Du haut de son trône doré, la démone observe le monde des humains à travers la porte des Ombres. Alors qu’elle esquisse une moue dubitative devant le discours de Darkside, Grégor pénètre dans la vaste et luxueuse salle de conférence. La démone lui sourit. Seul le général de ses armées avait droit à un tel traitement de faveur, dû à sa loyauté infaillible.

- Tes sujets commencent à tourner en rond là haut, Carrie.

- Qu’ils aillent au Diable, ils connaissaient leur sort et à regarder de près, ils s’en contentent fort bien. Regarde les nombreux exemples de démons qui se lamentent et défaillent...

D’un geste elle montre à travers la porte Darkside, Draven, Pétale, et même son compagnon, El Verdugo.

- Nos frères de sang ont choisi la monotonie de la vie terrienne plutôt que le feu brûlant et excitant de l’Enfer. C’est leur choix. Mais ils savent que cela n’est qu’une trêve. Tôt ou tard ils seront rappelés par mon père pour se battre à nos côtés. En attendant, chacun tue le temps comme il le souhaite. Certains préfèrent jouer avec les humains, d’autres se morfondent, d’autres massacrent à tour de bras.

- Et toi, qu’as-tu choisi ?

Carrie fixe le grand brun au corps parfait qui se rapproche d’elle. C’eut été un autre elle l’aurait enflammé d’un regard sur le champ pour avoir osé bafouer la distance de respect. Mais c’était son ami, presque un frère. Elle l’avait sauvé des Enfers flamboyants, bravant par là même le geste de mort décidé par son amant, et par son propre père. Elle lui avait redonné honneur et puissance et fait périr dans d’atroces souffrances les serviteuses de Rafael pour avoir massacré son armée. Aujourd’hui, il avait la lourde tâche de gérer ses nombreuses sentinelles, ici comme dans les autres mondes.

- Pour l’instant, j’ai choisi de les observer. Ils sont comme des cobayes qui s’agitent en tout sens, en gueulant qu’ils sont supérieurs aux humains qu’ils exploitent. En vérité, plus le temps passe et plus ils leur ressemblent, s’imprègnent de leur puanteur et de leur stupidité.

- Tu es dure avec eux. (il se servit une coupe de sang en plongeant son regard dans le sien). Mets toi à leur place, ton père les laisse sans ordre, sans mission, avec pour seul objectif de patienter jusqu’au moment ultime. Cela peut être dans des siècles, cela peut être demain. Ce sont des démons, ils ont besoin d’action, de divertissement.

- Et à quel moment as-tu vu du divertissement ? A quel moment ont-ils prouvé leur supériorité ? Ils pourraient les écraser en quelques secondes sans faire le moindre effort, ils pourraient ravir les plus hautes distinctions juste en infléchissant les dirigeants ! Au lieu de cela, ils stagnent et s’ensevelissent dans les profondeurs pitoyables de la SOW ! Regarde les nos guerriers ! Qui sont-ils sur terre ? Des révolutionnaires ? Des dictateurs ? Des soldats ? Non ! (Son visage blême reste indescriptible alors que sa voix trahit une colère sous jacente). Ils ne sont que des bouffons destinés à amuser le peuple humain ! J’ai honte de les voir ainsi, bataillant sans envie, sans noblesse, sans but ! Ils sont la risée de notre espèce ! Leur comportement est tout simplement médiocre et impardonnable !

- Je suppose que tu as prévu quelque chose pour les sortir de leur torpeur ?

Sa voix se fait plus douce, enchanteresse, alors qu’elle se lève gracieusement et s’avance vers lui et prend la coupe qu’il lui tend. Avant de la porter à ses lèvres, elle lui fait un aveu.

- Patience, Grégor, patience.

D’une traite la démone aux courbes voluptueuses s’abreuva de sang pur puis jeta la coupe dans le brasier qui s’ouvrit devant elle.