un grand pas. Eden était là, entrain de le regarder avec un grand sourire.

Eden : t'es encore là?

Lee: oui. Ta maman m'a demandé de rester un peu.

Eden: pourquoi t'aime pas les enfants?

Lee se trouva bien gêné face à la franchise de la petite blonde.

Lee: ce n'est pas que je n'aime pas les enfants. J'aime bien les enfants. Mais je ... ne sais pas quoi leur dire, et il pose toujours des questions auxquelles on ne peut pas répondre.  C'est très angoissant.

Eden lui sourit.

Eden: c'est vrai. Je te promets de ne plus essayer de te faire peur.

Lee: merci, Eden.

Elle lui sourit à nouveau. Il se risqua à engager la conversation en signe de bonne volonté.

Lee: ton frère n'est pas avec toi?

Eden : non. Il est en train d'égorger une bestiole qu'il a trouvé dans le parc.

Lee écarquille les yeux.

Lee: il fait ça souvent?

Eden: à chaque fois qu'il fait pipi au lit. Pourtant il a déjà 8 ans... maman dit qu'il a un problème dans la tête...

C'est le moment que le petit garçon choisit pour entrer dans la cuisine, avec du sang dans la bouche, sa mère le tire par la main.

Carrie: je t'avais dit de ne pas faire comme ça, t'as mis du sang partout!

Elle lui rinça les mains et essuya sa bouche avec un chiffon. Lee observa la scène avec effroi et recula discrétement.

Carrie: pourquoi tu ne m'as pas demandé? Je t'aurais aidé à enlever cette dent au lieu de prendre une pince dans le garage! Fais voir!

Elle regarde dans la bouche de son fils, tandis qu'Eden s'occupe de ses chaussures, prise en flagrant délit de mensonges. Lee croise les bras et la regarde avec réprobation.

Lee: ton petit frère ne fait pas pipi au lit n'est ce pas? Et il ne tue pas des petits animaux dans le parc...

La petite fille secoue la tête et saute d'un pied à l'autre. Bizarrement, Lee se met à faire pareil..

Carrie se retourne vers eux et les regarde.

Carrie: pourquoi vous faites ça?

Lee et Eden: faire quoi?

La démone soupire et regarde en l'air.

Carrie: allez vous préparer pour le cours du matin. Lee et moi nous devons aller travailler.

Les enfants s'éloignent en chahutant et les laissent tous les deux. Lee attrape une tasse et lui sert un café.

Lee: du sucre?

Elle lui sourit, prend la tasse et la pose à côté de lui, avant de s'avancer tout contre son corps.

Carrie: je te dépose au studio ou bien tu veux m'accompagner à la compagnie?

Lee: c'est possible? Tu as le droit d'amener des gens?

Carrie: ne t'en fais pas pour ça.

Elle remarque un bouton de sa chemise qui n'est pas bien mis et se charge de le remettre en place.

Lee sent une certaine tension hormonale s'installer. Elle remet sa cravate comme il faut et lui sourit, avant de tirer dessus et de l'embrasser. Puis elle s'éloigne comme si de rien, sans se rendre compte que ses joues sont aussi roses que les siennes. Le jeune homme sourit en la suivant jusqu'au garage. C'est ensemble qu'il se rende jusqu'au building de la SOW.

Une fois arrivés dans les coulisses de la SOW, Carrie et Lee, main dans la main, s’avance jusqu’à la zone réservée aux interviews. Phil y est présent et règle les derniers détails de ses prochains entretiens. Alors qu’il voit la démone arriver, il pose son calepin et marche vers eux. Instinctivement, Lee lui tend la main pour le saluer tout en souriant. Phil se dit qu’il est particulièrement avenant et chaleureux. Devant l’attitude de son petit ami, la démone se mord la lèvre inférieure et tend elle aussi sa main à Phil. Celui-ci est d’abord surpris, mais il s’exécute de bonne grâce.

Lee se tourne alors vers elle et lui montre une chaise un peu plus loin.

Lee : je vais t’attendre là-bas pendant que tu travailles.

Carrie se dit qu’elle n’a pas envie qu’il lâche sa main, qui n’a jamais été aussi chaude que depuis qu’il la tient dans la sienne. Elle le regarde avec un air un peu triste et le laisse partir.

Phil : charmant cet acteur. Ça fait vraiment… bizarre de voir à quel point vous êtes différents et pourtant vous avez l’air… parfaitement assortis !

Carrie lui sourit brièvement tout en regardant Lee accepter le café d’une assistante.

Carrie : passons aux choses sérieuses, Phil. Lee doit être au studio dans une heure, je n’ai pas envie de le mettre en retard. En plus j’ai pas trop envie qu’il fasse de mauvaises rencontres ici.

Phil : si tu veux. Parlons de Showdown. On a vraiment été surpris de te voir défier Sylvain Primeau pour le titre intercontinental. C’est ton souhait ou celui du bestiaire ?

Carrie lève un sourcil.

Carrie : le Bestiaire ne me dicte pas ce que je dois faire. Sly a besoin d’un vrai challenger, quelqu’un qui le pousse à se dépasser. Depuis Edward il s’ennuie à mourir. Quand j’en aurais fini avec lui il préférera le temps où il s’ennuyait.

Phil : pourtant tu n’es pas intervenue directement dans son combat. Tu as attendu…

Carrie : j’ai attendu qu’il soit en position pour m’écouter, un genou à terre, le sang coulant de ses lèvres. Là il était mien. Et je lui ai dit ce que je vais te répéter : je veux ce titre. Je veux porter le titre Intercontinental. Pas pour le Bestiaire, pas pour la gloire, mais parce que c’est dans l’ordre des choses. Les précédents régnes, dont celui de Sylvain ont été d’une banalité à faire peur. La SOW a besoin d’un nouveau visage, et je serai ce visage. Un visage que tout le monde croit connaître, sans vraiment chercher à savoir qui je suis.

Phil : on croirait entendre Rafael et Pétale…

Carrie a un petit sourire mesquin.

Carrie : surpris ? Rafael est devenu l’exact reflet de ce que je ne veux plus être. Plus il sombre, plus je rayonne de joie. C’est étrange n’est-ce pas ? J’aimerais être capable de dire que je suis indifférente à sa souffrance, ou que je le plains de tout mon cœur. Mais je mentirais. Je ne suis pas encore guérie de ma haine. Sa folie m’est insupportable parce qu’à travers elle je revois Hadès, je revois sa douleur, son impuissance. Mais sa détresse à lui… elle me donne du plaisir, un plaisir dans la vengeance, dans l’ignominie. Qu’il puise ses forces dans les entrailles de sa chère et tendre Pétale. Le plaisir et l’apaisement qu’il en retire est un battement de cil dans ma vie comme dans la sienne. Par contre, ce qui nait en ce moment dans mon cœur, c’est la pire punition que je puisse lui infliger. Qu’il me voit aimer, qu’il ressente ma joie et le plaisir d’être avec Lee. Le plaisir d’être quelqu’un d’autre, d’être enfin la femme que j’ai toujours voulu être.

Phil : c’est-à-dire ?

Carrie : ce qu’on voit de moi n’est pas la réalité. Je l’ai travesti parce que j’ai longtemps été persuadé que c’était le meilleur chemin. Il est plus facile de détester que d’aimer, plus facile de frapper que de caresser. Plus facile de tuer quelqu’un que de le mettre au monde. Cela demande plus d’efforts, plus de compromis, de patience. Un jour, bientôt j’espère, j’aurais assez de force en moi pour y parvenir. Mais…

Elle regarde vers Lee, et celui-ci lui sourit, l’écoutant attentivement.

Carrie : … j’ai trouvé ma thérapie. Je ne serais sans doute pas quelqu’un de bien tout de suite, peut être qu’il me faudra un peu de temps avant de réapprendre à différencier le bien du mal. Mais j’ai confiance en nous.

Phil : tu penses que tes efforts vont te donner le respect du GM et du public ?

Carrie : le respect ça se gagne, ça ne s’arrache pas. On n’efface pas dix ans de provocation d’un coup de baguettes magiques. J’ai toujours joué le rôle de la méchante partout où j’ai travaillé. Je l’ai fait en pleine possession de mes moyens, pas sous l’influence de qui que ce soit. Je n’irai pas blâmer les autres de ma conduite. Pas d’excuse, et pas de regret non plus. Si je n’avais pas fait tout ça je ne serais pas là aujourd’hui. Notre passé fait partie de notre vie, il ne faut jamais le renier. J’ai commis des erreurs, de graves erreurs, qui ont coûté la vie ou la carrière de certaines personnes. Je ne pourrais jamais changer cela. Mais je peux changer mon avenir. J’en ai la capacité, et la volonté.

Elle s’arrête de parler et échange un long regard avec Lee avant de revenir vers Phil.

Phil : Black Lotus, Toxic, en ont après vous personnellement. Que pensez-vous de cette étrange alliance ?

Carrie : je pense que malgré tout ce qu’ils disent, ils restent une bande de charlots que je n’irais même pas voir au cinéma. Ce n’est pas parce que j’ai décidé d’être moins sombre que cela me rendra moins dangereuse sur un ring ou à proximité envers eux. Ils n’ont pas la moindre idée de ce qu’est réellement la SOW, ils la salissent à chaque fois qu’ils foulent son sol. S’ils ont vraiment le pouvoir de contrer le Bestiaire, alors qu’ils le fassent, jusque-là, il a été à peine ralenti. Mais il avance toujours. Il est de plus en plus près.

Alors qu’elle fait signe à Lee de la rejoindre, Phil termine.

Phil : et que ferez-vous quand il sera vraiment là ?

Carrie : mon âme est déjà sauvée, Phil. Je suis sauvée.

Elle lui sourit et s’en va aux côtés de l’acteur, qui la tient serré contre lui après avoir posé son bras autour de ses épaules.

Carrie observe la petite Eden assise entre deux de ses gardes du corps. Elle a l'air si fragile avec ses grands yeux bleus et son sourire d'ange. Mais ce matin, pas de sourire pour la petite. Elle s'est réveillée en hurlant, réclamant son père en pleurant. Carrie n'avait pas eu le cœur de lui refuser. Après l'avoir préparé, elle s'était rendu en petit comité jusqu'à la villa de Rafael. Plus ils s'approchaient et plus l'orage grondait, comme un signe menaçant. Un avertissement. Quand la voiture s'arrêta, elle regarda par la vitre et se demanda si le chauffeur ne s'était pas trompé d'adresse. Le lieu, si magnifique auparavant, était méconnaissable. La végétation avait envahi les murs de la villa, à tel point qu'on eut dit qu'elle avait été abandonné.

Carrie : laisse moi y aller d'abord toute seule mon ange. Ton … père est peut être … comment dire.. légérement différent de tes souvenirs. Je reviens te chercher si tout va bien.

Eden : Lee dit que c'est une mauvaise idée que tu t'approches de lui.

Carrie : Eden, il faut que tu me promettes que si tu restes, tu ne parleras jamais de lui à ton père. Ça pourrait le mettre dans un état vraiment étrange et dangereux.

Eden : pourquoi ?

Carrie : parce que. Promets.

Eden : je promets.

Carrie : d'accord j'y vais. Reste là, et quoiqu'il arrive, ne sors pas de cette voiture avant que je revienne.

La petite acquiesce et la démone sort de la voiture. Avec ce temps, il fait quasiment nuit dehors, et l'orage gronde. On entend l'eau couler dans les arbres et sur le sol. Pas la moindre présence animale ou humaine dans le secteur. Le lieu est en ruine. Elle inspire profondément avant de s'avancer dans l'allée. S'il est là il lui cache sa présence, elle ne la ressent pas. Une chanson lui vient en tête et elle se met à la chanter tout doucement...

Quand les années auront passé
On trouvera sous terre
Nos deux squelettes enlacés
Pour dire à l'univers
Combien Quasimodo aimait
Esméralda la zingara
Lui que Dieu avait fait si laid
Pour l'aider à porter sa croix
pour l'aider à porter sa croix

Mangez mon corps, buvez mon sang
Vautours de Montfaucon
Que la mort au-delà du temps
Unisse nos deux noms
Laissez mon âme s'envoler
Loin des misères de la terre
Laisser mon amour se mêler
A la lumière de l'Univers
A la lumière de l'Univers

Elle marche lentement, sa longue robe rouge traine dans l'eau ruisselante. Les regards d'évacuations débordent. Elle fait le tour par la terrasse, son endroit favori où elle se réfugiait souvent, observant l'océan. La porte fenêtre est entre ouverte. Elle se glisse à l'intérieur et découvre effarée l'état dévasté de la maison. Tout a été saccagé, détruit en miettes. Les meubles sont entassés au sol, les canapés complètement déchirés. Des débris de vaisselle jonchent le tapis de la salle à manger. La bibliothèque est le seul meuble qui ne soit pas touché, les livres sont intacts. Elle ne peut s'empêcher de poser sa main sur les couvertures de cuir et d'or fin. Elle sent monter les larmes au bord de ses yeux. Mais non, elle ne doit pas lui montrer que son sort la touche. Elle ferme les yeux et se reprend en inspirant profondément.

Et puis soudain elle sent sa présence juste derrière elle. Tout près dans son dos. Si près qu'il peut respirer le parfum fleuri de ses cheveux. Il émane autour du vampire un froid glacial qui fait frissonner Carrie. Elle se retourne avec calme et découvre un Rafael livide au visage vampirique. Si la maison est délabrée, lui est élégamment vêtu d'un costume italien. Il tient à la main "les fleurs du mal" de Charles baudelaire

Rafael: Comme les anges à l'oeil fauve, Je reviendrai dans ton alcôve Et vers toi glisserai sans bruit Avec les ombres de la nuit... Ne pense tu pas que tu inverses les rôles et que c'est moi qui suis sensé venir hanter tes nuit et celle de ton bel éphèbe si fragile?

Carrie est surprise par son visage blafard et par ses yeux. Instinctivement, elle recule d'un pas. Pas parce qu'elle le craint, mais parce qu'elle veut laisser de la distance entre eux.

Carrie: si quelque chose me hante ça n'est pas ton fantôme mais celui du passé qui a creusé un gouffre entre nous. Je ne suis pas venue parler de littérature ou sentiments avec toi, et crois bien que tu es la dernière personne sur terre que j'avais envie de visiter aujourd'hui. Cependant... ta fille, tu sais l'adorable petite blonde aux yeux bleus que tu as toi même surnommée Eden te réclame. Elle veut te voir, et j'ai beau avoir argumenté tant que j'ai pu, rien n'y fait. Elle est là, dehors, dans la voiture. Es tu ... en état de la voir, et de lui parler sans la traumatiser?

Rafael: Je me contre fout de ce fœtus ! Qu’elle incube encore .Qu’elle revienne me voir quand elle sera digne de son géniteur. D’ici une vingtaine d’année , peut être plus si tu continues à brider son potentiel. Je sens d’ici une merveilleuse malfaisance qui se dégage d’elle. Un potentiel gaché par les dogmes humains que tu lui vomis chaque jour. Heureusement un ver est dans la pomme: Lee va user les patiences de tes deux expulsions placentaires. Laisse Eden dans la voiture. Regarder les deux gardes du corps mourir lentement ne peut que lui apprendre les réalités de l’évolution. De la différence entre la proie et le chasseur.

A ces mots la démone perd patience et devient à son tour le reflet de son entité. Sa peau se grise entièrement, jusqu'à frôler le bleu, ses yeux deviennent aussi noirs que la nuit et ses dents s'allongent légèrement. Son expression n'est plus que haine et dégoût.

Carrie: tes démonstrations de haine ne feront que la rendre meilleure. Je vais lui donner tout ce que tu es incapable de faire. Je vais lui faire aimer la vie, et le bien. Je vais lui apprendre à aimer, et à être aimé en retour. De moi, de son frère, de Lee. Elle l'aimera comme le père que tu n'as pas voulu être, à tel point que quand dans ton infernale solitude tu te souviendras à peine de son nom, elle, ne se souviendra même pas qu'elle avait eu un autre géniteur. Tu ne seras rien d'autre qu'un vieux souvenir du passé, un vieux tabou, comme une honte dont on préfère ignorer la réalité.

Elle le regarde avec mépris.

Carrie: j'ai bien du mal à voir encore celui qui m'a séduit il y a longtemps. Je ne vois plus qu'une loque dont l'apparence conviendrait plus à une série B, une pâle copie de Buffy contre les vampires, à la place du géant El Verdugo, celui qui me faisait hurler de plaisir dans cette cascade en Colombie. Aujourd'hui je te vois comme tu es réellement, un monstre sans âme, et je me réjouis d'être enfin débarrassée de toi !

Le vampire sourit sincèrement.

Rafael: Magnifique! L’armure de bonté se fendille apparemment. Même si tes références médiatiques sont plus que merdique, ta colère me rassure sur l’avenir de notre enfant. Son destin est tout tracé. Conçue dans la jouissance, élevée dans le mensonge, par une mère plus préoccupée à étouffer les gémissements honteux de ses ébats pitoyables pour ne pas troubler l’innocence supposée des ses chères petites tête blondes qui dorment la lumière allumée dans la chambres adjacentes de ses turpitudes que d'encourager leur vraies naturesi. Carrie tu me montres le visage de la vérité et je t’en remercie. A un moment, j’ai presque cru que tu te contentais du bonheur: la consolation des médiocres.

Elle lui rend son sourire.

Carrie: le bonheur et tout ce qui tourne autour. La sincérité, la joie, le sentiment d'être en paix avec soi. Tout ce que tu n'as jamais connu, et que tu ne connaîtras jamais. Pense ce que tu veux de ce qui se passe avec lui sous mon toit. Je te laisse à tes suppositions de vampires assoiffés de haine et de vengeance. Je suis tellement de choses que tu ne sais pas. Tu ne m'as vu que comme ta chose durant ces années. Tu n'as jamais voulu me voir comme j'étais réellement. Tu n'aimeras pas ce que je vais devenir, et cela m'indiffère complètement. Nos chemins se séparent ici et maintenant. Là où j'avais encore de la compassion pour tout ce que nous avons partagé, il n'y a plus que les cendres d'un odieux mensonge. Nous n'avons jamais été que cela l'un pour l'autre.

Puis avant de se retourner elle lui jette un dernier regard, tout en reprenant son apparence humaine.

Carrie: quand tu regarderas nos misérables vies, persuadé d'avoir fait ce que tu devais faire, souviens toi que ce carnage est le tien. Tout ça...

Elle désigne les ruines de la maison, puis elle même.

Carrie: tout ça, c'est toi qui l'a détruit. C'est ton oeuvre! Vis avec ta conscience, s'il t'en reste une. Je ne veux plus porter ton fardeau.

Elle le regarde fixement, ses grands yeux bleus n'expriment ni haine ni colère. Juste une amère déception.

Carrie: adieu Rafael.

Le vampire regarde Carrie s’éloigner. Il ouvre son esprit une seconde pour envoyer un message mental à Eden puis le referme à nouveau. Il allume ensuite le feu qui détruira la villa.

Rafael: Adieu Carrie. Adieu mon amour. Ce souffle qui me suspend est mon dernier, vraiment le dernier. Il est temps en effet de faire ses comptes. La minute tant crainte, tant redoutée, tant rêvée est là. Tu parts et je suis vraiment mort. Le temps déferle tout entier et ne peut se résoudre à disparaître sans trace. Adieu Carrie!

Alors que le feu deviens infernal, un cri horrible déchire la nuit. Carrie rejoint la voiture en courant sous la pluie. Elle ouvre la porte, craignant déjà de voir un vrai carnage. Mais à l'intérieur, elle trouve les gardes au même endroit. La petite lui sourit et lui montre une peluche. Carrie reconnaît celle qu'elle avait oublié chez Rafael lors d'un précédent séjour. Elle jette un dernier regard à la villa qui achève de s'embraser complétement, puis s'engouffre dans la voiture avec un petit sourire.

Lee était en train de terminer la préparation d'une pâtisserie quand il entendit la porte claquer. De là où il se trouvait (dans la cuisine) il ne pouvait pas entendre ce que Carrie raconta à Howard. Mais il percevait parfaitement qu'elle était en colère. Lee ressentit une brusque bouffée de joie. Si Carrie était en colère, c'est que cela s'était mal passé avec le vampire bourreau nommé El Verdugo. Enfin, avant c'est comme cela qu'il s'appelait. A présent c'était seulement Rafael, prénom que seuls la démone et un vieux curton nommé Torquemada employaient pour parler de lui. Le vampire avait donc à présent un unique prénom pour le visage du mal. Soit. En tout cas il n'avait plus les faveurs de Carrie, et c'était bien ce qui réjouissait Lee. Durant les deux heures où elle s'était absentée, il s'était imaginé tout un tas de scénarios à la fois érotiques ou ultra gores qui auraient parfaitement collés avec ce qu'il avait déjà pu visionner de leurs échanges. Et à chaque fois, c'était le vampire prénommé Rafael qui remportait la partie. Dans tous ses scénarios, Carrie retombait dans ses bras, dans un long et langoureux baiser.

Cependant, à l'entendre claquer sa langue sur son palais alors qu'elle racontait son entrevue dans le salon avec le milliardaire égocentrique mais néanmoins sympathique Howard Murray, leur hôte depuis son agression à l'hôtel, un certain 5 octobre 2014, Lee comprit bien vite que rien ne s'était passé comme dans son imagination. En s'approchant discrètement, sans pour autant chercher à dissimuler sa présence, il comprit que Rafael, le vampire donc, s'était comporté comme un odieux individu, refusant de voir sa fille qui le réclamait, et traitant son ex compagne avec mépris. Selon elle, comme d'habitude il n'avait montré aucun signe d'attachement à sa fille, se réfugiant dans sa propre souffrance comme le parfait dépressif qu'il était. Carrie lui avait dit adieu, définitivement, lui promettant que plus jamais il n'entendrait parler d'elle ni d'Eden.

Elle oubliait bien sur de préciser combien sa vue lui avait été difficile. Le visage de son amant avait fait trembler son coeur malgré toute sa volonté. Mais le souvenir d'Hadès et l'horrible douleur qui l'accompagnait avait eu vite fait de la ramener à la raison. Sans compter le froid glacial qui l'avait entouré, et l'odeur de mort qui régnait dans la villa. Rafael trimballait tout un régiment de cadavres dans ses placards, et ce n'était sans doute pas qu'une image. Elle regarda Lee et le trouva toujours aussi irrésistible. Elle n'avait pas envie de le comparer à Rafael, ils étaient aussi différents que le jour et la nuit. L'un était immensément grand et l'autre un peu moins. L'un était immensément fort et dangereux, et l'autre était humain et généreux. Deux extrêmes qui ne se rejoindraient jamais et, l'espérait-elle, ne se croiseraient jamais non plus. Car si son ancien amant s'était montré hautain et vulgaire, elle n'en avait pas moins conclue qu'il était furieusement jaloux et impuissant face à ce nouveau prétendant. Il l'aurait probablement tué sur le champ, mais rien de ce qu'il pourrait faire ou dire n'aurait de toute manière pu changer le cours des choses. Carrie ne pourrait jamais lui pardonner, et plus jamais il ne pourrait poser les mains ou les lèvres sur la sublime bouche de la démone.

Lee ressentit de la compassion pour la jeune mère. Abandonnée par les deux géniteurs de ses enfants, elle ne pouvait que faire face avec la dignité qui la caractérisait toujours. Il était étonné de la voir si forte alors que tant d'autres se seraient effondrées. Mais Carrie n'était pas ce genre de femmes. D'ailleurs elle déclara de façon abrupte et déterminée:

Carrie: je vais m'entraîner! J'ai un match important lundi.

Sans dire un mot de plus, elle était partie s'habiller dans la chambre et avait rejoint la salle de musculation située au sous sol. Jugeant qu'elle avait surement besoin d'un peu de solitude, Lee retourna terminer sa pâtisserie, tandis qu'Howard prétexta une réunion en visiophone avec un gros client. Chacun se réfugia donc dans son sanctuaire, Lee dans sa cuisine, Howard dans son bureau, et  Carrie dans sa salle de musculation. Cette retraite commençait à s'éterniser, sans qu'elle ne s'en rende vraiment compte. Il faisait déjà nuit lorsque Lee la rejoignit dans la salle. Elle venait de donner un violent superkick dans un sac de boxe quand il s'approcha d'elle. Un sourire admiratif sur les lèvres, il s'adossa au tapis de course qui se trouvait à côté.

Lee: je n'aimerais pas être à la place de ce sac.

Carrie: personne n'aimerait.

Elle lui sourit. Lee en déduisit que sa colère était passée. Du moins qu'elle avait été extériorisée par l'enchaînement de violents coups de poings et de pieds sur ce malheureux sac.

Carrie: tu veux essayer?

Il fut surpris, mais ne refusa pas. Elle s'écarta et lui laissa la place. Il frappa un premier coup, évaluant la dureté du sac. Un vrai mur de bêton!

Lee: ça fait mal aux mains... tu ne mets pas de gants?

Carrie: rarement.

Elle montra ses bandes blanches un peu élimées au niveau des articulations.

Carrie: frapper à mains nues ça permet de vraiment ressentir sa propre puissance, et la résistance de la personne en face. Avec des gants, il n'y a pas de sensations. Remontre moi comment tu frappes?

Lee lui sourit à nouveau, et se tourna vers le sac avant de frapper avec toute la force dont il était capable à l'instant.

Elle fit une petite moue puis un sourire.

Carrie: pas mal... mais tu n'y mets pas suffisamment de colère et d'agressivité.

Lee: je suis rarement en colère, encore moins agressif. Il faut vraiment me chercher pour que j'utilise mes poings. ça n'a pas du arriver depuis le collège.

Carrie: un rival ?

Lee: non, un racketteur qui voulait voler mon argent de poche! J'ai eu la main enflée pendant une bonne semaine, mais il n'a plus jamais recommencé, ni avec moi, ni avec personne!

Carrie le dévora du regard.

Carrie: tu es un héros alors?

Lee: je n'irais pas jusque là, j'ai fait ce que tout le monde aurait fait à ma place.

Carrie recommença à frapper dans le sac, une belle série de droites et de gauches, puis d'uppercuts, pour finir avec plusieurs coups de genoux et un grand superkick.

Lee: tu es très agile et rapide.

Carrie: merci. C'est mon boulot, d'être agile et rapide. C'est même ma spécialité sur le ring. Il faut que je donne le rythme du match dès le début. On est pas beaucoup à utiliser ce style de combat.

Lee: le moveset de Sylvain Primeau est bien garni... j'ai hâte de vous voir sur le ring tous les deux. On a eu qu'un tout petit aperçu lundi dernier.

Carrie: c'est vrai, Sylvain a un potentiel très intéressant, c'est pas pour rien si je me suis dirigée vers lui. Il est loin d'être boring et moi j'aime les grands matchs. J'avais envie de donner le maximum, et je sais qu'il va faire l'affaire. Mais à Injection il y aura quelques variables à notre jeu.

Lee: Bomb et Blackbuerry.

Carrie: en effet. Ce ne sont pas de petite variables, tu vois. Edward ne peut plus voir en peinture la Living Légend, et moi je t'avoue que l'écouter parler d'innovation et d'imprévisibilité alors qu'à chaque fois il nous sort la même recette, je trouve ça lassant.

Lee: il pense que vous vous attendez à ce qu'ils soient divisés, c'est pour ça qu'ils se sont entendus sur une trêve temporaire durant votre match.

Carrie: ça ne suffira pas. Tu vois...

Elle envoie encore une série de coups sur le sac, avec une force qui étonne fortement le jeune homme.

Carrie: j'ai pas mal d'expérience dans les matchs par équipe. Je sais ce que c'est qu'une équipe qui tient sur une entente temporaire d'un soir, avec aucun enjeu, et ce qu'est une équipe composée de deux individus qui se font confiance, qui sont réellement amis. ça n'a rien à voir. L'une va s'entraider cinq minutes puis s’entretuer le reste du temps, c'est immuable. L'autre équipe par contre, va être solidaire, va risquer jusqu'à la défaite pour sauver son partenaire. Edward est comme mon frère, je ne le laisserai jamais tomber. Par contre, pour l'équipe Sex Bomb/Sylvain Primeau, les carottes sont cuites avant même que la casserole soit allumée. Tu as vu leur promo? ça s'astique les ceintures et les gloires personnelles, ça se fait des gentils compliments, avec entre les lignes la menace suivante: au moment même où tu fais le moindre geste pour me trahir, je te rentre dedans. Il n'y a pas de confiance et pas de solidarité dans leur équipe. Juste une simple parole d'hommes, et pour Bomb, la parole n'est pas vraiment une chose qu'il respecte. Je n'en dirais pas autant de Primeau. Il a peut être eu une petite période un peu bad guy, mais il reste quelqu'un de fiable.

Lee: donc ce n'est pas le même contexte que le match par équipe que tu as eu avec Pétale...  

Elle frappa si fort que de la poussière tomba du plafond.

Carrie: Non. Ce soir là Prime en demandait un peu trop. Rafael flirtait ouvertement et médiatiquement avec elle. J'étais furieuse, et en plus de ça, avec Pétale nous sommes dans une compétition permanente. Ce n'est pas à cause de Rafael, mais parce que c'est le business qui fait ça. Il n'y a pas beaucoup de collègues féminines qui peuvent venir nous défier toutes les deux. Alors on a fait de nous des rivales par défaut. Comme si cela coulait de source que nous soyons ennemies. J'avais rien contre elle au début, d'ailleurs je ne sais même plus de quoi c'est parti. Tout ce que je sais c'est que maintenant on ne se supporte plus, ni sur le ring, ni ailleurs. C'est dommage, Eden adorait Laurence.

Lee: ça passera... maintenant que tu as coupé tous les ponts avec Rafael, et que tu as pris un nouveau départ, je suis persuadé que bien des gens vont te voir autrement.

Carrie rit doucement.

Carrie: ouais... j'ai déjà eu un petit aperçu de ce que ça donne. Edward pense que je suis trop concentrée sur mes problèmes personnels en ce moment. Mais je vais lui montrer qu'il a tord. D'une part parce que s'il daignait décrocher son téléphone de temps en temps il saurait que je suis encore plus en forme que d'habitude, et plus déterminée que jamais. D'autre part parce que ce qui s'est passé avec Rafael tout à l'heure m'a permis de tourner la page de mon passé. J'avais besoin de lui dire adieu en face, pour clore notre histoire. Maintenant je me sens soulagée. Apaisée. Je peux passer à autre chose.

Lee: alors tu n'as plus besoin de taper sur ce sac pour ce soir, si ? ça fait des heures que tu t’entraînes, et vois tu... je t'ai préparé un dîner.

Carrie ne cacha pas sa surprise, c'était bien la première fois qu'on cuisinait pour elle.

Lee: Howard a emmené les enfants, un spectacle de magie je crois. Je me suis dit que ça te ferait peut être plaisir... plutôt que d'aller au restaurant...

Elle s'approcha de lui, avec sa démarche féline et son regard de prédatrice. Lee eut curieusement la sensation que le dîner, c'était lui.

Carrie: juste toi et moi alors... d'accord, donne moi juste un quart d'heure pour me doucher et je suis à toi.

Lee déglutit péniblement. Un sursis pour son innocence. Le temps était compté. Elle prit sa main dans la sienne et l'entraîna derrière elle.

Ce matin Lee s'est levé d'excellente humeur. Bien qu'il ait l'impression d'être passé sous un train tant ses muscles étaient engourdis, ses pensées ne cessaient de tourner autour de celle qui venait de faire de lui un homme, enfin. A cette heure ci Lee était un homme heureux, tout simplement. Comme chaque matin depuis une semaine il prépara un grand saladier de pancakes, que les enfants dévoraient avec envie... sans lui adresser la parole. Eden se contentait de lui faire des petits sourires moqueurs, tandis qu'Andréas faisait comme s'il n'existait pas. Cette situation le troublait. Mais depuis cette nuit, il sentait que tout allait enfin changer.

Carrie se leva aussi de bonne humeur. Elle avait regagné sa chambre discrétement après avoir passé la nuit dans les bras de Lee, et ce qu'elle y avait découvert allait au delà de toutes ses espérances. Elle avait vite compris que son petit ami n'avait jamais eu de relation intime avec une autre femme, mais cela n'avait pas été une barrière. Au contraire, Carrie y avait vu comme une grande preuve d'amour et de fidélité. Lee lui avait offert sa première fois, et chaque fois qu'elle repensait à ce cadeau, elle ne pouvait s'empêcher de sourire. Elle sauta de son lit et enfila un short et une chemise un peu ample, et courut rejoindre la cuisine.

Il était là comme tous les matins, en train de préparer le petit déjeuner. Elle monta à genoux sur un grand tabouret face au bar qui les séparait et tandis son visage vers lui.

Lee en la voyant sentit son coeur bondir dans sa poitrine. Il lui sourit et s'avança aussi pour l'embrasser. Un long baiser sensuel et envoûtant, les yeux fermés, qui aurait pu durer des heures si les autres habitants de la maison n'étaient pas intervenus.

Eden: beuuuuuuuuurk! vous êtes dégoûtants! J'ai plus faim maintenant!

Carrie tourna sa tête vers elle en souriant.

Carrie: rien n'est dégoûtant quand on est amoureux mon ange.

Andréas: tu es amoureuse de Lee maman?

Carrie se leva et se pencha ensuite vers ses enfants.

Carrie: non mon chéri.

Elle se tourna vers Lee et s'aperçut que son visage se décomposait. Le jeune homme put distinctement entendre son coeur qui se brisait et tombait en morceaux sur le sol.

Carrie: maman est très très amoureuse de Lee. Irrémédiablement et inconditionnellement amoureuse de Lee.

Aussitôt il sourit de nouveau et fit le tour de la cuisine pour la prendre dans ses bras, et la soulever pour l'enlacer. Tout contre ses lèvres, il murmura les mots suivants.

Lee: je t'aime aussi. Et depuis très très longtemps.

A ces mots, elle l'embrassa tendrement, doucement, comme s'il était un trésor précieux qu'elle ne voulait pas abîmer.

Eden: au moins on aura des pancakes tous les matins maintenant!

Carrie rit tout contre les lèvres de son amoureux. Il la reposa par terre et ils s'occupèrent de la table. Ce dimanche 12 octobre, tout se passa exactement comme dans des milliers d'autres foyers. Lee et Carrie prirent leurs petits déjeuners avec Eden et Andréas. Comme s'ils faisaient partie d'une même famille. A un détail près bien entendu: Carrie, Eden et Andréas n'étaient pas des gens comme tout le monde. Mais pour l'instant, Lee croyait encore que tous ces phénomènes paranormaux n'étaient que le fruit de son imagination débordante et de l'espièglerie d'une petite fille aux yeux bleus.

Carrie est debout au milieu d’un ring éclairé d’une lumière blanche. On ne distingue rien ni personne d'autre dans l'entourage, il fait trop sombre.

Carrie : Booya si tu savais à quel point tu me fais rire. A quel point tu NOUS fais rire! C’est vrai, sans toi le monde serait moins divertissant! On ne rirait pas autant… de toi ! Si je cherche à t’imiter ? Et puis quoi encore… On imite pas quelqu'un comme toi ! J'sais pas, y a des tas de personnes qui pourraient un minimum m'inspirer, dans mon entourage proche, mais toi ?! Non… il n’y a rien à copier en toi, ni ta suffisance, ni ton arrogance… et encore moins ce que tu appelles ton talent. Et puis je n’ai jamais été de ceux qui imitent, j’ai déjà beaucoup de mal à suivre des idées qui ne sont pas les miennes, alors suivre ta voie...  

Vois-tu Booya, le temps t'est compté. Il y a une logique implacable dans ta situation : tu es devenu champion, comme d’autres avant toi, et de façon immuable tu devras perdre ta ceinture tôt ou tard. Le plus tôt serait le mieux. Tous les règnes ont un début et une fin, c’est dans l’ordre des choses! Les champions se succèdent, toi sur le trône Omega, Sylvain sur le podium Intercontinental....[elle sort sa ceinture Wildside de derrière elle]... peut être moi aussi... [et la pose sur son épaule droite].

Son sourire s'élargit, ses yeux pétillent de malice. Elle porte sa main droite à son coeur et baisse le buste légèrement, comme pour s'excuser.

Carrie: Oh pardon Sly, ça me fait presque mal au cœur de te citer derrière Booya, j’ai l’impression de te manquer de respect...

Elle sourit encore, puis reprend. Il y a dans sa façon de parler une pointe d'ironie et de condescendance.

Carrie : J’ai d’autres choses à faire que de te répondre Booya, j’ai un match d’excellence à préparer pour une ceinture qui elle, comparée à la tienne, a gardé son intégrité. Je vais laisser quelqu’un d’autre laver l’affront que tu lui as faite. La nettoyer, lui redonner un peu de valeur. Et pourquoi pas ma meilleure ennemie!… J’ai hâte de la voir te casser la gueule et t’humilier en public. Et c’est ce qu’elle va faire n’en doute surtout pas un instant... J’attends ça avec impatience. En attendant je te regarderais essayer de t'échapper de cette merde dans laquelle tu t'es mis, tout seul, comme un grand. Parce que voilà, tu as voulu entrer dans la cour des grands comme tu dis. Mais ce n'est pas parce que tu as ouvert la porte du Panthéon que tu y as ta place! En fait tu auras beau la chercher, tu ne la trouveras pas. Elle n'est pas là. Ta place est parmi les traîtres de la SOW, tu sais... tous ceux dont plus personne ne parle parce que le simple fait de prononcer leur nom déclenche des émeutes... le peuple se soulève... les têtes tombent. Tu comprends?

Carrie: dictateur, imposteur, conquérant... tu auras beau t'affubler de tous les sobriquets que tu trouves dans le dictionnaire de ta fille, c'est pas ça que les gens vont retenir de toi.

Elle fait une moue méprisante..

Carrie: oui c'est vrai, c'est pas ça qui t'intéresse. Tu en as assez de tous ces parasites qui t'accostent, qui te jugent... Mais tu peux toujours changer de métier si cela ne te plait pas! Ton mobile ne tient pas la route. Trouve autre chose pour me convaincre que tu es devenu un beau salop. Tu aurais pu trouver mieux! Il y a des gens qui changent de vies parce qu'ils embrassent une cause, ou parce qu'ils sont blessés et laissent la noirceur envahir leurs coeurs. Je ne te blamerais pas si tel avait été le cas. Je ... connais la souffrance et désolation. J'ai laissé la haine s'emparer de moi. La colère, la frustration, la violence... Mais toi, t'as même pas ce prétexte...Tu n'as qu'une misérable excuse de lassitude, d'ennui...

Si tu avais été une énième divinité voulant écraser les humains et dominer le monde, ou bien une entité maléfique supérieure à nous tous ... même pas! Tu es juste un mec avec une ambition misérable, médiocre même! En fait c'est cela qui est le plus frustrant n'est ce pas, Booya? Tu viens de te rendre compte qu'arrivé sur ton podium, il y a encore quelqu'un au-dessus, bien au-dessus de toi, et que tu ne peux pas avoir plus! C'est cela, ta grande frustration! Tu es là, au sommet de la montagne, mais là où tu es, il n'y a  plus de banane et il n'y a plus d'arbre plus haut que le tien à part celui du Bon Dieu! Et le Bon Dieu ne partage pas ses bananes, ni son arbre! Désolant, comme situation ... Alors tu sais, tu auras beau essayer d'attirer l'attention sur toi, je n'envie pas ta place en ce moment. Je n'envie rien de toi, Booya! Tu n'es un exemple pour personne! J'ai aucune envie de t'imiter, ni maintenant ni jamais. Les pôles se sont peut être inversés dans nos vies au même moment mais pas de la même manière. Si tu as choisi de blesser des milliers de coeurs en devenant une charogne, moi j'ai choisi de sacrifier le mien pour affronter mon destin, mes peurs et mes angoisses et revenir à la vie. Tel le phoenix qui renait de ses cendres...

Moi, je ne peux que devenir meilleure, tandis que toi, tu n'as plus qu'à devenir pire... Au moment où tu sombres, où tu laisses la noirceur t'envahir, j'ai déjà repris mon envol. Ne t'en fais pas, quand tu arriveras tout au fond du gouffre il y a quelqu'un qui t'attend déjà là-bas. Quelqu'un qui pense agir pour le bien des humains. Il est là, tapi dans l'ombre, à l’affût de la souffrance et de la frustration. Il est fait pour toi comme tu es fait pour lui. Ouvre lui ton coeur, il te donnera la paix, la vérité...la sienne en tout cas!

Quant à ton titre, Booya, c'est dans l'ordre des choses si je ne m'en approche pas encore. J'ai quelques motivations personnelles à battre Sylvain, sur un ring et de façon propre et nette. Pas de rancoeur ni de haine cette fois, juste un défi à relever. Et quand cette tâche sera accomplie, quand mon heure sera venue, j'irais chercher ce titre que tu portes si mal, que tu discrédites!

Elle sourit en redressant sa tête, le regard déterminé, et chuchote.

I'm patient. I can wait!

La caméra s'éteint.

Lee en était encore à se demander comment il en était arrivé là. Debout dans sa cuisine, sa tasse de café froid à la main, les yeux perdus dans le vide, il revoyait les beaux yeux bleus de Carrie s'assombrir, et sa main refermer la porte derrière elle.

Tout avait commencé ce matin du 16 octobre. Un matin d'automne, ni trop froid ni trop chaud... humide et couvert. Son agent, la talentueuse Madame Grisby, l'avait informé d'un casting à New York en fin de semaine. Lisant le scénario, sa curiosité avait été piqué. Et même plus que cela. L'histoire lui plaisait vraiment, et le premier rôle était vraiment saisissant d'émotions. Il avait réservé son vol et s'était rendu dans la cuisine de chez Howard, où il avait rejoint Carrie et leur hôte.

Lee: je peux te parler deux minutes... seul à seul?

Elle lui sourit et le suivit jusqu'au salon.

Carrie : je t'écoute...

Lee : je dois me rendre à New York demain. Un casting de dernière minute, le premier rôle a finalement un empêchement, et le script est plutôt intéressant. Je voudrais essayer pour voir si ça convient.

La jeune femme reste silencieuse. Rien qu'à l'idée qu'il soit loin d'elle la plongeait dans un état de panique incontrôlable. Elle prit sur elle pour ne pas montrer sa détresse. Du coup, sa voix parut plus brutale et froide qu'elle ne l'aurait voulu.

Carrie: et tu reviendras quand?

Lee: j'en sais rien, ça dépend du nombres de prises, ça dépend si mon impresario a prévu des interviews ou d'autres castings, des brunchs ou toute autre obligation dont je me passerais bien. Mais ça fait partie de mon boulot, tu sais bien. Pour avoir des rôles, faut se montrer un peu... Et puis y a ma famille là-bas, j'aurais bien voulu rendre visite à mes parents et à ma soeur. Ils me manquent.

Carrie se demanda si quelqu'un avait mis son coeur dans une boite et était entrain de la serrer dans un étau. Elle visualisa la scène et se dit que cela devait être exactement ça.

Carrie : et tu pars quand?

Putain mais pourquoi est ce qu'elle n'arrivait pas à montrer la moindre émotion? Elle se serait volontiers frappée la tête contre un mur.

Lee: 11 heures

Lee quant à lui était ... surpris, pour ne pas dire un peu déçu par le manque d'expression sur le visage de la jeune femme. Depuis son arrivée ici ils ne s'étaient pas quittés un instant. Savourant chaque moment de bonheur ensemble comme avec ses enfants et son beau père adoptif. Il avait eu l'impression qu'ils se connaissaient depuis toujours. Elle s'était laissée aller avec lui, lui avait confié les secrets de son métier, ses projets et ses peurs. Lee quant à lui avait beaucoup appris de Carrie, notamment dans la partie physique de leur relation. Il avait également partagé avec elle ses rêves et ses espoirs. Mais comme dans tous les rêves leur semaine privilégiée avait une fin. Chacun avait son métier, sa vie, à des centaines voir des milliers de kilomètres d'écart.

Carrie était pétrifiée. Elle aurait aimé lui dire qu'elle avait envie qu'il reste encore un peu, ou qu'elle pouvait se dégager quelques jours pour l'accompagner. Mais toutes ses idées s'embrouillaient dans sa tête, au point qu'elle n'arrivait ni à bouger, ni à parler, sauf pour dire des banalités d'ordre logistique.  

Carrie: tu veux que je t'emmène en jet?

Lee: j'ai déjà pris une réservation à l'aéroport le plus proche.

Carrie: ah...

Sentant qu'elle était sur le point de craquer, Carrie tordit ses doigts et grimaça un sourire.

Carrie: je vais te laisser faire tes bagages alors... Tu veux que je t'accompagne à l'aéroport?

Lee: j'ai appelé un taxi... Je voulais pas te déranger, tu as ton entraînement ce matin. Je viendrais te prévenir lorsque je partirais.

Elle sourit à nouveau de la même façon, et sortit du salon d'un pas pressé avant de descendre dans le sous sol. Carrie se sentait incroyablement seule à ce moment là, complètement abandonnée. Elle ne savait ni pourquoi ni comment, mais Lee avait réussi à se faire une place dans cette maison, tellement grande que la perspective qu'il n'y soit plus était tout bonnement abominable. Elle avait envie de crier, de l'attacher sur son lit et de l'empêcher de s'en aller loin d'elle. Elle aurait voulu l'enlacer et le serrer fort dans ses bras. Mais sa fierté la retenait. "Foutue fierté de mon cul" se dit elle en commençant à taper le gros sac plein de sable avec ses poings nus. Puis d’enchaîner les uppercuts et les coups de genoux, et enfin les superkick.  

Lorsqu'il descendit la rejoindre, déjà prêt à partir dans son imper gris anthracite, elle était en nage depuis longtemps. Ses poings étaient rouges vifs et elle vacilla quand elle cessa de frapper.

Lee: c'est nouveau ça, tu t'entraînes tout habillée?

Carrie baisse ses yeux sur sa robe noire moulante qui lui remonte jusqu'au dessous des fesses, ses bas filés.

Carrie: j'avais même pas remarqué...

Elle sourit timidement.

Lee : mon taxi va arriver d'une minute à l'autre. Je voulais te dire au revoir avant de partir.

Dis quand est ce que tu reviens? Et est ce que tu vas vraiment revenir? Comment je saurais si tu ne vas pas me laisser toi aussi?

Toutes ces questions se bousculaient dans sa tête quand elle sentit ses grands bras l'enlacer et la serrer contre lui. Ses lèvres se posèrent sur les siennes, chaudes, un peu humides. Elle lui rendit son baiser comme si sa vie en dépendait.

Lee sentit ses résolutions fondre comme neige au soleil lorsqu'il la vit en face de lui. Elle avait l'air forte mais certains signes ne trompaient pas, son départ la bouleversait. Et il n'était plus aussi sur d'avoir envie de partir à New York, plus envie de faire ce casting qui l'éloignait d'elle. Mais il s'était engagé auprès de Mme Grisby, et il n'était pas un homme à revenir sur une parole donnée. Quand il relâcha son étreinte, il essuya ses yeux rougis et prit son visage dans ses mains.

Lee: je t'appelle dès que mon avion se pose à New York. J'ai pris mon ordinateur portable, comme ça on pourra reprendre nos conversations vidéos.

Howard arriva doucement dans le sous sol et fit signe que le taxi était arrivé.

Howard: j'ai une affaire à régler là bas samedi. Pourquoi ne pas aller diner quelque part? Je t'appellerai !

Lee acquiesça d'un signe de tête. Même si l'homme d'affaires était devenu un ami proche, ce n'est pas avec lui qu'il aurait aimé diner à New York, mais bien Carrie, qu'il tenait tout contre lui.

Rassemblant tout son courage, c'est elle qui le repoussa doucement, les larmes aux yeux.

Carrie: il faut que tu y ailles maintenant. Sinon tu vas rater l'avion. Et puis je dois emmener Eden et Andréas au parc ce matin, je leur ai promis.

Il s'éloigna d'un pas, prit sa main et la porta à ses lèvres.

Lee: vous allez me manquer. Tous les trois. Enfin tous les quatre si on compte Howard.

Puis il se retourna et parcourut la distance entre elle et la sortie du garage à grandes enjambées.

Carrie resta là un moment sans bouger, puis s'assit par terre contre un mur, ses avants bras devant son visage pour cacher sa tristesse.

Dans le garage éclairé par un néon blanc, Carrie est penchée sur le moteur de sa vieille jaguar, qu'elle restaure elle même. Le poste cd diffuse un album de Lana Del Rey. La belle brune, vêtue d'un débardeur blanc et d'un pantalon ample noir, tient une clef de douze dans sa main droite et une cigarette sur le bout des lèvres. Elle est tellement concentrée qu'elle n'entend pas l'homme qui s'approche d'elle. Il l'observe, tout en ôtant sa longue veste. Il la pose sur un établi. La vieille voiture tranche avec les dizaines de bolides de luxe qui les entourent. Il ne la quitte pas du regard. Moulée dans ce haut qui laisse deviner ses courbes divines, elle ferait se damner un saint. Il enlève sa cravate et la pose sur sa veste, avant de déboutonner les deux premiers boutons de sa chemise pour se mettre plus à l'aise. Elle tire sur sa cigarette et en recrache la fumée. Puis alors qu'elle sort sa tête du capot pour chercher un nouvel outil, son regard croise le sien. Il s'approche d'elle et prend la cigarette de ses mains avant d'en tirer une taffe et de la jeter sur le sol. Puis il baisse sa tête et l'embrasse, glissant sa langue dans sa bouche, partageant la nicotine et l'odeur du tabac. La jeune femme laisse courir sa main sur son torse, ignorant volontairement la trace de graisse mécanique qu'elle y laisse, remontant jusqu'à son cou. Elle s'abandonne complètement à son étreinte. D'une main, il ferme le capot de la voiture, la soulève et la pose dessus. Elle écarte les jambes pour l'attirer  plus près d'elle. Il quitte ses lèvres et caresse sa joue des siennes, les fait descendre dans son cou. Sa langue poursuit ensuite sa route sous son menton, avant de revenir sur sa bouche. Il mordille ses lèvres, les taquine, puis les quitte à nouveau pour découvrir sa gorge, son buste, la naissance de ses seins, qu'il caresse délicatement du bout de ses doigts. Elle gémit en s'accrochant à sa chemise. Il glisse ses mains sous le débardeur et le lui passe par dessus la tête. Le regard chargé de désir, il reprend sa taille d'un bras et la tire fermement contre lui, avant de poser sa bouche sur la sienne à nouveau, puis sur sa poitrine pour en explorer la peau blanche et douce. Sa langue vient narguer les pointes de ses seins, l'une après l'autre, puis il s'arrête et l'observe un moment. Elle le supplie du regard de continuer. Un sourire s'étire sur ses lèvres avant qu'il ne l'embrasse à nouveau, passionnément. Carrie lui rend son baiser, basculant son bassin contre le sien. Elle passe ses mains dans ses cheveux bruns, l'oblige à s'écarter pour la regarder, puis l'embrasse à son tour, plus sauvagement. Elle ne quitte ses lèvres que pour s'occuper d'arracher les boutons de sa chemise, un par un. Elle embrasse son torse, caresse sa fine toison brune. Puis elle s'attaque à sa ceinture, qu'elle fait glisser, d'abord lentement, puis brusquement la lui enlève, la jette au sol. Le bouton de son pantalon ne tarde pas à tomber aussi. Le tissu glisse sur les longues jambes du grand brun. Troublé par l'assurance de sa partenaire, il pose sa main sur sa gorge et la pousse en arrière, pour qu'elle s'allonge sur le capot de la voiture. Puis il pose ses lèvres sur son ventre. Il ne manque pas un centimètre de peau, et plus il descend, plus il la sent se tortiller sous ses caresses, ses mains passent de ses seins à sa taille, puis à ses cuisses. Elle le désire, mais il la désire plus encore. Il veut la satisfaire entièrement, virilement. Il fait glisser le pantalon de la belle brune sur sa taille puis ses jambes, lentement. Puis remontant un peu ses jambes sur la voiture, il parcourt l'intérieur de ses cuisses avec sa main, puis avec ses lèvres il touche le fin tissu de dentelle qui recouvre sa féminité. Elle tente de le faire revenir à elle, mais il sourit encore et porte sa main sur ses lèvres, qu'elle embrasse. Il pose ensuite ses doigts sous l'élastique de son string et le lui enlève doucement. Elle a les yeux embués par le désir et se redresse pour partager un baiser mi tendre mi sauvage. D'un geste, il descend son caleçon et l'approche tout contre lui. Les yeux dans les yeux, s'accordant au rythmes lents et réguliers de la musique, il vient en elle et passe sa langue sur ses lèvres, dans sa bouche, profondément. Carrie se tient à ses épaules, dans lesquelles elle plante ses ongles rouges écarlates. Elle ondule ses hanches en même temps que son amant, gémit contre ses lèvres. Il la bascule contre le capot et porte sa jambe par dessus sa hanche pour la pénétrer plus intimement. Elle prend son visage dans ses mains et l'embrasse à pleine bouche. Il recule son visage pour l'observer un moment, admiratif devant la beauté sensuelle de sa maîtresse, puis reprend ses lèvres, les taquine, l'embrasse à nouveau dans le cou, fait courir sa langue sous son oreille. Le bel amant ne se lasse pas de l'aimer, encore et encore. Quand l'ivresse est là, quand la passion est à son paroxysme, il passe une main sous ses fesses et la serre contre lui. La jouissance est infinie, intense et lumineuse. Ils restent là tous les deux, dans les bras l'un de l'autre, les yeux dans les yeux. Ils se sourient, enlacent leurs doigts, embrassent leurs lèvres. Ils savourent l'instant magique, la communion des corps et de l'esprit.

Andréas: maman, je peux dormir avec toi? J'ai fait un cauchemar...

Carrie fut extirpée de son rêve et constata avec une grande tristesse qu'elle était seule dans sa chambre. Son fils, tremblant, au pied de son lit. Elle tendit les bras vers lui et il se blottit tout contre elle. Elle lui chanta sa berceuse préférée pour l'endormir. Mais elle ne ferma plus les yeux jusqu'au lever du jour, se demandant si Lee pensait à elle comme elle pensait à lui.

Lee se réveilla avec les yeux cernés. Une bonne odeur de café se diffusait dans la maison. Allongé sur le ventre, il passa sa main sur son visage et se mit assis. Une petite musique l'avertit qu'il avait un message sur son répondeur. Il composa son code et écouta son agent lui donner rendez vous après son casting. Puis il jeta un œil aux messages en absence et se rendit compte que Carrie avait essayé de le joindre la veille. Ces derniers jours, il avait été tellement pris qu'il n'avait pas réussi à la joindre. Il avait bien essayé, mais sans succès. ça le rendait malade de ne pas pouvoir entendre sa voix ailleurs que sur la chaîne de la SOW. Et la diffusion des annonces publicitaires pour Endless Nightmare sur toutes les stations, plus les affiches à l'extérieur lui rappelait cruellement son absence. En fait il ne se souvenait pas d'avoir passé une fin de semaine aussi mauvaise. L'avion qui l'avait amené ici était bondé et il y avait eu des turbulences. Sa mère était arrivée à l'aéroport avec deux heures de retard, à cause de la circulation. Sa soeur était grippée et ne voulait pas le contaminer, elle avait donc décliner l'invitation à diner de ses parents. Sans compter l'interminable soirée chez Mme Grisby, Evelyne lui avait-elle d'ailleurs chuchoté à l'oreille en se frottant contre son smoking à 2500 dollars. Lee avait pensé à cet instant là avec une grimace de dégoût qu'il allait l'emmener au pressing dès le lendemain matin, peut être même le brûler.

Evelyne Grisby n'était pas laide pourtant, elle avait 52 ans mais en paraissait bien 15 de moins, miracle de la chirurgie esthétique. Elle aimait les soirées mondaines et les hommes plus jeunes qu'elle, en particulier les jeunes acteurs, et n'hésitait pas à user de sa position influente pour les amener dans son lit. Il était rare qu'ils se fassent prier, la grande blonde possédant des atouts physiques, dont une paire de seins siliconés taille F, ainsi qu'une réputation concernant son expérience dans les relations humaines, quelles qu'elles soient. Dans son esprit, Lee voyait Evelyne telle le Kraken, une grosse pieuvre mythologique qui engloutissait les bateaux et dévorait l'équipage. Ou bien une mente religieuse, cet insecte qui mangeait ses partenaires sexuels.

Bref, après avoir eu envie de vomir dans sa coupe de champagne, Lee avait fait son possible pour éviter cette femme qui aurait pu être sa mère. Malheureusement, Evelyne était difficile à semer, surtout quand il s'agissait de son propre cocktail. Elle glissa donc son bras sous le sien dès qu'elle le pouvait, et le calvaire ne prit fin que vers 2 heures du matin. Il s'était faufilé dans le dernier groupe d'invités sur le départ, et avait ainsi échappé au kraken.  

Seul dans son lit après avoir pris une bonne et longue douche tiède, il restait là les yeux grands ouverts, à repenser à sa Carrie. Il avait envie de respirer sa peau, de caresser ses cheveux... d'embrasser ses lèvres douces, et tout un tas d'autres choses bien moins avouables, qu'elle seule pouvait susciter en lui. Il regarda les heures défiler sans pouvoir s'assoupir. Finalement la fatigue avait eu raison de lui, et il finit par tomber de sommeil.

Après avoir bu son café, il eut la désagréable surprise de voir qu'on parlait du cocktail de la veille à la télévision. Il savait qu'Evelyne était un agent célèbre et que la soirée avait compté quelques personnalités politiques et cinématographiques d'importance, mais il ne s'attendait pas à ce que cela soit relayé sur toutes les chaines locales! Et les images étaient plutôt gênantes, à chaque fois on y voyait l'agent se frotter après lui et lui sourire, alors qu'il avait fait tout ce qu'il pouvait pour l'éviter. Lee s'imagina aussitôt le pire scénario. Carrie allait voir ces images et en déduire qu'il avait une aventure avec son agent. Dans le meilleur des cas, il aurait droit à une scène avec assiettes cassées et crise d'hystérie. Dans le pire... il n'aurait rien du tout, même pas l'occasion de s'expliquer.

Il sauta sur le téléphone et essaya de la joindre, mais personne ne décrocha. Elle devait être en train de s'entraîner. Ou bien elle ne voulait pas lui parler. Son audition était dans deux heures, suivi d'un déjeuner avec Howard et d'un débriefing avec Mme Grisby. Il attrapa le scénario et relut plusieurs fois le passage qu'il devrait interprêter. Il se trouvait nul ce matin, incapable d'éprouver la moindre émotion, à part la tristesse et la peur. Si seulement Carrie répondait au téléphone... Il essaya une nouvelle fois, et tomba sur Eden.

Eden: c'est qui?

Lee: bonjour Eden, c'est Lee. Est ce que ta maman est là?

Eden: ça dépend!

Lee: ça dépend de quoi?

Eden: de ce que tu me donnes en échange que je te la passe.

Lee eut envie de lui dire que sa grammaire était vraiment mauvaise. Mais il prit sur lui.

Lee: je ne vais pas négocier avec toi pour parler à ta mère, Eden.. Et je doute qu'elle apprécie ta façon de faire.

Eden: oh c'est dommage, je sens que ça va couper!

Lee entendit la voix de Carrie qui demandait de qui il s'agissait.

Eden : je ne sais pas maman, c'est qui au téléphone?

Lee: je ne marchande pas avec les enfants.

La tonalité lui répondit. Lee en resta stupéfait. Il composa à nouveau le numéro, mais celui ci était occupé.

Lee: la petite peste !

Il essaya sur le portable mais tomba sur la messagerie. Lee se dit qu'à son retour, il aurait une petite conversation avec la chipie, ce qui ne l'enchantait guère. Un coup de klaxon devant la maison l'avertit de l'arrivée du taxi. Il réessaya plusieurs fois encore dans la voiture, sans succès. L'audition se passa plutôt bien, l'équipe était sympa, et il connaissait déjà les directeurs de casting, qui avaient l'air ravi de le revoir. Ce qui dans la profession n'était pas un gage de sincérité. Il s'appliqua à faire abstraction de ses sentiments pour ne plus penser qu'au script, et pour une fois fut satisfait de sa prestation. L'essai fut concluant dès la première prise. Il fut en avance au restaurant dans lequel Howard l'avait convié. Lorsque le milliardaire arriva, celui-ci le gratifia d'une poignée de mains chaleureuse et virile, ainsi que d'une accolade amicale.

Howard: Lee! Comment vas tu ? Tu as une sale mine aujourd'hui...

Lee : oh... je n'ai pas bien dormi cette nuit..

Howard plongea ses yeux noirs dans les siens.

Howard: j'espère que ce n'est pas la mère Grisby qui t'a empêché de dormir.

Lee comprit qu'il faisait allusion à la chose qui l'écoeurait. Il bredouilla.

Lee: non! Enfin si, mais pas pour ce que tu crois... Cette bonne femme est une vraie sangsue. Je n'avais jamais prêté attention à sa façon de se comporter avec moi, jusqu'à hier soir. Je me suis sauvé avant la fin pour éviter de me retrouver seul avec. Ahhhhhh

Il eut un sursaut d’écœurement et secoua la tête. Howard éclata de rire.

Lee: ce n'est pas drôle Howard. C'est mon agent, et si elle le veut ma carrière peut s'arrêter là. Sans compter que Carrie a certainement vu les informations, elle va s'imaginer tout un tas de choses.

Howard: ça c'est certain. Ecoute, si tu le souhaites, je peux m'occuper de ta carrière. Je connais Evelyne personnellement, je vais l'appeler et lui dire que je m'occupe de toi.

Lee: ça fait pas un peu lâche de ma part? Je devrais peut être lui dire moi même.

Howard: Tu viens même de lui sauver la vie. Carrie n'aime pas qu'on marche sur son territoire.

Lee: j'suis pas son territoire! Je suis son petit ami, pas un morceau de terre qu'on s'arrache à coup d'atémis ou de superkick.

Howard partit d'un nouvel éclat de rire.

Howard: ça c'est sur le ring mon ami. En réalité, Carrie est beaucoup plus dangereuse que ça. Y a des tas de gens qui ont croisé sa route et qui ont disparu subitement, tu sais.

Il lui fit un clin d'oeil et un sourire. L'arrivée du serveur interrompit les confidences d'Howard. Lee reprit dès son départ.

Lee: tu es en train de me dire que ce qu'on voit dans ses promos, c'est pas que du cinéma?

Howard: avec Carrie, la réalité rejoint la fiction sur bien des points. C'est difficile à savoir ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas. Mais je dois t'avouer que certains faits divers en parallèle de ses interventions télévisées m'ont mis la puce à l'oreille une paire de fois. Jusqu'à ce que que je vois ça de mes yeux. Miss Grisby est en danger, sauf si elle s'occupe d'un autre gaillard à ta place.

Lee : ça me file la trouille ce que tu dis. Carrie n'est pas comme ce Verdugo. Elle ne va pas tuer toutes celles qui m'approchent.

Howard: avant elle l'aurait fait sans hésitation. Mais avec toi... j'ai un doute quand même.

Lee: pourquoi? J'suis pas assez bien pour qu'on se batte pour moi? J'suis trop humain peut être?

Le sommelier vient leur service un verre de vin puis s'éloigne.

Howard: non. Parce qu'elle tient à toi. Sincèrement. Elle veut te garder. Et pour la première fois de sa vie je la vois réfléchir avant d'agir. Chercher des solutions avant d'attaquer. C'est pas anodin chez elle.  

Lee sent son coeur s'emballer. Comme une crise de panique. Il a l'impression que la terre va s'ouvrir sous ses jambes.

Howard: j'aurais bien voulu avoir cette discussion avec toi bien avant que vous... vous attachiez l'un à l'autre. Mais ça me semble un peu tard maintenant.

Lee: quelle genre de discussion?

Howard: tu ne sais pas dans quoi tu t'embarques. Il m'a fallu des années pour m'habituer à la vérité. Mon fils n'a pas réussi à l'accepter. Il n'y a qu'Hadès et ce fou furieux de vampire qui ont réussi à l'aimer pour ce qu'elle est. Tous les deux l'ont perdu. Alors ça m’inquiète un peu de voir un de mes semblables se lancer dans une telle aventure. J'ai peur que vous vous berciez d'illusions. Carrie croit que tu vas lui apporter une vie meilleure, plus stable et plus heureuse. Elle pense que tu seras le père que ses enfants n'auront jamais. Et toi, tu es un de ses fans qui collectionnent les vignettes avec sa photo. Tu la trouves belle, sensuelle, mais est ce que tu as vraiment envie de la connaître au fond? Et il ne faut pas oublier que tu es une proie potentielle, plus que potentielle d'ailleurs, pour son ex qui a dépassé le stade de la dépression pour sombrer dans celui de la folie. Tu n'as pas connu beaucoup de femmes avant elle. Est ce que tu es vraiment sur de tout vouloir risquer pour celle-là?

Lee joue avec sa serviette tout en écoutant le sermon d'Howard. Il avait au moins le mérite d'être franc. Et juste surtout.

Howard: je ne dis pas ça pour foutre la merde entre vous, Lee. Je t'apprécie beaucoup. Et j'aime Carrie comme ma fille. Mais ça me ferait encore plus de peine si après la passion des premiers jours, vous vous apercevez que vous êtes allés trop vite. Prenez votre temps. Apprenez à vous connaître.

Lee releva les yeux, sur de lui.

Lee: je la connais. Pas comme toi c'est vrai. Mais je la connais. Je sais pas comment expliquer ça mais... j'ai l'impression qu'on se connait depuis toujours. Ses gestes, ses expressions. Tout m'est familier. Tu sais quand on commence une phrase et que l'autre la termine, quand on sait quand l'autre est faché ou triste. Je ressens ça pour elle. Ce n'est pas un trophée ou une belle nana de plus pour moi. C'est la seule, l'unique femme que j'ai toujours voulu. Pas parce qu'elle est belle, enfin un peu quand même, j'suis pas aveugle, mais parce que c'est elle. C'est son regard, sa façon de marcher, son humour... son parfum. Je sais pas comme te dire à quel point je suis amoureux d'elle. Peu importe l'avenir, je veux être avec elle. Dans les bons comme dans les mauvais moments.

Howard fait un sourire désolé.

Howard: dommage. Je vais être obligé de t'éliminer.

Lee devient blanc comme un linge devant le ton mafieux d'Howard. Celui ci à l'air plus que sérieux. Jusqu'à ce qu'il se mette à rire.

Howard: excuse moi, c'était une blague. C'était trop tentant.

Lee se détend et se met à rire aussi.

Lee: t'es con, j'ai vraiment cru que t'étais sérieux.

Howard: je le serais si tu la laisses tomber maintenant, après m'avoir fait ton beau discours.

Le serveur apporte les plats.

Howard: bon, et bien mangeons maintenant. On rentre en jet dans deux heures. Mais avant ça, on a quelques courses à faire pour elle.

Il est tard dans la nuit lorsque Lee et Howard rejoignent la maison. Howard donne congé à ses hommes et propose un dernier verre au grand brun. Celui-ci accepte, se demandant comment il va être accueilli par Carrie.

La jeune femme a été réveillé par des bruits de pas et des voix dans la maison. Elle n'a pas mis longtemps à en identifier les auteurs. Howard et Lee. Son coeur tambourine dans sa poitrine. Elle saute du lit et ne prend même pas le temps d'enfiler une robe de chambre. Elle ouvre la porte et se précipite dans le couloir, avant de se jeter dans les bras de Lee. Il manque de peu de tomber en arrière et se rattrape d'une main sur le mur. Glissant une main sous ses fesses pour la porter à sa hauteur, il s'aperçoit qu'elle porte simplement une petite culotte et un débardeur. Elle l'embrasse à pleine bouche sans tenir compte de la présence d'Howard. Un peu gêné au début, il est très vite dépassé par la passion dont fait preuve sa petite amie.

Howard se râcle la gorge.

Howard: tu ne m'as jamais accueilli comme ça Caroline...

Elle sourit tout contre les lèvres de Lee, qui est tout bouleversé par ce baiser.

Lee: tu ne m'en veux pas alors?

Carrie: non pourquoi? J'ai une raison?

Elle n'avait pas l'air de savoir de quoi il parlait.

Lee : Tu n'as pas regardé les informations?

Carrie: les enfants et moi on a passé la journée dehors, à cueillir des feuilles. Pourquoi j'ai raté quelque chose?

Lee: non rien du tout. Des banalités, le genre d'infos dont tout le monde se fout tu sais. Rien d'intéressant.

Howard: Lee est passé à la télé.

Les regards un peu dépité de Lee et interrogateur de Carrie se posèrent sur le milliardaire.

Howard: la soirée cocktail a été un vrai succès. La Grisby a été comme toujours un peu collante, mais ça n'est plus un problème, je m'en suis occupé personnellement. Lee est désormais mon protégé. Je devrais recevoir son dossier dans la semaine.

Lee reposa Carrie par terre et se laissa guider par la main jusqu'au canapé, sur lequel il s'installèrent l'un en face de l'autre.

Carrie: et ton rôle, tu l'as eu?

Lee: j'en sais rien. ça s'est bien passé, mais j'étais pas super en forme ce matin.

Howard: il a mal dormi. A cause de toi.

Lee: Howard!

Howard: Carrie aime qu'on lui dise la vérité. Bon pas toujours je l'admets. Mais le plus souvent, il vaut mieux le lui dire. Elle le sent quand on lui ment. C'est un truc qu'elle fait avec ses pouvoirs... c'est désespérant.

Il finit son verre d'un trait.

Carrie: je ne les utilise pas sur lui.

Howard: pour l'instant.

Il fait un clin d'oeil au couple puis s'éloigne.

Howard: je suis mort de fatigue, je vous laisse. Et par pitié, faites ça dans votre chambre, j'aimerais pas vous trouver à poil dans le salon en me relevant la nuit.

Carrie lui balança un coussin dans la tête avant de se retourner vers Lee. Elle l'embrassa encore sur les lèvres en prenant son visage dans ses mains. Lee l'enlaça tendrement.

Carrie : j'ai fait un rêve érotique cette nuit.

Lee grogna.

Lee: hum... oui?

Carrie : j'avais la voiture de mes rêves, un vieux modèle que je veux restaurer, et tu arrivais en costume. Tu me faisais l'amour comme un dieu sur le capot.

Lee eut du mal à déglutir.

Lee: c'est vraiment pas gentil d'avoir des pensées comme ça quand je ne suis pas là...

Carrie: j'ai été vilaine. Je voudrais bien me faire pardonner.

Elle fait une petite moue implorante.

Lee: mon Dieu tu vas me rendre dingue!

D'un bond, il la porte dans ses bras et se redresse, avant de se diriger jusqu'à la chambre qu'il ouvre avec son coude. Elle s'accroche à son cou avec ses deux bras. La porte se referme sur les deux amants qui s'embrassent à nouveau.  

Carrie est installée sur le turnbuckle les pieds en appui sur la deuxième corde. Elle a posé ses coudes sur ses genoux et joint ses mains. En tenue de combat, filmée en noir et blanc, avec juste ses yeux bleus qui ressortent à l’écran. Son visage est souriant, plein d’assurance et un brin amusé.

Carrie : Black Lotus… je ne sais même par où commencer avec toi. J’ai entendu ton appel, et comme tu vois j’ai pris le temps d’étudier ta proposition. Plus par politesse que par intérêt, cela va sans dire… Je ne sais pas si je dois me sentir flattée par ton offre ou vexée que tu me proposes une alliance avec les plus insignifiantes créatures de la SOW.

Elle a un petit sourire en coin.

Carrie : il n’y a rien qui me fasse envie dans cette association. Et celle-ci n’a rien à m’apporter non plus. Donc quel intérêt y trouverais-je ? Mais je vois bien où tu veux en venir, tu cherches des personnes plus brillantes et surtout plus compétentes pour apporter du prestige aux Blood Diamonds. Ne compte pas sur moi. Je décline à nouveau ton offre.

Elle sourit. Un grand et franc sourire, rare dans ses promos. Mais cela ne dure que quelques secondes.

Carrie : avant de te comparer avec un vrai fléau, comme un ouragan ou une épidémie mortelle, il faudrait déjà être à la hauteur de la compétition que tu t’engages à mener. Tu veux affronter le Bestiaire ? Soit. Alors il te faut penser à être un peu plus offensif. Car aujourd’hui il est toujours le maître du jeu. Ton clan et toi êtes des petits rigolos à côté de nous. Et quand je regarde la composition de ton équipe, cela va de soi… vous n’irez pas bien loin. J’irais même jusqu’à dire que vous n’avez aucune chance. Je ne suis même pas étonnée que tu cites tes anciens alliés, dont certains ont passé la porte de la SOW, et n’y ont laissé qu’un vague souvenir de déception et d’ennui. Cassandra … quelle référence ! Ton club de potes très « sélect » est si médiocre qu’il a sa place dans le Wrestling’s reject !  Mais je te comprends, on ne peut pas attraper des mouches avec du vinaigre. C’est tout ce que tu as trouvé pour t’accompagner. Et c’est tout ce que Brujah est capable de recruter également. Je note au passage que celui-ci a recueilli le soutien de Pétale, mais qu’elle n’a pas intégré le clan pour autant… preuve en est que votre fréquentation lui fait honte, tout comme il me ferait honte également. Le frein à vos tentatives de recrutement, c’est juste vous : toi et les deux autres parasites, Moc et Toxic. Ensemble vous ne franchirez jamais les marches qui mènent à la gloire. Vous resterez aux portes du succès, comme des rebus de la société, et vous entraînerez dans votre médiocrité tous ceux qui vous approcheront. Dans cette hypothèse effectivement on peut vous comparer à un fléau. Un fléau de honte et de banalité… un peu comme ce qu’inspire un vieux clochard hideux et crasseux. On a pas envie de fréquenter ce genre de personne, n’est ce pas ?

Carrie saute du turnbuckle et vient se placer au centre du ring.

Carrie : je devrais même me sentir salie que tu aies cité mon nom, mais je vais voir cela comme un compliment. On ne peut pas être admiré seulement par de belles personnes…  Je vais te dire ce qui va se passer maintenant le clown : tu vas retourner avec ta troupe de cirque miteux à tes petites affaires, tu vas aller défendre ton titre à Endlesse Nightmare, tandis que j’irais combattre Sylvain pour le titre Intercontinental. Chacun chez soi, toi dans ta crasse, et moi dans ma gloire. Ne t’adresse plus à moi à moins d’avoir quelque chose d’intelligent à me dire, vu ?

Elle hausse les sourcils, d’un air de dire « c’est bien compris ? ».

Elle est interrompue par Lee qui s’accoude au ring dans la pénombre.

Lee : ça t’arrive souvent de faire des longs monologues à moitié nue dans un ring ?

Carrie s’accroupie devant lui et lui sourit.

Carrie : plus souvent que tu ne le penses. Et je ne suis pas à moitié nue.

Lee : ça ne saurait tarder…

La caméra se coupe sur le visage de la démone qui feint l’indignation.

Carrie est filmée dehors, sur sa terrasse semble-t-il. Un vent froid souffle dans ses longs cheveux. En fond d’image on peut voir un grand parc parfaitement entretenu, avec de grandes allées royales, comme derrière un château.  Il fait nuit, et la lune éclaire son visage lisse et sensuel.

Carrie : je n’ai jamais vu un vampire avec autant de contradictions. Nous  sommes désillusionnés car nous sommes invincibles ? Point de désillusion, vampire amateur ! Tu es une farce à toi tout seul. Tu penses tellement tout savoir sur moi… mais n’as-tu jamais croisé un vrai démon ? Né des entrailles de l’Enfer, élevé par le Mal absolu… non tu ne connais pas cela ! Tu ne connais que les rumeurs qui circulent à son sujet, et les bribes de souvenirs humains que t’as laissé ta transformation. Car avant d’être vampire, race inférieure, tu as été toi-même … humain. Un humain sans culture, sans intelligence, sans esprit. Tu es l’humain lambda, ordinaire et insignifiant. La transformation n’a fait qu’exacerber cette réalité ! Je pourrais perdre mon temps à essayer de t’éclairer sur la naissance du mal, et donc t’orienter également sur tes origines, mais je préfère te laisser dans l’ignorance, car tu n’as pas ce qu’il faut pour comprendre et accepter les faits. Tu es au stade où tu te crois le premier de ta génération, alors que tu n’interviens qu’en bout de chaîne.

Elle finit sa phrase avec une moue méprisante, tout autant que ses propos.

Carrie : je vais par contre confirmer tes dires sur un point : un jour effectivement je vais quitter le Bestiaire.  

Petit sourire en coin.

Carrie : Je le sais depuis la minute où j’ai accepté d’en faire partie. Je ne suis pas là pour « la cause » mais pour « la récompense ». Un mercenaire, rien de plus, rien de moins. C’est ce que je suis. C’est ce que je resterai. Darkside connait les clauses de notre association. Et en ce moment il est vrai que j’envisage de revoir ma plus-value à la hausse. Je ne travaille pas pour rien, et j’entends me faire payer en temps et en heure.

Tu crois ta cause meilleure que la sienne, mais tu es la copie conforme de Darkside. Méprisant à l’égard du monde et de toute vie humaine. Je n’embrasse aucune de vos idéologies. La nature humaine est profondément mauvaise mais vous êtes pires encore. Plus je connais les hommes… Lee en particulier, et plus je me désintéresse des entités comme toi. Vous vous croyez plus intelligents, plus puissants qu’eux. Mais cela ne tient qu’à vos pouvoirs surnaturels. Il faut être fort pour vivre et accepter de mourir. Pour accepter de voir ses proches partir, les voir mourir sous ses yeux et leur survivre. Il faut être fort pour aimer et recevoir l’amour d’un proche. Le soutenir dans la douleur, dans l’angoisse. Ces choses-là vous sont étrangères.

Si tu étais moins inculte tu connaitrais l’origine du Mal et pourquoi celui-ci s’est retourné contre son Dieu. Tu connaitrais aussi mes origines et comprendrais pourquoi je ne m’éloigne jamais du monde des humains très longtemps. Pourquoi j’aime certains d’entre eux et les chéris plus que tout au monde. Tu peux bien juger mes relations sociales, et même ma relation avec Lee. Le fait est… qu’une fois encore Pétale et moi avons un point commun : nous aimons un humain. Cela fait il de nous de faibles adversaires ? Irais tu lui dire en face qu’elle est faible parce qu’elle s’est éprise de Bomb ?

Petit sourire en coin.

Carrie : bien sur que non. Ce facteur n’influe pas sur notre combativité. Nous restons des menaces, pour toi comme pour tous les autres membres du roster. Alliés ou non.

Mais revenons au Bestiaire veux tu ? Tu penses qu’une défaite pourrait ralentir quelqu’un ? Ralentirais tu après un combat perdu ? Perdre est une donnée qu’il faut prendre en compte dans une entreprise aussi conséquente. Il y a toujours des dommages collatéraux. Cependant le Bestiaire n’en est pas moins toujours là, toujours debout, toujours aussi fort. Sinon pourquoi t’embêterais tu à recruter du sang neuf ? Du sang de légende, bien sur, prestige oblige …

Elle a un petit rire méprisant.

Carrie : Je suis ravie d’avoir permis de t’ouvrir un peu les yeux sur l’inconséquence de Black Lotus. Cependant, à mon humble avis, ce n’était pas le premier parasite à évincer… Quel genre de clan éjecte le seul membre possédant une ceinture ? Et quelle ceinture ? La Hardcore, une des plus convoitée à la SOW ! Tes plans m’échappent Brujah… Tu es un guide bien particulier. Chercherais-tu à endormir tes ennemis en détournant leur attention avant d’attaquer vraiment ? C’est une probabilité que j’envisage. Mais je doute que tu viennes troubler les activités de ton ancien partenaire, Sylvain Primeau, Mon adversaire à Endless Nightmare. Dis moi, Brujah.. méprises tu Sylvain? Son père peut être?

Elle plisse les yeux.

Carrie: non. Je ne crois pas que tu méprises tes anciens associés. Pourtant, cela fait-il de toi un faible? Pourtant ils ne sont qu'hommes, avec un égocentrisme excessivement développé d'ailleurs. Tout comme le tien. C'est peut être ça au fond, que tu respectes. Le narcissisme. L'impression d'être supérieur aux autres. Tous ceux qui ne conçoivent pas le monde à ta manière te font horreur. Je ne conçois pas le monde de la même façon. J'en ai une approche plus sage, plus réfléchie. Et cela m'est venue à force de les observer. De les côtoyer. J'aime côtoyer les humains. Essayer de comprendre leurs émotions, leurs sentiments. Cela m’enivre, m'emporte.

Elle tourne la tête et la caméra suit son regard. On peut voir Lee en train de discuter avec ses enfants, partager leurs rires.

Carrie : tu vois Brujah, tu te trompes sur toute la ligne. Mais je ne t'en veux pas, il m'a fallu aussi longtemps pour comprendre. La force ne réside pas dans la haine. Tout le monde peut haïr. Par contre aimer, tout le monde n'en est pas capable. Tu n'en es pas capable, et aucun d'entre vous, vampires, n'en êtes capables, à moins qu'on vous enferme dans un monastère. Vous êtes des bêtes sanguinaires, incapables de réfléchir lorsque l'odeur du sang monte à vos narines. Je ne perdrai pas mon temps à t'expliquer en quoi l'amour est important. Je le sais. Il est en moi comme je suis en lui. Nous ne sommes qu'un. Que cela te plaise ou non. Et cela ne m'empêchera pas de te démonter la gueule la prochaine fois que tu monteras sur un ring face à moi. Juste pour te prouver que je ne suis pas faible. L'amour rend plus fort, Brujah, mais il est clair qu'en te regardant, on comprend que tu n'y comprendras jamais rien.

Le sourire de la fin, et l'image s'arrête net.

Carrie est dans le vaste parc du domaine d’Howard Murray. Elle s’est beaucoup éloignée de la propriété, à tel point qu’elle longe une grande falaise. Soudain elle sent une présence extrémement noire toute proche. Au son de sa voix, elle reconnait immédiatement qu’il s’agit de son père.

Samael : quand tu auras fini de déshonorer la famille tu me préviens surtout !

Carrie sursaute et se retourne. Instantanément son corps a repris l’apparence du démon. Son visage n’exprime plus que rage et elle est sur le point de bondir sur lui.

Samael : que de colère dans ce regard ma fille … je t’ai manqué ? Moi tu m’as manqué tu sais ? Tes petits jeux avec les humains… ta séparation de Rafael… Où sont mes petits enfants ? J’aimerais les serrer dans mes bras, comme un bon grand père le ferait. N’es-tu pas d’accord ? Toi qui prône les grands sentiments, l’attachement familial et … quelles autres conneries as-tu encore inventé ?

Carrie : ne t’approches pas de mes enfants ! Tu as fait assez de dégâts dans ma vie.

Il éclate de rire et lève les bras en l’air.

Samael : ahhhhh ta vie, ma fille… comme tout droit sortie d’un conte de fées pour enfants ! C’est le sang de ta mère qui coule dans tes veines qui te fait parler en humaine ! … et ça m’ennuie profondément ! Je n’oublie pas pourquoi je t’ai créé, ni à quelle fin ! Par contre, toi, tu l’oublies un petit peu ces derniers temps ! La Terre n’est pas ton monde et ne le sera jamais. Les humains te ramollissent le cerveau !

Carrie : tu es venu me faire la morale ? Toi qui me fuis depuis la mort d’Hadès ! Je sais que c’est toi qui l’as retrouvé. J’avais dissimulé sa présence, personne n’aurait pu le trouver, personne à part toi ! J’attends ce moment où je pourrais te renvoyer dans ton trou depuis bien trop longtemps !

Il a un petit sourire condescendant.

Samael : ta rancune est tenace. Mais inutile, tellement inutile ! Comme l’était Hadès ! Et comme l’est ton nouveau … (il réfléchit) petit ami ? Compagnon ? Fiancé peut être ? Peu importe comment tu nommes ça, débarrasse t’en avant que je m’en occupe moi-même !

L’ordre était formel, froid et incisif. Cette fois c’est elle qui sourit.

Carrie : c’est ça qui t’amène … Si tu avais pu le faire toi-même, tu ne serais pas là !

Elle fait quelques pas sur le côté sans le quitter des yeux.

Carrie : mais tu ne peux pas n’est-ce pas ? Et ce qui t’agace, ce qui t’amène à moi aujourd’hui, c’est que tu ne sais pas pourquoi tu ne peux pas le supprimer toi-même !

Le père de Carrie doit concéder un peu de terrain. Il acquiesce d’un signe de tête, mais ne perd pas son sourire.

Samael : en effet, je t’accorde que cet humain semble être protégé par un sort qui m’empêche de l’atteindre. Toi ou ta mère l’avaient parfaitement camouflé. Efficace, mais pas éternel. Même pas pour deux sorcières comme vous.

Elle sourit un peu plus.

Carrie : aucune magie de ma part, ni de Johanna. Lee se protège lui-même.

L’espace d’une seconde, elle voit une très brève expression de surprise sur son visage, qui disparait aussitôt.

Samael : tu mens ! Aucune créature ne peut m’échapper, alors un simple humain ! Dès que ton sort s’estompera, il crèvera ! Comme Hadès, comme tous ceux qui t’entourent ! Et tu plieras, et tu obéiras à ma volonté !

Brusquement, la démone déploie une vague de son pouvoir et envoie voler son père plusieurs mètres plus loin. Ses cheveux volent autour de son visage. Son père est surpris par sa force soudaine, puis il sourit.

Carrie : nous n’avons pas la même perception de ma destinée. Ce n’est pas parce que tu m’as élevée comme une bête en cage que je dois suivre la voie que tu m’as tracé. Il y a d’autres facteurs à prendre en compte. Beaucoup d’autres.

Samael : tu as gagné en puissance, ma chérie ! J’aime ça ! Mais je serais curieux de connaître ta théorie sur ton destin, car il semble que tu oublies un paramètre : je t’ai créé à mon image, comme Dieu l’a fait avec ces misérables insectes que tu protèges tant. Et malheureusement je n’ai pas souscrit l’option sentiments pour toi !

Carrie : ma mère y a pourvu ! Tout comme elle m’a doté de toute une panoplie de pouvoirs et de savoir. Toi, tu m’as juste injecté la haine dans les veines. Johanna a fait tout le reste.

Il sourit.

Samael : c’est déjà pas si mal ! Tu pourras toujours travestir ta nature, certains gestes te trahiront. Le Mal appelle le Mal ! Quand tu seras lasse de t’abaisser à leur niveau, tu recouvreras tes esprits et les anéantiras, car c’est cela ton destin ! L’apocalypse avec un visage de déesse. .. La mort que l’on a envie de baiser ! AH AH ! Carrie, tu es la plus exquise des fléaux de ce monde. Je ne me lasse pas de te voir essayer d’échapper à ta seule et unique fonction ! Ah non pardon j’oubliais la première : me donner des héritiers. Tu m’en as donné deux ! Je suis donc face à un dilemme ! Lequel me sera le plus utile : celui qui parle aux morts ou bien celle qui lit dans les pensées ?

Elle plisse les yeux et cesse de sourire.

Carrie : ils sont encore jeunes. Ils possèdent bien plus que cela, avec tous les mélanges qui coulent dans leur sang. Et comme je les ai portés, j’y ai ajouté une petite touche personnelle !

Samael : je vois ça d’ici : les bons sentiments, la politesse… pourquoi pas la religion ! Pauvres gosses ! Tes méthodes d’éducation sont déplorables ! Rien de tel qu’un petit séjour avec moi pour leur apprendre ce qu’est une existence excitante et utile à l’humanité !

Carrie : tu n’en feras rien, et tu le sais. En as-tu fini ? Ce n’est pas que ta conversation m’ennuie mais… à vrai dire elle m’ennuie. Si tu n’as rien d’autres à dire, va t’en.

Samael : soit. Je te laisse un court répit, le temps de découvrir ce que tu me caches. Ce que vous me cachez toi et ta mère. Cet humain est différent et je finirais bien par savoir de quelle façon. Et si tu m’as menti c’est lui qui en subira les conséquences.

Carrie : je te laisse le mensonge et la cruauté. A moi la vérité, et l’amour.

Il fait une moue écoeurée.

Samael : tss … tu me fais honte !

Il disparait tandis que Carrie éclate de rire.

Carrie sort de la cuisine au moment où elle entend deux voix masculines dans le couloir. Elle s'approche pour voir qui est avec Lee et découvre avec surprise un collègue de la SOW. Louis relève la tête et lui sourit.

Louis: bonsoir Carrie!

Lee: ça ne t'embête pas que j'invite un ami? J'ai pas eu le temps de t'appeler pour te prévenir, c'était pas vraiment prémédité, on s'est croisé par hasard en ville. Louis est un bon ami depuis longtemps et ...

Avant qu'il ait eu fini de se confondre en excuses avec une moue un peu gêné, elle s'approcha d'eux et fit une bise sur la joue à Louis, et se haussa sur la pointe des pieds pour embrasser Lee sur les lèvres.

Carrie: tu es chez toi ici mon ange, tu peux inviter tes amis si tu le veux.

Puis elle leur fait signe de la rejoindre au salon.

Carrie: je te laisse servir Louis, j'ai encore quelques préparatifs à faire.

Lee leur sert un verre à tous les deux et apporte le sien à Carrie. Son ami fait mine de ne pas remarquer leur jeu amoureux loin de son regard, mais il est curieux de nature et ne peut pas s'empêcher de les observer à la dérobée.

Ils le rejoignent quelques instants plus tard et s'installent sur le canapé. Carrie attrape une olive et la croque.

Carrie: alors Louis, tu vas affronter l'amnésique à Endless Nightmare, pas trop la pression?

Louis: y a toujours un peu de pression, surtout lors d'un PPV. Prime compte sur moi pour montrer de quoi je suis capable face à un vieux de la vieille. Maintenant j'm'inquiéte pas trop, c'est pas non plus une légende ni une référence niveau technique. Je suis peut être débutant ici, mais j'ai pas à rougir de ma carrière avant d'arriver là.

Lee: Louis a passé sa jeunesse en France, c'est là qu'il a eu ses premières années de formation.

Carrie: c'est chouette la France. J'y suis déjà allée. J'aime beaucoup.

Lee: il faudrait qu'on y aille ensemble quelques jours. Tu me feras découvrir ce que tu aimes.. je n'ai pas eu le temps de visiter.

Ils se perdent un instant les yeux dans les yeux. Louis se sent un peu... seul, tout à coup.

Louis: ouaip. Moi j'vais éviter l'hexagone encore quelques années, le temps de trouver de quoi rembourser quelques prêteurs un peu susceptibles.

Les deux amoureux sortent de leur bulle pour se concentrer à nouveau sur lui.

Carrie: je ne crois pas qu'Alpha soit vraiment le plus gros danger de cette rencontre. Fais gaffe qu'Ostap ne tente pas d'attirer l'attention sur lui en profitant de votre combat. Il a l'air bien décidé à prendre sa revanche.

Louis: ça m'étonnerait qu'il y parvienne. Prime a déployé un dispositif de sécurité assez important, rapport aux derniers événements sur le continent, et également à la possible intervention du Bestiaire. On s'attend à un carnage, quel qu'il soit. Mais je me méfie quand même d'Alpha, les personnes d'un certain âge sont prêtes à tout pour remédier à leurs faiblesses, comme la perte d'agilité, la cessité, ou bien la surdité. Je ne serais pas étonné qu'il ait inventé cette amnésie pour se la couler douce au crochet de Prime. Et m'est avis que le boss a commencé à avoir des doutes aussi. Je crois que je suis là pour démasquer la vérité. Mais bon , au cas où il ne simulerait pas, j'ai quand même pensé à lui : j'ai installé un balisage avec de grosses flèches fluorescentes dans toutes les coulisses, et j'ai installé une grosse horloge dans sa loge. Comme ça il ne pourra se tromper ni d'heure, ni d'endroit!

Tous les trois rient de bons coeurs. Les enfants arrivent en courant vers le salon. Eden vient aussitôt s'asseoir sur Lee et dévisage le nouveau. Andréas, plus réservé, reste en retrait derrière sa mère, non sans s'être servi quelques amuses bouches.

Eden: bonjour! Toi tu es Louis de Bellac! Je t'ai vu à la télé! Tu t'es battu contre Ostap! Vous avez fait un super match!

Louis: merci jeune fille. Tu dois être Eden... c'est fou ce que tu ressembles.. à ta mère.

Eden: c'est pas bien de mentir!

Elle rigole avec des yeux pétillants de malice, Lee la tient par la taille pour ne pas qu'elle tombe, vu qu'elle ne cesse de bouger sur ses genoux.

Eden: tu crois que Alpha va retrouver la mémoire un jour?

Louis: peut être!

Andréas: peut être que si tu lui tapes fort sur la tête tout va lui revenir d'un coup!

Andréas est très gêné, il ne s'attendait pas à exprimer ses pensées à haute voix. Carrie le serre dans ses bras. Louis rigole un peu.

Louis: peut être. Mais peut être qu'il n'y rien à se rappeler? Tu sais, parfois les gens oublient des choses sans importance. Il est possible qu'en grattant un peu on découvre qu'il n'y avait rien de spécial dans la vie d'Alpha. C'est sans doute un homme comme les autres, sans secret ni révélation.

Eden: et toi maman, tu as répondu à ce que Sylvain a dit tout à l'heure?

Andréas: il a dit qu'il gagnerait par tous les moyens, que sur le ring ce serait chacun pour soi, même s'il te respecte.

Carrie: il a raison de le préciser, on a bien du mal à le croire. Tu sais parfois les gens disent certaines choses et font le contraire. On verra si Sylvain est honnête ou pas. J'ai de plus en plus l'impression que les apparences sont trompeuses. Au final c'est sur le ring qu'on apprend le mieux à connaître son adversaire.

Louis: je t'avoue Carrie que tu me surprends de plus en plus. On t'a vu dangereuse, imprévisible. Mercenaire à la solde des pires entités du mal. Et ces derniers temps, tu inverses la vapeur, tu changes de visage et de discours. C'est difficile de te suivre.

Lee: les gens ne sont pas encore prêts à voir Caroline comme une femme dotée de sentiments authentiques. C'est un peu trop tôt. Mais ça viendra, j'en suis certain.

Louis: Sylvain parlait d'un truc au sujet de votre vie privée, que tu n'étais pas assez discrète. C'est pour montrer le côté humain de ta personnalité que tu filmes beaucoup de moments intimes?

Lee et Carrie se regardent en souriant, puis rient.

Carrie: nan c'est pas pour ça. Depuis que j'ai commencé mon métier avec Hadès, j'ai toujours fonctionné comme ça. J'ai des fans, Lee aussi, et j'aime bien leur envoyer des vidéos de nous, que ce soit juste pour la com' ou bien pour les faire un peu rêver. ça leur fait plaisir, ça fait des années que je fonctionne ainsi et ça a toujours eu beaucoup d'importance pour moi. On aime bien aller les rencontrer en secret, en petit comité, et leur faire des cadeaux. On fait des podcasts, des vidéos conférences avec eux. C'est très fun et vraiment très loin de ce que la SOW montre de moi.

Lee: le problème, c'est pas les fans. C'est la mentalité actuelle du roster. Tout le monde est persuadé qu'il faut être la pire des saloperies pour avoir un titre, ou bien qu'il va falloir complètement écraser quelqu'un pour réussir. Mais ce n'est pas ce que Carrie aimerait montrer d'elle. ça fait des années qu'elle est enfermée dans cette fausse enveloppe, dans cette image, et ça va être long avant que les autres lutteurs la voient telles qu'elle est réellement, sans pour autant la mépriser, ou la sous évaluer.

Louis: ouais... j'ai vu ça, avec le gros Brujah, ou tous ceux qui se prétendent des vampires... j'm'en fous pas mal qu'ils jouent leurs gimmicks à l'extrême, juste qu'ils respectent un peu le monde qu'ils envahissent. La Terre appartient à tout le monde, ils seraient bien emmerdés s'il n'y avait plus d'humains pour leur filer à bouffer, ou leur servir d'esclaves. Qu'ils ne comptent pas sur moi en tout cas, je n'ai pas l'intention de faire partie d'une équipe, peu importe laquelle. Par contre, je ne laisserai pas le Bestiaire ou les Blood Diamonds exercer leur loi sur moi, ou sur quelqu'un proche de moi.

Il regarde Carrie dans les yeux, comme une promesse. Lee tend le bras et lui tape l'épaule amicalement.

Lee: c'est gentil de ta part. T'en fais pas, Carrie et moi on a décidé qu'on ne se quitterait plus d'une semelle. Où elle va je vais, et inversement.

Andréas : comme un ange gardien!

Le petit garçon rougit, sa mère l'embrasse sur la joue avec beaucoup d'amour.

Carrie: comme un ange gardien, oui mon coeur. On devrait peut être passer à table? Je meurs de faim.

Eden saute des genoux de Lee et se précipite devant sa mère.

Eden: tu ne peux pas mourir, tu es un démon! Les démons ne sont pas des morts vivants, et ils sont immortels! Et en plus tu es une sorcière!

Carrie : tais toi Eden, tu vas faire fuir notre invité, et Lee aussi peut être!

Eden: oh non! j'veux pas qu'ils partent!

La soirée se passa dans une excellente ambiance, où il ne fut plus question de lutte mais de souvenirs d'enfance de Lee et de Louis. Carrie apprit qu'ils étaient cousin éloignés du côté de leur père. Leurs yeux avaient effectivement beaucoup de ressemblance. Ils avaient toujours gardé le contact tous les deux et se retrouvaient souvent sur les tournages, Louis étant également comédien. Les deux hommes avaient beaucoup d'humour, et tout le monde s'amusa beaucoup. Lorsque Louis quitta la maison, ils se promirent de se retrouver après le PPV pour fêter leur soirée.

Bien plus tard, après avoir débarrassé ensemble la table et bordé les enfants, ils se retrouvèrent seuls. Lee attrapa la main de la jeune femme et l'entraîna sur la terrasse, après lui avoir passé un chandail sur les épaules et enfilé sa veste. Dehors, une surprise l'attendait: des guirlandes composées de lampions éclairaient la terrasse, tandis qu'un piano blanc recouvert de pétales roses et blanches, trônait en plein milieu de celle-ci. Carrie ne put retenir un cri de surprise. Elle sauta au cou de son petit ami et l'embrassa avec ardeur, avant d'aller poser ses doigts sur les touches blanches et noires

Lee: il est accordé! Tu peux en jouer si tu veux. Ou bien attendre demain. Comme tu veux. Je le ferai rentrer par les gars demain matin. On fera une petite place dans le salon. Je le verrai bien à la place du billard. Personne n'y joue de toute façon et ...

Il se tut en observant l'air profondément bouleversé de la belle brune. Elle commença à jouer quelques notes, debout, puis irrésistiblement se mit assise et laissa ses doigts enchaîner les accords. Lee resta un moment debout à l'écouter jouer, puis s'assit à ses côtés.

La caméra se coupa sur cette image.

Lee se retrouva seul sur les hauteurs d'un des plus hauts immeubles de Cincinnati. Le vent qui lui soufflait sur le visage avait une toute autre odeur qu'il n'en avait quelques minutes plus tôt, alors qu'il avait été propulsé là sans savoir comment ni pourquoi.

Tranquillement installé sur un tabouret, son pantalon ample blanc et une chemise en coton entrouverte sur son torse nu, il dégustait son café en lisant son journal. Les faits divers étaient sa rubrique préférée. Il était donc là, entre le parfum du café et la vision furtive de la belle Carrie se pavanant nue devant lui avant d'aller prendre sa douche, non sans le gratifier d'un regard hautement aguicheur, à se dire qu'il allait la rejoindre, quand soudain il s'était senti léger comme l'air et puis d'un coup il était arrivé sur ce toit, à des dizaines de mètres au dessus de l'avenue principale.

Et puis  il l'avait vu. Un homme très grand, blond, avec des yeux verts extraordinaires, d'une beauté époustouflante, lui faisait face. Son regard était doux et son sourire apaisant. Il ne sut pas pourquoi, mais d'instinct il comprit qu'il n'était pas en danger.

... : ainsi c'est toi qu'on a envoyé pour cette mission. Les voix du Seigneur sont impénétrables dit-on sur Terre... je commence à le croire. Nous sommes des centaines, et pourtant il t'a choisi toi. Tu n'es pourtant pas le plus fort, ni le meilleur d'entre nous.

Lee: Qui êtes vous? Et qui m'a choisi? Pourquoi faire?

...: ah oui, j'oubliais. Ta mémoire... Tu n'es pas en mesure pour l'instant de récupérer les informations qui sont dissimulées dans ton subconscient. Laisse moi quelques secondes...

L'acteur fut saisi d'une violente douleur à la tête et tomba à genoux en suffoquant. Les souvenirs ressurgirent du passé par flash, intenses. Les émotions également, mélangées, l'amour, la violence, la passion et la compassion... l'amour, encore. Et le visage de Carrie, d'abord magnifique, puis ensuite démoniaque. Sa poitrine lui faisait mal à en crever.

... : ne t'en fais pas, la douleur va passer.

En effet, quelques secondes plus tard, la souffrance qui l'avait terrassée avait disparu. Remplacée par une apaisante sensation de bien être, très proche de l'euphorie.

... : il se peut que tu te sentes un peu différent dans les premiers temps. Mais très vite tu retrouveras pleinement possession de tes... aptitudes.

Lee, qui avait toujours un peu de mal à respirer, se redressa. Ses yeux n'avaient jamais été aussi bleus.

Lee: je me sens déjà beaucoup mieux.

L'homme sourit. Il savait qu'il n'en était rien, mais Lee avait toujours fait preuve de beaucoup de courage. Malheureusement il faisait aussi parfois preuve de trop d'audace. Cela lui avait coûté très cher lors de sa dernière mission.

Lee: je suppose qu'on ne t'envoie pas ici pour rien.

L'homme sourit encore.

... : en effet. Je suis le messager. IL souhaite te confier une mission de la plus haute importance. Si tu la mènes à bien, tu retrouveras ta place parmi nous.

Lee: quelle mission?

Il éluda la question et alla se placer tout au bord de l'immeuble.

... : je me suis longtemps demandé comme j'allais t'expliquer cela. C'est vrai, tu es là, à vivre une existence humaine, tout à fait banale et éphémère, et du jour au lendemain tu découvres que tu es un ange et que tu dois empêcher l'apocalypse. Comble de l'ironie, cet apocalypse est la femme avec qui tu partages ta vie. ça ne doit pas être simple à encaisser.

Lee se relève entièrement.

Lee: qu'est ce que tu racontes? C'est quoi cette histoire d'apocalypse!

L'homme fronça les sourcils l'espace d'une seconde, mais retrouva vite le sourire.

... : j'ai du rater certaines étapes, ou bien tu fais un blocage psychologique... Ce n'est pas grave. Assieds toi, je vais t'expliquer tout depuis le début.

L'acteur se retrouva au fond d'un fauteuil miteux, sorti de nulle part.

... : il y a quelques milliers d'années, 2 et demi pour être exact, Samael, l'un des nôtres, fut déchu pour s'être estimé supérieur aux humains, mais également à son créateur. Sa compagne, Johanna, étant sur le point de donner naissance à un être céleste, il se vengea en lui jetant un sort, et disparut avec eux durant de longs siècles. Si nous l'avions retrouvé avant, l'enfant aurait été sacrifié afin de préserver la Terre et l'existence humaine. Cependant, nous sommes arrivés trop tard. Je te passe les détails sur les modifications génétiques qu'il a du mettre en oeuvre pour changer un ange en un terrifiant démon, mais il a réussi. Le démon, ou plutôt la démone, est désormais adulte et très puissante. Et dotée d'un étonnant pouvoir de perspicacité.

Lee : comment ça? Et en quoi cela me concerne-t-il?

... : le fait est qu'elle t'a retrouvé avant que nous ne mettions la main sur elle. C'est même elle qui nous attiré jusqu'à toi.

Lee: arrête de tourner autour du pot!

... : le démon, c'est ta femme. Carrie. Nous la nommons Calliel, mais tu peux continuer à l'appeler comme tu le fais d'habitude, je t'en prie.

Lee: je sais que Carrie est un démon, je l'ai vu faire des choses... étranges.

... : si tu nommes ça comme ça, c'est que tu n'as pas tout vu. Espérons que tu ne le verras jamais. Pour une raison que j'ignore, Calliel a elle même choisi de s'accoupler avec toi... Enfin de partager ta vie!

Lee: j'avais mis ça sur le compte de mon charme irrésistible...

L'homme ignora la pointe d'humour.

... : elle fait preuve de beaucoup plus de tempérance en ta présence. C'est comme si être près de toi apaisait le démon, le réduisait au silence. Et je crois que c'est exactement cela qu'elle cherche.

Lee: tu veux dire qu'elle se sert de moi?

.... : comme d'une antidote oui. Mais ça c'est ma version personnelle. Je crois qu'elle veut se venger de Samael en empêchant la prophétie de se réaliser. J'ignore comment elle a su, mais elle sait. Elle a trouvé le moyen de réduire le projet de son père à néant, et le pire c'est que pour l'instant il ne le sait pas.

Lee: astucieux. Je préférais quand même la version où elle était réellement amoureuse de moi, et que je la rendais heureuse.

... : il n'est pas impossible que les deux phénomènes soient liés. Mais c'est assez difficile à savoir venant d'elle, non? Un passé sulfureux, une grande puissance maléfique, et une forte prédisposition à la manipulation. L'hérédité ne joue pas en sa faveur. Tu veux lui faire confiance en sachant tout ça? Je t'accorde qu'elle tient beaucoup plus de sa mère, elle fait parfois preuve de ... clémence.

Lee se redressa d'un bond et marcha vers l'homme, s'arrêtant à un mètre du bord.

Lee: je lui fais confiance. Je l'aime trop pour envisager ne serait-ce qu'un instant le fait qu'elle ait pu simuler notre histoire.

... : tu es mieux placé que nous pour savoir. Et tu as un avantage sur elle. Tu sauras si elle te ment.

Lee: comment je le saurais? Et pourquoi mentirait-elle?

... : tu le sentiras. D'instinct. Et elle te mentira pour beaucoup de choses. Principalement pour dissimuler ses sentiments ou ses faiblesses. Par contre elle ne pourra pas savoir si toi tu mens. Notre entrevue reste secrète, bien entendu.

Lee: je n'ai pas l'intention de lui mentir.

.... : bien sur. Tu n'y seras pas obligé, elle ne saura même pas que tu étais parti.

Lee: je déteste l'idée de lui cacher quelque chose. Je ne suis pas doué pour ça, elle va voir qu'un truc me tracasse, et en moins de deux, j'aurais tout avoué.

... : ne t’inquiète pas, tu t'en sortiras à merveille. Mais au cas où la situation t'échapperait, si pour une raison X ou Y, le démon devait être complètement libéré et que la prophétie se mettait en route, ne laisse pas tes sentiments t'embrouiller. Tu devras la tuer, avec ça.

Il lui tendit une dague rangée dans un étui de cuir.

... : tu n'auras probablement qu'une seule chance, alors ne la gâche pas. Un coup, un seul, en plein coeur.

Lee: il n'y a pas d'autre solution? Quelque chose, une contre prophétie, une potion ?

... : si elle existait, Johanna l'aurait trouvé. Elle a cherché dans une infinité de mondes pour découvrir un autre remède, mais il n'existe rien d'autre. Tu es pour l'instant la seule chose capable de contenir le démon en veille. Et par chance, personne ne peut rien contre toi, pas même Samael. Si je n'avais qu'un conseil à te donner, c'est de continuer ce que tu fais actuellement. Protège là. Aime la, et elle restera en vie aussi longtemps que possible.

Puis, laissant là le grand brun face à l'ampleur de ses responsabilités, l'homme disparut instantanément.

De retour dans la limousine avec Lee, Carrie conserve le silence depuis la fin de son match. Elle serre dans ses bras la ceinture intercontinental, mais évite soigneusement le regard de son compagnon. Celui-ci semble au désespoir face à son mutisme, et après quelques kilomètres, ne peut s'empêcher de tenter de lui parler.

Lee: ne fais pas ça, je t'en prie.

Sa voix est brisée, retenant un sanglot. Carrie tourne aussitôt les yeux vers lui. La détresse qu'elle y voit lui brise le coeur, l'amenant elle aussi au bord des larmes.

Carrie: faire quoi?

Lee: me fermer ton coeur. La colère l'a noirci à un point que je ne peux plus y accéder. Ne les laisse pas te faire sombrer à nouveau Caroline. Tu es si loin là... c'est comme si on m'avait posé une couverture glaciale sur les épaules... je ne veux pas avoir froid. Je ne veux pas que tu t'éloignes. Parle moi.

Elle prend ses mains dans les siennes et les embrasse tendrement, puis relève la tête vers lui.

Carrie: je m'en veux tellement! Je n'aurais jamais du te laisser rester sur le ring, c'était trop dangereux! Tu aurais pu être blessé!

Lee: il n'y a pas d'autre endroit où j'aurais voulu être, ma place était avec toi. Arrête de te tourmenter pour ça. Oublie les, oublie le Bestiaire et Darkside.

Carrie : je ne peux pas! J'ai la tête pleine d'idées de vengeance, des destins funestes que je souhaite les voir embrasser! Je ne pourrais pas penser à autre chose tant que je n'aurais pas assouvi ma colère!

Lee: alors tu ne vaudras pas mieux qu'eux si tu laisses la haine assombrir ton jugement.

Carrie : c'est facile à dire pour toi, mais pour moi la colère a toujours été mon moteur.

Lee: alors trouves en un autre!

Carrie: lequel?

Lee: l'amour, le pardon, la patience, la compassion! Attaque les avec des armes qu'ils ne connaissent pas. Mais pas en dehors du ring. Brise les avec intelligence, de manière sincère et réglementaire! Il n'y a que comme ça que tu gagneras vraiment avec eux!

Soudain, les yeux de la jeune femme s'écarquillent, comme sous le coup d'une illumination.

Carrie: tu viens de me donner une idée fantastique!

Elle se jette dans ses bras et l'embrasse sur la bouche avec ardeur pour le remercier. Il l'entoure de ses bras et la serre contre lui.

De retour à la maison, les enfants se jettent dans leurs bras. Howard vient prendre des nouvelles de Lee et félicite Carrie pour son titre.

Howard: tu as fait un match exceptionnel. Venez avec moi, qu'on fête ça dignement avec une coupe de champagne!

Ils discutèrent jusque tard tous ensemble, Andréas et Eden restant collés une grande partie de la soirée au grand brun, c'est après des dizaines de chatouilles et de baisers qu'ils finirent par les endormir.

Le champagne libérant les inhibitions du jeune couple, si tant est qu'il y ait pu en avoir, un deuxième combat, bien plus sensuel celui-là, s'engagea entre Carrie et Lee jusqu'au petit matin.


Quelques heures plus tard, dans une petite clairière, un ballet des plus surprenants s'agite au son d'une musique entraînante. Des cracheurs de feu, des jongleurs, des acrobates s'activent autour d'un grand feu de joie. La joyeuse troupe aux visages souriants entourent la silhouette d'une belle brune, vêtue d'une robe de gitane, ses longs cheveux détachés sur ses épaules, et d'un grand brun. Ils dansent en rythme avec eux. Tout en sautant et en virevoltant au gré de la mélodie, elle s'éloigne un peu du groupe pour être plus audible, et commence à chanter les paroles de la chanson...


La troupe se joint à elle pour le refrain, les poings levés vers le ciel, surtout sur le mot LIBERTA.

Carrie : on est loin du jardin d'Eden, c'est vrai Darkside, mais il ne tient qu'à toi de changer ton avenir. Écoute chanter le monde, aime et reçoit l'amour. Reçois mon amour, en contrepartie de ta haine. Reçois mon pardon, en échange de ta violence. Reçois mes baisers à la place de tes coups!

Je vais te donner ce que personne ne t'a jamais donné: l'amour face à l'indifférence, la compassion à la place de la crainte. La compassion! C'est un mot que j'ai appris à découvrir: littéralement, cela veut dire "souffrir avec". Je souffrirais avec toi, à tes côtés, quand tu ouvriras ton cœur à la lumière. Quand ton âme sera libérée de sa noirceur, quand l'amour s'ancrera profondément en toi. Je t'offrirai mon épaule pour te relever, et mes bras pour te réconforter. Je te donnerai ma joie, ma passion, pour éclairer ton chemin dans la pénombre. Libère ton esprit de ses chaînes, libère toi de toi même!

A vous tous, membres du Bestiaire, vous étiez mes frères hier, vous l'êtes encore aujourd'hui! Rejoignez moi dans la lumière! Libérez vos chaînes! Libérez vos âmes et redevenez vous mêmes! Vos seuls ennemis sont vos souffrances, il ne tient qu'à vous de les faire taire, de retrouver la confiance et la paix! Vous suivez une ombre, un être qui erre dans l'obscurité, ressassant sa propre noirceur. mais cela ne vous mènera nulle part! Ouvrez les yeux tant qu'il est temps, quittez le sentier de l'anonymat, du silence et de la violence, et retrouvez votre liberté, votre indépendance! Soyez fous, osez refuser l'appel de la destruction, et fondez votre propre destin!

De vous à moi, il n'y a qu'un pas, une main tendue. Vous n'avez qu'un mot à dire, et la lumière et la joie sera à vous, rien qu'à vous. Plus de douleur, plus de souffrance, seulement... LA LIBERTE!

Darkside, écoute mon appel, entends la voix de la sagesse et du pardon, la voix du changement! Je t'offre la rédemption quand tu m'as donné le jugement! Je t'offre le bonheur quand tu m'as donné l'asservissement. Je te montre la beauté et la joie, quand tout pour toi n'est que laideur et désenchantement!

Et si tu choisis de m'ignorer, j'irai te chercher, je viendrai affronter le Mal par le Bien! Sors de ta cachette, je sais tout de toi! Tes goûts tes choix, ton cynisme, ton indifférence. Tes secrets, tes artifices... Je vois en toi comme tu vois en moi, car nous sommes faits de mêmes maléfices. Tes menaces, tes manigances, tes sortilèges, je les connais. Tes certitudes et prophéties ne sont pas gravés dans le marbre. Rien n'est écrit! Tout est magie et manipulation, illusion! C'est ainsi depuis que le monde est monde, mais la lumière triomphe toujours! Comme le soleil après la pluie, comme l'été après l’hiver, comme le jour après la nuit!

Après tout ce temps j'ai enfin triomphé du Mal qui gronde en moi. Je l'ai soumis à ma volonté, je l'ai dompté. Ce n'est pas moi qui ai commis une erreur Darkside, mais bel et bien toi en t'attaquant à Lee. Ma vie est bien meilleure depuis qu'il est dedans, il est mon univers, ma force, ma forteresse. Avec lui à mes côtés je ne crains rien ni personne, il me soutiendra afin que jamais je ne replonge dans la haine. Quand le doute reviendra, il sera là pour rétablir la vérité. Rien ne me sera impossible. Mais avant que ce jour n'arrive, je dois te battre légalement sur un ring. Pour l'honneur, alors que toi tu complotes et tu susurres à voix basse dans les couloirs. Moi je te combattrai sur le ring, à la loyale! Quand tu voudras tricher, ou quand tu m'offriras l'opportunité de le faire, je choisirais la voie de la justice! De l'honnêteté! Car il n'y a rien qui t'écoeure plus que la pureté et l'innocence, tandis que tu t'entoures du mystère et de sournoiserie.

Vois en moi ta croix à porter pour expier tes pêchés, car ils sont nombreux et inestimables. Mais le nombre de tes ennemis ne cesse d'augmenter au fil des jours. Et en définitive, le Bien triomphe toujours du Mal. peu importe le temps que ça me prend, je savourerai cette attente, je la rendrai excitante, car je sais, et tu sais aussi, que le moment viendra où tu devras ... recevoir ta peine.

Un lent sourire s'affiche sur son visage, tandis qu'elle repart danser avec les troubadours dans une grande farandole.

Lee était devant la fenêtre, à regarder la lune blanche et lumineuse. Perdu dans ses pensées, il n'entendit pas Carrie pénétrer dans la pièce en trombe.

Carrie: Lee, tu pourrais m'aider à attraper le chapeau que je souhaite porter ce soir? Je l'ai rangé tout en haut...

Elle ouvre le placard en grand, tandis que Lee se précipite pour le refermer.

Lee: pourquoi un chapeau? Tu es très belle sans chapeau. Et puis un chapeau cacherait tes magnifiques cheveux... ce serait un crime de mettre un chapeau.

Carrie lui sourit. Il était craquant quand il lui faisait des compliments, même si c'était en premier lieu pour empêcher d'ouvrir ce placard.

Carrie: c'est une cérémonie assez spéciale, toutes les femmes portent un chapeau. Est ce qu'il y a quelque chose que je suis censée ne pas voir dans cette armoire?

Lee: justement, tu n'es pas comme toutes les femmes. Je pense que tu ne devrais pas mettre de chapeau.

Carrie: d'accord, pas de chapeau. Cela dit j'ai également besoin de mes chaussures à talons hauts, qui sont aussi dans ce placard.

Lee: pas de chaussures à talons hauts. Les talons c'est pour les femmes de petites tailles et toi...

Carrie : je mesure au moins une tête et demi de moins que toi, j'aurais l'air ridicule si je ne triche pas un peu. Tu veux bien me laisser passer?

Lee: d'accord, mais tu fermes les yeux.

Elle ferme aussitôt les yeux et tend les mains. Bien sur, dès qu'elle entend la porte glisser, elles les rouvrent à moitié par curiosité.

Lee: hum hum, je te vois!

Elle referme les yeux, juste à temps pour le voir prendre une boite et la glisser dans sa poche de smoking. Puis elle sent qu'il pose dans ses bras la boite contenant son chapeau et les chaussures par dessus.

Carrie: pas celles ci, les rouges iront bien mieux avec ma robe.

Lee: c'est vrai.

Il échange les chaussures et la regarde s'asseoir sur le lit pour enfiler les talons aiguille.

Lee: comment fais tu pour tenir des heures perchée là dessus?

Carrie: facile, dans ce type de cérémonie on passe très peu de temps debout. Et il y a toujours une âme charitable pour vous soutenir par le bras.

Elle se relève et vient se positionner juste devant lui, avec ses dix centimètres en plus. Il la couve d'un regard admiratif, comme si sa vue le bouleversait.

Lee: tu es magnifique! Cette robe ... on dirait qu'elle a été faite juste pour que tu la portes. Laisse moi être ton âme charitable ce soir..

Elle prend son visage dans ses mains et l'attire vers le sien pour l'embrasser.

Carrie: tu l'es déjà. Et pas seulement pour ce soir.

Puis elle lui fait un clin d'oeil et l'embrasse longuement. Lee pose la main sur la poche de sa veste, puis enlace sa compagne avec délicatesse. Après ce baiser, ils quittent la chambre à regret.

Une heure après, Carrie suivait Lee, accrochée à son bras, à la fois à cause de ses chaussures qui lui prodiguaient une douleur aigue, mais également parce qu'il était maintenant clair pour elle que ce genre de soirée était une vraie corvée. Les sourires de façade s'enchaînaient, les faux discours et les promesses de se recontacter plus tard tout aussi insupportables. Et tout à coup, ils tombèrent sur la grand blonde aux lèvres pulpeuses, Miss Grisby, flanquée de son nouveau protégé, un jeune acteur qui n'avait même pas vingt ans. Scandaleuse dans sa tenue échancrée et quasiment transparente, elle  se jeta sur Lee comme si elle ne l'avait pas vu depuis des années, feignant une intimité propre à un vieux couple d'amants.

Miss Grisby: Lee chéri! Comment vas tu ? Toujours aussi craquant... Il est beau n'est ce pas?

Elle s'exprimait comme si tout le monde n'écoutait qu'elle, ce qui il fallait bien le reconnaître, attirait immanquablement le regard des gens qui les entouraient. Elle daigna enfin poser les yeux sur la lutteuse, qui elle ne cachait pas son mépris pour l'agent. Lee lui donna un coup de coude et lui fit les gros yeux afin qu'elle reste courtoise. Mais cela eut l'effet inverse, Carrie prenant ça comme une sorte de trahison.

Carrie: trop, sans doute.

Elle fit un petit sourire à son compagnon, puis tendit la main vers l'agent, qu'elle écrasa dans la sienne. Puis dit en la relachant:

Carrie: vous devez être Miss Grisby? J'ai beaucoup entendu parler de vous... Mais dites moi, pourquoi miss? Vous n'êtes plus une adolescente depuis au moins quarante ans, et vous êtes divorcée je crois non?

La blonde perdit son assurance et rougit sous le coup de la confusion. Mais elle ne se laissa pas démonter.

Miss Grisby: c'est un pseudo, tout comme le vôtre, Carrie je crois. Ou bien la démone, la sorcière, ou encore la briseuse de coeurs... vous n'avez pas ramené vos sortilèges ou vos démons avec vous, ou bien votre troupe de saltimbanques, j'espère? C'est vrai que la soirée manque un peu d'animation, mais on n'est pas dans un spectacle de divertissement pour les petites gens ici.

Lee n'aima pas du tout le tour que prenait la conversation. Mais il aima encore moins le sourire qui s'afficha sur le visage de Carrie. Comme si son adversaire venait de lui donner une bonne raison d'en finir avec elle. Sans lui laisser le temps de répliquer, il l'entraîna avec lui en prétextant avoir vu quelqu'un, une vieille connaissance... puis il la réprimanda avec un ton sévère.

Lee: tu jouais à quoi?

Elle se retourna vers lui.

Carrie: non, toi tu joues à quoi? Cette garce te dévore des yeux devant tout le monde, et toi tu ne trouves rien d'autre à faire que de lui rendre ses sourires dégoûtants et ses yeux de biche éperdue!

Lee resta bouche bée dix secondes en stoppant son avancée, puis la rattrapa par le bras.

Lee: je ne lui fais pas de sourires dégoutants et ni d'oeillades de biche éperdue!tu es... jalouse de miss Grisby?

Carrie se dégagea, la colère commença à lui monter au nez.

Carrie: la jalousie est mortelle, je déteste ça. Non je ne suis pas jalouse!

Tout son corps semblait pourtant prouver le contraire: ses yeux, sa respiration accélérée, ses poings  et sa machoire serrés. L'ange n'avait pas menti, Lee était bel et bien capable de voir si Carrie était sincère ou pas. Et c'était très agréable!

Lee : si tu es jalouse! ça se voit comme le nez au milieu de la figure. Pourquoi tu es jalouse de Miss Grisby? Il ne s'est jamais rien passé entre elle et moi.

Carrie: rien que le "elle et moi" est insupportable à entendre. Rentrons, j'en ai assez vu pour ce soir.

Lee: on vient d'arriver il y a à peine une heure!

Carrie: et bien c'est déjà une heure de trop!

Conscient que leur dispute commençait à se faire remarquer, il la suivit vers la sortie. Après tout, elle ne lui avait jamais caché qu'elle détestait ce genre de soirée, et si elle était là c'était juste pour lui faire plaisir. Et lui ne trouvait rien de mieux que de jouer de la situation. Il se sentit beaucoup moins fier tout à coup. Cela dit, elle lui avait au moins confirmé en se montrant possessive qu'elle éprouvait bel et bien quelque chose de sincère à son égard. Alors qu'ils récupéraient leurs manteaux et qu'il l'aidait à l'enfiler, il poursuivit.

Lee: je t'assure qu'il ne s'est rien passé. Jamais, et il ne se passera jamais rien avec cette... mégère.

Il prit ses épaules et la força lentement à lui faire face, puis plongea son regard dans le sien.

Lee: c'est toi que je veux. Toi et seulement toi.

Il s'abaissa très lentement vers elle et déposa une baiser très doux sur ses lèvres. Baiser qu'elle lui rendit de façon nettement plus passionnée, à le faire rougir de passion devant un petit groupe de photographes qui s'en donnèrent à coeur joie. Et surtout sous le nez de Miss Grisby qui cherchait son ancien acteur favori partout, et qui venait de le retrouver dans les bras de la sulfureuse Carrie. Game Over Miss Grisby! Après avoir repris son souffle, il lui demanda:

Lee: j'ai envie de t'emmener quelque part. Une surprise. Tu veux?

Elle lui sourit et grimpa dans la limousine.

Carrie: d'accord.


Il s'engouffra à son tour et le voiture s'engagea dans la circulation de la ville. Quelques kilomètres plus loin, le chauffeur les déposa devant un piano bar très chic. Dans l'ambiance feutré de l'établissement, un serveur les conduisit jusqu'à une petite table un peu à l'écart, qui surplombait un peu les autres clients, tout en restant très discrète. Carrie fut tout de suite grisée par l'atmosphère du lieu. Le pianiste était brillant, et la voix douce de la chanteuse émouvante. Lee commanda deux cocktails et observa le visage serein et souriant de sa compagne. Jusque là, la soirée ne s'était pas passée tout à fait comme prévue, mais il comptait bien se rattraper avec le piano bar, sachant pertinemment qu'elle adorait ce genre de lieux et d'ambiance, intime et romantique. Durant l'heure qui suivit, ils oublièrent tout ce qui se trouvait en dehors de cet endroit magique. Ils n'étaient plus que tous les deux, les yeux dans les yeux, entrelaçant leurs doigts...

Alors qu'ils sortaient de l'établissement, il glissa le bras de la jeune femme sous le sien et l'entraîna avec lui dans la rue bien éclairée du centre ville. Il faisait un peu froid et le vent soufflait un peu.

Lee: la soirée t'a plu?

Carrie: beaucoup, surtout la deuxième partie, pour être honnête.

Lee lui sourit.

Lee: je m'en doutais.

Carrie: comment tu fais pour savoir toutes ces choses? Ce que j'aime, ce que je déteste...Tu lis dans mes pensées?

Lee: non. Je te regarde, je t'écoute. J'essaye d'être à la hauteur. De te surprendre?

Carrie rit avec légèreté.

Carrie: me surprendre?


Ils grimpèrent les quelques marches qui les séparaient d'une petite place, surplombant la ville, et qui donnait un panorama absolument magnifique surtout la nuit. Une musique douce provenait de cet endroit. Un violon semblait il, ainsi qu'un piano. Alors qu'ils arrivaient sur la place, Carrie étouffa un cri de surprise. Après le piano sur sa propre terrasse, c'était un concert privé qu'il lui offrait, dans un décor digne d'un scénario romantique. Des dizaines de guirlandes blanches éclairaient la place, et sur le sol des centaines de pétales rouges s'étalaient à perte de vue. Elle se mit à rire et enleva ses chaussures. Il la regarda étonné, puis fit pareil. Il la rejoignit et l'attira à lui pour l'enlacer. Au son de la mélodie, il l'entraîna dans la danse et la fit tournoyer, avant de la reposer délicatement sur un petit banc en pierre. Il aimait entendre son rire dans le silence de la nuit.

Elle cessa de rire en le voyant sortir une petite boite de sa poche de smoking. En croisant son regard, elle comprit que c'était exactement ce à quoi elle pensait. Il ouvrit la boite, en extrait une bague fine et scintillante, et la voix tremblante et émue, il lui demanda:

Lee: Caroline, est ce que tu veux devenir ma femme?

Elle porta les mains devant sa bouche sous le coup de l'émotion. Puis elle prit son visage dans ses mains et l'embrassa sur la bouche.

Lee: alors?

Il cherchait sa réponse dans ses yeux, mais elle était tellement boulversée qu'il se demanda si elle n'allait pas faire un malaise.

Lee: Carrie? Tu comptes me répondre un jour? Les musiciens vont bientôt partir, ça va me casser mon scénario et ...

Carrie: oui!

Lee: oui quoi? Tu veux dire oui je le veux ou oui tu vas me répondre ou oui les musiciens vont partir ou...

Carrie: oui, je veux être ta femme.

Il la prit dans ses bras et l'embrassa passionnément, tout en tournant sur lui même.

Lee: tu fais de moi le plus heureux des hommes.

Carrie lui sourit avant de l'embrasser encore.

Carrie: je t'aime!

L'ambiance est feutrée dans le petit studio d'enregistrement de la SOW, où Lee a été convié par Eve. Il est très tôt et l'équipe sur place est réduite. L'atmosphère est calme, propice à la confidence. Comme à son habitude Lee est très souriant, agréable avec tout le monde. Eve l'accueille chaleureusement et l'invite à s'asseoir sur le canapé blanc tandis qu'elle s'installe sur le fauteuil proche. On leur installe les micros et quelques minutes plus tard, l'interview débute.


Eve: bonjour Lee Pace, comment allez vous?

Lee: bonjour Eve. Je vais bien merci, et vous?

Eve: très bien! Je vous remercie d'avoir répondu favorablement à notre invitation.

Lee: je vous en prie.

Eve: vous vous doutez un petit peu du sujet de notre interview?

Lee se met à rire.

Lee: je suppose que ce n'est pas pour parler du dernier film dans lequel j'interprète un rôle ? (rires)... ça me fait vraiment bizarre, j'ai presque plus de notoriété grâce à ma femme que pour mon job ... j'devrais me sentir un peu... vexé je suppose? (rires)

Eve rit aussi.

Eve: vous l'êtes?

Lee: no!... c'est assez drôle parce que ça marche aussi dans le sens inverse. Carrie reçoit beaucoup plus d'invitation pour des émissions dans lesquelles on ne l'aurait jamais invité.

Eve: c'est du à votre histoire?

Lee: certainement. Elle ne veut pas y aller... elle dit que s'ils étaient assez bêtes croire qu'elle n'était pas assez bien pour leur émission avant, elle n'allait pas devenir subitement plus intéressante maintenant qu'on est ensemble.

Eve: vous pensez qu'il y a une certaine forme d'élitisme à la télévision?

Lee: je le pense. Avouez que c'est tout de même rare de voir des catcheurs à la télévision, à part dans des émissions sportives. Mais Carrie adore son métier, ses fans, son mode de vie. ça ne lui manque pas tout ce tapage médiatique, au contraire.

Eve: et vous, vous aimez ça?

Lee: ça fait partie de mon métier. Mais je préfère être sur un tournage pour un film que tourner une interview j'avoue... (rire)

Eve: (rires) ... on a eu écho de votre petite escapade en amoureux ce week end, avec une nouvelle qui a été très vite relayée par vos fans et ceux de Carrie: votre demande en mariage! Alors elle a dit oui? (rires)

Lee: (rires) Yes, she said yes! Oh God, Help Me! (rires)

Il lève les bras et sert les poings en manifestation de sa joie. L'acteur a l'air très ému, heureux, il a les larmes aux yeux. Eve lui fait un signe pour savoir s'il veut arrêter le tournage, mais il lui fait signe que non, ça va passer.

Eve: vous avez l'air très ému... on sait votre relation avec votre fiancée est très fusionnelle, mais personne ne s'attendait à un mariage aussi rapidement. Ce n'est pas un peu tôt?

Il réfléchit un peu avant de répondre, cette fois plus sérieux.

Lee: vous savez, on attend souvent le bon moment, sans comprendre que celui-ci ne viendra peut être jamais. Parfois on croit que c'est trop tôt, mais personne ne sait ce qui peut arriver demain, ou dans une heure! Peut être qu'on ne sera plus de ce monde et que finalement, on aura raté l'occasion d'être heureux. S'il y a une chose que j'ai bien compris avec Carrie, c'est qu'il ne faut jamais perdre de temps. Le temps, c'est précieux, tout autant que la vie. D'une seconde à l'autre tout peut changer.

Eve: bonne philosophie. Vous avez fixé une date?

Lee: non. Mais ça se fera sûrement bientôt, lors du tournage de mon prochain film.

Eve: j'ai cru lire quelque part que Carrie allait contribuer à la réalisation?

Lee: oui, mais de l'autre côté de la caméra cette fois. C'est un rêve qu'elle a depuis longtemps, et l'opportunité s'est présentée. Et je suis certain que ce n'est que le début de sa carrière dans ce domaine, elle a ... un don pour la mise en scène, la science fiction... c'est inné chez elle.

Eve: vous allez donc tourner en Malaisie, c'est une première fois je crois?

Lee: oui. Mon personnage, Michael, et sa femme Janet sont sur le point d'adopter un enfant là-bas. Mais tout va être compliqué et dès que l'avion va se poser, rien ne va se passer comme prévu. C'est une histoire très sympa.

Eve: tiré d'un fait divers réel?

Lee: en partie oui. J'ai vraiment été très touché par le scénario, il y a beaucoup d'émotions, et la fin est vraiment surprenante. Carrie a adoré l'histoire, je n'ai pas pu toucher au scénario le temps qu'elle le lise! (rires). Je crois qu'elle aurait aimé jouer le rôle de Janet! (rires) ... j'ai quand même conseillé à Famke Janssen, qui joue le rôle de Janet, d'éviter de passer devant Carrie dans les escaliers, au cas où ! Un accident est si vite arrivé ! (rires)

Eve: (rires) c'est plus prudent en effet! Pour en revenir à Carrie justement, le Pay Per View était assez intense, Darkside et ses sbires s'en sont pris à vous physiquement. ça n'a pas été trop difficile à encaisser?

Lee : (rires) pour moi non! Je m'étais préparé à cette éventualité. Depuis quelques temps, je prends des cours particuliers avec un coach. Et Carrie est une véritable athlète, on passe des heures à s'entraîner, à courir. Je me demande si elle n'est pas un peu hyperactive! Enfin, toujours est-il qu'on a préparé une petite surprise pour Darkside, lundi. Et une pour les fans aussi.

Eve: même pas un petit spoiler pour nous?

Il sourit.

Lee: ce ne serait plus une surprise, et Carrie m'en voudrait si je vendais la mèche deux jours avant Injection (rires).

Eve: merci en tout cas d'être passé nous voir Lee.

Lee: merci à vous.

Il incline la tête en signe de reconnaissance et sourit. Le tournage s'arrête et les ingénieurs du son les débarrassent du matériel, après quoi Lee et Eve se serrent la main. L'acteur quitte le studio et s'éloigne en direction de la loge de sa fiancée.

Un simple clair de lune pour éclairer les corps de Carrie et Lee, allongés sur le lit immense.  Le visage du grand brun est au dessus de celui de la belle démone, ils se regardent en silence. Il touche du bout des doigts les ecchymoses  sur sa peau. Son arcade est à peine soignée, et une petite goutte de sang coule de sa blessure. Lee s'approche lentement et embrasse son front, puis sa tempe, avant de baiser sa plaie. Le contact aurait pu être douloureux mais au contraire, la goutte de sang disparaît, et la peau se referme presque instantanément. Carrie sent tout son corps se détendre soudainement, le tiraillement n'est plus là.

En voyant le visage serein de son fiancé, elle comprend qu'il est maintenant au courant de sa nature divine, mais qu'il n'en connaît pas encore les avantages, sans quoi il aurait été surpris de la voir guérir à son contact. Elle caresse son visage avec sa main, avec beaucoup de tendresse, et attire ses lèvres vers les siennes. Leur baiser est empli d'amour et de sincérité. Lorsqu'il parle, sa voix est un peu plus rauque que d'habitude.

Lee: je ... ne supporte pas qu'on te fasse du mal... Je me suis senti impuissant ce soir... J'aurais voulu t'aider, t'aider vraiment... si seulement je savais lutter moi aussi, j'aurais surement pu faire quelque chose...

Il l'embrasse à nouveau, la serrant doucement dans ses bras, avec d'infimes précautions. Carrie lui sourit avant de grimacer, son bras lui faisant mal. Il sursauta et s'écarta légérement, puis posa lentement sa main sur la plaie. Elle se referma également. La démone ferma les yeux et se laissa envahir par un profond sentiment de chaleur et de bien être. Lee eut l'air un peu surpris par l'intensité de la réaction de sa compagne. Elle avait la même expression sur son visage que lorsqu'ils faisaient l'amour. Quand elle rouvrit les yeux, elle se sentit obligée d'expliquer ses sensations.

Carrie : ne t'inquiéte pas ... tu es... comme une drogue, une antidote. Tes pouvoirs atténuent les miens mais ils peuvent aussi me guérir ou me rendre plus forte. Je ne me régénère pas comme les autres espèces, pas comme toi, pas comme les vampires. Il me faut plus de temps, plus d'énergie pour guérir d'une blessure. Sans intervention, je cicatrise plus lentement. Certaines ne disparaissent jamais. Comme si c'était prévu dans mes gênes, un moyen de m'affaiblir. Une faille, en quelque sorte. Darkside le sait, c'est pour cela qu'il a été aussi violent. Il voulait que je tombe devant lui.  

Lee: tu as perdu beaucoup de sang... tu t'es évanouie dans mes bras en sortant de l'arène! S'il t'arrivait quelque chose ... !

Elle lui sourit en le voyant tourmenté ainsi, alors que d'un geste il pouvait la tuer.

Carrie: ne t'en fais pas. Cela va mieux maintenant. Tu es là, et tu m'as guéri...

Lee: si j'avais su que cela aurait un effet aussi immédiat, j'aurais agi bien avant ...

Carrie prend sa main et la pose sur ses lèvres. Elle embrasse sa paume, ses doigts, puis ouvre les lévres et les caresse de sa langue.

Carrie : je vais beaucoup mieux, je n'ai même plus mal... par contre, j'ai très envie de te remercier.

Ses yeux se voilent subtilement. Lee reconnut ce regard, mais il n'osa  pas donner libre cours à son désir, de peur de lui faire mal. Elle lui sourit à nouveau, comme si elle comprenait ses craintes.

Carrie : tu ne me feras pas mal. Tu ne me feras jamais de mal, Lee.

Son abandon total dans ses bras le submergea de remords... si elle savait... si elle savait à quel point il pourrait lui en faire! A quel point il détestait le fait d'être celui qui devrait la tuer, si elle devenait le monstre qu'elle était destinée à devenir! A cet instant, dans cette enveloppe humaine, charnelle, elle était Caroline, sa future femme. Ses yeux clairs, son sourire ensorcelant, ses cheveux si doux, le parfum de sa peau...  enivrants... Sera-t' il capable de mettre un terme à son existence, même si l'humanité toute entière était en danger? Lui qui n'a jamais aimé personne d'autre à part Dieu, n'a jamais ressenti une telle joie à partager ses jours avec un autre être, pourra-t' il mettre fin à ce bonheur pour sauver des humains? Dieu l'avait déjà banni du saint sanctuaire une fois, l'éternité à errer dans les abîmes lui semblait soudain acceptable...

Carrie le ramena à elle de la plus belle des manières. Elle se glissa sur lui et posa sa bouche sur la sienne, balayant d'un baiser ses doutes.

Le ciel est chargé de nuages gris, la pluie se répand sur de grands champs laissés en jachère. Le vent s'amuse avec l'herbe, dessinant des sillons dans la vallée.

Carrie est débout dans une clairière, l'herbe est si haute qu'elle lui arrive au dessus des hanches. Ses longs cheveux dissimulent son corps que l'on devine dénué de tout vêtement. Elle se tient droite, les bras écartés, l'eau ruisselant sur elle tandis que des éclairs déchirent le ciel. La caméra la filme de dos, puis tourne autour d'elle pour se retrouver devant. Elle relève la tête et dévoile son visage de démon, sa peau grisée et les veines sombres saillantes. Lorsqu'elle ouvre les yeux, ils sont complètement noirs.

Carrie: sorcière... démone...

Sa voix est basse, sombre. Puis elle rit si doucement qu'on l'entend à peine.

Carrie: humaine?

Elle rit plus fort. Puis s'arrête subitement et cesse de sourire.

Carrie: si seulement cela était possible! Tu sais qu'il n'y a pas de sortilège pour ça, pas de potion ou de guérison possibles! Si cela était, alors je serai humaine oui. Depuis fort, fort longtemps. Depuis des millénaires, et quelques siècles.

Elle balaye l'herbe d'un geste de la main, le vent suit le mouvement et souffle un peu plus fort.

Carrie : j'aime t'écouter parler de moi, de plus en plus. Et plus tu parles de moi, plus tu prétends que je ne suis rien ni personne, que je ne t'intéresse pas. Pourtant, tu recommences. A chaque fois. Inexorablement, comme si je m'imposais à ton esprit. Tu ne peux pas faire autrement, je fais même disparaître à tes yeux les Blood Diamonds...

Son sourire s'élargit, à tel point que sa bouche a l'air plus grande que d'habitude, dévoilant de fines petites dents pointues parfaitement alignées.

Carrie: pour quelqu'un qui ne me prête aucune attention ... tu es très expansif. Mais je suis généreuse maintenant... je vais te rendre la politesse. Mais par quoi commencer? Ton idéologie? Pourquoi pas, c'est la base de ta révolution. D'où sort cette idée et où va-t-elle? Avec le recul, je dirais que ce n'est pas la tienne, de tout temps on a vu des entités du Mal sortir de l'ombre et tenter de prendre le pouvoir. Mais à chaque fois elles échouent et repartent dans l'ombre... Ton mouvement suivra donc cet inexorable destin, que tu le veuilles ou non. Prétendre le contraire c'est juste un mensonge... Ohhhhh un mensonge... non pas possible! Ne serait ce pas là un réflexe... humain?

Elle secoue la tête négativement en souriant.

Carrie: le pire dans tout ça c'est que ce n'est pas ta première tentative. Tu as déjà fondé plusieurs mouvances du même style ... et à chaque fois, le même schéma s'est reproduit, pour x raison le Bestiaire, ou peu importe le nom que tu lui as donné, est né, a vécu au mieux quelques mois, puis est redevenu poussière. Le nouveau bestiaire ne fera pas exception à cette règle. Vous n'êtes plus que trois. Trois misérables esprits guidés par la haine et une certaine soif de vengeance! Tandis que de l'autre côté, tu as chaque semaine de nouveaux ennemis. La liste s'allonge et votre temps est compté. Mais je laisse aux nouveaux Blood Diamonds le soin de vous détruire, car c'est dans l'ordre des choses, c'est ainsi que cela doit être et que cela sera. Les choses évoluent et tout à coup, ce ne sont plus les rejets de la société que vous devrez affronter, mais d'anciens alliés. De toute part et de tout temps, ceux qui étaient autrefois avec toi sont maintenant contre toi. Tous t'ont trahi ou ont tracé leurs chemins loin du tien, comme si tu empestais la défaite! Car c'est la seule chose que l'on retient de ton mouvement : un long et inévitable échec! Plus personne ne croit en toi et en ton idéologie! Les deux brutes qui restent à tes côtés ne sont là que parce qu'ils n'ont pas d'autre endroit où aller, pas de no mans land où se cacher. A l'issue de votre mutinerie foireuse, Prime les fera végéter, tout comme toi quand tu seras réduit à néant. Vous pourrirez tels des alumnis dont plus personne ne veut voir ou entendre le nom. Les grands gagnants dans le Bestiaire, ce sont ceux qui ont ouvert leurs yeux et leurs coeurs à la lumière! Comme Yan et moi. Nous avons accepté la main qu'un être nous a tendu. Tu peux satiriser ma relation avec Lee, rien ne l'entachera. L'histoire est originelle, brute. Comme de pures starlights!

Son rire est plus mélodieux, elle regarde quelques étoiles qui scintillent dans le ciel, alors que celui-ci s'est dégagé pour laisser la démone les apercevoir. Puis elle fait quelques pas en se retournant et reste dos à la caméra.

Carrie: tu n'es qu'un hypocrite Darkside. Tu me méprises pour aimer et pour avoir de la compassion envers les humains. Mais n'est ce pas toi qui as rendu son humanité à Bomb? Quel Dieu es-tu pour conspuer les humains et pourtant transformer une créature du Mal en ce que tu méprises le plus! Tu n'es qu'un fourbe et un menteur. Rien de ce qui sort de ta bouche n'est vérité, ni ta soit disante bonté envers ceux qui te servent ni ta haine envers ceux qui t'ont trahi. J'ai encore dans ma tête notre conversation sur les sentiments humains... moi je crois au contraire que c'est justement l'analyse de ces sentiments, son exploitation à tes seules fins qui accréditent ta quête. Tu n'es rien sans eux, ta vie éternelle est une longue et ennuyeuse mascarade. Tout ceci te divertit, purement et simplement, alors ne vient pas me parler d'idéologie ou de purification. Ce n'est qu'une façade pour cacher la vérité.

Bientôt tout cela prendra fin, tu retourneras dans l'obscurité et dans l'ennui. Dans les bas fonds! Mais tu ne seras plus jamais champion. En fait... c'est bel et bien toi qui n'est déjà plus rien... Un Dieu n'existe que si l'on croit en lui, et qui croit encore à la toute puissance du Bestiaire depuis notre départ? Qui croit encore en toi, Darkside? Tes deux molosses? Cela ne suffira pas. Cela ne suffit déjà plus. Lundi nous nous retrouverons à nouveau, accompagnés tous les deux de proches alliés. Je connais leur loyauté à mon égard. Je sais leur capacité à vous empêcher de nuire. Nous jouerons avec nos règles. Mais nous nous accommoderons des vôtres! Attends toi à plus que de la haine, car nous nous battrons pour la liberté. Et il n'y a pas plus puissant qu'un homme libre pour lutter contre un oppresseur. Nous n'avons pas d'autre revendication que de défendre notre droit à l'indépendance, et notre volonté de sauver la SOW de la médiocrité de ta cause perdue!

Elle se tourne légèrement, jusqu'à se trouver de profil. Le vent écarte un peu ses cheveux, dévoilant sa hanche et sa jambe fuselée.

Carrie: la Sow survivra...

....AGAIN!

Puis elle se tourne et s'en va.